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Georges Haldas

  • Miroirs du temps

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    Trois poèmes inédits de Georges Haldas


    MIROIR DU TEMPS

    Dur moment dans la voie
    quand les jours s'obscurcissent
    quand le chemin se creuse
    pareil à une tombe
    Où sont les jours heureux
    le murmure des voix
    dans le jardin discret
    Les visages de ceux
    qu'on aimait voir à table
    Où sont les jours heureux
    où on l'était soi-même
    sans même le savoir
    Dur moment dans la voie
    quand le miroir se brise
    laissant au fond de nous
    mille morceaux épars
    que garde la mémoire
    Mais sans aucune chance
    pour nous de se revoir


    LE PAS DE TOUS

    N'insistez pas je vais
    où mes pas me conduisent
    N'insistez pas je suis
    le fleuron du matin
    Je poursuis mon chemin
    Que le soleil se lève
    ou que tombe la nuit
    je ne m'arrête pas
    Je suis l'enfant fidèle
    qui n'a qu'un seul chemin
    Ne me demandez pas
    où je vais d'où je viens
    Je ne peux rien vous dire
    si ce n'est que le but
    comme une ombre me suit
    Il était au départ
    et il est à la fin
    Je poursuis mon chemin
    Et un beau jour chacun
    reconnaîtra le sien


    PRIERE

    A l' heure du déclin
    et quand les eaux se perdent
    ou alors se retrouvent
    dans le même océan
    donnez-moi le courage
    et la fidélité
    pour suivre jusqu'au bout la voie
    qui fut la mienne
    Que je n'ai pas choisie
    mais seulement suivie
    Que je sois accueilli
    si accueil il y a
    comme des millions d'êtres
    travaillés par le doute
    et leur propre souffrance
    Tel est mon vœu unique
    et ma seule prière
    Etre accueilli aussi
    autrement dit mon Dieu
    en homme à part entière

    G.H.

  • Aurore

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    Aurore

    Vint l’ombre vint le jour
    Et puis entre les deux
    la plus que tendre aurore
    Semant l’or sur les blés
    sur les arbres fruitiers
    sur les vieilles maisons
    sur l’eau de la rivière
    Sur les rues familières
    de ma ville où très tôt
    le matin je sortais
    pour la voir apparaître
    toujours fraîche et légère
    Et dont les doigts de rose
    comme le dit Homère
    vont jusqu’à doucement
    caresser le front blême
    des blessés des mourants
    dans nos maudites guerres
    Et j’ai noté ceci
    dans mon petit carnet
    il n’y a pas longtemps :
    « Dans un monde aujourd’hui
    où désormais ne brille
    que l’argent non l’aurore
    Je le dis franchement
    Je rends mon passeport
    Tu peux sourire Aurore
    et néanmoins c’est vrai
    Je sais que tu le sais
    Ainsi soit-il Aurore
    Je peux mourir en paix.

    (Ce poème inédit marque l’ouverture du Passe-Muraille, No72, Mai 2007, intitulé Reconnaissance à Georges Haldas. )

    JLK : Aurore sur le Grammont. Huile sur panneau, 2005.

  • Georges Haldas le vif ardent

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    L’écrivain genevois, figure majeure de la littérature romande, fête aujourd’hui ses 90 ans. Son œuvre, notamment consacrée par le Grand Grix C.F. Ramuz et le Prix de la ville de Genève, compte plus de 80 titres.

    Georges Haldas passe aujourd’hui le cap de ses 90 ans. Pas un instant, cependant, la notion de «grand âge» ne nous vient à l’esprit à propos de cet éternel ardent, qui notait un jour dans ses carnets: «Ecrire: foutaise. Haute foutaise. Le sentiment d’avoir parfois gâché ma vie. Et surtout celle de mes proches. Vivent ceux qui n’écrivent pas!»
    Ce coup de gueule exprimait une méfiance qu’Haldas a toujours manifestée à l’égard de la figure du littérateur, lui qui se définit plutôt comme «un homme qui écrit». Or, il n’en aura pas moins été un écrivain engagé corps et âme dans son œuvre. Consacrée en 1985 par le Grand Prix C. F. Ramuz, celle-ci compte parmi les plus importantes de la littérature romande.
    Récemment encore, quatre nouveaux livres témoignaient de la constance et de la vitalité de ce scribe de l’essentiel, illustrant en outre les divers «sillons» qu’il aura creusés en sept décennies: le récit autobiographique avec Ô masœur; l’essai littéraire à forte implication existentielle dans L’Espagne à travers les écrivains que j’aime; la chronique mêlant trajectoire personnelle et tribulations du siècle dans Le tournant, où il évoque sa rupture d’avec Paris et sa rencontre providentielle de Vladimir Dimitrijevic, qui allait éditer tous ses livres; enfin, une suite à sa méditation, en poète inspiré plus qu’en exégète, sur le message évangélique, dans Rendez-vous en Galilée.

