La beauté sauvera le monde. Conférence d'Etienne Barilier. Saint-Maurice, le 14 septembre 2007. - Salle du Martolet. Devant 850 lycéens.
- Présentation du conférencier par Damien Clerc, jeune prof de philo. Relève l’incarnation du verbe multiforme dans l’œuvre de Barilier, du roman à l’essai et des arts au sport.
- Dimension de la recherche du bonheur.
- Evoque la valeur de l’acte philosophique « pour ne pas subir sa vie « (applaudissements nourris).
- Etienne Barilier rappelle d’où vient la fameuse phrase de Dostoïevski.
- Dans la bouche du prince Mychkine, protagoniste de L’Idiot.
- La phrase est paradoxale, voire scandaleuse, notamment pour des chrétiens, aux yeux desquels le Christ est supposé sauver le monde, pas la beauté.
- Le salut du monde n’a rien à voir avec ce qu’il est aujourd’hui, réduit à « sauver la planète ». - Le sauvetage écologique s’est substitué au salut.
- Son horizon est essentiellement métaphysique, ou religieux.
- Qu’est-ce alors à dire ?
- Le débat sur La Beauté, en tant que telle, paraît dérisoire en un monde mondialisé où tout est devenu relatif.
- Quelle beauté ?
- Pour Dostoïevski, la beauté physique fait signe vers une autre réalité, d’ordre métaphysique.
- Rappelle alors de quelle beauté parle plus précisément Mychkine.
- Introduit le personnage de Nastassia Philipovna, dont la beauté est chargée à la fois d’innocence et de tribulations. Beauté blessée en quelque sorte. « Dans ce visage il y a bien de la souffrance », remarque Mychkine.
- La relation de celui-ci avec Nastassia relève autant de l’amour que de la compassion, de l’Eros que de l’Agapè.
- Cette acception de la beauté suppose donc un rapport avec le monde intérieur.
- Cite Kierkegaard (Ou bien… ou bien) à propos du dépassement de la beauté physique, précisément.
- La beauté suscite un élan, physique d’abord.
- Note ensuite que la beauté nous comble et nous insatisfait à la fois.
- « La beauté, c’est ce qui reste quand on a tout possédé ».
- Très bonne formule je trouve.
- Puis remonte à l’origine de toute réflexion sur la beauté, avec Platon.
- Tout ce qui est beau est reflet d’une Idée.
- Référence au Phèdre.
- La Beauté est la seule des Idées éternelles qui soit à la fois perceptible par nos sens, visible et palpable.
- La beauté révèle.
- Ruse de la nature ?
- Oui si l’on en reste à sa seule incarnation, alors que le désir fait signe vers le désir d’immortalité.
- Se réfère alors à la métaphysique de la lumière.
- La lumière est elle-même visible et invisible.
- Que la beauté est lumière. Pour Platon : elle éclaire les Idées.
- En vient ensuite à la relation qu’il a maintes fois illustrée entre Beau, Bien et Vrai.
- Relève que Dostoïevski est aussi platonicien, à cet égard, qu’il est chrétien.
- Remarque que dans l’Evangile de Jean, la parole « je suis le Bon berger » doit être re-traduite plus exactement : « Je suis les Beau Berger »…
- Aborde ensuite la discussion de la conception platonicienne par les Modernes.
- Le bilan totalitaire et génocidaire du XXe siècle ne réduit-il pas la trinité beau-bien-vrai en miettes, étant entendu que des admirateurs du beau ont commis les pires crimes ?
- Récuse l’objection en stigmatisant le culte du beau pour le beau.
- Platon lui-même parlait d’un esclavage du beau.
- Kierkegaard a fait la même distinction.
- La solidarité Beau/Bien/Vrai est un possible, un vœu virtuel, et non un postulat inamovible.
- « Le beau n’est pas une machine à produire du bien », dit Barilier.
- La contradiction implique alors la référence à une autre instance : de la liberté de l’homme.
- La beauté n’a certes pas sauvé le monde du nazisme. Mais les religions non plus.
- De la beauté du culte esthétique, première impasse, enchaîne sur la deuxième, d’une beauté soumise au bien.
- Cite le photographe empilant des corps nus au bord du glacier d’Aletsch et invoquant son aspiration à « sauver la planète ». Autre foutaise.
- Du culte de la beauté, on passe à un art soumis à une morale « culturelle».
- Revient au platonisme à propos d’une autre objection : qu’il serait trop exclusivement provincial, dans le sens d’une production essentiellement occidentale.
- Montre que les trois notions existent dans les autres cultures, et que le génie de Platon n’a pas tant consisté à les associer qu’à les dissocier au contraire, pour les définir avant de les mettre en relation.
- Prend deux exemples « exotiques ».
- De François Cheng en premier lieu, dans ses Cinq méditations sur la beauté, que dit que le beau est forcément lié au bien.
- Rappelle que Cheng cite lui-même Dostoïevski.
- Donne en outre l’exemple du philosophe shintoïste Nishida Kitarô, qui ne dit pas autre chose.
- Conclusion sur le dépassement du désir par l’aspiration à la perfection, telle que la vit Dante avec Béatrice dans sa recherche de la « diritta vita » que décrit la Divine Comédie.
- Fin du speech. Ovation de la salle. Retour au soleil : beau temps sur le gazon, belle jeunesse lézardant.