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méditations poétiques

  • Par tous les chemins

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    Chemin faisant (1)

     

    De l'angoisse levée. - C'est toujours un stress d'enfer que le dernier travail d'avant le départ, surtout le départ de nuit qui fait penser aux départs sans retour, mais le seul drame ce soir sera de ne pas retrouver son passeport jusqu'à moins une et de s'arracher à son toit et au névé de narcisses embaumant la vanille - or la route appelle et le quai là-bas et le train de nuit et les tunnels en enfilade vers le Sud qui trouent le Temps pour nous rendre les lieux... 

    Des collines et des coquelicots.- Se relevant d'une nuit de tagadam tantôt trépidant et tantôt en sourdine nos paupières tôt l'aube nous révèlent ce matin ces verts tendres des collines de Toscane aux crêtes à fines flammes de cyprès et de clochers,et le long des voies se voient ces îlots de coquelicots et jusque dans l'entrelacs des voies de Roma Termini, et jusque sur les murs de notre chambre jouxtant le Campo de Fiori en candide aquarelle...

    Des fontaines et des filles en fleur. - Il n'y a qu'à Rome qu'une fontaine n'est faite  que pour les chiens, et c'est à Rome aussi que s'élèvera la fontaine de mémoire de Pier Paolo Pasolini, faite juste pour se laver les mains en passant ou se rafraîchir, juste pour boire en passant de l'eau fraîche ou se refaire une beauté - il n'y a qu'à Rome que le soir, au Campo de Fiori, les gars et les filles dégagent la même sensualité qui est celle, en mai, de notre bonne et belle  vie...  

    (Rome, le 19 mai 2009)

    Peinture: Floristella Stephani.

  • Train de nuit

     

     

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    Chemin faisant (5) 

     

    De l’abyme. – …Combien de temps le train s’est-il arrêté dans la nuit, et quels rêves dans le rêve l’ont-ils hanté tout ce temps comme suspendu, le train de nuit a-t-il quelque chose à nous dire, qu’il nous réveille parfois sur sa voie d’attente, ou n’est-ce qu’un rêve dans le rêve ?...

     

    D’un autre monde. – Le veilleur sourit à l’idée que les dormeurs du train de nuit puissent se rencontrer sans se lever et se parler et fraterniser dans une autre dimension où la vie et le voyage se transformeraient en voyage vers la vie…

     

    Du vertige. – Une autre angoisse les reprendra tout à l’heure quand le train repartira, et c’est que le tunnel n’ait plus cette fois de fin, ou que le train plonge soudain, tombe soudain, ne traverse plus leur sommeil mais en devienne la tombe…

     

    (Domodossola, dans la nuit du 24 au 25 mai 2009)

     

    Image : dessin de Richard Aeschlimann.

  • Pensées de l'aube (78)

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    De la beauté. – Il n’y a pas une place pour la beauté : toute la place est pour la beauté, du premier regard de l’enfance aux paupières retombées à jamais, et la beauté survit, de l’aube et de l’arbre et des autres et des étoiles de mémoire, et c’est un don sans fin qui te fait survivre et te survit…

    De la bonté. – Il n’y a pas une place pour la bonté : toute la place est pour la bonté qui te délivre de ton méchant moi, et ce n’est pas pour te flatter, car tu n’es pas bon, tu n’es un peu bon parfois que par imitation ou délimitation, ayant enfin constaté qu’il fait bon être bon…

    De la vérité. – Il n’y a pas une place pour la vérité : toute la place est pour la vérité qui t’apparaît ce matin chiffrée comme un rébus – ton premier étant qu’elle te manque sans que tu ne saches rien d’elle, ton second qu’elle est le lieu de cette inconnaissance où tout t’est donné pour t’approcher d’elle, et ton tout qu’elle est cette éternelle question à quoi se résume notre vie mystérieuse est belle...

    Image : Philip Seelen.

    Nota bene: ici s'achève cette première série de Pensées de l'aube. Lui feront suite autant de Pensées en chemin, dès demain dans les murs de Rome.

  • Pensées de l'aube (77)

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    Du premier souhait. – Bien le bonjour, nous dis-je en pesant chaque mot dont j’aimerais qu’il allège notre journée, c’est cela : bonne et belle journée nous dis-je en constatant tôt l’aube qu’elle est toute belle et en nous souhaitant de nous la faire toute bonne…

    De la pesanteur. – On dirait parfois que cela tourne au complot mais c’est encore plus simple : c’est ce seul poids en toi, cela commence par ce refus en toi, c’est ta fatigue d’être et plus encore ta rage de non-être – c’est cette perversité première qui te fait faire ce que tu n’aimes pas et te retient de faire ce que tu aimes, ensuite de quoi tout ce qui pèse s’agrège et fait tomber le monde de tout son poids…

