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Carnets de JLK - Page 160

  • Salamalecs et souvenances

    CaalligraphieAlani1.jpg 

    Ramallah, le 23 juin 2009.

    Cher JLs,

    Je me suis remis à l’arabe, je recopie laborieusement des aleph, des ba et des ta. Et des tha, des sâd et des dâd, des sin et des zin, des ghain. Des kaf tout en angles et des qaf tout en courbes, des h soufflés, aspirés, inhalés, et des hamze. Ta fille est passée par là, qui a étudié cette langue impossible, peut-être as-tu eu le plaisir de la voir, lors de ses premières heures d’études : couchée sur la feuille, langue pendante, traçant péniblement ces signes biscornus, comme quand elle était petite, quand les lettres étaient encore des images, quand le A avait deux pieds, le B un gros bide, le O la forme de la bouche quand la bouche fait oooo : et voilà le son qui arrive, ce lien magique entre les traits et les mots. Je me rappelle parfaitement que dans le livre Daniel et Valérie Valérie portait une salopette : sa-lo-pette. J’avais découvert avec un vrai bonheur (et un malin plaisir) comment graver cette dernière syllabe, avec le burin de mon crayon sur la pierre du papier… ma première création littéraire fut donc :
    Valérie pette.
    Je ne me rappelle pas quel accueil critique fut réservé à ce chef d’oeuvre, iconoclaste tant dans le fond que dans la forme, ni même si j’ai osé montrer à quiconque ce vers sulfureux. Les journaux de l’époque n’en portent pas trace, peut-être le directeur de l’école a-t-il étouffé l’affaire. Mme Berchtold, notre maîtresse, a quitté son poste peu de temps après. S’il y avait ici un lien de cause à effet, j’aimerais lui adresser aujourd’hui l’expression de mon plus profond repentir – en attendant, je la remercie de tout cœur, et avec le plus grand sérieux. On se couvre de dettes dès la naissance, la somme de ce qu’on doit aux gens qui nous poussent et nous épaulent défie le calcul, et l’on meurt toujours débiteur : Mme Berchtold m’aura permis de lire le journal tous les matins, et d’écrire ces lignes… c’est un don vertigineux, ça ne se rembourse pas. Certes elle était notre institutrice et c’était son boulot, point : pas de quoi en faire un fromage. Mais combien de temps, combien d’efforts , pour parvenir à nous faire lire le mot fromage ?
    Fromage : « jibnè », en arabe. Ca commence avec un jîm en forme de triangle, ensuite un ba, à ne pas confondre avec le noun qui suit. Et puis on parsème le tout de points et d'accents en dessous et au-dessus. A la troisième tentative, quand on a obtenu quelque chose de fluide, on recopie joliment dans son cahier à la page « cuisine » - parce qu’en langue étrangère le monde se divise très strictement en rubriques « cuisine », « maison et meubles », « politique », «électricité », avec une grosse partie « divers » (car où peut-on bien classer le verbe qui signifie « envoyer un sms » ?). Après on s’en va traîner ses guêtres dans la rue, le café et l’épicerie, afin de soumettre ce nouveau vocabulaire au dur jugement du locuteur natif, en espérant en trouver un qui ne parle pas anglais, et qui n’ait pas trop l’accent d’Hébron.
    Ramallah16.jpgLe chat s’est endormi sur le canapé. Avec lui les conversations se limitent vraiment au strict minimum… entre l'élaboration muette, toute intérieure encore, d’un livre à venir, et cette plongée dans les bases d'une autre grammaire, tracée en lettres maladroites, je côtoye souvent le silence. C’est sans doute le lot de l’expatriation, de retomber dans l’essentiel du langage - on gagne le mot « jibnè », on n’oublie pas le mot fromage, par contre on oublie un peu l’odeur du Saint-Marcelin et le vocabulaire pour la décrire. Ce n’est pas une perte irrémédiable, et cet appauvrissement consenti a peut-être ses vertus. Il décuple en tout cas le plaisir de lire tes mots, sur ce blog foisonnant… yatik ala’fie…

    Pascal

    Suisse14.jpg

    La Désirade, ce 24 juin 2009

     

