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Le souk de la lecture

 

Au 20e Salon du livre de Genève
 Le 20e Salon international du livre et de la presse de Genève a fermé hier ses portes sur un bilan qui conforte ses initiateurs, à commencer par Pierre-Marcel Favre, réjouissant également tous ceux qui sont attachés au livre, à l’écrit ou à l’échange sous ses multiples formes. Une fois de plus, des milliers de lecteurs de toute provenance sociale, de joyeux essaims de mômes piailleurs déboulant à l’enseigne de la  Bataille des livres (formidable incitation à la lecture qui se déploie sur toute l’année), des éditeurs et des auteurs ont afflué dans cette immense librairie-souk maintes fois critiquée par son agrégat baroque où bouquins et babioles, graves débats et animations bruyantes voisinent plus ou moins harmonieusement.
Le Salon du livre de Genève n’a jamais été celui des « purs » lettrés, et d’ailleurs jamais il n’aurait survécu dans un concept aussi élitiste. En jouant sur la multiplicité des offres, toutes pourtant liées aux curiosités de la lecture et de la communication, de l’art et de la culture au sens le plus large, cette manifestation, qui a aussi su échapper au  style comices agricoles et touristiques de certains salons provinciaux de l’Hexagone, est parvenue à survivre vaille que vaille et même à s’améliorer, à certains égards, en attirant bon an mal an plus de 100.000 visiteurs.
Cette vingtième édition s’inscrivait dans un contexte plutôt inquiétant pour les professionnels du livre, et notamment pour les libraires indépendants. Ceux-ci, faute de moyens, ont parfois considéré le Salon de Genève d’un œil défavorable, au point d’organiser certaine année un contre-salon en ville. Or voici que, signe des temps (40 librairies romandes ont disparu depuis 2001) le Cercle de la librairie et de l’édition genevois, rassemblant une quinzaine d’enseignes et soutenu par les instances officielles, a choisi de se présenter en force et de relancer, entre autres, le débat sur le prix réglementé du livre.
Cette initiative ne devrait-elle pas inspirer une action plus concertée de l’ensemble des libraires romands ? C’est la question qu’on pouvait se poser aussi, intéressant alors les éditeurs et les auteurs de notre pays, en découvrant le travail remarquable qui se fait à l’enseigne du Centre régional du livre de Franche-Comté, hôte régional d’honneur.
« Le salut est dans la culture », lit-on dans le dernier roman de l’écrivain algérien Boualem Sansal, dont une lettre ouverte plus récente à ses compatriotes (Poste restante : Alger, Gallimard 2006), vibrant plaidoyer anti-obscurantisme, serait interdit depuis peu par la censure algérienne. Ecrivain admirable, et d’un courage civique exemplaire, l’auteur de l’inoubliable Serment des barbares était à Genève avec quelques-uns de ses pairs, malgré l’opprobre officiel.
Egalement de passage au Salon de Genève, la romancière iranienne Chahdortt Djavann rappelait que la lecture est l’activité humaine à la fois la plus intime et la plus ouverte au monde, qui nous fait voyager à la rencontre de nous-mêmes autant que vers les autres.
On peut certes dauber sur la « décadence » de la culture actuelle, la littérature qui n’est plus « ça », les jeunes qui ne lisent plus ou la langue française qui f… le camp et autres litanies. Or l’agora que constitue le Salon du livre laisse entrevoir de multiples autres signes, à commencer par ceci : que le gout de lire, modeste curiosité ou passion vorace, a fait que des milliers de gens se sont déplacés, pour se rencontrer parfois, avant de repartir avec ce bien précieux qu’est un nouveau livre.


« La lecture est l’activité humaine à la fois la plus intime et la plus ouverte au monde, qui nous fait voyager à la rencontre de nous-mêmes autant que vers les autres. »

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