    Du bon artisan. – Si nous sommes si joyeux c’est que notre vie a un sens, en tout cas c’est notre choix, ou c’est votre foi, comme vous voudrez, c’est ce que nous vivons ce matin dans l’atelier : nous serions là pour réparer les jouets et rien que ça nous met en joie : passe-moi ce sonnet que je le rafistole, recolle-moi ce motet, voyons ce qu’on peut sauver de ce ballet dépiauté ou de ce Manet bitumé – et dans la foulée tâchons d’inventer des bricoles…
    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (76)

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    De ce cadeau. – Tout avait l’air extraordinairement ordinaire ce matin, et c’est alors que tu es sorti du temps, enfin tu l’as osé, enfin tu as fait ce pas de côté, enfin tu as pris ton temps et tu as vraiment regardé le monde qui, ce matin, t’est enfin apparu tel qu’il est…

    De l’aveuglement. – Et maintenant que j’ai tout quelque chose me manque mais je ne sais pas quoi, dit celui qui ne voit pas faute de regarder alors que tout le regarde: les montagnes et la lumière du désert – tout serait à lui s’il ouvrait les yeux, mais il ne veut plus recevoir, seul l’impatiente ce tout qu’il désire comme s’il n’avait rien…

    Des petits déjeuners. – Les voir boire leur chocolat le matin me restera jusqu’à la fin comme une vision d’éternité, ce moment où il n’y a que ça : que la présence de l’enfant à son chocolat, ensuite l’enfant s’en va, on se garde un peu de chocolat mais seule compte la vision de l’enfant au chocolat…

    Peinture JLK : l’aube sur la Savoie. Huile sur toile, mai 2009.

  • Pensées de l’aube (75)

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    De la rêverie – C’est peut être cela qu’ILS sont le plus impatients de t’arracher : c’est le temps que tu prends sur leur horaire à ne rien faire que songer à ta vie, à la vie, à tout, à rien, c’est cela qu’ils ne supportent plus chez toi : c’est ta liberté de rêver même pendant les heures qu’ILS te paient - mais continue, petit, continue de rêver à leurs frais…

    Des chers objets. – ILS prétendent que c’est du fétichisme ou que c’est du passéisme, ILS ont besoin de mots en « isme » pour vous épingler à leurs mornes tableaux, ILS ne supportent pas de vous voir rendre vie au vieux tableau de la vie, cette vieille horloge que vous réparez, cet orgue de Barbarie ou ce Pinocchio de vos jeux d'enfants, un paquet de lettres, demain tous vos fichiers de courriels personnels - d’ailleurs ILS supportent de moins en moins ce mot, personnel: ILS affirment qu’il faut être de son temps ou ne pas être…

    De l’à-venir. – Nos enfants sont contaminés et nous nous en réjouissons en douce, nos enfants mêlent nos vieilles affaires aux leurs, Neil Young et Bashung, les photos sépia de nos aïeux et leurs posters déchirés des Boys Bands, ils découvrent le vrai présent en retrouvant le chemin des bois et des bords de mer, ils admettent enfin que tout a été dit et que c'est à dire encore comme personne ne l’a dit…
    Image : Philip Seelen


  • Pensées de l'aube (74)


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    De la personne. – Le jour se lève et la bonne nouvelle est que ce jour est une belle personne, j’entends vraiment : la personne idéale qui n’est là que pour ton bien et va t’accompagner du matin au soir comme un chien gentil ou comme une canne d’aveugle ou comme ton ombre mais lumineuse ou comme ton clone mais lumineux et sachant par cœur toute la poésie du monde que résume la beauté de ce jour qui se lève…

    De la solitude. – Tu me dis que tu es seul, mais tu n’es pas seul à te sentir seul : nous sommes légion à nous sentir seuls et c’est une première grâce que de pouvoir le dire à quelqu’un qui l’entende, mais écoute-moi seulement, ne te délecte pas du sentiment d’être seul à n’être pas entendu alors que toute l’humanité te dit ce matin qu’elle se sent seule sans toi…

    Des petits gestes. – Ne vous en laissez pas imposer par un bras d’honneur ou le doigt qui encule : c’est un exercice difficile que de se montrer plus fort que le violent et le bruyant, mais tout au long du jour vous grandirez en douceur et en gaîté à déceler l’humble attention d’un regard ou d’une parole, d’un geste de bienveillance ou d’un signe de reconnaissance…

    Image: JLK, La route de Daillens. Huile sur toile, 2007.

