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Fatrasie

  • Divtseserimnet pinatarier

    littérature
    Le creaveu hmauin lit dnas le dsérorde


    Sleon une étdue de l’Uvinertisé de Cmabrigde, l’odrre des lteetrs dans les mtos n’a pas d’ipmortncae. La suele coshe ipmortnate est que la pmeirière et la drenèire ltetre sionet à la bnone pclae. Le rsete puet êrte dans un désrorde ttoal snas cuaser de prbolème de letcure. Cela prace que le creaveu himaun ne lit pas chuaq ltetre dstinciteemnt et à la stuie, mias le mot cmome un tuot.

    Cttee rvéélaiton ve-t-lale ficaliter la tchâe des cnacres dans les éocles ? Et les hmomes se cmoprenrdont-ils miuex en s’exrimpant dans le désrorde ? Le dréosdre mnodial va-t-il bnéfiécier de ce nuovaeu mdoe d’exrpession en nuos fisanat vior la réatilé d’un oiel noavueu ? L’vaneir de l’epsèce hamuine s’en truoerva-t-il chngaé, voire aémiolré ?

    L’édtue de l’Uerisnivté de Cibramdge plare de leutcre mias pas d’esspreixon olrae. Si vorte ceervau lit chqaue mot cmmoe un tuot, tuot se cpmlioque au memont de vuos empxrier de vvie voix !

    Si vuos lsiez : « Le cehin oibét à son mtaîre », vuos ne pvouez oodnrner à votre cbles : « Moédr, dnone la pttapae à pnapouet ! » Le pruave Mdéor n’y pgiera que piouc ! De mmêe la crtlaé du Tjéléouarnl rsqiue de piâtr du pssaage des mtos éicrts aux mtos écnonés à 20 hurees par Pactrik Pvoire de Cazhal. Rien que Mdaame, Msonieur, Boionsr ! » jetetra la csonfuion dnas le caerevu des téésltpeucaters les puls déots en la mtraièe…

    On viot arlos la litmie de l’iérntêt de l’édtue fauemse. Ce qui se lit frot bien ne psase pas à la tléé. Est-ce à drie que le cevreau huiamn n’a pas été cçnou pour fonnonctier à plein rmiége en fcae d’un piett écran ? Tllee est puet-êrte la quioestn fonnemdatale à mteédir suos le cauqse de la cousfeife...

    Peinture: Pierre Omcikous

  • A chiens et à chats

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    Aperçu de zoophilie littéraire
    L’excellent Paul Léautaud, qui eut dans sa vie plus de deux cents chiens et trois cents chats (pas tous en même temps), raconte l’histoire du chien que son mauvais maître avait décidé de noyer dans la Seine, et qui l’y jeta donc une première fois, puis une deuxième après que l’animal en eut réchappé, enfin une troisième et si violemment que l’imbécile tomba à l’eau, d’où son chien le ramena. Certifiée véridique, l’anecdote ne manquera pas de conforter les tenants du chien en rappelant cette évidence: que s’il n’y a pas de chats policiers (ce qui gratifie le félidé d’une supériorité aux yeux d’un Jean Cocteau), il n’y a point non plus de chats d’aveugles ou de chats d’avalanche...

    Par delà les chamailleries plus ou moins sectaires, et souvent sigificatives d’ailleurs, opposant les amateurs de chats (Baudelaire et Patricia Highsmith en tête) à ceux des chiens  (de Thomas Mann à Cendrars), c’est un aperçu beaucoup plus vaste et divers de la permanence et de l’intérêt du thème que nous propose cet ouvrage richement illustré.
    L’intérêt de celui-ci tient d’abord aux essais plus ou moins savants qu’il rassemble, telle l’approche de la fonction des chats dans les romans policiers, par Renate Böschenstein, ou l’analyse très fine de «l’univers de l’artiste entre culture et nature» de Felix Philip Ingold, les approches ethnologiques de Juttna  Buchner-Fuhs ou le retour sur image de Jean Starobinski interrogeant le contenu polysémique de la figure du chat selon  Baudelaire, à la fois poète-amoureux sédentaire et savant concentré comme une pile atomique...

    Par ailleurs, l’ouvrage est enrichi de nombreux inédits, où une vingtaine d’auteurs suisse vivants se livrent avec plus ou moins d’originalité. Urs Widmer y révèle aussitôt un net préjugé antichien,tandis que Grytzko Mascioni sauve l’honneur canin en se disant plutôt «meilleur ami du chien», pour nous rappeler aussi que la supposée familiarité de l’animal recèle autant de mystère et de vertige dans sa présence que celle du chat.
     «Le chat et le chien, dans la littérature européenne et américaine, ont des arbres généalogiques très imposants», note Thomas Feitknecht dans son introduction à Chats et chiens littéraires, rappelant la mémoire fidèle du vieux chien d’Argos, dans L’Odyssée d’Homère, «le seul à reconnaître son maître de retour de ses errances», la fondation par Cervantès de la lignée des chiens qui parlent, l’apparition du Chat botté à la fin du XVIIe siècle ou le personnage inoubliable créé par E.T.A. Hoffmann avec son chat Murr.
    Qu’il soit considéré comme un faire-valoir plus ou moins flatteur de l’artiste  ou comme le symbole d’une énigme métaphysique (le chat d’Etienne Barilier, dans Enfin, est une métaphore de l’inconnaissable, de l’inatteignable, de l’absolu ou de la mort), le compagnon animal est aussi intéressant par sa fonction de reflet existentiel ou esthétique, que par les échappées qu’il ménage vers la fiction et l’imaginaire.
    De la plus triviale aspiration à créer la race supérieure du chien allemand sélectionnée dès la fin du XIXe siècle (nul hasard si le préféré d’Adolf Hitler n’est pas le bichon maltais) à l’imagination d’une nouvelle civilisation où les hommes s’en remettraient à la sagesse de leur meilleur ami, comme dans le fameux roman de science fiction de Clifford Simak intitulé Demain les chiens, en passant par les relations à la fois affectives et riches d’enseignements éthologiques qu’un Konrad Lorenz entretenait avec sa petite chienne Stasi (!), le thème peut se décliner dans tous les domaines et sur tous les tons, et nul doute que chatte ni chienne ne sauront reconnaître tous leurs petits «clonés» dans l’immémorial encrier humain...
    Chiens et chats littéraires. Editions Zoé et Office fédéral de la culture, 345p. Nombreuses illustrations.

    Colette et ses chats; Cendrars et Wagon-Lit; Léautaud et Mademoiselle Barbette; JLK et son scottish Fellow
     

  • Le règne de l’insignifiance

    Prix littéraires 2005. Clin d'oeil rétrospectif...

    Ce mauvais coucheur de Castoriadis parlait, à propos de l’évolution de la culture contemporaine, de « montée de l’insignifiance » et celle-ci me paraît précisément caractériser les prix littéraires de cet automne, mais est-ce bien nouveau ? Cela ne fait-il pas un siècle que le Goncourt revient à des Weyergans, et le Nobel de littérature n’a-t-il pas été inauguré par Sully Prudhomme ? Le ciment d’une société reste le conformisme et l’on serait bien niais (comme je le suis à mes heures…) de s’attendre à ce que la non-conformité fût consacrée, même à une époque ou le pire conformisme se pare des plumes du non-conformisme. Bref, on ne devrait pas s’étonner de voir le Goncourt attribué à une chose aussi insignifiante que Trois jours avec ma mère et pas à La possibilité d’une île de Michel Houellebecq, ce malappris, ou pire : à l’époustouflant Cosmos incorporated de Maurice G. Dantec, ce réac foldingue qui n’est apparu dans aucune liste à ce que je sache.
    Que le prix Médicis soit attribué à Fuir de Jean-Philippe Toussaint, ce savon de luxe qui vous glisse entre les pattes, et que le prix Femina revienne à Asiles de fous de Régis Jauffret, cet esthète de la désespérance affectée, paraît également ressortir au littérairement correct et à la norme, comme l’Interallié, en principe réservé à un journaliste, collé par raccroc à Houellebecq, relève du n’importe quoi…
    A supposer que Monsieur Ouine de Bernanos, Vie de Samuel Belet de Ramuz ou L’apprenti de Raymond Guérin eussent été publiés cette année, les noms de ces auteurs seraient-ils apparus sur les listes des prix ? C’est possible mais pas du tout certain. Ce qui est sûr en revanche, c’est que ces livres ont été primés par le Temps, si j’ose dire, et qu’ils signifient aujourd’hui plus que jamais, avec ou sans médailles…

    Post scriptum de 2010: Non sans grain de sel, on relèvera les progrès de l'industrie avec le Goncourt à l'Houellebecq, un Médicis étincelant à Maylis de Kerangal pour Naissance d'un pont, un Femina non moins éclatant à Patrick Lapeyre et un Prix du roman de l'Académie de grande qualité  avec Nagaski d'Eric Faye, enfin un  Prix Interallié carabiné  à un nègre suisse romand... 

     

  • Marc Levy, le retour

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    Le Premier jour romance le « secret de la vie ». Téléphoné à souhait, le nouveau succès annoncé se lit comme un film...   

