(Dans la lumière de Bonnard)
Nos vieilles peaux reposeront
au fond du beau jardin,
nous vous surveillerons d’un œil,
nous serons vos gardiens,
désarmés, sur le seuil ;
nous ne vous retiendrons point:
jamais, dans vos passions,
vouées aux fumées qu’on sait,
nous ne mettrons l’épée:
nous serons de votre secret
les alliés discrets,
toujours à la plus vive écoute
en vous de ce qui doute…
Tu m’es plus intime qu’à moi
dit à Dieu le garçon
dont la foi est un palefroi;
mon fils est médiéval,
dit son père jouant l’amiral
sur son cheval imaginaire,
nous aimons Dieu le Père
et son épouse jardinière,
nous aimons Proust et les sirènes
et la douce Chimène…
Les Choses étant ce qu’elles sont là,
et le Temps qui s’en va
vont de pair entre les jardins
qui nous ouvrent les bras ;
ce sont comme des passerelles
entre l’Instant donné
et l’Éternité qui fredonne
sa chanson d’affilée ;
quand tu passes avec ton ombrelle,
toute trace s’efface
comme rendue aux hirondelles...
Peinture: Pierre Bonnard.