  • Pensées de l'aube (73)

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    Du revif. – Il faisait ce matin un ciel au-dessous de tout, la trahison d’un ami continuait de me plomber le cœur en dépit de mes anges gardiens et voici que, dans le brouillard tu m’es apparu, mon sauvageon, tendre rebelle à maxiflocons de neige recyclée et tout tatoués du pollen de demain…

    De la duplicité. – Sous leur sourire tu ne vois pas leur grimace, crétin que tu es, tu ne sens pas l’empreinte encore froide du couteau dans leur paume moite, mais il te glace, le murmure de serpent qu’il t’adressent en toute amitié : venez, cher ami, vous asseoir à la table des moqueurs…

    Du passant passereau. – Qu’est-il venu te dire, adorable, se la jouant franciscain à légères papattes, de l’évier au piano et de la vieille horloge à l’ordi, entré par la porte ouverte sans déranger le chien patraque - qu’avait-il à te dire à cet instant précis, le rouge-gorge au jabot jabotant, avant de se tirer d’un coup d’aile vers le gris suprême du ciel de ce matin ?

    Image JLK: le cerisier sauvage de La Désirade, dans le brouillard de ce matin. 

  • Pensées de l’aube (72)

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    Du tout positif. – Chaque retour du jour lui pèse, puis il se remonte la pendule en pensant à tous ceux qui en chient vraiment dans le monde, sans oublier tout à fait ses rhumatismes articulaires et la sourde douleur au moignon de sa jambe gauche amputée en 1977, après quoi les gueules sinistres des voyageurs de la ligne 5 l’incitent à chantonner en sourdine zut-merde-pine-et-boxon, et c’est ainsi qu’il arrive bon pied bon œil à l’agence générale des Assurances Tous Risques où sa bonne humeur matinale fait enrager une fois de plus le fondé de pouvoir Sauerkraut…

    De l’aléatoire. – Il me disait comme ça, dans nos conversations essentielles de catéchumènes de quinze ans découvrant par ailleurs le cha-cha-cha, que le hasard n’existe pas et que la mort même n’est qu’une question de représentation culturelle, c’était un futur nouveau philosophe brillantissime qui fit carrière à la télévision, et comme j’étais un ancien amant de sa dernière femme, qu’il aima passionnément, je fus touché d’apprendre, aux funérailles de Léa, que c’était fortuitement qu’il l’avait rencontrée à Seattle et que son décès accidentel remettait tout en question pour lui…

    De la déception. – Certains, dont vous êtes, semblent avoir la vocation de tomber de haut, naïfs et candides imbéciles, mais de cela vous pouvez tirer une force douce en apparence et plus résolue qu’est irrésolue la question du mensonge et de la duplicité de ces prétendus amis-pour-la-vie, qui vous disent infidèles faute de pouvoir vous associer aux trahisons de l’amitié…
    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l’aube (71)

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    De l’opprobre. – La nuit vous a porté conseil : vous ne répondrez pas ce matin à la haine par la haine, car la haine que vous suscitez, mon frère, n’est que l’effet du scandale : la lumière est par nature un scandale, l’amour est un scandale, tout ce qui aspire à combattre le scandale du monde est un scandale pour ceux qui vivent du scandale du monde.

    De la foi. – Ils vous disent comme ça, avec l’air d’en savoir tellement plus long que le long récit de votre vie dans la vie, que l’unique vrai dieu qu’ils appellent Dieu a créé le monde en 7777 avant notre ère, un 7 juillet à 7 heures du matin et que c’est pourquoi, sœurs et frères, le Seigneur leur commande d’éliminer tous ceux qui ne croivent pas comme eux ou qui croillent n’importe quoi…

    De l’exclusive. – Non merci, je ne veux pas de ton Paradis, ni de votre Enfer méchant, ma vie n’est qu’un Purgatoire mais j’y suis bien avec ceux que j’aime bien, l’Enfer j’ai compris : ce n’est rien, c’est juste un jacuzzi, et le Paradis je ne sais pas, vraiment je ne sais pas si ça vaut la peine d’en parler si ce n’est pas ce qu’on vit quand on aime bien et qu’on est bien aimé… 
    Image : aquarelle JLK

  • Pensées de l'aube (70)

    Vernet35.jpgDe la petite mort. – Parfois on a manqué l’aube, on ne l’a pas vu passer, on n’a pas fait attention, ou plutôt: on était ailleurs, c’est ça: on était partout et nulle part, on était aux abonnés absents, on n’y était pour personne et le jour a passé et ce matin c’est déjà le soir, on est tout perdu – on se demande si l’aube reviendra jamais…

    De la folie ordinaire. – Ils te disent qu’ils n’ont pas le temps, et toi tu te dis que c’est cela la barbarie, ou bien ils te disent qu’il faut bien tuer le temps, et tu te dis que c’est cela aussi la barbarie, et quand tu leur demandes quel sens à tout ça pour eux, ils te répondent qu’ils n’ont pas que ça à faire, se poser des questions, et si tu leur dis de prendre leur temps alors là c’est colère, ça les rend fous, ou plutôt c’est toi qu’ils regardent comme un fou – s’ils pouvaient te faire enfermer, oui ça aussi c’est le début de la barbarie…

    De la modestie. – Certains jours sont plus discrets, qui se pointent avec l’air de s’excuser - pardon de n’être que ce jour gris, ont-ils l’air de vous dire, mais vous les accueillez d’autant plus tendrement que vous avez reconnu vos vieux parents tout humbles devant le monde bruyant, et d’ailleurs les revoici dans le gris bleuté de ce matin, comme s’ils étaient vivants…

    Peinture: Thierry Vernet.

