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L'avenir radieux selon Georges Panchard




Nous sommes en 2039 en Occident, une douzaine d’années après les guerres du Réveil opposant nations européennes et pays islamistes, gagnées par les premières et aboutissant à la désislamisation de l’Europe. L’Amérique forme désormais une Union des Etats bibliques peuplée de bigots obèses, dont la Californie et New York se sont séparés. Pour l’essentiel, le pouvoir mondial se partage entre des entités techno-économiques le plus souvent mafieuses, qui s’affrontent au moyen d’armes de plus en plus sophistiquées. Autant dire que la vie humaine n’y a guère plus de poids que l’ombre d’une plume d’angelot. Sombre vision. Aussi noire que le nuage flottant en permanence, à en croire une ex-petite amie de Georges Panchard, à l’aplomb de la fine silhouette du singulier auteur de Forteresse.

“La fonction de l’écrivain de science fiction n’est pas de prédire mais d’imaginer”, déclare ce quinquagénaire à la voix et à la dégaine plutôt juvéniles, qui dit avoir mal vécu son adolescence (“le type du fils unique qui s’emm...”) et trouva cependant de quoi s’”éclater”dans les romans de science fiction de Van Vogt, premier d’une longue série relancée plus tard par William Gibson et dominée aujourd’hui par un Iain M. Banks. C’est cependant dans les “strips” de La Tribune de Lausanne, durant son enfance pulliérane, qu’il trouva en Guy l’éclair son premier héros...

“Question littérature, je suis un véritable inculte”, précise Georges Panchard, longtemps empêché de s’atteler à un roman par manque de confiance en soi… mais qui pourrait en remonter aujourd’hui, du point de vue de l’art de la narration, de la construction polyphonique, de la psychologie, de l’intelligence thématique et de l’écriture, à une kyrielle d’écrivains ou prétendus tels.

Venu à l’écriture après son bac, le Fribourgeois, lancé dans de sages études de droit, se fait connaître et estimer du milieu SF par le truchement de huit nouvelles, dont la dernière (Comme une fumée) a paru dans la revue Galaxie de décembre 2004. C’est donc un auteur déjà “repéré” qui va enthousiasmer, avec son premier roman, écrit en sept ans, le “pape” de l’édition française de SF Gérard Klein. La chose est d’autant plus exceptionnelle que le patron de la prestigieuse collection Ailleurs et Demain (où ont paru les maîtres américains du genre, de Philip K. Dick à Frank Herbert) n’a plus fait place à un seul francophone après Le jeu du monde de Michel Jeury, en 1985 !

Le thème de la mémoire - la mémoire manipulée, altérée et transformant le rapport de l’homme avec son environnement et sa destinée -, déjà présent dans les nouvelles de Georges Panchard, détermine la construction de Forteresse, qui a requis la minutie et l’ingéniosité d’un horloger. “Les horlogers parlent de niveaux de complication pour chaque supplément au mécanisme de base. La plus sophistiquée est actuellement à sept complications, si je suis bien renseigné. C’est dans cet esprit que j’ai travaillé, tout en laissant évidemment une part à l’impondérable, à la vie et au rêve sous les étoiles, mais aussi à l’erreur possible de tel ou tel personnage”.

S’il se défend de transmettre un “message”, l’auteur de Forteresse n’en distille pas moins des idées et des opinions, dont les plus virulentes visent la régression bigote de l’Amérique et, en Europe, l’ère de la “Correction politique”, qu’un des personnages qualifie de “fascisme des bons sentiments”. Or le romancier ne pense pas autrement: “Je suis consterné, en tant que citoyen, par l’évolution et les conséquences du politiquement correct, qui nous fait subir un véritable terrorisme intellectuel”.

En ce qui concerne la vraisemblance et le délai de réalisation de l’univers high-tech dans lequel ses personnages nous entraînent, aux limites du passe-muraille quantique et de la notion même d’humanité et d’individualité, Georges Panchard se borne à estimer que “rien n’est impossible”. Constatant les retombées du 11 septembre, il a même été tenté de rapprocher encore l’échéance de ce futur dominé, rassurons-nous, par l’ombre un brin parano de son petit nuage noir personnel...

Georges Panchard. Forteresse. Laffont, coll. Ailleurs et demain.


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