    Cher,

    Nos lettre me manquaient. Si je me laissais aller, s’agissant des mots, je t’en ferais une fluviale, mais là je dois finir le nouveau roman de Marc Levy, et ça c’est du sérieux. Je lis en même temps un énorme essai biographique consacré à la vie de Walter Benjamin à travers ses textes, et le dernier Marc Levy. C’est un peu par défi que je me suis collé à cette lecture de plage, comme on dit, après avoir lancé à notre chef de rubrique que je m’y refusais absolument, éprouvant à ce genre de lecture la sensation de régresser à l’état d’amibe. J’étais de complète mauvaise foi, puisque des six ou sept romans de Marc Levy, je n’avais lu jusque-là que quelque pages de celui où il est question de son père, paraît-il le meilleur, mais que j’ai laissé tomber  je ne sais pourquoi…

    En attendant d’arriver au bout de ce roman de l’été, intitulé Le premier jour et marqué par la rencontre d’un astrophysicien en quête des origines de l’Univers (!), et d’une paléoanthropologue en quête du premier homme (!!), je rebondis juste sur le mot fromage que tu cites en arabe, à propos de mon grand-père maternel, notre Grossvater, qui enrichissait chaque soir de nos visites notre vocabulaire cosmopilite – il savait sept langues apprises en ses pérégrinations d’employé d’hôtellerie. Je me rappelle donc le mot «gibne», comme d’hier soir, et note la juste appellation que du précises ici, de jibnè.

    Et ceci aussi, à propos de ce Grossvater, qu’on disait pingre et qui n’était probablement près de ses sous que parce qu’il avait manqué dans sa jeunesse. Je te recopie donc ici un épisode de mon dernier livre, L’Enfant prodigue, que j’achève ces jours. Il y est question d’une excursion quasi mythique que notre mère nous a racontés maintes fois et que sa sœur, toute vieille dame perdant aujourd’hui la mémoire sauf de ces faits anciens,  me rappelle souvent lorsque je vais la voir à Lucerne, Berg am See dans le livre…

    Les petites boiteuses

    Si Grossvater était près de ses sous, selon l’expression, c’est  parce qu’il aura manqué, m’avait dit et répété Lena lors de nos colloques au Grand Hôtel où, sans doute, il eût trouvé que nous y faisions d’excessives dépenses, le prix de notre repas représentant à peu près le montant de son premier salaire à l’Hôtel Royal du Caire, alors qu’il était déjà l’employé qualifié que Grossmutter allait épouser en dépit de sa petite taille - et déjà je l’imaginais qui reprenait ses litanies : vous ne pouvez pas savoir, les enfants, ce que nous avons dû lutter, et de fait nous ne pouvions pas plus savoir qu’imaginer : cela nous dépassait, selon l’expression : nous arrivions dans un monde dont nous ne pouvions percevoir les ombres, tout étant prévu pour notre agrément – nous étions les seuls enfants des trois filles de la maison, nous étions le sel de la terre prochaine, en tant qu’enfants nous aurions pu nous sentir écrasés par ce monde austère, et pourtant non : tout tournait autour de nous dès que nous arrivions à Berg am See, la géographie et l’histoire se reconstituaient pour nous, de nouveaux chemins se traçaient pour nous, les enfants, toutes les fins d’après-midi nous ressortions les vélocipèdes et nos tantes chères s’évertuaient à nous ouvrir le monde de là-bas.

    Suisse420001.JPGLes frères de ma mère étaient tous des colosses, avait remarqué Lena en  revenant à la photo sépia, à côté desquels mon père a toujours eu l’air un peu emprunté, et j’avais noté l’expression en me rappelant qu’en effet mon grand-père maternel, en dépit des discours véhéments dont il nous abreuvait, les enfants, dès notre arrivée à Berg am See, s’était toujours trouvé quelque peu emprunté, et de même Grossvater, je l’avais appris plus tard, s’était-il trouvé emprunté devant ses propres frères.

    Les frères de mon père, à l’exception de Grossvater qu’ils appelaient le petit Monsieur, étaient également des colosses, m’avait dit Lena une autre fois, mais ceux-là ne savaient pas parler. Du côté de Grossmuter les frères et sœurs parlaient à tort et à travers, m’avait dit Lena à propos des silencieux de la photo sépia - peu de gens de la même famille auront autant discuté et se seront autant chamaillés, tandis que les frères de Grossvater se taisaient et le regardaient de travers, n’appréciant guère qu’il pensât seulement à fuir la terre alors que tous savaient qu’on y manquerait à y rester tous.