  • Pensées de l'aube (69)

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    De l’admiration. – Ils craignent d’être influencés, disent-ils, ils ne sont pas dupes de ce qu’ils croient des révérences convenues, ils ne voient pas que cela les agrandirait de reconnaître la beauté pour ce qu’elle est, autant dire qu’ils ne veulent pas la voir, même celle qui est en eux…

     

    De l’indulgence. – Ils ont tendance à se flageller, ils t’embêtent avec leurs faces d’enterrement et voilà qu’ils te poussent à te couvrir toi aussi le front de cendre, rien ne va plus ici bas voudraient-ils t’entendre te lamenter, mais ça t’embête ce cinéma, et tu vois bien qu’ils ont besoin d’entendre autre chose, donc tu leur dis que tu les aimes bien tels qu’ils sont et de fait ça a l’air de les retourner

     

    De la bonté – Plus ils sont vertueux et plus je les trouve impolis et finalement assez méchants, sous leurs airs de vouloir notre bien, assez indifférents à ce que nous sommes en réalité, et finalement tout froids, le cœur congelé, desséché sûrement à traquer et débusquer ce vice qui les obsède jusqu’à les faire jouir de leur vertu préservée, les malheureux…

    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (68)

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    De ce dimanche. – Pour nous, les enfants, Pâques, c’était le dimanche des dimanches - un dimanche vraiment plus dimanche que les autres où le ciel était plein de cloches et le jardin plein d’œufs que le Lapin avait peinturlurés et planqués Dieu sait où - donc deux jours après la Croix, le Lapin : tu avoueras que ce n'est qu’un dimanche que ça peut se passer, et ça nous réjouissait plutôt, les enfants, qu’il y ait un dimanche comme ça qui ressuscite chaque année…

    De la foi. – Notre ami le théologien me dit qu’il n’y croit pas vraiment : que son intelligence l’en empêche, puis il me dit : toi non plus tu n’y crois pas, rassure-moi, aussi lui dis-je : non mon ami, je ne vais pas te rassurer, je ne sais pas si je crois, je sais de moins en moins ce que c’est que croire au sens où tu crois que tu ne crois pas, mais surtout (et cela je ne le lui dis pas) je ne sais comment je pourrais l’expliquer à quelqu’un que son intelligence empêche de comprendre rien…

    De la charité . – Vous connaissez le mendigot du Sacré-Cœur : il sort de chez ce pouilleux d’abbé Zundel qui le régale déjà plus qu’il n’en faut, et le voilà qui nous lance à la sortie de l’office, son : Christ est vraiment ressuscité ! que moi ça me fait honte, mais j’ai beau savoir qu’il ira les boire ce soir, je lui donne quand même ses deux euros - ce n’est quand même pas tous les jours Pâques…
    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (65)

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    De l’herbe. – Parfois le paysage t’en met trop plein la vue, au point que tu éprouves un manque ou une gêne, le besoin de voir des gens ou de n’entendre les yeux fermés que le merle du matin, et tu te rappelles alors l’herbe première, au bord du désert, l’herbe seule et têtue d’avant les cavaliers, l’herbe foulée et oubliée de partout avant la touffe en gloire de Monsieur Dürer…

    Del cammin di nostra vita. – Il y a tant encore en nous de chemin dans notre forêt obscure, tant de chemin à poursuivre ou à tracer sans savoir où l’on va, mais tu as dû voir une fois une clairière quelque part, peut-être la musique que votre père se passait le dimanche, peut-être vos mères ou vos enfants, peut-être la réminiscence d’un cours d’italien sur la Divine Comédie, enfin Dieu sait quoi nous fait, bœufs et cons, continuer à cheminer dans l’obscurité du jour…

    De l’attention . – Si le monde, la vie, les gens – si tout le tremblement te semble parfois absurde, c’est que tu n’as pas bien regardé le monde, et la vie dans le monde, et que tu n’as pas assez aimé les gens dans ta vie, alors laisse-toi retourner comme un gant et regarde, maintenant, regarde cela simplement qui te regarde dans le monde, la vie et les gens…
    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l’aube (64)

