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De la beauté

  • De l'immonde à l'icône

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    Conférence de Georges Nivat

    3e Festival francophone de philosophie,
    Saint-Maurice, le 17 septembre 2007.

    - Se défend d’être un spécialiste ès esthétique.
    - Se fonde sur sa connaissance de la littérature et de l’image honteuse.
    - Voudrait interroger la possibilité de représenter l’immonde.
    - Et les rapports du beau et du laid.
    - Que la hideur de Socrate va de pair avec sa beauté intérieure.
    - Evoque les liens séculaires du beau et du bien dans la tradition gréco-chrétienne.
    - Première attaque sérieuse de la vénération du beau avec Nietzsche.
    - Comme une illusion ridicule.
    - D’où procède tout le retournement de l’art du XXe siècle, avec le développement de l’esthétique du laid.
    - Mais qu’est-ce que la laideur ?
    - Revient sur l’étymologie des deux mots.
    - Beau vient du latin, tandis que laid vient du germain Leid, contenant l’idée d’outrage et de douleur.
    - En anglais, même opposition latino-germanique avec beautiful et ugly.
    - La laideur conserve une trace d’effroi.
    - En russe, le mot krasny signifie beau. Il n’y a pas de mot qui corresponde exactement au mot laid.
    - Le mot équivalent signifie plutôt non-fertile, ou disgracié.
    - Revient à la tradition du laid en art.
    - Avec les saturnales romaines
    - Cite les travaux de Muriel Gagnebin, dont le premier livre a paru à L’Age d’Homme.
    - Evoque l’éclosion et l’évolution du laid chez Goya.
    - Des portraits de nobles espagnols aux Caprices.
    - Où la laideur devient l’expression d’une déchirure morale.
    - Cite le Goya noir du Prado.
    - Goya montre l’irreprésentable avec Saturne dévorant son fils ou le chien qui se noie.
    - Le laid comme destruction voulue de l’harmonie plus ou moins factice.
    - Dans la filiation directe de Goya : Bacon et son pape Innocent encagé sur sa chaise électrique.
    - De Goya procède aussi la révolte expressionniste du début du XXe siècle.
    - Rappelle les collections de monstres du Tsar Pierre Ier.
    - Rappelle la tradition iconoclaste byzantine.
    - Puis enchaîne sur Hans Bellmer.
    - Qui désarticule le corps féminin et le mécanise.
    - Bellmer a fui le nazisme et se venge, selon Nivat, contre l’académisme totalitaire.
    - Je vois mal, pour ma part, ce que Bellmer apporte en matière de laideur.
    - Digression sur la passion des totalitarismes pour l’académisme physique.
    - Des nus qui ne sont jamais nus : des figures stylisées, abstraites, idéologiques en quelque sorte. Ni poils ni défauts.
    - Comme dans la pub d’ailleurs. Autre esthétique « totalitaire » en somme, me semble-t-il.
    - Nivat évoque ensuite son ami serbe Dado.
    - Qui répond à l’esthétique totalitaire par ses assauts de « laideur ».
    - Ainsi a-t-il tagué la chapelle de Gisors en magnifiant la laideur à sa façon.
    - Plus convaincant cela.
    - Me rappelle aussi la beauté panique produite par les dessins souvent jugés « laids » du génial Louis Soutter.
    - Mais Nivat n’en parle pas, pas plus que de Zoran Music, peintre de l’immonde concentrationnaire.
    - Revient à la formule prêtée à Dostoïevski, selon laquelle « la beauté sauvera le monde ».
    - Beaucoup plus fort, illico, que sur ce qui précède.
    - Précise que Dostoïevski n’a jamais dit cela.
    - Et que la parole n’est que prêtée au prince Mychkine.
    - Rappelle ensuite la réflexion de Dostoïevski autour du Christ mort de Holbein, du musée de Bâle.
    - Le cadavre du Christ opposé à la Madone sublimée.
    - Introduit le personnage d’Hyppolite, qui crache sur la beauté.
    - Tuberculeux, désespéré, Hyppolite, qui se suicidera, voit en la beauté une façon de torture, et en son culte une imposture.
    - Célèbre la beauté d’un simple mur.
    - Exactement l’anti-esthétisme d’un Joseph Czapski.
    - La tragédie opposée aux psaumes.
    - Le poids du monde, contre le chant du monde.
    - Mais l’un exclut-il l’autre ?
    - Tel n’est pas mon avis.
    - Selon Nivat, le laid est un cri.
    - Evoque alors Egon Schiele, dont les représentations exacerbées découlent de sa perception du tragique.
    - Son érotisme est douleur.
    - Son autoportrait en masturbateur n’est pas provocation gratuite mais expression de sa douleur, ainsi qu’il l’a expliqué.
    - Nivat cite alors le prophète Esaïe qui annonce le Seigneur « dénué de toute beauté et sans rien qui plaise à l’œil » (Es.53)
    - Revient à Dado qui se dit « enceint » de trois guerres.
    - Comment vivre avec tout ça ?
    - Enchaine ensuite avec L’Ecole d’impiété, le roman d’Aleksandar Tisma, dont il cite la scène atroce de torture, où un beau jeune homme est massacré par un bourreau qui défie Dieu en le « traitant » et finit par éjaculer au moment de l’agonie de sa victime.
    - Cite aussi Stavroguine, le héros des Démons, d’une beauté démoniaque.
    - Et Platonov dans la foulée.
    - Evoque la difficulté morale, pour un Soljenitsyne, de représenter l’immonde dans L’Archipel du goulag.
    - Et sa réaction à l’illustration picturale de son livre, des scènes les plus crades.
    - Pour en finir avec l’esthétique des Bienveillantes, violemment attaquée par Pierre-Emmanuel Dauzat, auquel Georges Nivat se rallie aujourd’hui à la réserve de celui-ci. Cf. son article du Débat. Pas d’accord avec lui. En ce qui me concerne, je ne trouve aucune complaisance chez Littell. Ou alors il y a autant, chez Dostoïevski ou chez Dado, de fascination pour l’immonde.
    - Chez Zoran Music au contraire, nulle fascination, mais une transfiguration.
    - Or on a esquivé le « moment » décisif de la Comédie de Dante, dont Barilier a parlé en revanche.
    - Conclusion qui me semble un peu téléphonée sur l’esthétique des icônes, figures par excellence, ou supposées telles, de l’irreprésentable beauté. Pas d’accord avec ça.
    - Le Christ « sale » de Corinth participe autant de la rupture évangélique que la plupart des icônes.
    - Les Christs de Louis Soutter ou de Rouault sont, eux aussi, des « icônes » à cet égard, qui « travaillent » la laideur dans le mouvement de transfiguration. Même mouvement chez Goya ou chez le Greco, chez Soutine le Juif ou chez Dürrenmatt le protestant…

