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Harry Potter fait lire...

...n’en déplaise au pape


Benoît XVI s’inquiète de la phénoménale popularité du petit Potter, et cela se comprend. D’abord parce que l’Empire catholique n’a jamais trop aimé la concurrence de masse. Ensuite du fait que cette myriade de petits paroissiens lisant autre chose que le catéchisme est un mauvais exemple pour leurs parents. Enfin le contenu même des romans de cette Anglaise, qui exalte la révolte contre l’Autorité et entretient le culte de l’imagination, de la magie et autres pratiques « démoniaques », fait décidément problème.

A en croire le successeur de Jean Paul II, Harry Potter menacerait nos enfants de perversion. Est-ce à dire que le sixième volume de ses aventures, mis en vente aujourd’hui même, risque de figurer demain à l’Index ? Dieu seul le sait, qui s’en fiche complètement au demeurant. Parce que le Bon Dieu aime bien Harry Potter lui aussi, qui lui rappelle les lectures de sa propre jeunesse, genre Cendrillon, Dickens, Sans famille et consorts. S’il était prof d’anglais ou critique littéraire catholique, Dieu pourrait objecter que J.K. Rowling n’est pas le supertop dans son genre, ou que les contes frottés de fantastique d’un C.S. Lewis sont plus édifiants que les histoires du magicien à lunettes, mais Dieu n’est que Dieu, dont le faible pour les livres de jeunesse est notoire.

Il y a une trentaine d’années de ça, Dieu s’est ainsi régalé à la lecture de la collection Signe de Piste, célébrant l’amitié, la nature sauvage, l’horreur de l’injustice, dans un climat de douce ambiguïté que corsaient des illustrations dont on fustigerait aujourd’hui la pédophilie latente. Mais qu’Il sache, la hiérarchie catholique n’a jamais taxé ces romans de perversité. Et le scientiste sceptique Jules Verne ? Et Tintin qu’on ne voit jamais à la messe ? Et les Pieds Nickelés ?

Comme bien l’on pense, car il a de l’humour, Dieu n’irait pas jusqu’à faire une religion de ce charmant Harry Potter. Mais J.K. Rowling n’a pas non plus cette prétention, et de multiples exemples rappellent qu’elle aussi est pleine d’humour et de réserve ironique, notamment par rapport à la sorcellerie. Déceler une once de satanisme dans Harry Potter est au mieux un contresens : au pis, la projection d’un esprit peu sûr de sa foi. Or Dieu, qui croit dur en Lui-même, ne fera pas un fromage du fait que Lord Voldemort prenne la vedette au sieur Satanas, et le fait que l’insolent Harry malmène les Dursley, ces rats, ne lui semble que justice.

« La plus belle chose que nous puissions connaître est le mystère. C’est la source de tout art et de toute science véritable », écrivait Albert Einstein, cité en exergue d’un livre épatant intitulé Harry Potter et la science (Flammarion, 2003) et dont l’auteur, Roger Highfield, va jusqu’à prétendre que « le monde magique de Harry éclaire d’un jour étonnant les sujets les plus intéressants de la recherche actuelle, sans jamais la contredire. »

De toute évidence, un obscur vulgarisateur scientifique se montre plus tolérant, à l’égard de fariboles imaginaires, que le vicaire de Notre Seigneur pourtant si impatient, celui-ci, d’accueillir les petits enfants, de marcher sur un lac ou de se transformer en colombe luminescente…

Ce qui compte enfin, c’est que le petit sorcier fasse lire nos rejetons séduits par les niffleurs, les pitiponks ou la langue rose d’un Boursouf en quête de crottes de nez. Comme le disent les papes de toutes les croyances ce qui importe n’est pas le But mais le Chemin. Et pourquoi vos enfants ne feraient-ils pas un bout de chemin en Ford volante, un Scrutoscope en poche, sus aux kappas et autres escargots venimeux ?

Cet article a paru dans l'édition de 24 Heures du 16 juillet 2005

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