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    De l’effondrement différé. – On fera son possible en sorte de résister, les enfants, on se sent chaque matin plus proche de céder, ça faut bien l’avouer, les vioques, à chaque éveil c’est plus lourd et plus lancinant, cependant quelque chose nous retient au bord du bord, ou quelqu’un - vous peut-être les enfants ? Quelqu’un qui nous retiendrait à nous et à vous…

    De la fragilité. – Ce serait cela aussi l’imagination de l’amour : ce serait de soulever leurs toits pendant la nuit et de les regarder dormir, les uns en chemises et les autres tout habillés, d’autres encore plus ou moins nus, pelotonnés comme des loirs, enlacés à quelqu’un ou à eux seuls, plus ou moins perdus ou éperdus, jolis ou vilains, à rêver ou à ne rêver pas, comme au premier jour ou au dernier…

    Des humbles. – Mais vous, et je vous en sais gré, vous ne direz rien de vos peines : vous ne ferez que faire votre job du matin au soir, et vous en serez même reconnaissants vu que le job vous l’avez, vous plaindre vous paraîtrait indécent tant il est d’infortunés qui n’ont même pas ça ni point de toit ni rien de rien, ainsi passez-vous toute votre vie comme si tout allait bien – ça doit bien faire des siècles que ça va comme ça…

    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l’aube (63)

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    De la route nocturne. – Tu me dis que l’espace est la plus ancienne de toutes les choses, mais c’est la façon dont tu me le dis, à trois heures du matin, en plein nulle part, sur l’autoroute où j’ai longtemps dormi pendant que tu conduisais, encore plus seule que si je n’étais pas là – c’est cette intonation douce de ta voix qui m’a fait penser soudain qu’à cet instant précis nous donnions une chance à l’espace d’avoir moins froid…

    De l’esseulement. – À la station-service ils ont l’air de naufragés, les grands chauffeurs aux bonnets tricotés en usine les faisant ressembler à des chevaliers médiévaux, ou les petits commerciaux à fantasmes bon marché, on pourrait croire qu’ils ne sont personne, mais à les regarder mieux on voit qu’ils sont quelqu’un et que cela même accentue leur air abandonné…

    De l’horizon. – De loin on ne distingue plus bien, avec la fatigue, si ce scintillement est déjà de la terre ou encore du ciel, dans les replis des villages qui s’éveillent ou sous le brouillard en restes d’étoiles, en tout cas cela fait un clignotement de loupiotes, cela met comme un pointillé séparant le rien de ce quelque chose annonçant le matin, entre le silence et les deux infinis, entre le noir et le rayon vert de la radio dont je n’entends qu’un imperceptible murmure en langue inconnue…

    Image: Philip Seelen.

  • Pensées de l'aube (62)

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    Du jamais vu. – Vous me dites que tout a été dit : que tout a déjà été écrit, mais c’est du flan : rien n’a été dit de ce que je vois à l’instant et de ce que vous voyez à l’instant et de ce qu’ils voient à l’instant à la fenêtre du jour se levant, alors vite il faut le noter, pas une pinute à merdre, jamais on ne verra plus ça, ce qui s’appelle jamais…

    De la recréation. – Il est clair que c’est en Italie que vous avez écrit les meilleures choses sur l’Islande et dans ses carnets de Cape Code qu’elle a le mieux parlé de la foule japonaise - seul le Christ écrivait sur le sable hic et nunc : eux c’est toujours ailleurs et d’ailleurs qu’ils auront griffonné leurs poèmes : Walt Whitman claquemuré dans sa chambre et Shakespeare au pub, et chacun de vous est un autre, il y a plein ce matin de Verlaine dans la rue d’Utrillo, mais ce n’est que trois ans plus tard que je le noterai dans une salle d’attente d’aérogare, je ne sais encore où, alors que je jette à l’instant ces pensées de l’aube devant une image de crépuscule…

    De la vie pratique. – Vous leur souhaitez des subventions et l’Inspiration pour pallier l’angoisse de la page blanche, vous parlez de leur ascèse d’écriture comme d’un sacerdoce, alors que leur seul problème est pour eux de se trouver du papier, un solide crayon et des genoux consentants – le reste est de la littérature : suffit d’avoir ses outils et de noter précisément ce qu’il y a à noter précisément – en biffant précisément les trois putains d’adverbes de trop qu’il y a dans cette dernière phrase…

    Image : Philip Seelen. Crépuscule à la Désirade, 30 mars 2009.

