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De la rencontre

f739740971fae28046906ccde449bc17.jpgSur une phrase de Max Dorra

«Une bonne rencontre est celle qui permet de co-renaître », écrit Max Dorra, « chacun apportant à l’autre, malgré la différence des instruments, des timbres, la note qui manquait à un accord enfin résolutif ». Or lisant tout haut cette phrase à celle que j’ai rencontrée pour de bon en 1982 après divers essais infructueux de part et d’autre à travers les années, je l’entends me dire : « c’est pile mon sujet de mémoire, ça recoupe Damasio et Varela sur quoi je bosse, faudra que je m’achète ce bouquin pasque tes notes au crayon bleu ça devient pas possible… » Et du coup je me rappelle cette rencontre et toutes celles, « résolutives » pour un moment décisif d’évolution personnelle, qui ont précédé et suivi la sienne et que je m’obstine à ne pas croire le fruit du hasard : nécessaires à ce moment précis. Avec L. on se rencontre à dix-huit ans, on flirte, on se bécote et se cocole, mais le moment n’est pas venu. L’année du bac on se rencontre presque, on aurait fait des enfants avant le divorce probable, mais non : je vais de mon côté, elle se trouve un autre complice avant de divorcer, elle me relance (coiffure afro, engagée un max à gauche dans le groupe Mozambique) entre temps j’ai rencontré XYZ que j’ai aimés et lâchés faute de co-renaissance réciproque, ainsi de suite. Cette notion de co-renaissance est devenue la base de toutes mes relations, fondées sur la réciprocité. Toutes les amitiés qui n’ont pas été tissées de co-renaissance se sont étiolées avant de défunter. On me juge sans doute un piètre ami selon les codes de la statique des fluides, mais tant pis, je n’aime pas faire semblant ni ne tolère le chantage à l’amitié qui force à se complaire dans la vieille flaque. Je ne fréquente Max Dorra que par un de ses livres. Pas idée de qui il est. Ou presque. Jamais vu son visage. Mais plus proche de lui que de tant de gens qui prétendent me connaître, par les petites phrases que son livre relaie, vraie rencontre occulte, comme celle de Proust tous les matins que je lis aux « lieux », le Salon Proust de la Désirade où s’empilent tous les écrits de et sur Marcel Proust. A l’instant, à la fenêtre, le paysage est divisé en deux : ciel céleste et mer de brouillard. Gloire apparente du dessus, mais c’est à l’enfant sous la table que je pense. L. me raconte justement l’histoire de cette jeune enseignante spécialisée qui vient l'autre jour vers elle lui dire que la passionne la thématique de l’Ogre dans les contes, qu’elle aimerait traiter dans ses classes d’enfants difficiles, et qui fond soudain en larmes pour dire tout autrechose…

Max Dorra. Quelle petite phrase bouleversante au coeur d'un être. Gallimard, Bibliothèque de l'inconscient, 2005.dabc240e7047e6a444048eea8f8ddc79.jpg

Commentaires

  • J'avais (un peu) oublié votre blog, il y en a tant (mais des bons, pas tant) et j'en retrouve avec plaisir la pertinence. J'aime quan la littérature nourrit ainsi le vécu et pas que vice versa.

  • Pas de rencontre sans soif. On ne bascule dans la vie de l'autre que si l'on y est poussé. Le réflexe premier, c'est de se tenir dans une tranquille indifférence. La rencontre, on s'y dérobe le plus longtemps possible.

    Elle met en danger nos certitudes. On sait que l'autre va me remettre en jeu. Qu'à un moment il va m'en demander trop. En fait, tout homme me laisse entrevoir une autre façon de voir le monde qui d'abord me terrorise.

    Mais on ne se le dit pas. On s'exalte sur la merveille d'avoir pu se rencontrer sur l'essentiel. "Parce que c'était lui Parce que c'était moi". Deux âmes soeurs miraculeusement ressoudées. On est hors d'eau, après nous le déluge.

    Ce n'est pas juste notre besoin d'eau qui nous conduit au bord du puits où se font depuis l'aube les vraies rencontres. C'est notre désir de certitude, cet aiguillon de la conscience qui nous porte vraiment. On veut savoir, avoir le dernier mot avant la fin. Le puits pointe vers le ciel et vers la terre. Le puits c'est... tenez, un livre, une fugue de Bach, ou tout ce que vous voulez.

    Un jour on arrive donc au bord du puits, et il y en a un d'une autre tribu qui est déjà là à puiser. Entends-tu le même infini que moi ? Sommes-nous frères d'une super-tribu ? Dis-moi un seul mot et je serai sauvé.

    Ce blog est un puits. Je ne sais si je suis un rat qui bute contre sa hauteur désespérant d'y boire. Je ne sais si nos chatouillis virtuels peuvent devenir "résolutifs". Qu'il aimante le désir d'une multitude, j'en suis sûr.

  • Voyons, voyons, toi, un rat, enfin voyons, et d'ailleurs pourquoi pas tous des rats, c'est joli, les rats, c'est tout doux, qu'est-ce qu'ils ont donc contre nous, ces rats de chats ?

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