     Nos aïeux et bisaïeux de la photo sépia, du côté de Grossmutter, autant que nos aïeux peu photographiés de la ferme du père de  Grossvater, tôt disparu, revenaient de plus en plus souvent dans la conversation de ma chère Lena au Grand Hôtel de Berg am See, dont le vin italien que je commandais invariablement la grisait et l’égayait à chaque fois, alors même que le fil de sa mémoire se relâchait ou s’entortillait au point de lui faire répéter les mêmes histoires, d’une façon qui me ramenait à ces moments délicieux de nos enfances où nous aimions à entendre et réentendre cent et mille fois la même histoire.

    Les trois frères de Grossvater ont été Rois de la Lutte, me racontait Lena pour la énième fois, nous aimions les voir quand, petites filles, notre mère nous emmenait une fois l’an à la ferme, qui s’exerçaient en culottes de cuir sur une grand fleurier bleu, tantôt en plein air et tantôt dans la grange quand il pleuvait, nous nous tenions immobiles à les regarder, nous étions les Maïteli de la ville, autant dire : de petites dames qui n’y comprenaient rien, mais aux yeux desquelles il s’agissait de ne pas démériter, et Lena, bientôt nonagénaire, semblait revivre la scène comme du matin même, riant au souvenir des lutteurs en sueur puis se faisant plus grave au moment de revenir, pour la énième fois, à l’infortune des humble parents de Grossvater : le cancer fulgurant du père obligeant les quatre frères à se démener dès leur adolescence, plus tard le café périclitant du fils aîné, les enfants débiles du deuxième frère, et le cancer lancinant de celui-ci, le domaine repris avec vaillance par le troisième frère bientôt rattrapé lui aussi par le cancer, et Grossvater fuyant ces heurs et malheurs pour se retrouver dans un palace des hauts de la Riviera lémanique au titre de casserolier - et Lena de s’animer  une nouvelle fois à la remémoration de Grossvater au Ritz de Paris ou s’initiant à la langue russe dans le froid de Saint-Pétersbourg avant de rencontrer, à l’Hôtel Royal du Caire, cette jeune fille très douce, que la vie ferait plus sévère sans la durcir, portant un prénom de pierre précieuse et qui deviendrait notre très aimée Grossmutter.

    À force d’être répétés, autant que les histoires de nos enfances que notre mère nous relisait à n’en plus finir, les récits dont Lena n’en finissait pas non de nous régaler tous deux, au Grand Hôtel de Berg am See, se paraient d’une aura mythique, qui n’excluait ni l’antique facétie ni le sempiternel sanglot – comme l’illustraient deux épisodes promis à l’immortalité.

    L’histoire des petites filles boiteuses appartient, ainsi, à la chronique légendaire de la smala, côté maternel et dans le registre de la comédie.

    C’est un dimanche matin et le quintet, d’un bon pas, les bons parents et les trois allègres fillettes nattées, quittent à pied le domicile familial, pour se rendre dans le massif du Mont Pilate, au Lac Maudit où l’on mangera cinq pommes et boira l’eau da la gourde. Et l’on trotte et l’on chante, sans savoir encore, quand on est fillette, que ce joli tour représentera sept heures de marche  et que cela fatiguera de plus en plus ; et de fait, plus on marche et plus ça monte, plus  ça monte au flanc du Mont Pilate, et plus la fillette sue et soupire - et Grossmutter encourage, et Grossvater maugrée, Grossmutter dit qu’on sera bientôt au Lac Maudit et qu’on aura droit à sa pomme et à l’eau de la gourde, mais la pente se redresse une fois encore, puis il y a un méplat, la fillette croit qu’elle n’en peut plus et Grossvater lui objecte que de son temps on ne se plaignait pas, mais tout à coup le voilà : voici le Lac Maudit qu’agite, les nuits d’orages, l’âme damnée de Pilate qui s’est réfugiée là, et l’on s’arrête alors au bord de l’eau toute limpide pour le moment, chacun savoure sa pomme et l’eau désaltère les gosiers, puis le Midi tapant chasse le quintet vers l’ombre et ce sera bientôt le moment de penser au retour, et l’on boit une dernière lampée de la gourde et l’on prend le chemin du retour qui est encore plus long que celui de l’aller, plus on marche et plus le chemin s’allonge au point que la fillette peine de plus en plus, et bientôt on arrive au pied du Mont Pilate où la route aux automobiles se fait plate mais de plus en plus longue, les trois fillettes suent et soupirent et Grossmutter reprend son encouragement en murmurant qu’hélas Grossvater n’a pas envisagé le recours à l’automobile postale, par trop onéreux, et Grossvater alors, s’épongeant le front et se retournant vers se progéniture nattée et vannée, de lui lancer : «Mais boitez donc, demoiselles, boitez, boitez bas et peut-être quelque automobiliste compatissant aura pitié - c’est cela, demoiselles, boitez bas»…  

    T’ai-je fait sourire, cher Pascal ? Je le souhaite. Et vous embrasse fort, Serena et toi, et vous souhaite un été sans guerre.