  • Pensées de l'aube (61)

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    De la pâle copie. – Vous pouvez me reprocher de voir ce matin le monde trop en bleu : en réalité il l’est tellement plus que je me reproche ma seule nullité à le dire, mais essayez donc, juste pour voir, je veux dire : pour mieux voir, de dire ce matin le bleu de votre âme, et vous m’en direz des nouvelles, du bleu pur de ce matin irradiant le gris des jours et le noir du monde…

    De la régénération. – Ils sont chaque jour plus jeunes de prendre plus d’âge et de s’épurer de tout ce qui n’est pas la jouvence de l’aurore, leur vieillerie se dérouille dans la fontaine de la première heure, ils ont beau se rappeler le mal qu’ont fait et que feront encore au monde les ravageurs, leurs semblables : ce matin neuf leur paraît innocent, ce matin ils seraient protégés par leur vieil amour retombé en enfance…

    De la filiation. – Rien ne sera de ce qui ne se projette, bouclé dans sa prison, groupé comme un fœtus, cousu comme un chapon : le désir obsédé par lui-même crèvera dans l’ignorance de la vie multipliée de l’immense famille aussi bête et sensuelle, prodigue et folle, divisée et pardonnable, nulle et pantelante d’amour que nous l’aurons été…

    Peinture JLK : Le bleu du jour. Huile sur toile, 2009. Photo Philip Seelen.

  • Pensées de l’aube (60)

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    De l’obstination. – Parfois tu t’éveilles découragé, te disant que rien ne vaut la peine, même que c’est écrit que tout n’est que vaine poursuite du vent, mais ce matin encore tu te rappelles l’injonction que les pêcheurs se gravent au sang sur les jointures de leurs mains : TENIR FERME, c’est peut-être du volontarisme à la con mais ça te retient à ton filet…

    De la rémission. – Si j’étais Dieu moi je te jetterais, franchement, t’es trop sale, chiffon dégoûtant, tu pues et tu ne sers plus à rien, t’es tout pisseux et poisseux, allez c’est bien la preuve qu’il existe pas, ce Dieu dont tu me tannes, s’il te jette pas, ou qu’il n’a pas les yeux en face des trous - ou alors c’est moi qui pige vraiment pas ce que ton nom de Dieu de Dieu peut bien te trouver…

    De la posture. – Une importante inscription se trouve apposée sur la porte de son bureau d’éminent intellectuel : NE PAS DERANGER, et chacun baisse la voix en passant dans le couloir, ayant entendu dire à la télé que là-dedans le penseur élabore l’œuvre la plus dérangeante de ce temps...

    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (59)

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    De la fascination. – Tu pourrais passer des nuits à mater cet écran, tu crois défier le vertige en scrutant ce vide qui ne reflète que le reflet de ce qui n’est pas, tu dévisages à mort ce qui n’a plus de visage, tu crois qu’il y a quelque chose à en tirer mais tu sais qu’il n’en est rien et que seule, ce matin, la fenêtre te délivrera de cette illusion…

    Du laisser faire. – Il n’y a pas de roue de secours qui fasse, pas de recours qui remplace le seul abandon, au tréfonds de toi, à cette attente de l’amour qui te dispose à le recevoir, sans rien vouloir ni pouvoir.

    Des mots de tous. - Dès avant l’aube c’est en vous comme une messe basse, un tendre marmonnement aux retrouvailles du point du jour et partout où vous allez humblement le long de vos sillons, et le jour se lève sur vous, sur nous, sur eux tous qui ont les mêmes mains pour pétrir le pain et pour étrangler, pour dire les mots du faux et du vrai…

    Image : aquarelle jlk 

  • Pensées de l'aube (57)

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    De la confiance. – Tu te rappelles l’absurde injonction : garde ton cœur en enfer et ne désespère pas, tu tournes en rond dans ta cage et tu railles l’idée même d’un enfer et d’un espoir, et c’est ainsi que tu ne désespères pas de t’arracher à ton enfer…

    De la pudeur. – On leur reproche de ne pas être libérés, ils se gênent d’être gênés, leurs yeux se baissent devant l’exhibition des parties sacrées de tous ces inconnus, ils ne sont pas de leur temps, ils ont un peu honte de se cacher avec leur secret…

    De l’apaisement. – Heureux ceux qui se rappellent les mains de leur mère au travail, et pour les autres : heureux s’ils se rappellent les mains de leur mère au repos, sur le front de l’enfant malade ou jointes à ne rien faire...

  • Pensées de l'aube (56)

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    De l’envie dépassée. - Ce que j’aime chez toi c’est que tu aimes mon bonheur comme j’aime le tien, sans que rien de l’un ou de l’autre n’entame la joie de l’un ou l’autre, ainsi oublions nous que nous sommes deux sans oublier que chacun est seul devant sa joie…

    De la fausse parole. – Ce n’est pas que la langue leur fourche : c’est que leurs mots pour dire le vrai ne sont pas vrais, surtout quand ils proclament l’Urgence Absolue de dire le vrai pour pallier l’Horreur Absolue et le Mal Absolu et ceci et cela de tellement absolu que cela rejoint l’Absolu du Bio et du Budget…