  • La beauté à l 'épreuve du monde

    4b036d354c54ad330e69ef4fa8234eb4.jpgLa beauté sauvera le monde. Conférence d'Etienne Barilier. Saint-Maurice, le 14 septembre 2007.

    -          Salle du Martolet. Devant 850 lycéens.

    -          Présentation du conférencier par Damien Clerc, jeune prof de philo. Relève l’incarnation du verbe multiforme dans l’œuvre de Barilier, du roman à l’essai et des arts au sport.

    -          Dimension de la recherche du bonheur.

    -          Evoque la valeur de l’acte philosophique « pour ne pas subir sa vie «  (applaudissements nourris).

    -          Etienne Barilier rappelle d’où vient la fameuse phrase de Dostoïevski.

    -          Dans la bouche du prince Mychkine, protagoniste de L’Idiot.

    -          La phrase est paradoxale, voire scandaleuse, notamment pour des chrétiens, aux yeux desquels   le Christ est supposé sauver le monde, pas la beauté.

    -          Le salut du monde n’a rien à voir avec ce qu’il est aujourd’hui, réduit à « sauver la planète ».

    -          Le sauvetage écologique s’est substitué au salut.

    -          Son horizon est essentiellement métaphysique, ou religieux.

    -          Qu’est-ce alors à dire ?

    -          Le débat sur La Beauté, en tant que telle, paraît dérisoire en un monde mondialisé où tout est devenu relatif.

    -          Quelle beauté ?

    -          Pour Dostoïevski, la beauté physique fait signe vers une autre réalité, d’ordre métaphysique.