    Jls

     

  • Ceux qui en resteront là

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    Celui qui opine du sous-chef / Celle qui vendrait son âme pour une place au paradis alors que le clergé local a établi que d’âme elle n’avait point / Ceux qui rugissent de jalousie en voyant passer des camions de viande conditionnée spécialement pour les habitants de Lyon et environs / Celui qui commence à se faire aux goûts de sa septième épouse légitime en matière de camisoles thermogènes / Celle qui se condamne elle-même par contumace / Ceux qui consacrent pas mal de temps au dressage des araignées ballerines / Celui qui essaie de reconnaître son genou droit qu’il appelle Gaston dans la figure spectrale de l’IRM / Celle qui fait cohabiter ses ex dans ses rêves torrides / Ceux qui deviennent de vrais chieurs dans leur pratique de la Voie de Sérénité de la thérapeute Verena Von Arx / Celui qui met un terme à ses relations avec son amie dite La Dévoreuse par les autres pensionnaires de l’établissement médico-social les Vieux Lutins / Celle qui répond du tac au tac à tout ce qu’on dit dans son dos / Ceux qui disent trouver l’inspiration dans la fréquentation des cactées / Celui qui s’est spécialisé dans le Baiser Datura / Celle qui rêve en 3D sous l’effet de ses infusions de pavots / Ceux qui imposent une irrigation colônique à leur fils Ewald-Hervé qui donne des signes de fatigue les lendemains d’hier / Celui dont le sourire est une lame ébréchée / Celle qui te tient sur ses chardons ardents / Ceux qui mâchent leurs mots pour en faire de la purée, etc.
    Image : Philips Seelen

  • Notes panoptiques (3)

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    En lisant WB à propos de Proust, et Gide à propos de Barrès. À propos du provincialisme parisien, de ce qui surgit, du premier livre de Pascal Janovjak, du provincialisme dans le temps et de Dantec.

    « Nul n’a jamais su comme lui nous montrer les choses. Son index est sans pareil », écrit Walter Benjamin de Proust dans un texte à lire et relire, daté de 1929 (révisé en 1934 pour la version française), intitulé L’image proustienne et constellé de formules d’une acuité rare, où le critique insiste finalement sur la relation physique entre l’écriture et le corps de l’écrivain malade mettant en scène sa maladie. « Cet asthme est entré dans son œuvre, à moins qu’il soit une création de son art. Sa syntaxe se modèle sur le rythme de ses crises d’angoisse et de ses étouffements. Et sa réflexion ironique, philosophique, didactique, est toujours sa manière de respirer de soulagement quand le poids des souvenirs est ôté de son cœur ».
    À propos des souvenirs de Proust, WB relève cet apparent paradoxe qui fait que La Recherche n’est pas tissée de souvenirs mais d’oubli, à l’enseigne d’une «présentification » qui n’a rien d’un ressassement de vieilleries mais tout d’une constante invention dont les objets sont source de bonheur, non pas regard en arrière mais en avant: « Les connaissances les plus précises, les plus évidentes de l’écrivain reposent sur leurs objets come des insectes sur des feuilles, des fleurs ou des branches, ne trahissant rien de leur présence jusqu’à ce qu’un saut, un battement d’aile, un bond révèle à l’observateur effrayé qu’une vie propre s’est inopinément et en sensiblement insinuée dans un monde étranger ».