    Du charme. – On constate que le penseur de charme descend le plus volontiers dans un hôtel de charme où l’attend la bonne vieille table de charme sur laquelle il aime à rassembler ses pensées de charme inspirées par les humiliés et les offensés hélas privés des charmes et des retombées de sa pensée de charme…

    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (55)

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    Du chemin. - On repart chaque matin de ce lieu d’avant le lieu et de ce temps d’avant le temps, au pied de ce mur qu’on ne voit pas, avec au cœur tout l’accablement et tout le courage d’accueillir le jour qui vient et de l’aider, comme un aveugle, à traverser les heures…

    De rien et de tout.- En réalité je ne sais rien de la réalité, ni où elle commence ni si elle avance ou recule, pousse comme un arbre ou gesticule du matin au soir comme je le fais – ce que je sais c’est juste que tu es là, qu’ils sont là et que je suis là, à écouter cette voix de rien du tout mais qui nous parle, je crois…

    De l’exploit. - Ils ont fait du corps une machine lubrifiée à performances qui me donne froid à l’humanité, ce rutilement est la froide aura de ce culte sans mystère, jogging et baise numérique, course au point de plus ou au centimètre surpuissant dont la seule vue sereine des chemins et des bois et des toits et des monts et du ciel me délivre ce matin…

    Image: Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (54)

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    De la vue. – Il est certains jours - et ce peuvent être de beaux jours, où notre regard reste trouble ou troublé, et se pose alors la question des lunettes invisibles, mais où diable ai-je fourré ce matin mes lunettes invisibles ?

     

    Du nom d’emprunt. – Il est des Amateurs d’Art, ne considérant que Le Nom , qui renieraient leur émotion liée à telle Œuvre s’ils apprenaient que c’est un faux, alors que l’émotion n’a qu’un nom…

     

    Des invisibles. – Mirek m’écrit ce matin – Mirek que j’aime comme un frère ou un fils, sans l’avoir jamais rencontré, Mirek que j’aime à cause de ses poèmes et de sa passion pour les araignées, Mirek me remercie d’avoir accepté de publier ses poèmes, Mirek me dit qu’il va bien, Mirek dont je sais la tristesse liée à l'Amour Fou, Mirek qui m’avoue qu’il est ces jours horribly sad mais que ses poèmes aident à vivre…

     

    Image: Philip Seelen. 

     

  • Pensées de l'aube (53)

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    De la prière. – Il ne me reste que les mots de l’enfance, et encore, parfois je bute – cette puissance et cette gloire me rebutent mais je traduis à ma façon, me retrouvant là-bas au milieu de mon jardin en enfance et dans nos bois sacrés qui me tenaient lieu d’Eglise et de Canon, toujours et encore ILS s’inquiètent de me ramener dans la Bonne Voie, comme ils disent, mais des clous : d’ailleurs je ne connais que ceux de la croix du rabbi Yeoshuah…

    De l’au-delà des mots. – S’il n’y avait que parler, mon pauvre toi, parler ou écrire, parler par la bouche et écrire de la main, mais tout te parle, animal à l’âme malade, ton moindre geste est là pour te dire ou te trahir – disons trahir le faux que tu dis, tout te traduit, surtout le regard, jusqu’au démon russe dont les paupières tombant jusqu’à terre trahissent le faux du regard, cependant dis-toi bien cela : que chaque mot que tu dis ou écris sera entendu pour ce qu'il aspirait à dire ou écrire…

    De l’après-ski. – Ce jeu merveilleux de votre enfance au milieu de l’immense nature glisse parfois vers l’imbécillité grégaire, mais tu n’en as cure, tu te fais vieux, raillent tes artères, tu auras bientôt droit à l’Abonnement Senior, misère, mais tu t’en bats l’œil car des ailes te poussent quand les enfants s’envolent, toujours et encore, dans la griserie de la neige vierge et de la poudre aux yeux…
    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (52)

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    Du bon cours. – Cela te réjouit chaque matin, tu te rappelles vaguement le mot Matines à la cloche d’avant l’aube, au couvent d’à côté, et cela chantonne en toi même si tu n’es qu’un bon Dieu de ruisseau, après quoi tu deviens une espèce de psaume bondissant dans les hauts gazons direction la rivière et les horizons…

    De l’aléatoire. – Le putain de jour se lève sur l’arrière-cour défoncée et voilà le résultat du lendemain d’hier : c’est le Bronx, tu es né dans cette espèce de favella, c’est la faute à pas de chance et tu n’y réfléchis même pas : on t’envoie ce putain de jour de plus et ça te va, tu es déjà plus ou moins en manque sans trop savoir de quoi, mais tu sens que même ce manque t’iras pour cette fois puisque c’est toi…