     

    Le premier jour vient de faire  son apparition sur les têtes de gondoles des librairies, entre  autres gares et aérogares. Selon toute probabilité,  le grand retour de Marc Levy devrait « cartonner » plus que jamais. Passant au roman d’aventures frotté de « questions essentielles », le romancier à succès se lance en effet dans le sillage spiritualisant de Dan Brown et Paulo Coelho. Ses protagonistes sont typés à souhait ; son écriture basique aussi efficace que sa façon simple de parler science ou religion. L’ancien architecte sait construire une histoire et ménager le « suspense », au fil d’un zapping emmenant la lectrice et le lecteur aux quatre coins du monde. Les 500 pages du Premier jour assurent donc deux ou trois dizaines d’heures d’évasion à Madame et Monsieur Tout-le-monde. Les amateurs de « pure » littérature » font d’avance les dégoûtés. Mais peut-on en juger sans ouvrir le livre ?

    Ce qui est sûr, c’est que le Marc Levy nouveau nous ramène illico dans le climat des romans d’aventures de notre jeunesse, entre Bob Morane et le Club de Cinq, ou du côté d’Indiana Jones, avec chasse au trésor et déchiffrement du « secret de la vie ». Dès son enfance, le brillant astrophysicien Adrianos, spécialiste des «étoiles extraordinaires» que ses collègues de la London University appellent Adrian, s’est posé la question de savoir « où commence l’aube». Or c’est au fil de son journal personnel, armature narrative du Premier jour, que nous apprenons comment il a retrouve son ancien flirt Keira, jeune paléoanthropologue passionnée par l’origine de l’homme.

    Un lever de soleil « de rêve » marque le vrai début du roman, sur la vallée de l’Omo, quelque part en Ethiopie, sur le site archéologique où Keira travaille depuis plusieurs années, « adoptée » par un petit orphelin qu’elle a baptisé Harry et qui  lui a fait don d’un pendentif  à pierre mystérieuse. Après une terrible tempête qui dévaste le site, la voici contrainte de regagner Paris et de s’arracher au petit Harry. Mais elle ne pense déjà qu’à son retour : « Je reviendrai Harry, je te le jure ! », s’exclame-t-elle ainsi entre deux sanglots. Sur quoi la lectrice ou le lecteur sont transportés au Chili, sur le plateau d’Atacama, où Adrian participe à la « fabuleuse aventure » de la quête d’une autre « Terre » située à vingt-cinq mille années-lumière de la nôtre.

    Comme on peut s’y attendre, les retrouvailles d’Adrian et Keira débouchent sur l’amour avec un grand A. En fin de volume, la mort de Keira, noyée dans une voiture où elle échange un dernier baiser avec Adrian, est un morceau d’anthologie.   Mais laissons la lectrice et le lecteur découvrir les multiples péripéties de cette romance des deux « gentils », corsée par les inévitables menées des « méchants » qu’anime la sempiternelle cupidité humaine. Une suite est d’ores et déjà annoncée pour ceux qui en redemandent : La première nuit

    MarcLevy2.jpgMarc Levy, Le Premier jour. Robert Laffont, 498p.

     

     

    La Success story en date

     

    1961. Naissance à Boulogne Billancourt. De père résistant et communiste, dirigeant de la CGT. Dès ses 18 ans, secouriste à La Croix-Rouge pendant dix ans, parallèlement à des études de gestion et d’informatique.

    1983. Première entreprise, Logitec France. S’installe aux Etats-Unis, où il créée deux sociétés spécialisées en imagerie de sytnthèse. Perd le contrôle de son groupe en 1989. Revient à Paris où il fonde un cabinet d’architecture de bureau.

    2000.Premier roman, Et si c’était vrai... Succès immédiat. Steven Spielberg en produit le film. 250 semaines parmi les meilleures ventes de France.

    2001-2008. Sept romans, dont Les enfants de la liberté, où il romance la vie de son père. 17 millions d’exemplaires vendus au total, comptant les traductions en 41 langues.

    2004-2007. Ecrit trois chansons pour Jennifer, Gregory Lemarchal et Johnny Hallyday (T’aimer si mal)

    2005-2008. Trois films et téléfilms ont été tirés de ses livres : Et si c’était vrai, par Mark Waters, Où es-tu ?, par Miguel Courtois, et Mes amis, mes amours, par Lorraine Levy.

     

     

     

     

     

     

  • Vers la Soft Attitude

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    Séminaire d'Harmonie au Peace Bunker

    Les Sages le répètent depuis la nuit des temps : c’est en chacun de nous que réside le noyau fractal de la Paix Universelle. Y contribue la méditation enseignée par la Tradition, mais également tout un ensemble de techniques de détachement et de mise à distance de nos affects qui nécessitent l’apport d’intervenants compétents et d’outils efficients.
    C’est pour vous les offrir, à vous qui êtes stressés, mais en recherche, que nous avons mis sur pied notre premier Séminaire d’Harmonie, en un lieu de rêve.
    Symbole s’il en est de la mutation des concepts et des espaces, l’ancien bunker de Berg am See sera le lieu idéal de ce rassemblement convivial. Notre affiche, conçue par un collectif de plasticiens, présente non moins symboliquement le recyclage visuel du canon de ce site en œuvre de Land Art.
    Durant le Séminaire d’Harmonie, l’initiation au Management de Soi sera dispensée par un panel de spécialistes venus du monde entier. Communicateurs, gérants d’émotions, masseurs virtuels, techniciennes de surface spirituelle, coaches ès négociation efficace nous aiderons à acquérir la Soft Attitude. Dans l’Espace Détente du Peace Bunker, des massages assis minute® sur sièges ergonomiques seront offerts à chacune et chacun. Le coussin à fantasmes et le philtre orgasmique sont également offerts à notre Boutique. Toutes cartes de crédits et dons gracieux acceptés.
    Renseignements préférentiels (le nombre de place dans le P-Bunker étant limité) sur ce blog et par courriel.

  • Les voiles de la pluie

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    Trois Révélations seulement seront à l’Ordre du Jour, indispensables cependant à l’entretien du moral des multitudes se mirant maussadement dans les flaques.
    Or voici le premier voile à lever, sur les Allègres Volières. Que ne voit-on et n’entend-on, dans l’amer crachin et l’humeur chagrine, le petit peuple des Allègres Volières. Voyez et vous encouragez donc au ramage des Allègres Volières. La ville a beau crouler sous les cordes et les seilles, là-bas les perruches en grappes vertes et bleues n’en finissent pas de jaboter joyeusement, tandis que les serins vous serinent que la vie est top…
    La deuxième révélation n’est pas moins roborative, qui montre que des seilles on peu s’accommoder. Ainsi le voile suivant se lève-t-il, derrière trois rideaux de sombres trombes, sur la clairière aux Vasques à Savonnettes, dans lesquelles toute une juvénile jeunesse féminine ondule sous l’eau mousseuse. Les messieurs gravent laisseront là leur gravité guerrière de gagneurs, et là, toi qui passes, tu positives un max…
    Le troisième voile qui se lève ce matin dans les pans superposés de pluies aigres, voire acides, sera le plus à même, enfin, de réjouir les âmes désolées, puisqu’il découvre l’Embellie Gracieuse, à savoir ce ciel derrière le ciel qui ouvre de loin en loin ses lucarnes et ses échappées dans la lavasse et la baille de souille, autant dire le super bonus…

  • Le secret du concombre

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    Le bain de minuit, album citoyen dans lequel Mandryka explique entre les signes pourquoi il n'a pas voté Nicolène Sarkoyal. A lire et relire.

    Le concombre masqué n'a pas été candidat aux élections présidentielles passées de la République Hexagonale du Centre Multiple. Pourquoi cela ? Le programme politico-potager exposé dans Le bain de minuit, dernier manifeste de son père supputatif, alias Mandryka, le révèle entre les signes a posteriori. L'on y découvre en effet les difficultés de l’applicabilité de ses concepts et l'improbable souhaitabilité desdites applications dans le circonstances actuelles du gouvernorat. En clair pour ne prendre qu’un exemple-clef: on a pu constater au vu des Grands Débats et de ce qui n'en est pas ressorti, qu'il ne suffisait pas de dégraisser le glabougnot pour solutionner les problèmes de ladite République. Bref, le concombre et ses alliés objectifs ont momentanément renoncé à faire avancer les Choses en reconnaissant les droits de celles-ci à la libre disposition d’elles-mêmes. Celles-ci ne sont pas pour autant condamnées à subir la tyrannie des Mots qui fait de l’une une cafetière et de l’autre une cruche, mais  le  Nouvel Ordre promis par Nicolène Sarkoyal les libérera-t-elles de la dictature du signifiant au terme de ce qu’elles ont justement appelé la glute finale ? Tout dépend désormais des vents changeants du Possible.

    medium_Concombre3.jpgTels sont aussi bien les constats qui s'imposent à la fois au concombre masqué après la  lecture de ce récit initiatique tout dédié à la quête de la Vérité Ultime, censée sortir du bain de minuit, et qui se matérialise sous une forme encore ouverte au prochain débat des militantes et militants. Mandryka signifie assurément, avec l’apparition du Fantasme incarné, en la personne de la craquante Zaza, que la Pin-Up en bikini représente plus que jamais l’Avenir radieux du plombier-zingueur, sans pour autant relancer une forme obsolète de réification machiste de notre amie la femme.
    Et Dieu là-dedans ? Paradoxalement, c’est sur cette question que l’examen herméneutique, voire téléologique, du Bain de Minuit, sera le moins en butte au Doute, tant l’Auteur initie une vraie réflexion, et même jette une amorce de fondation en proposant l’instauration d’un nouveau Savoir constitué sur les ruines de l’ancienne problématique, avec la constitution d’une Science des problèmes insolubles en tant qu’entités transcendantales.
    Ne mésestimons pas, sœurs et frères, ainsi que nos beaux-parents et voisins de palier, la mise en garde du Concombre: « Dans l’empressement à nous fuir, l’Horizon recule à mesure qu’on avance et l’Avenir est incertain »…
    medium_Concombre1.jpgMandryka. Le bain de minuit. Dargaud 2006, 56p.