    Dans son hommage du Grand Prix Ramuz, Pierre-Olivier Walzer parla de Georges Haldas comme d’un «merveilleux professeur d’attention», soulignant la présence au monde intense et rayonnante qui caractérise son rapport aux choses et aux êtres. Sans rien de «professoral», son regard sur le monde ne se borne jamais à l’anecdotique ou au contingent mais vise, à travers la ressaisie des «minutes heureuses» dont parlait Baudelaire, comme lorsqu’il sonde les abîmes de la nature humaine, à dégager le sens, la valeur et la beauté de ce qui semble à première vue chaotique et sans intérêt. Cet effort de transmutation, dans une langue concentrée et voulue directe jusqu’à l’abrupt, se traduit tantôt par les notes immédiates qui nourrissent les fameux carnets de L’état de poésie, tantôt par des poèmes ou des chroniques (forme la plus significative de son œuvre).
    Pour lire Haldas
    Pour qui n’aurait jamais encore abordé cette œuvre, rappelons les trois récits autobiographiques fondateurs de Gens qui soupirent, quartiers qui meurent, évoquant le Genève des petites gens cher à l’auteur, Boulevard des Philosophes, qu’on pourrait dire le «livre du père», et Chronique de la rue Saint-Ours, son pendant «maternel», rassemblés en un volume dans L’air natal (L’Age d’Homme, 1995).
    Compagnon de route des communistes dans sa jeunesse, Georges Haldas n’a jamais adhéré au matérialisme athée, et le raisonnement dialectique a toujours été chez lui soumis à – ou en conflit avec – ses intuitions poétiques et son approche du mal, qui en font un émule de Dostoïevski ou de Bernanos. Depuis une vingtaine d’années, la composante spirituelle, toujours présente chez lui, a nourri une méditation de plus en plus pénétrante sur la base des Evangiles, parallèlement à la vaste entreprise de remémoration intitulée La confession d’une graine.
    Finalement cependant, qu’il raconte La légende des repas (L’Age d’Homme, 1987) après avoir célébré celle des cafés genevois ou du football, qu’il s’interroge sur nos relations avec le monde arabo-islamique dans son Intermède marocain (L’Age d’Homme, 1989) ou évoque simplement les bords de l’Arve dans la grisaille du petit matin, Georges Haldas, pétri lui-même de contradictions, plein d’amour et de failles, de lumière et d’ombres, est de ces très rares écrivains contemporains qui, réellement, nous aident à vivre.
    Cet hommage a paru dans l'édition de 24 Heures du 14 août

  • Une présence vivifiante

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    Reconnaissance à Georges Haldas

    Georges Haldas passera, en août 2007, le cap de ses 90 ans. Pas un instant, cependant, la notion de «grand âge» ne nous est venue à l’esprit en pensant à cette date, pas plus que ce ne fut le cas lorsqu’a été fêté, en décembre dernier, un autre nonagénaire en la personne de Maurice Chappaz, qui fut l’ami de jeunesse d’Haldas.
    Ces deux écrivains, parmi les plus éminents qui ont fait œuvre en Suisse romande, en imposent également par la constance de leur fécondité littéraire, par la fraîcheur inaltérée de leur verbe, qui se vérifiera en ces pages, et par le rayonnement de leur présence.
    La présence de Georges Haldas est d’abord présence au monde, vécue dès chaque aube par le poète entrant en relation avec le vivant, puis avec les vivants. Nonante livres, poèmes et récits, chroniques surtout, modulent cette expérience à la fois existentielle et poétique d’un homme qui a consacré sa vie entière à ce qu’il dit l’Etat de Poésie. Rien d’établi pourtant dans cet état qui est à la fois absorption, relation, consumation et transmutation.
    Nous sommes heureux d’accueillir, dans cette livraison qui s’ouvre sur un poème inédit de Georges Haldas, des témoignages d’estime et d’amitié venant d’auteurs de quatre générations et de sensibilités variées. Un signe doit être adressé, aussi, à Vladimir Dimitrijevic, le compagnon fidèle et l’éditeur. Avec l’espoir de contribuer, enfin, à la défense d’une œuvre vivifiante.
    Ce texte constitue l’introduction de l’hommage collectif intitulé Reconnaissance à Georges Haldas, paru dans la nouvelle livraison du Passe-Muraille, No 72, Mai 2007, qui sera présentée au Salon international du Livre et de la Presse, à Palexpo-Geneva, du 2 au 6 mai. Pour commander Le Passe-Muraille: Abonnements-administration: Le Passe-Muraille, Case Postale 1164, 1001 Lausanne.
    Portrait photographique de Georges Haldas, en 1997: Horst Tappe