    -          Rappelle alors de quelle beauté parle plus précisément Mychkine.

    -          Introduit le personnage de Nastassia Philipovna, dont la beauté est chargée à la fois d’innocence et de tribulations. Beauté blessée en quelque sorte. « Dans ce visage il y a bien de la souffrance », remarque Mychkine.

    -          La relation de celui-ci avec Nastassia relève autant de l’amour que de la compassion, de l’Eros que de l’Agapè.

    -          Cette acception de la beauté suppose donc un rapport avec le monde intérieur.

    -          Cite Kierkegaard (Ou bien… ou bien) à propos du dépassement de la beauté physique, précisément.

    -          La beauté suscite un élan, physique d’abord.

    -          Note ensuite que la beauté nous comble et nous insatisfait à la fois.

    -          « La beauté, c’est ce qui reste quand on a tout possédé ».

    -          Très bonne formule je trouve.

    -          Puis remonte à l’origine de toute réflexion sur la beauté, avec Platon.

    -          Tout ce qui est beau est reflet d’une Idée.

    -          Référence au Phèdre.

    -          La Beauté est la seule des Idées éternelles qui soit à la fois perceptible par nos sens, visible et palpable.

    -          La beauté révèle.

    -          Ruse de la nature ? 

    -          Oui si l’on en reste à sa seule incarnation, alors que le désir fait signe vers le désir d’immortalité.

    -          Se réfère alors à la métaphysique de la lumière.

    -          La lumière est elle-même visible et invisible.

    -          Que la beauté est lumière. Pour Platon : elle éclaire les Idées.

    -          En vient ensuite à la relation qu’il a maintes fois illustrée entre Beau, Bien et Vrai.

    -          Relève que Dostoïevski est aussi platonicien, à cet égard, qu’il est chrétien.

    -          Remarque que dans l’Evangile de Jean, la parole « je suis le Bon berger » doit être re-traduite plus exactement : « Je suis les Beau Berger »…

    -          Aborde ensuite la discussion de la conception platonicienne par les Modernes.

    -          Le bilan totalitaire et génocidaire du XXe siècle ne réduit-il pas la trinité beau-bien-vrai en miettes, étant entendu que des admirateurs du beau ont commis les pires crimes ?

    -          Récuse l’objection en stigmatisant le culte du beau pour le beau.

    -          Platon lui-même parlait d’un esclavage du beau.

    -          Kierkegaard a fait la même distinction.

    -          La solidarité Beau/Bien/Vrai est un possible, un vœu virtuel, et non un postulat inamovible.

    -          « Le beau n’est pas une machine à produire du bien », dit Barilier.

    -          La contradiction implique alors la référence à une autre instance : de la liberté de l’homme.

    -          La beauté n’a certes pas sauvé le monde du nazisme. Mais les religions non plus.

    -          De la beauté du culte esthétique, première impasse, enchaîne sur la deuxième, d’une beauté soumise au bien.

    -          Cite le photographe empilant des corps nus au bord du glacier d’Aletsch et invoquant son aspiration à « sauver la planète ». Autre foutaise.

    -          Du culte de la beauté, on passe à un art soumis à une  morale « culturelle».

    -          Revient au platonisme à propos d’une autre objection : qu’il serait trop exclusivement provincial, dans le sens d’une production essentiellement occidentale.

    -          Montre que les trois notions existent dans les autres cultures, et que le génie de Platon n’a pas tant consisté à les associer qu’à les dissocier au contraire, pour les définir avant de les mettre en relation.

    -          Prend deux exemples « exotiques ».

    -          De François Cheng en premier lieu, dans ses Cinq méditations sur la beauté, que dit que le beau est forcément lié au bien.

    -          Rappelle que Cheng cite lui-même Dostoïevski.

    -          Donne en outre l’exemple du philosophe shintoïste Nishida Kitarô, qui ne dit pas autre chose.

    -          Conclusion sur le dépassement du désir par l’aspiration à la perfection, telle que la vit Dante avec Béatrice dans sa recherche de la « diritta vita » que décrit la Divine Comédie.

    -          Fin du speech. Ovation de la salle. Retour au soleil : beau temps sur le gazon, belle jeunesse lézardant.