  • De la non-lecture

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    A propos du livre de Pierre Bayard, Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?, lu en 7 minutes et même plus...

    Est-il obligatoire de lire les livres dont on parle ? Est-il obligatoire de lire entièrement les livres dont on parle ? Est-il possible de parler d’un livre qu’on n’a pas lu ? Oscar Wilde blaguait-il lorsqu’il écrivait : « Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer », ou formulait-il une réflexion moins paradoxale ou cynique qu’il n’y paraît ?
    Ces questions prolongent celle qui se pose en titre du livre de Pierre Bayard, Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?, dont je parle ici après en avoir pris connaissance en sept minutes, considérant personnellement que ce chiffre est honnêtement plus approprié à la chose que ne le dit ce malhonnête d’Oscar Wilde.
    « Pour apprécier la qualité et le cru d’un vin, écrivait celui-ci, point n’est besoin de boire tout le tonneau. Il est facile de se rendre compte, en une demi-heure, si un livre vaut quelque chose ou non. Six minutes suffisent même à quelqu’un qui a l’instinct de la forme. Pourquoi patauger dans un lourd volume ? On y goûte, et c’est assez, plus qu’assez, me semble-t-il ».
    Oscar Wilde était un grand lecteur, et ce malhonnête de Pierre Bayard, professeur de littérature à l’université de Paris VIII et psychanalyste, a lui-même lu quelques livres à ses heures (un peu de Balzac, un peu de Stendhal, un peu de Maupassant, un peu de Freud, un peu de Romain Gary), ainsi n’est-il pas entièrement de bonne foi lorsqu’il fait l’apologie de la non-lecture. N’empêche: ses observations trahissent bel et bien un non-lecteur récidiviste de talent, comme l’était aussi le cher Oscar.
    Or que veulent dire ces deux mauvais esprits (ou semblant tels) en prenant le contrepied d’un certain terrorisme régnant, doublé d’une certaine hypocrisie régnante, qui voudraient qu’un honnête homme du XXIe siècle, et qui plus est une honnête femme, aient forcément lu Proust, et tout Proust, ou Les Bienveillantes, et leurs 903 pages tassées, sous peine de ne pas être considérés ?
    Ce qu’ils veulent dire est beaucoup plus intéressant qu’on ne saurait croire, et les accuser d’inciter à la paresse serait injuste autant qu’il serait injuste de parler du livre de Pierre Bayard sans lui consacrer plus de sept minutes. Ce qu’ils veulent dire, molto grosso modo, c’est qu’il y a lecture et lecture. Que certains livres ne méritent même pas les sept minutes réglementaires du premier examen. Que d’autres nous donnent plus à l’état de lampée qu’à plein tonneau. Que parler d’un livre est aussi un art et qui s’apprend, et que mal lire un livre en entier ou bien lire un fragment de ce livre, assommer le lecteur d’une critique exhaustive savantasse ou lui donner l’envie de lire en parlant de son plaisir à soi, donc en parlant de soi, modulent les multiples rapports que nous entretenons avec la lecture des livres et du monde qu’il y a dans et autour des livres.
    Oscar Wilde pensait, en invoquant les Grecs, que la critique littéraire est un art, et aussi créatif que ladite création. C’est en espérant susciter cette créativité que Pierre Bayard, au terme de son livre, que je viens de lire en sept minutes et même plus, se fait l’avocat du diable non-lecteur qui ose parler de ce qu’il n’a pas lu ou partiellement lu de façon plus intéressante que l’honnête femme ou l’honnête homme qui-ont-lu et nous les brisent en alignant force lieux communs parce qu'ils ne savent pas lire cela même qu'ils lisent...
    Ce qu’il faut relever aussi, et ça compte, c’est que Pierre Bayard, moins que Wilde mais quand même, écrit exquisement, ce qui ne gâte pas notre non-lecture… Mais j'y reviendrai dès que j'aurai achevé de ne pas le lire.
    Pierre Bayard. Comment parler des livres qu’on n’a pas lus ? Editions de Minuit, 162p.

  • Une arnaque de JLK

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    Ou comment j’ai (si bien) parlé des Bienveillantes avant d’avoir lu tout le livre…

    Première question : faut-il lire les 903 pages très tassées des Bienveillantes de Jonathan Littell pour en parler ? Les visiteurs de ce blog auront pu constater qu’il n’en est rien : la plupart de ceux qui se sont exprimés à ce propos n’avaient manifestement pas lu le livre. Plus précisément, ceux qui l’avaient le moins lu en parlaient le plus !
    Deuxième question : faut-il avoir lu Les Bienveillantes en entier pour en parler ? Je dirai que c’est préférable, mais pas obligatoire.
    Troisième question : faut-il avoir lu Les Bienveillantes, et en entier, pour présenter le livre convenablement dans un journal ? A cela, je réponds tranquillement en révélant un scoop mondial : à savoir que j’ai écrit, en date du 2 septembre 2006, un article dans le journal 24 Heures, sur Les Bienveillantes, intitulé La sarabande du démon, que j’estime un papier convenable, alors même que je n’avais lu réellement que les deux tiers du livre, disons 600 pages au total, d’un bout à l’autre mais avec de longs chapitres juste survolés.
    J’affirme aujourd’hui avoir lu Les Bienveillantes de A à Z, comme en témoigne le carnet de notes que j’ai publié sur ce blog, mais cette lecture intégrale m’a pris trois mois alors que je n’avais qu’une semaine pour préparer l’article que ma rédaction m’a commandé dès que les médias ont commencé de « tirer »… Or peut-on lire Les Bienveillantes en une semaine ? On le peut en ne faisant que ça, mais il se trouve que je n’avais pas que ça à faire cette semaine-là.
    N’empêche : j’estime avoir compris, en sept minutes, que Les Bienveillantes était un livre à lire, j’en ai entrepris la lecture pour comprendre, après 150 pages, que ce livre était si important qu’il fallait le lire de A à Z et que ça me prendrait des semaines, mais ma rédaction ne l’entendait pas ainsi, c’était lundi et l’article était à paraître le samedi suivant, allez coco manie-toi.
    Et coco a fait ce qu’il a pu : il a lu les 312 premières pages des Bienveillantes, jusqu’à la fin des grands chapitres Allemandes I et II, après quoi il s’est livré à une suite de « carottages» représentant à peu près 300 autres pages, et c’était vendredi, coco, la panique, à toi de « tirer »...
    En relisant ce papier intitulé La sarabande du démon, je me dis que je suis un vieux pro roué qui « assure ». Personne, évidemment, des lecteurs de 24 Heures convaincus (mais si, mais si) que j’avais lu les 903 pages du livre, n’avait de raison d’en douter en lisant cet article évidemment trop court (la faute à la rédaction), légèrement amélioré lors de l’attribution du Goncourt aux Bienveillantes. Pour la défense de coco, je dirais que les circonstances l'obligeaient, en l’occurrence, à cette arnaque, alors même que je continuais de lire Les Bienveillantes et de les annoter de A à Z. De cette lecture complète, j’ai tiré un article beaucoup plus personnel et complet, il me semble, intitulé Le cauchemar de l’homme fini et paru dans Le Passe-Muraille de janvier 2007.
    Cela dit, pour en revenir au livre de Pierre Bayard sur les vertus de la non-lecture, j’ajouterai ceci à propos des Bienveillantes : qu’il est possible de parler de ce livre sans l’avoir lu en entier, mais que c’est moins intéressant que de le lire de A à Z ; qu’il est sans intérêt d’en parler sans l’avoir lu ; qu’il est sans intérêt de ne pas le lire en entier, même s’il compte parfois des « longueurs », autant qu’on en compte dans A la recherche du temps perdu...
    Si j’ai consacré des semaines et des mois à la lecture et à l’annotation des Bienveillantes, ce n’est pas pour me donner bonne conscience mais par seuls plaisir et intérêt. J’ai récemment parlé sur ce blog des Microfictions de Régis Jauffret, qui fait la Une du Monde des livres de cette semaine, après avoir constaté, sur la base de 30 pages (les sept minutes d’examen ou un peu plus) que les 1000 pages de ce livre étaient de trop. J’en lirai un peu plus pour argumenter tout le mal que je pense de ce livre, qui nous éloigne de nous-mêmes et du monde en prétendant nous en rapprocher, mais j’estime d’avance que lire ces 1000 pages de trop serait un grave manquement à la plus élémentaire hygiène de vie selon les règles du Dr Wilde…

  • Sur la ligne de crête

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    Prix Femina à Nancy Huston, et Médicis à Sorj Chalandon.

