Ici je proposerai, un jour après l’autre, une nouvelle idée de lecture ou de relecture.
En toute subjectivité, j’y présenterai tel ou tel livre qui vient de paraître ou tel autre qu’on m’a fait découvrir, comme souvent cela se passe.
Pas plus tard qu’hier, ainsi, j’ai commencé de lire un livre que Pierre-Yves Borgeaud, rencontré au festival de Locarno à l’occasion de la présentation de Retour à Gorée, son superbe nouveau film (à découvrir absolument, ces jours, sur les écrans romands), m’avait recommandé chaleureusement : Au dos des images, de Luc Dardenne.
Passionnant journal d’un des deux frangins cinéastes, tenu entre 2001 et 2005, ce livre contient également les scénarios de deux de leurs films récents : Le fils et L’enfant.
Voilà ce que j’y ai relevé pour commencer, qui recoupe exactement mon propre sentiment général devant le cinéma d’aujourd’hui : « L’impression que beaucoup de films sont des mises en images et musique d’une mécanique dramatique de plus en plus triviale, platement évidente, sans ombre sinon celle calculée par le concepteur-gestionnaire afin de maintenir en alerte le consommateur ».
S’il reste intraitable par rapport à cette tendance au « feuilleton universel », Luc Dardenne n’en répond pas moins aux grincheux qui prétendent que plus rien ne se fait dans le cinéma actuel - n’est-ce pas Freddy Buache, et n'est-ce pas Jean-Luc Godard ?
« De toute façon tout a déjà été fait et mieux que ce que nous pourrions jamais faire. Ils ont raison, ces anciens et nouveaux cinéastes qui annoncent la mort du cinéma, qui commentent son enterrement. Ils ont raison. Eh bien justement ! C’est parce qu’ils ont raison qu’ils nous poussent à les contredire, à croire, mon frère et moi, que nous pouvons encore filmer, inventer, faire quelque chose de nouveau. La camera oscura n’est pas une chambre mortuaire où veiller le corps du disparu. Objet perdu pour toujours ! Objet que jamais nous ne retrouverons ! On s’en fout ! Ne nous laissons pas prendre par leur mélancolie ! Recrachons la bile noire ! Que les morts enterrent les morts ! Vivre ! Vivre le cinéma qui vient ! A nous d’être à la hauteur »…
On pourrait dire la même chose de la littérature actuelle, donnée pour morte et enterrée par d’aucuns. Que les morts enterrent les morts ! Vivre ! Vivre la littérature qui vient !
Livre du jour : Luc Dardenne. Au dos de nos images 1991-2005. Seuil, la Librairie du XXe siècle, 322p.
Commentaires
Il y a mille choses que j'apprécie ici, où je viens et lit plus souvent que je n' écris... Je parlais d'"oser" commenter il y a quelques jours mais c'est un peu inexact. Vos textes (les deux qui suivent celui-ci par exemple) n'appellent pas souvent de commentaires, leur beauté suscite l'émotion, on ressent à la fin de leur lecture une impression de perfection. Finitude à laquelle il paraît insensé de donner une suite en "osant"y apposer un commentaire. La note sur ce livre au sujet des frères Dardenne est elle d'une autre sorte bien sûr. Le but de mon présent commentaire était simplement de saluer la présence continue de l'art cinématographique dans vos pages, dans les sites littéraires c'est fort rare, comme s'il existait des cloisons étanches... Voilà, merci aussi pour cela. Excusez mon bavardage, je retourne à ma réserve ;-) ..........
Je vous salue Marie dans votre réserve d'Indienne pleine de grâce
;) si j'étais squaw, la grâce dont je rêverais est celle de Buffy Sainte-Marie dans "God is alive/Magic is Afoot" . . !