  • Retour à Georges Haldas

    medium_Haldas4.JPGA La Désirade, ce samedi 17 février. - Ma première pensée de ce matin a été vouée à Georges Haldas, auquel j’ai décidé de consacrer la prochaine ouverture du Passe-Muraille. Il y aura dix ans cette année que j’ai cassé cette relation, choqué par son rejet du Viol de l’ange, qu’il disait un livre sale. Comme il m’a fait à la même époque un mot suave, et donc hypocrite, pour l’envoi de je ne sais plus quel nouveau livre de lui, je lui ai renvoyé celui-ci en lui écrivant qu’il pouvait aussi bien m’oublier. Et c’est ainsi que je n’ai plus rien lu de lui. Je lui ai rendu poliment hommage lorsqu’il a reçu le Prix Rod, mais c’est tout. Notre longue amitié ne s’en remettra pas, mais ses livres existent, le vieil homme est dans sa nonantième année et tout à coup j’ai envie de revenir, non pas à l’homme mais à ses livres. La dernière fois que j’ai ouvert un de ses livres, dans une librairie, je suis tombé sur cette page où il traitait la philosophe genevoise Jeanne Hersch d’« amazone pisseuse ». J’ai eu moi-même un conflit carabiné avec Jeanne Hersch, après un abus de pouvoir caractérisé de sa part, mais traiter cette dame d’ « amazone pisseuse » m’a semblé indigne de la part d’un écrivain prônant, par ailleurs, l’Attention à l’Autre à grand renfort de majuscules.
    Mais le temps passe, il nous crible, nous serons bientôt tous morts tandis que les livres continueront de témoigner de ce qui nous dépasse, et j’ai envie à l’instant de retrouver l’âme de Georges Haldas, ses petits matins, ses balades en Grèce, ses lectures de Cavafy ou de Saba, ses commentaires de l’Evangile, ses coups de gueule, ses chroniques merveilleuses du père (Boulevard des Philosophes) et de la mère (Chronique de la rue Saint-Ours), nos rencontre Chez Saïd où nos engueulades parfois chez Dimitri – tout ce qui fait le sel de la vie, et tout ce qu’il a cristallisé dans ses livres sans pareils.
    Un jour j’ai reçu de la part de Jacques Chessex, après que j’eus publié un grand papier élogieux sur Georges Haldas, une carte postale m’apostrophant pour me reprocher de dire du bien de ce « cuistre christique » écrivant une espèce de galimatias, et quelques années après le même Chessex célébrait Haldas à la remise du prix Rod. Petite foire aux vanités de la littérature, à laquelle survivent les livres. Lorsque nous étions amis, Jacques Chessex m’a dit un soir sa réelle admiration pour Haldas, malgré leur brouille de toute une vie, de même que Chappaz m’a dit la sienne. Le premier jour que nous nous sommes rencontrés à Genève, en 1973, Georges Haldas a dit au petit crevé que j’étais alors : « Méfiez-vous des écrivains, il y a un diable en chacun de nous ». J'ai noté.
    Mais à l’instant, le regard perdu sur les crêtes enneigées des montagnes qui de tout cela se foutent comme du dernier fossile, je ressens le besoin de dire ma reconnaissance à Georges Haldas, et de ce pas j’irai tout à l’heure faire l’acquisition des derniers livres qu’il ne m’a pas envoyés...