    C’est à Lignes de faille de Nancy Huston qu’a été décerné hier le prix Femina, dont les débats ont été marqués par l’exclusion de Madeleine Chapsal des rangs du jury. (cf. encadré). Malgré cette bisbille parisienne, c’est l’un des plus beaux romans parus cet automne qu’ont distingués les dames du Femina, et sans doute l’un des ouvrages les plus ambitieux de la romancière française d’origine canadienne. En quatre longues séquences à rebrousse-temps, entre 2004 et 1944, quatre enfants de six ans y évoquent leur petite histoire personnelle et familiale enchâssée dans les tribulations du siècle. Brassant de grands thèmes dans une sorte de coulée symphonique, Nancy Huston rend admirablement le ton de chaque époque en animant des personnages de chair et d’émotion. 

    Quant au Médicis, ordinairement considéré comme le plus « littéraire » du quarteron de tête des prix automnaux, c’est au journaliste Sorj Chalandon qu’il a été décerné, pour Une promesse. Après Le petit Bonzi, un premier roman à caractère autobiographique, le grand reporter de Libération, prix Albert Londres en 1988,  s’est attaché à l’évocation de l’énigmatique claustration d’un vieux couple du tréfonds de la province française, autour du secret duquel se développent la rumeur et le questionnement du voisinage.

    Comme chaque année, les pistes de lecture proposées par les volets « étrangers » des deux prix méritent l’attention. Ainsi le jury du Femina a-t-il distingué une autre romancière en la personne de l’Irlandaise Nuala O’Faolain, pour L’histoire de Chicago May, parue chez Sabine Wespieser, petit éditeur souvent remarqué par ses découvertes. En l’occurrence, c’est une épopée canaille qui se déploie dans ce roman évoquant les frasques d’une aventurière de haut vol sur fond d’Irlande misérable. De son côté, le jury du Médicis a couronné l’écrivain roumain Norman Manea, pour Le retour du hooligan : une vie, paru au Seuil. L’occasion de découvrir un écrivain puissant retraçant, dans ce livre, une destinée marquée par les persécutions successives du nazisme et du communisme, avant son exil aux Etats-Unis et l’ultime déception qui l’attendait en Roumanie « libérée ». 

    Enfin, Jean-Bernard Pontalis a reçu le prix Médicis de l’essai pour Frère du précédent, paru chez Gallimard, alors que les jurés du Médicis décernaient le Femina de l’essai à Claude Arnaud pour Qui dit je en nous, publié par Grasset. Pour ce qui est des prix les plus convoités, le Goncourt et le Renaudot, leurs lauréats seront désignés le lundi 7 novembre prochain.

    medium_Prix2005.jpgTous pourris ?

    Après le coup d’envoi de la saison des prix littéraires parisiens donné la semaine dernière avec l’attribution du Grand Prix du roman de l’Académie française au livre-événement de la saison, Les Bienveillantes de Jonathan Littell, paru chez Gallimard, la deuxième volée des prix fait apparaître, une fois de plus, l’omniprésence des grandes maisons (Galligrasseuil…) dans le palmarès. Belle exception avec le Femina à Nancy Huston, publiée chez Actes Sud (comme Laurent Gaudé, lauréat du Goncourt en 2004), mais cette consécration n’en a pas moins été marquée par un coup d’éclat significatif du jury féminin qui n’a pas aimé, mais pas du tout, que Madeleine Chapsal, révèle, dans son Journal d'hier et d'aujourd'hui, les dessous de l'attribution du prix 2005 et, plus précisément, les rapports supposés entre certains éditeurs et membres du jury. Ces propos ont été jugés "diffamatoires" par la majorité des dames du Femina, qui lui ont proposé de démissionner, avant de l'exclure. "Par solidarité", Régine Deforges a aussitôt annoncé sa démission du jury Femina. Mais où est le vice, où la vertu ?

    Les « révélations » de Madeleine Chapsal pouvaient-elles aider à « moraliser» le système des prix littéraires parisiens ? On peut en douter à en juger par les résultats des polémiques et esclandres qui se poursuivent depuis… le début du XXe siècle. Or donc, tout est-il pourri au royaume des prix ? Le Femina à Nancy Huston (notamment) incite une fois de plus à la nuance…

     

  • La déferlante relancée

    medium_Amelie01.3.jpgmedium_Angot.jpgAprès le record de 2003, la rentrée littéraire française affiche 683 nouveaux romans, dont 97 premiers galops. Et la qualité là-dedans ?…
    Une nouvelle fois, la rentrée éditoriale française affiche la quantité, dans la masse de laquelle la qualité reste à déceler. Près de 700 romans annoncés : c’est près de 300 de plus qu’en 1977, que la revue professionnelle Livres Hebdo estimait la dernière d’avant le grand emballement, marqué par un pic de 691 romans en 2003. Dans cette pléthore visant, notamment, la course aux prix littéraires d’automne, avant les dépenses festives de fin d’année, et qui n’inclut pas celle des essais et autres documents d’actualité, 475 romans français vont paraître entre août et octobre, et 208 romans « étrangers ». Sur l’ensemble : peu de vraies « grandes pointures » internationalement reconnues, si l’on excepte un John Updike ou un Antonio Lobo Antunes.

    Depuis quinze ans, c’est une romancière hors-course qu’on retrouve au premier rang des « vendeurs », en la personne de la fée-sorcière Amélie Nothomb qui signe, cette année, chez Albin Michel, un Journal d’hirondelle très enlevé, « autour » du dépit amoureux d’un tueur à gages. Les « stars » viennent-ensuite seront du genre plutôt médiatique franco-français, avec un premier trio clinquant de niveau littéraire pour le moins inégal. En tête de gondole, Christine Angot suscite déjà la controverse parisienne en poursuivant, chez Stock, le récit autofictionnel de ses menées amoureuses sous le titre de Rendez-vous. On a murmuré, en coulisses, que l’arrivée de Patrick Poivre d’Arvor chez Gallimard signifiait une faim de Goncourt pressante. Or c’est en quatre-mains, avec son frère Olivier que PPDA se profile dans Disparaître, abordant l’extraordinaire destinée de T.E. Lawrence par le biais d’une épique-fiction actualisée. Dans la foulée, en pointe chez Grasset, le teigneux Yann Moix, rebelle à la parisienne devenu célèbre avec Podium et Partouz, remet ça dans un Panthéon où les coups d’un père très méchant sont adoucis par un tonton Mitterrand très gentil.
    Au nombre des auteurs français les plus en vue du moment, Laurent Gaudé (Goncourt 2004 avec Le soleil des Scorta) publie également son nouveau roman chez Actes Sud, intitulé Eldorado et relatant le périple de deux frères en quête de terre promise ; et dans les mêmes marges voyageuses, Marc Trillard poursuit son œuvre de franc-tireur avec un roman explorant l’univers parallèle des Gitans, intitulé De sabres et de feu et paraissant au Cherche-Midi. Enfin, autre ex-Goncourt (avec La bataille, en 1997), toujours friand de revisiter l’histoire, Patrick Rambaud brosse un portrait à sa façon de jeune Bonaparte en son irrésistible ascension, sous le titre Le chat botté et chez Grasset.medium_Huston_kuffer_v1_.2.jpg
    Une rentrée est faite de retours attendus, et le premier à nous combler est celui de Nancy Huston, dans un vaste roman en cascade remontée, si l’on ose dire, puisque Lignes de faille se compose de quatre confessions d’enfants de six ans, dont le premier est un jeune Américain d’aujourd’hui, le deuxième son père en 1982, en Israël à l’époque de Sabra et Chatila, le troisième la mère de celui-ci en 1962 au Canada, et le quatrième la mère de celle-ci en Allemagne nazie, vers 1944. D’une empathie prenante, c’est là l’un des romans importants de l’auteur, dans le sillage de Dolce Agonia, et sans doute une lecture des plus recommandées en ce moment.
    Dans un genre et un ton aux antipodes du précédent, le nouveau roman de l’imprécateur-visionnaire mégalo-dingo Maurice G. Dantec, intitulé Grande Jonction et paraissant chez Albin Michel, n’est pas moins passionnant à beaucoup d’égards, quoique bien long (près de 800 pages) à notre goût, un cran au-dessous de Cosmos incorporated dont il constitue la suite épico-théologique mâtinée de poésie rock. Mais quel souffle et quel engagement !
    Si les lecteurs professionnels ont la chance ( ?!) de lire une partie des 683 nouveaux romans avant leur mise en place en librairie, les titres que je cite subjectivement ici ne prétendent à aucune « prescription » pour autant. Autant dire aussi que la rentrée, avec ses surprises et ses découvertes possiblement « bouleversifiantes », ne fait que commencer…

    medium_Fleischer.3.jpgCeux qui ont la « papatte »
    S’il y a profusion d’auteurs, les authentiques écrivains sont plus rares, qui se reconnaissent à ce que Philippe Sollers appelle justement la « papatte ». Entre vieux routiers et nouvelles voix, le jeu est assez excitant de distinguer ceux qui ont ladite « papatte ». Un Alain Fleischer n’a plus à le prouver évidemment : L’Amant en culotes courtes, roman d’apprentissage strictement autobiographique », qui paraît au Seuil, vaut d’abord par la musique de son style, modulation par excellence de la « papatte ». Même constat, chez Grasset, pour Jean-Marc Roberts et Cinquante ans passés, blues émouvant aux années de sa jeunesse, ou Christophe Bataille dans Quartier général du bruit, évoquant la folie de la lecture et la figure de l’éditeur Bernard Grasset.
    Chez les nouveaux venus, le très jeune Ariel Kenig réussit un deuxième galop, chez Denoël, avec La pause, récit rageur d’une révolte en banlieue que porte là encore un style vif et neuf, déjà remarqué dans Camping Atlantic. Le deuxième roman de Stéphane Audeguy, après La théorie des nuages, intitulé Fils unique et ressuscitant, chez Gallimard, le frère aîné de Rousseau, est également à signaler pour sa « papatte », de même que Le patrimoine de l’humanité, au Dilettante, du prosateur-rocker Nicolas Beaujon donnant dans la satire panique, alors que Philippe Laffitte, chez Buchet- Chastel, transite du côté de Kafka avec Etranger au paradis, dans une fable mélancolique de très fine écriture. Tout cela pour finir « en boule » avec Alain Mabanckou dans son conte poético-politique intitulé Mémoires d’un porc-épic, au Seuil, qui n’a guère à voir, sinon la commune « papatte », avec la très piquante histoire de concierge, chez Gallimard, de Muriel Barbery paraissant sous le titre de L’élégance du hérisson…