    °°°

    Gide2.jpgJe me rappelle avoir jeté un froid, légèrement teinté de dédain, lorsque j’ai avoué, à vingt ans, dans un groupe d’étudiants, que je lisais André Gide avec beaucoup d’intérêt. C’est que, vers 1968, il n’était pas bien vu de lire Gide. Genet éventuellement, dont l’image sulfureuse en imposait, mais Gide : vieille noix, plus dans la course. Or relisant l’autre jour Paludes je me suis dit : pas une ride. Ou l’écoutant répondre à Jean Amrouche (on trouve ça en CD), ou parlant à Walter Benjamin : du gâteau. S’il est vrai que son plaidoyer de Corydon fait un peu vieille tenture, l’ouverture d’esprit du personnage, qui suscite évidemment la reconnaissance de WB dans sa passion multinationale pour toutes les littératures, émerveille toujours. Et voici plus précisément ce que dit Gide, venu à Berlin en 1928, à Walter Benjamin : « S’il est un point sur lequel j’ai influencé la génération qui me suit, c’est en ce que maintenant les Français commencent à montrer de l’intérêt pour les pays étrangers et pour les langues étrangères, alors que ne régnaient auparavant qu’indifférence, indolence. Lisez le Voyage de Sparte de Barrès, vous comprendrez ce que je veux dire. Ce que Barrès voit en Grèce, c’est la France, et là où il ne voit pas la France, il prétend n’avoir rien vu ». Et cela qui prend aujourd’hui un relief nouveau : « Avec Barrès, poursuit WB, nous touchons inopinément à l’un des thèmes favoris de Gide. Sa critique des Déracinés de Barrès, qui date maintenant de trente ans, était plus qu’un ferme refus de l’épopée de l’attachement à la terre. C’était la magistrale confession d’un homme qui rejette le nationalisme satisfait et ne reconnaît la nation française que là où elle inclut le champ de forces de l’histoire européenne et de la famille des peuples européens. »

    °°°

    Janovjak.jpgÀ propos de ce genre de brassage, l’arrivée tout à l’heure d’un colis contenant le premier roman de mon ami Pascal Janovjak, sujet à moitié slovaque de naissance, Français par sa mère et Suisse par son passeport (Pascal a quatre moitiés avec sa compagne Serena), accompagné d’un mot gentil de Raphaël Sorin son éditeur, m’a surcomblé de joie comme à recevoir, après l’avoir vue naître, La symphonie du loup de mon ami Marius Daniel Popescu. Qu’un Roumain mal léché, conducteur de bus à Lausanne, nous donne l’un des livre les plus toniques écrits en français ces dernières années, m’a fait autant plaisir que d’échanger, un an durant, une cent cinquantaine de lettres avec Pascal, en son exil de Ramallah, tout en découvrant le tapuscrit de son Homme invisible, devenu maintenant L’Invisible chez Buchet Chastel, à lire dès août prochain. On dit que la relève littéraire de la littérature en langue française est à peu près nulle. C’est à peu près vrai mais pas tout à fait : prenez donc et lisez, fossoyeurs…

    °°°

    Mercanton0001.JPGJacques Mercanton, romancier romand et grand essayiste européen dont nul ne connaît le nom dans la province germanopratine, écrivait qu’il y a un provincialisme dans le temps comme il y en a un dans les lieux. Jamais cela n’a été aussi vrai qu’aujourd’hui ou le djeune, avec ses tribus et tous ceux qui le flattent, arrête la culture à la province temporelle de la contre-culture et au conformisme suprême de l’anticonformisme, entre 1960 et les resucées avant-gardistes actuelles. Jusqu’aux limites du contre-exemple, la référence à tout passé non suspect de « passéisme » atteint au comique lorsqu’on voit les lecteurs branchés de Dantec, se référant à Joseph de Maistre ou à la patristique, acclimater ces valeurs rejetées par leurs parents comme purs produit de la réaction catho, avec le même esprit moutonnier… On voit d’ailleurs, dans le dernier roman de Dantec, que le côté BD-polar de son univers a repris le pas sur ses trouvailles de conteur réellement original et puissant. En attendant Armageddon, le naturel revient tout speedé... 

  • Déjà vu

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    … Là , tu vois, c’est genre installation, plutôt cool au premier look mais l’ennui c’est que le concept est réchauffé, en fait Jeff Wall a fait pile la même chose avec le massacre des soldats russes dans le ravin afghan, t’aurais juré qu’ils étaient vrais alors que tout avait été monté en studio, mais bon c’était en 1992, ça date, ça va juste pour branchés débranchés et compagnie, mais là t’es libre après, on se fait un sushi ?...

