La fille du samouraï de Dominique Sylvain
Le lecteur, happé dès les premières pages de ce polar à la française où la saveur du langage, la convivialité des climats et la loufoquerie des situations comptent plus que la vraisemblance de l’intrigue, se demandera plus d’une fois, par la suite, où diable Dominique Sylvain va le mener cette fois, avant de se laisser mener en bout de course où tout se dénoue joliment.
On pense aux joyeuses cavalcades des compères Starsky & Hutch en suivant l’enquête des deux femmes complices réunies pour la seconde fois par Dominique Sylvain, qui font amie-amie avec autant de punch et de malice que les deux chers ringards. Ingrid Diesel carbure à l’énergie sexy, qui masse le jour et s’effeuille la nuit en brave Américaine saine comme une nageuse en eau claire, tandis que Lola Jost, commissaire en principe rangée des poursuites de voiture, fait plutôt dans l’affectif et la sensibilité vieille Europe cultivant son jardin secret à puzzles zen...
Sans la tribu de Malaussène, il y a un peu de la loufoquerie sympa style Pennac dans le ton de Dominique Sylvain, dont l’histoire s’entortille, se complique et se développe d’une manière plus surprenante à vrai dire que les scénars du gentil prof, avec des moment frisant l’onirique (les soubassements inquiétants d’un hosto) et un souffle que requièrent évidemment les rebondissements en cascade du roman.
Raconter celui-ci serait priver le lecteur du plaisir de la découverte, mais disons tout de même que l’enjeu de l’enquête est le rétablissement de la vérité à propos du prétendu suicide de la jeune Alice Bobin, fille d’un certain Papy Dynamite et sosie de Britney Spears (elle en a fait une profession) défénestrée du 34e étage de la tour Astor Maillot et filmée durant sa chute par un jeune vidéaste qui s’est empressé de vendre son bout de film à une chaîne de télévision. Ce thème très actuel de la vie parasitée par le virtuel et les images médiatiques est d’ailleurs au cœur du récit de Dominique Sylvain, lié à toute une série d’observations pertinentes sur les dérives du monde contemporain.
Ceux qui connaissent déjà l’univers ludique des contes urbains de Dominique Sylvain ne demanderont pas à La fille du samouraï, plus qu’au précédent Passage du Désir, la vraisemblance « réaliste » d’un roman noir ordinaire, et pourtant le canevas et le fil conducteur du récit tiennent plus solidement, à la longue, qu’on ne pourrait le craindre, avec une frise de personnages qui s’étoffent peu à peu et un dénouement plongeant dans les embrouilles mêlées de la basse mondanité à maquereaux de luxe et de la haute parano politicarde.
Au fil d’une investigation destinée, entre autres, à damer le pion à l’inévitable flic fâcheux, surnommé le Nain de jardin, les épiques péripéties vécues par ces dames ne laissent de divertir tandis que la romancière se paie quelques morceaux de bravoure également appréciables.
Dominique Sylvain. La fille du samouraï. Editions Viviane Hamy, coll. Chemins nocturnes, 284p.