    LE chef-d’œuvre étranger ?
    Le constat n’est pas d’une originalité fracassante: la littérature la plus dense et le plus novatrice ne se fait pas, aujourd’hui, sur l’Hexagone. D’ici à crier à la merveille chaque fois qu’un nouvel auteur américain à succès débarque : nuance. Les uns s’y emploient cependant avec le premier roman de Jonathan Littell, intitulé Les bienveillantes et paraissant chez Gallimard en même temps qu’un roman de Nicole Krauss, L’histoire de l’amour, également salué avec fracas et « en couple » avec, à L’Olivier, Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer, son époux légitime à la ville et autre « star » du roman…Mais lisons plutôt Les bienveillantes, ce récit de l’extermination nazie racontée par un SS, que Dominique Fernandez compare déjà à un nouveau Guerre et paix.
    Au même rayon « étranger », on se réjouit de retrouver une valeur sûre de la prose américaine en la personne de John Updike, dont paraît au Seuil Tu chercheras mon visage, un roman inspiré par la figure du peintre Pollock. En outre, la Rue Katalin de Magda Szabo, chez Viviane Hamy, réjouira l’amateur de bonne littérature plus discrète, autant que, chez Bourgois, les poignantes Lettres de guerre d’Antonio Lobo Antunes. Entre beaucoup d’autres, n’est-ce pas…


    Passeurs à contre-courant
    C’est entendu : la rentrée littéraire française pèche désormais par excès, et d’autant plus qu’elle est relayée, dès les premiers mois de l’année suivante, par une nouvel vague de publications visant le Salon du Livre de Paris. Pour le lecteur romand, en outre, l’offre se multiplie encore du fait d’une bonne centaine d’ouvrages publiés à l’automne par les éditeurs romands, sur lesquels nous reviendrons d’ailleurs. A qui profite cette pléthore ? Certes pas aux auteurs, dont la plupart sont noyés dans ce magma, pas plus qu’aux lecteurs qui ne savent souvent plus où donner de la tête. Or cette fuite en avant des éditeurs ne leur est-elle pas, aussi, économiquement dommageable ? Pas vraiment, nous disait récemment Teresa Cremisi, qui fait autorité dans l’édition parisienne, étant entendu qu’elle parlait au nom des plus grandes maisons comptant sur quelques énormes ventes pour « assurer » leur saison. L’on peut douter, par conséquent, qu’un changement notable intervienne dans cette concentration tactique préludant à la course aux prix, unique en Europe sur un si court laps de temps. Comment faire, alors, pour s’y retrouver dans ce magma ? En premier lieu, il serait tout faux de s’imaginer que le lecteur n’est qu’un fétu ballotté au gré du courant. L’idée que le public est essentiellement moutonnier est contredit régulièrement, alors que moult « coups » éditoriaux ou médiatiques font chou blanc… Dans le même ordre d’idée, il est bien rare qu’un livre réellement important ne soit pas aujourd’hui remarqué, n’était-ce que de quelques-uns. Quel mode d’emploi pour la rentrée ? Lire de ses propres yeux, tâcher de rester indépendant d’esprit et faire lire ensuite ce qu’on a vraiment aimé. C’est le rôle premier des libraires et des chroniqueurs: passeurs privilégiés. Mais chaque lecteur n’en est-il pas un à sa façon ?

  • Les poulettes repiquent

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    Le dernier album des Dixie Chicks
    Not ready to make nice, chante Natalie Maines dans le nouvel album des Dixie Chicks, qui en ont vendu plus de 500.000 en une semaine dès sa sortie aux States, en clair : « Je ne suis pas prête à être gentille. Je ne suis pas prête à céder. Je suis toujours folle de colère et n'ai pas le temps de faire des ronds-de jambe. Il est trop tard pour changer et même si je pouvais je ne le ferais probablement pas"...
    Autant dire que les « sorcières » du Texas, pourchassées dès le début de la guerre en Irak pour leurs déclarations « inappropriées », persistent et signent avec les quatorze morceaux de pure country de Taking the long way, dont le premier, The long way around, évoque la virée de celle qui, vivant en nomade sur les routes, se rappelle ses « friends » de collège et se demande si elle s’établira jamais pour sa part et si elle reverra ses amis de jeunesse.
    Même si les paroles des chansons réunies ici distillent des éléments critiques, on est loin du « protest song » des sixties façon Joan Baez ou Neil Young, ce qui n’empêche pas de jolis coups de gueule, comme dans le rock plus épicé de Lubbock or leave it évoquant, dès l’attaque, la fameuse « ceinture biblique » du Sud profond où les églises sont plus nombreuses que les arbres sans convaincre tout le monde de s’agenouiller à l’unisson de la famille Bush…
    Dixie Chicks. Taking the long way. Columbia Records
    Photo: les amours de Natalie Maines  et Saddam, un fleuron de la propagande anti-Chicks

  • Le souk de la lecture

     

    Au 20e Salon du livre de Genève
     Le 20e Salon international du livre et de la presse de Genève a fermé hier ses portes sur un bilan qui conforte ses initiateurs, à commencer par Pierre-Marcel Favre, réjouissant également tous ceux qui sont attachés au livre, à l’écrit ou à l’échange sous ses multiples formes. Une fois de plus, des milliers de lecteurs de toute provenance sociale, de joyeux essaims de mômes piailleurs déboulant à l’enseigne de la  Bataille des livres (formidable incitation à la lecture qui se déploie sur toute l’année), des éditeurs et des auteurs ont afflué dans cette immense librairie-souk maintes fois critiquée par son agrégat baroque où bouquins et babioles, graves débats et animations bruyantes voisinent plus ou moins harmonieusement.
    Le Salon du livre de Genève n’a jamais été celui des « purs » lettrés, et d’ailleurs jamais il n’aurait survécu dans un concept aussi élitiste. En jouant sur la multiplicité des offres, toutes pourtant liées aux curiosités de la lecture et de la communication, de l’art et de la culture au sens le plus large, cette manifestation, qui a aussi su échapper au  style comices agricoles et touristiques de certains salons provinciaux de l’Hexagone, est parvenue à survivre vaille que vaille et même à s’améliorer, à certains égards, en attirant bon an mal an plus de 100.000 visiteurs.
    Cette vingtième édition s’inscrivait dans un contexte plutôt inquiétant pour les professionnels du livre, et notamment pour les libraires indépendants. Ceux-ci, faute de moyens, ont parfois considéré le Salon de Genève d’un œil défavorable, au point d’organiser certaine année un contre-salon en ville. Or voici que, signe des temps (40 librairies romandes ont disparu depuis 2001) le Cercle de la librairie et de l’édition genevois, rassemblant une quinzaine d’enseignes et soutenu par les instances officielles, a choisi de se présenter en force et de relancer, entre autres, le débat sur le prix réglementé du livre.
    Cette initiative ne devrait-elle pas inspirer une action plus concertée de l’ensemble des libraires romands ? C’est la question qu’on pouvait se poser aussi, intéressant alors les éditeurs et les auteurs de notre pays, en découvrant le travail remarquable qui se fait à l’enseigne du Centre régional du livre de Franche-Comté, hôte régional d’honneur.
    « Le salut est dans la culture », lit-on dans le dernier roman de l’écrivain algérien Boualem Sansal, dont une lettre ouverte plus récente à ses compatriotes (Poste restante : Alger, Gallimard 2006), vibrant plaidoyer anti-obscurantisme, serait interdit depuis peu par la censure algérienne. Ecrivain admirable, et d’un courage civique exemplaire, l’auteur de l’inoubliable Serment des barbares était à Genève avec quelques-uns de ses pairs, malgré l’opprobre officiel.
    Egalement de passage au Salon de Genève, la romancière iranienne Chahdortt Djavann rappelait que la lecture est l’activité humaine à la fois la plus intime et la plus ouverte au monde, qui nous fait voyager à la rencontre de nous-mêmes autant que vers les autres.
    On peut certes dauber sur la « décadence » de la culture actuelle, la littérature qui n’est plus « ça », les jeunes qui ne lisent plus ou la langue française qui f… le camp et autres litanies. Or l’agora que constitue le Salon du livre laisse entrevoir de multiples autres signes, à commencer par ceci : que le gout de lire, modeste curiosité ou passion vorace, a fait que des milliers de gens se sont déplacés, pour se rencontrer parfois, avant de repartir avec ce bien précieux qu’est un nouveau livre.