    De la trace. – Parfois, pas tout le temps mais de plus en plus souvent, tu crois que quelque part tu vas laisser une trace, tu ne sais pas quoi, même pas ce que tu as fait ou pas fait, mais peut-être dans les cœurs, ou peut-être même pas, même si ces personnes seraient un peu de toi quand même comme tu crois que tu es une personne quelque part et que quelque part le mot de personne signifierait que t'es plus grand que tu crois…

    Image: Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (50)

    Samivel4.JPGDe la louange. – Quant au complot des dénigrants, qui s’affairent tous les jours à défaire, ne lui oppose aucun autre argument que ce bonheur de faire qui t’a fait ce que tu seras et qui t’aide à faire, au sens qu’entend la poésie et qui soulève tes paupières de fer tandis que l’oiseau Bach vocalise les yeux fermés…

    Du l’exorcisme. – Tu me dis DEJA et je te réponds : JADIS en souriant au long récit qui se continue, tu me tentes avec un ENFIN satisfait, auquel j’oppose un ENCORE qui te freine et te confronte à mon attention présente, puis nous en revenons au JAMAIS et au TOUJOURS dont nous usons et abusons alternativement – et pour avoir le dernier mot, comme les curés, je te dirai que JAMAIS tu ne m’auras et que TOUJOURS je résisterai à notre commune tentation du désespoir…

    De l’aveuglement. – Une fois de plus, les beaux jours revenant, tu te dis que cet apparent triomphe de l’azur irradiant le bleu publicitaire n’est peut-être qu’un leurre, une autre façon de ne pas voir ce qui est, un agrément de tourisme abruti, quand la vraie musique est trempée de noir et du pire qui donne à entendre ce qui ne se dit pas…

    Image: Samivel 

  • Pensées de l’aube (49)

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    En mémoire d'Alain Bashung

    Des mots bleus. – Leur façon de parler poésie le front au ciel, eux qui ont toujours prétendu viser haut, ne s’est jamais traduite par aucune réelle envolée ni aucune traversée d’azur propre à nous donner des ailes, aussi est-ce dans la rue, à ras le pavé rugueux des poètes mal peignés, que nous aurons ramassé ces mots qu’on dit avec les yeux…

    Du vertige. – Une nuit encore et j’aurais crevé l’oreiller de ne plus te savoir à mes côtés, mais avant de me lever je te sens là toute émouvante en ta songeuse légèreté, plus besoin de te chercher partout où tu n’es pas car l’amour est partout où tu es, et plus encore ce matin neuf en pointillé…

    De nos belles illusions. – Oui c’est cela, gens de raison raisonnable, renouvelez s’il vous plaît nos abonnements à la berlue et ne cessez de vous en éberluer, vous les sages sous les massages de mains policées à cet usage - puis foutez-nous la paix s’il vous plaît et nous laissez tourbillonner…

  • Pensées de l'aube (48)

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    De cette voix en toi. – Tout semble avoir été soumis aux machines et aux arborescences virtuelles, mais une basse continue roule en toi le sanglot du vent autour de la maison seule autant que la rivière au primesaut de vos éveils enfantins - c’est une rumeur de partout sous les yeux clos du Temps étoilé…

    De l’altérité. – Je ne te demanderai jamais d’être l’Autre, je me défie de toute emphase empesée, je t’attends au coin du bois – qui est peut-être un désert ou ton lac de là-bas, sans savoir ce que tu me réserves et n’attendant que d’être surpris comme au premier jour, quand ta voix bondit pour la première fois de ta nuit à la mienne.

    Du ressentiment. – C’est de cela seul que je voudrais que tu me débarrasses, méchant moi, c’est de ce relent récurrent qui me taraude dans le bruit des bruyants malcontents, c’est de ce froid et de ce poids, gentil moi, que je te prie de me délivrer…

    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (47)


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    De ce qui t’est donné. – Ne te plains pas du bruit que font les bruyants, il y a partout une chambre qui attend ton silence comme une musique pure lui offrant toute ta présence entre ses quatre murs de ciel.

     

    Du temps imparti. – Tout ce qui vous manque est en vous, me disait l’homme des bois en juillet 1839, il n’y a qu’un remède à l’amour : aimer davantage, et c’est l’hiver à ce qu’il semble, mais c’est plus que jamais juillet 1839 pour l’homme des bois en toi qui te demande : pourquoi donc l’homme se hâterait-il, comme s’il y avait moins que l’éternité pour accomplir l’action la plus infime ?…

     

    De la fuite en avant. – Rien ne les arrêtera dans leur précipitation, ils sont plus que jamais hors d’eux, libérés de leurs chaînes tout en se croyant partout les maîtres, ils me font pitié les pauvres : moi je ne vis que de deux dollars par jour et c’est ce qu’ils jettent au mendiant qu’ils ne voient même pas, juste pour l’oublier tandis qu’ils traînent leur âme rouillée dans mon paradis...

    Image: Philip Seelen