    « La lecture est l’activité humaine à la fois la plus intime et la plus ouverte au monde, qui nous fait voyager à la rencontre de nous-mêmes autant que vers les autres. »

  • Une rentrée à surprises


    Une fois de plus, la présentation de la rentrée littéraire française relève de la gageure, s’agissant de plus de 600 ouvrages dont beaucoup ne sont même pas parus. Comme s’il ne devait y avoir qu’un Evénement, les uns attendent le dernier Houellebecq tel un messie, alors que d’autres y vont de leur contrecoup de cœur. Ainsi certains prônent-ils Jean-Yves Cendrey et son instituteur pédophile, dans Les jouets vivants (à L’Olivier), tandis que d’autres encensent plutôt Waldenberg, ample traversée du XXe siècle à l’écriture profuse (chez Gallimard), signée Hédi Kaddour.
    Entre rumeurs flatteuses et premiers échos de déceptions (Régis Jauffret, Jean Hatzfeld ou Philippe Claudel), chacun se fera son chemin de Poucet…
    Pour notre part, et en attendant diverses « pointures » supposées faire elles aussi l’événement de demain (Salman Rushdie, Ismaïl Kadaré, Bret Easton Ellis ou Maurice G. Dantec), nous nous en tiendrons ici à dix premières lectures de qualité, dont plusieurs furent d’épatantes surprises.
    Celle que réserve Alexandre Jardin avec son Roman des Jardin ayant déjà été détaillée en ces colonnes, passons aussitôt à l’éberluant Dictionnaire égoïste de littérature française (chez Grasset) de Charles Dantzig, fabuleux labyrinthe de lecture où, de La Fontaine à Max Jacob et Valéry Larbaud, en passant par l’éloge de l’adverbe, l’influence de l’âge sur la lecture ou la crétinerie mesquine du Journal inutile de Morand, sur près de 1000 pages, notre langue est à la fête sous la plume libre et très aimante d’un merveilleux grappilleur.

    Autre régal immédiat : La méthode Mila de Lydie Salvayre (au Seuil), où Descartes en prend plein la raison raisonneuse sous les coups d’un endiablé quidam, déstabilisé par la tyrannique maladie de sa mère et auquel la rencontre providentielle de ladite Mila va révéler les vertus de l’intelligence du cœur.
    Cette même pénétration sensible caractérise Pascale Kramer qui, avec L’adieu au nord (au Mercure de France), rend parole à un couple de jeunes paumés bouleversants, dans un décor à la Simenon et un mélange unique de réalisme glauque et de tendresse.
    Intelligence encore mais dans le domaine de la fable, avec le non moins surprenant Acide sulfurique d’Amélie Nothomb (chez Albin Michel), qui pousse à l’extrême la logique de la télé-réalité en imaginant la mise en spectacle d’un camp de concentration.
    Autre fine mouche à miel : Cookie Allez (chez Buchet-Chastel, dans la collection de plus en plus recommandable de Pascale Gauthier), excelle une fois de plus, avec Le Masque et les plumes, dans le genre du roman-conte acidulé qui en fait une descendante directe de Marcel Aymé. De la même famille nous paraît aussi Claire Wolniewicz (chez Viviane Hamy) dont Ubiquité, formidable variation sur le thème du dédoublement de personnalité d’un Monsieur tout-le-monde initialement gris rat, est une autre surprise de cette rentrée, d’autant plus remarquable que c’est un premier roman.
    Est-ce à dire que nous ne trouvions de bons becs qu’aux bonnes femmes ? Que non point : car voici le pantagruélique non moins qu’hypersensitif Alain Gerber, consacrant les 600 pages de l’ « histoire d’amours » de Lady Day… à Billie Holiday (chez Fayard). Et décidément nous ne sortirons pas de cet enjuponnement grave, tant il est vrai que L’art de la joie de Goliana Sapienza, autre découverte de Viviane Hamy, fait indéniablement figure de révélation, sous la forme d’une vaste chronique italienne rappelant le fameux Guépard de Lampedusa, dont la beauté de la langue, l’originalité des observations et la profusion des superbes personnages n’ont guère d’équivalent… dans le roman français de ces messieurs.
    En attendant d’accoster sur l’île possible, dont on sait déjà que le locataire cloné est un phallocrate à tout casser, notre dernier choix, nullement surprenant celui-là, s’est porté sur La force de conviction, le nouvel essai (au Seuil) de Jean-Claude Guillebaud, qui a ce grand et rare mérite de s’effacer devant le génie des penseurs d’hier ou d’aujourd’hui (dans le sillage direct d’un Jacques Ellul) pour mieux en éclairer les apports. Le grand thème de cet essai passionnant, d’ailleurs également très présent à ce qu’on dit dans le roman de Michel Houellebecq, est le besoin fondamental que l’homme éprouve de fonder son existence sur une croyance, avec tous les écueils de la crédulité ou de la fuite sous ses multiples formes, au seuil d’un âge nouveau en persistante quête de spiritualité.


    Cet article et la chronique consacrée à Michel Houellebecq ont paru dans l’édition de 24Heures du 30 août.






  • Les délices de Jardin

    Rencontre et lecture



    Les chemins de la liberté sont parfois imprévisibles, ainsi que l’illustre la trajectoire du fils aux yeux d’ourson de Pascal Jardin, né coiffé dans une famille hirsute où tout le monde aimait qui il voulait dans l’atmosphère la plus fidèlement adultère, si l’on ose dire. Deux exemples parmi d’autres : cet enfant que Pascal Jardin désire que sa femme conçoive avec son meilleur ami, le cinéaste Claude Sautet, qui portera bel et bien le nom des Jardin, demi-frère d’Alexandre. Ou cette messe annuelle du souvenir réunissant le club des trente maîtresses de Pascal, présidé par l’épouse légitime…
    De cette éducation jovialement bohème valorisant l’art et la littérature, l’amour libre et plus encore la liberté de penser, Alexandre Jardin se distancia d’abord, construction personnelle oblige, en se coulant dans le moule rassurant du garçon romantique illustré par ses premiers livres, de Bille en tête (1986) pour ainsi dire sorti de la cuisse jupitérienne de Françoise Verny, accoucheuse de ce premier roman gratifié du prix éponyme, au Zèbre (prix Femina 1988) et au Petit sauvage. Vingt ans plus tard, avec quatre enfants de deux femmes, l’écrivain dont on avait senti, déjà, les entournures craquer, notamment dans Le zubial, bel hommage à son père, dit avoir enfin « ouvert les vannes ». Et de fait, Le roman des Jardin s’impose par l’énergie et la verve, mais aussi par la tenue et la santé de son écriture plus encore que par le récit des fredaines carabinées de ses personnages, en somme «inventés » par la vie…
    Débarquant en scooter et bermudas chez son nouvel éditeur de la rue des Saints-Pères, Alexandre Jardin raconte la genèse de son livre avec la même faconde, ponctuée d’éclats de rire, et pourtant on sent que cette double ressaisie, existentielle et littéraire, lui tient profondément à cœur.
    - Quand votre image de jeune auteur idéal et de bon garçon a-t-elle commencé à vous peser ?
    - La fêlure remonte à l’époque de Fanfan, dans lequel j’étais pourtant sincère mais incomplètement puisque, en même temps, paraissait un livre traduit en anglais, sous le nom d’emprunt d’un journaliste connu, où je déversais tout ce qu’il y avait en moi de trouble et de louche. Or ce livre, qui a eu un grand succès mais ne paraîtra jamais sous mon nom, représentait la face d’ombre du chantre de la fidélité conjugale que j’étais alors. Je ne renie pas le rêve de pureté folle que représentait Fanfan, mais enfin je sentais bien que mon mariage avec une fille de notaire était en porte-à-faux avec mon côté Jardin. Depuis lors, je savais que j’évitais d’écrire LE livre qu’il fallait que j’écrive, jusqu’au moment où je me suis lâché…
    - Pourquoi intitulez-vous « roman » un livre aussi manifestement autobiographique ?
    - Parce que les Jardin étaient un roman ! Le fait d’être normal était considéré par eux comme une tare. J’évoque ce cadre de Nestlé, invité à La Mandragore, qui concrétisait tout ce que ma grand-mère réprouvait. Inversement, elle s’était entichée d’un Neuchâtelois nudiste et ne manquait pas une occasion d’attirer à elle les extravagants de toute obédience, écolos givrés, rabbins ou mages quelconques. Ceci dit, autant les faits exacts sont apparemment improbables, autant j’ai évité la surcharge, et c’est là que j’ai «reconstruit » le roman. Ce qui semble le plus délirant est le plus souvent vrai, mais j’ai dû recourir à un certain recadrage pour équilibrer le récit, quitte à élaguer. C’est ainsi qu’Yves Salgues se contente d’une guenon, alors que sa chienne partageait également son lit… Une de mes grandes craintes était de donner dans la confession et le déballage au goût du jour. Or l’espace du roman, sa fantaisie et son théâtre dialogué me semblaient l’antidote à cette facilité. Lorsque vous lisez le Fouché de Zweig, tout y est « historique », mais c’est un roman captivant ! Tout est affaire de transposition…
    - Que vous ont légué les Jardin de plus précieux ?
    - A part le goût de la liberté, celui de l’honnêteté. C’est pourquoi j’ai voulu faire un livre intègre. Et puis les Jardin vivaient dans la conviction que la vérité est ce qui est dit. Tout allait vers la création !
    - Ne vous payez-vous pas de mot lorsque vous parlez d’absolu ou de pureté ?
    - La pureté représente aujourd’hui, à mes yeux, ce luxe incroyable de vivre la vérité. Il est possible que les mots soient encore théâtraux, mais j’ai grandi dans un théâtre. Lorsque mon père est mort, j’ai été subitement privé d’un extraordinaire metteur en scène de notre vie. Il m’a fallu des années avant de rebondir.
    - Comment votre mère a-t-elle perçu votre livre ?
    - Ma mère a changé de vie. Devenue thérapeute, elle m’a lu dans cette perspective, surtout curieuse de voir ce que je devenais…
    - A la fin de votre roman, vous parlez comme si tout commençait pour vous…
    -Mais c’est exactement ça ! C’est le premier livre que j’écris sans rien contrôler. Très sincèrement, je pense que Le roman des Jardin est mon premier livre…


    Comme une seconde naissance
    Il s’en passait des vertes et des pas mûres à La Mandragore, la demeure veveysane où les Jardin vivaient comme hors du temps et bien loin de ce « Tyrol francophone » que représente le pays de Vaud sous la plume d’Alexandre. Avec une grand-mère anarchisante et folle de littérature, maîtresse de Paul Morand et rassemblant toute sorte d’énergumènes autour d’elle dont cet inénarrable débauché toxico d’Yves Salgues, flanqué de sa conjointe guenon ; un aïeul ex-chef de cabinet de Pierre Laval, toujours actif dans les hautes sphères de la politique; une gouvernante surnommée Zouzou se révélant moins sage qu’au premier regard en passant des bras du maître de maison à beaucoup d’autres ; un cabanon réservé aux amours illicites des invités dûment reluquées par les garçons de la tribu: tel fut, côté Jardin, le décor vaudois de l’ « université du plaisir » fréquentée par Alexandre sous le décanat de l’Arquebuse, surnom de sa grand-mère.
    Coté Maman, femme « solaire et polygame », dans l’ex-couvent de Verdelot, en Seine-et-Marne, où ses parents « aimaient au pluriel », les leçons de vie ne furent guère plus corsetées, adonnées à une recherche de tous les plaisirs du corps et de l’esprit que la grand-mère distinguait de l’égoïsme en les disant « hantés jusqu’au délire par l’extase d’être soi ».
    Etre plus soi : tel est aussi bien le fil rouge de ce Roman des Jardin, qui pourrait souvent basculer dans la chronique mondaine (y passent en effet divers comparses connus, de Gainsbourg en Delon), mais qu’une réelle nécessité personnelle leste de vérité, avec des moments poignants (la solitude juste entrevue de la faraude grand-mère) alternant avec des morceaux de bravoure épiques (la mise en mer de la défunte guenon).
    Enfin et surtout, perceptibles dans ses dernières pages, une sorte de nouvelle porosité et de nouvelle puissance d’expression donnent à ce roman sa fraîcheur étonnante, comme d’une seconde naissance.
    Alexandre Jardin. Le roman des Jardin. Grasset, 313p.
    En librairie dès le 24 août.

    Cet article est paru dans l'édition de 24Heures du 16 août.


  • Polar foldingue


    La fille du samouraï de Dominique Sylvain


    Le lecteur, happé dès les premières pages de ce polar à la française où la saveur du langage, la convivialité des climats et la loufoquerie des situations comptent plus que la vraisemblance de l’intrigue, se demandera plus d’une fois, par la suite, où diable Dominique Sylvain va le mener cette fois, avant de se laisser mener en bout de course où tout se dénoue joliment.

    On pense aux joyeuses cavalcades des compères Starsky & Hutch en suivant l’enquête des deux femmes complices réunies pour la seconde fois par Dominique Sylvain, qui font amie-amie avec autant de punch et de malice que les deux chers ringards. Ingrid Diesel carbure à l’énergie sexy, qui masse le jour et s’effeuille la nuit en brave Américaine saine comme une nageuse en eau claire, tandis que Lola Jost, commissaire en principe rangée des poursuites de voiture, fait plutôt dans l’affectif et la sensibilité vieille Europe cultivant son jardin secret à puzzles zen...

    Sans la tribu de Malaussène, il y a un peu de la loufoquerie sympa style Pennac dans le ton de Dominique Sylvain, dont l’histoire s’entortille, se complique et se développe d’une manière plus surprenante à vrai dire que les scénars du gentil prof, avec des moment frisant l’onirique (les soubassements inquiétants d’un hosto) et un souffle que requièrent évidemment les rebondissements en cascade du roman.

    Raconter celui-ci serait priver le lecteur du plaisir de la découverte, mais disons tout de même que l’enjeu de l’enquête est le rétablissement de la vérité à propos du prétendu suicide de la jeune Alice Bobin, fille d’un certain Papy Dynamite et sosie de Britney Spears (elle en a fait une profession) défénestrée du 34e étage de la tour Astor Maillot et filmée durant sa chute par un jeune vidéaste qui s’est empressé de vendre son bout de film à une chaîne de télévision. Ce thème très actuel de la vie parasitée par le virtuel et les images médiatiques est d’ailleurs au cœur du récit de Dominique Sylvain, lié à toute une série d’observations pertinentes sur les dérives du monde contemporain.

    Ceux qui connaissent déjà l’univers ludique des contes urbains de Dominique Sylvain ne demanderont pas à La fille du samouraï, plus qu’au précédent Passage du Désir, la vraisemblance « réaliste » d’un roman noir ordinaire, et pourtant le canevas et le fil conducteur du récit tiennent plus solidement, à la longue, qu’on ne pourrait le craindre, avec une frise de personnages qui s’étoffent peu à peu et un dénouement plongeant dans les embrouilles mêlées de la basse mondanité à maquereaux de luxe et de la haute parano politicarde.

    Au fil d’une investigation destinée, entre autres, à damer le pion à l’inévitable flic fâcheux, surnommé le Nain de jardin, les épiques péripéties vécues par ces dames ne laissent de divertir tandis que la romancière se paie quelques morceaux de bravoure également appréciables.

    Dominique Sylvain. La fille du samouraï. Editions Viviane Hamy, coll. Chemins nocturnes, 284p.



  • Puisse le polar rester paria



    Georges Simenon se plaignait naguère de ce que la critique et le public français le considérassent (pour parler comme San Antonio) strictement comme un auteur de romans policiers, alors que le reste du monde voyait en lui un écrivain à part entière.
    Or s’il est vrai que la France, patrie historique de la Littérature avec une grand aile (c’est elle qui le dit), aime à séparer ce qui est « noble » des genres dits mineurs (polar, science fiction, littérature popu en un mot), il n’est pas moins évident que le rompol a ses règles spécifiques qui en font, qu’on le veuille ou non, et sans mépris, un genre particulier. Simenon reconnaissait, le premier, que la série de Maigret obéissait à certains schémas dont il éprouva, à un moment donné, le besoin de se libérer. Cela ne signifie pas que ses Maigret soient tous schématiques, mais le fait est que le meilleur de Simenon échappe aux normes du polar. Lettre à mon juge ou Le bourgmestre de Furnes, La neige était sale, Les inconnus dans la maison, Feux rouges, Les gens d’en face ou L’homme qui regardait passer les trains, pour ne citer que ceux-là, ressortissent bel et bien à la meilleure littérature, comme il en va de Crime et châtiment de Dostoïevski, si proche de certains romans noirs contemporains…



    La confusion s’accentue pourtant aujourd’hui, où le terme de polar englobe des auteurs et des formes extrêmement variés à tous points de vue, et de niveaux qualitatifs oscillant entre le pire (Gérard de Villiers pour aller vite dans le ton vulgaire et démago) et le meilleur (Chester Himes, Patricia Highsmith ou James Ellroy pour citer les plus connus), avec ce dénominateur pourtant commun de l’omniprésence du Mal et de la Mort.

    De la belle énigme sophistiquée classique (Double assassinat dans la rue Morgue d’Edgar Allan Poe ou Le mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux) aux embrouilles glauques du Ripley de Patricia Highsmith, en passant par les enquêtes socio-politiques de Michael Connelly (L’envol des anges, etc.), les incursions dans le monde des Indien pueblos de Tony Hillerman ou les nouveaux auteurs français de Manchette à Fred Vargas, les atmosphères et les thématiques du « polar » sont aujourd’hui aussi diverses, à vrai dire, que celles des romans ordinaires.

    Comme l’illustre le récent et substantiel dossier consacré à la vogue du polar par Le Nouvel Observateur, le genre en question ne fait plus aujourd’hui figure de paria, n’était-ce que parce que certains de ses auteurs (mais pas souvent les meilleurs) « cartonnent » dans les listes de best-sellers et relancent la vogue, plus diluée encore du point de vue de la qualité, des séries télévisées standardisées et bien pensantes du style Julie Lescaut ou Navarro.

    Mais le polar gagne-t-il à se voir acclimaté et promu au rang de « noble » littérature. L’évolution d’un Daniel Pennac laisse songeur, et les élégants pastiches d’un Jean Echenoz ne font guère illusion quand on les compare aux descentes aux enfers des auteurs sondant les ténèbres du cœur humain, tels Patricia Highsmith (qu’un Graham Greene qualifiait de « poète de l’angoisse ») ou Robin Cook dans le terrifiant J’étais Dora Suarez, ce roman noir qui vous fait ressentir quasi physiquement le sort de la victime et de son bourreau dément.

    Du catholique Chesterton au visionnaire Dürrenmatt, les plus grands écrivains ont passé par les rues sombres du polar, pour en tirer parfois des vérités humaines éclairantes et de vraies pages de littérature. Autant dire que le polar en soi n’est qu'une appellation fourre-tout, alors même le Mal et la Mort échapperont toujours aux classifications et autres tendances

    Cette chronique a paru dans l'édition de 24Heures du 28 juillet 2005


    Post scriptum: on découvrira bientôt, dans l'étincelant Dictionnaire égoïste de la littérature française, à paraître chez Grasset sous la signature de Charles Dantzig, des pages très pertinentes sur les rapport de San Antonio avec la langue française en particulier et la littérature en général.




  • Harry Potter fait lire...

    ...n’en déplaise au pape


    Benoît XVI s’inquiète de la phénoménale popularité du petit Potter, et cela se comprend. D’abord parce que l’Empire catholique n’a jamais trop aimé la concurrence de masse. Ensuite du fait que cette myriade de petits paroissiens lisant autre chose que le catéchisme est un mauvais exemple pour leurs parents. Enfin le contenu même des romans de cette Anglaise, qui exalte la révolte contre l’Autorité et entretient le culte de l’imagination, de la magie et autres pratiques « démoniaques », fait décidément problème.

    A en croire le successeur de Jean Paul II, Harry Potter menacerait nos enfants de perversion. Est-ce à dire que le sixième volume de ses aventures, mis en vente aujourd’hui même, risque de figurer demain à l’Index ? Dieu seul le sait, qui s’en fiche complètement au demeurant. Parce que le Bon Dieu aime bien Harry Potter lui aussi, qui lui rappelle les lectures de sa propre jeunesse, genre Cendrillon, Dickens, Sans famille et consorts. S’il était prof d’anglais ou critique littéraire catholique, Dieu pourrait objecter que J.K. Rowling n’est pas le supertop dans son genre, ou que les contes frottés de fantastique d’un C.S. Lewis sont plus édifiants que les histoires du magicien à lunettes, mais Dieu n’est que Dieu, dont le faible pour les livres de jeunesse est notoire.

    Il y a une trentaine d’années de ça, Dieu s’est ainsi régalé à la lecture de la collection Signe de Piste, célébrant l’amitié, la nature sauvage, l’horreur de l’injustice, dans un climat de douce ambiguïté que corsaient des illustrations dont on fustigerait aujourd’hui la pédophilie latente. Mais qu’Il sache, la hiérarchie catholique n’a jamais taxé ces romans de perversité. Et le scientiste sceptique Jules Verne ? Et Tintin qu’on ne voit jamais à la messe ? Et les Pieds Nickelés ?

    Comme bien l’on pense, car il a de l’humour, Dieu n’irait pas jusqu’à faire une religion de ce charmant Harry Potter. Mais J.K. Rowling n’a pas non plus cette prétention, et de multiples exemples rappellent qu’elle aussi est pleine d’humour et de réserve ironique, notamment par rapport à la sorcellerie. Déceler une once de satanisme dans Harry Potter est au mieux un contresens : au pis, la projection d’un esprit peu sûr de sa foi. Or Dieu, qui croit dur en Lui-même, ne fera pas un fromage du fait que Lord Voldemort prenne la vedette au sieur Satanas, et le fait que l’insolent Harry malmène les Dursley, ces rats, ne lui semble que justice.

    « La plus belle chose que nous puissions connaître est le mystère. C’est la source de tout art et de toute science véritable », écrivait Albert Einstein, cité en exergue d’un livre épatant intitulé Harry Potter et la science (Flammarion, 2003) et dont l’auteur, Roger Highfield, va jusqu’à prétendre que « le monde magique de Harry éclaire d’un jour étonnant les sujets les plus intéressants de la recherche actuelle, sans jamais la contredire. »

    De toute évidence, un obscur vulgarisateur scientifique se montre plus tolérant, à l’égard de fariboles imaginaires, que le vicaire de Notre Seigneur pourtant si impatient, celui-ci, d’accueillir les petits enfants, de marcher sur un lac ou de se transformer en colombe luminescente…

    Ce qui compte enfin, c’est que le petit sorcier fasse lire nos rejetons séduits par les niffleurs, les pitiponks ou la langue rose d’un Boursouf en quête de crottes de nez. Comme le disent les papes de toutes les croyances ce qui importe n’est pas le But mais le Chemin. Et pourquoi vos enfants ne feraient-ils pas un bout de chemin en Ford volante, un Scrutoscope en poche, sus aux kappas et autres escargots venimeux ?

    Cet article a paru dans l'édition de 24 Heures du 16 juillet 2005

  • L'avenir radieux selon Georges Panchard




    Nous sommes en 2039 en Occident, une douzaine d’années après les guerres du Réveil opposant nations européennes et pays islamistes, gagnées par les premières et aboutissant à la désislamisation de l’Europe. L’Amérique forme désormais une Union des Etats bibliques peuplée de bigots obèses, dont la Californie et New York se sont séparés. Pour l’essentiel, le pouvoir mondial se partage entre des entités techno-économiques le plus souvent mafieuses, qui s’affrontent au moyen d’armes de plus en plus sophistiquées. Autant dire que la vie humaine n’y a guère plus de poids que l’ombre d’une plume d’angelot. Sombre vision. Aussi noire que le nuage flottant en permanence, à en croire une ex-petite amie de Georges Panchard, à l’aplomb de la fine silhouette du singulier auteur de Forteresse.

    “La fonction de l’écrivain de science fiction n’est pas de prédire mais d’imaginer”, déclare ce quinquagénaire à la voix et à la dégaine plutôt juvéniles, qui dit avoir mal vécu son adolescence (“le type du fils unique qui s’emm...”) et trouva cependant de quoi s’”éclater”dans les romans de science fiction de Van Vogt, premier d’une longue série relancée plus tard par William Gibson et dominée aujourd’hui par un Iain M. Banks. C’est cependant dans les “strips” de La Tribune de Lausanne, durant son enfance pulliérane, qu’il trouva en Guy l’éclair son premier héros...

    “Question littérature, je suis un véritable inculte”, précise Georges Panchard, longtemps empêché de s’atteler à un roman par manque de confiance en soi… mais qui pourrait en remonter aujourd’hui, du point de vue de l’art de la narration, de la construction polyphonique, de la psychologie, de l’intelligence thématique et de l’écriture, à une kyrielle d’écrivains ou prétendus tels.

    Venu à l’écriture après son bac, le Fribourgeois, lancé dans de sages études de droit, se fait connaître et estimer du milieu SF par le truchement de huit nouvelles, dont la dernière (Comme une fumée) a paru dans la revue Galaxie de décembre 2004. C’est donc un auteur déjà “repéré” qui va enthousiasmer, avec son premier roman, écrit en sept ans, le “pape” de l’édition française de SF Gérard Klein. La chose est d’autant plus exceptionnelle que le patron de la prestigieuse collection Ailleurs et Demain (où ont paru les maîtres américains du genre, de Philip K. Dick à Frank Herbert) n’a plus fait place à un seul francophone après Le jeu du monde de Michel Jeury, en 1985 !

    Le thème de la mémoire - la mémoire manipulée, altérée et transformant le rapport de l’homme avec son environnement et sa destinée -, déjà présent dans les nouvelles de Georges Panchard, détermine la construction de Forteresse, qui a requis la minutie et l’ingéniosité d’un horloger. “Les horlogers parlent de niveaux de complication pour chaque supplément au mécanisme de base. La plus sophistiquée est actuellement à sept complications, si je suis bien renseigné. C’est dans cet esprit que j’ai travaillé, tout en laissant évidemment une part à l’impondérable, à la vie et au rêve sous les étoiles, mais aussi à l’erreur possible de tel ou tel personnage”.

    S’il se défend de transmettre un “message”, l’auteur de Forteresse n’en distille pas moins des idées et des opinions, dont les plus virulentes visent la régression bigote de l’Amérique et, en Europe, l’ère de la “Correction politique”, qu’un des personnages qualifie de “fascisme des bons sentiments”. Or le romancier ne pense pas autrement: “Je suis consterné, en tant que citoyen, par l’évolution et les conséquences du politiquement correct, qui nous fait subir un véritable terrorisme intellectuel”.

    En ce qui concerne la vraisemblance et le délai de réalisation de l’univers high-tech dans lequel ses personnages nous entraînent, aux limites du passe-muraille quantique et de la notion même d’humanité et d’individualité, Georges Panchard se borne à estimer que “rien n’est impossible”. Constatant les retombées du 11 septembre, il a même été tenté de rapprocher encore l’échéance de ce futur dominé, rassurons-nous, par l’ombre un brin parano de son petit nuage noir personnel...

    Georges Panchard. Forteresse. Laffont, coll. Ailleurs et demain.