    Image: Philip Seelen

  • Notes panoptiques (2)

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    En lisant Claro, Thomas Bernhard, WB et le journal gratuit 20 Minutes… À propos aussi d'un fait divers, de Jauffret et de Volodine, d'Emmanuel Carrère et de Patricia Highsmith.
    Tout cela manque terriblement de détails, me dis-je en lisant Et le clou restera le clou, le chapitre du Clavier cannibale de Claro consacré au foutoir du roman français actuel dont ne seraient saufs qu’un Volodine ou qu’un Jauffret, tout cela manque terriblement de porosité et d’attention fine, tout cela manque terriblement de femmes et de nuances, tout ça manque enfin terriblement d’exemples. Mais qu’est-ce qui me gêne surtout ? Me gêne le nivellement par les gouffres et les sommets sommitaux, ou ce qu’on donne pour tels – me gêne cette espèce d’exclusivisme franco-français, je veux dire: parisien, qui alimente régulièrement le culte des auteurs dits cultes par Les Inrocks ou par Technikart et le tourtour des bars parisiens branchés, de Lautréamont à Houellebecq (hier) ou d’Artaud à Dantec (avant-hier), de postures en impostures.

    Certes Claro a le droit d'élire ses élus à lui, comme Richard Millet a les siens, mais je suis frappé, des hauts gazons préalpins d’où j’écris, plouc et content de l’être, que l’un et l’autre aient besoin de confiner si maigrement leur tableau d’honneur, citant d’ailleurs l’un et l’autre Régis Jauffret. Or je fais un effort d’imagination et je ramène Jauffret 75 ans en arrière, comme je ramène Houellebecq 75 ans en arrière, dans le sommaire de la NRF (j’en garde la collection complète dans mes soutes) et j’essaie d’imaginer, par rapport à Céline, à Bernanos, à Jules Romains, à Georges Simenon ou à Louis Guilloux, entre trente-trois ou soixante-six autres, comment ces deux auteurs, entre autres contemporains par ailleurs estimables, eussent été jugés ? Je n’ai pas de peine à « classer » Pascal Quignard, Pierre Bergounioux ou Pierre Michon, dans le «fond» du tableau ralliant mensuellement ces prosateurs merveilleux que furent un Fraigneau ou un Suarès, un Calet ou un Vialatte et plus encore un Charles-Albert Cingria dont Michon et Bergougnioux ont si bien parlé. Mais Jauffret et Houellebecq au jugé de Paulhan ou de Marcel Arland - Michel Houellebecq face à Céline ou Régis Jauffret face à Raymond Guérin ?!

    °°°

    Bernhard.jpgIl me semble alors intéressant de faire le détour par Thomas Bernhard, qui a payé son ticket pour le Grand Huit expressionniste. Au jeu des postures, il était assez attendu que TB fasse des petits, mais il est intéressant en le lisant, par exemple Extinction, que j’ai repris récemment lors d’un séjour à Rome - ville maintes fois citée en référence dans le roman -, comment ce grand obsessionnel et ce grand pitre va précisément vers la posture en ne cessant de surenchérir, à laquelle il échappe soudain en retournant l’invective contre lui-même.
    A propos de posture, je me rappelle, à la Brasserie zurichoise Kropf, à deux pas du fameux Odéon cher à Dada, cette remarque de l’écrivain Hugo Loetscher que j’interrogeais précisément sur TB : « Voui, c’est un écrivain vormidable, mais tout de même, tout de même, vous vous voyez vous retrouver tous les matins devant votre miroir et vous dire comme lui : - Maintenant, je vais être en colère ! » ?
    Or ce qui me frappe avec le recul, c’est que l’imprécation est la partie la plus faible de l’oeuvre de TB, sauf quand elle est poussée jusqu’au délire par une espèce de férocité panique qui est, comme chez Bloy, la marque d’une saine et sainte fureur que je ne trouve ni dans les invectives de Nabe ni dans celles de Dantec ou Houellebecq.
    Par contraste, la prodigieuse attention de Walter Benjamin, qui est celle d’une culture de la «conversation essentielle», avant l’effondrement d’un monde et de ses élites juvéniles, suscite immédiatement, chez l’étudiant de vingt piges et des poussières, une fulmination radicale contre les pions et les paresseux, les profs qui abusent de leur pouvoir et ses condisciples attendant plus ou moins le moment de rafler celui-ci…

    °°°
    Un journal gratuit de nos régions, intitulé Vingt minutes et dont la lecture n’en prend que cinq, raconte ce matin l’histoire de cet informaticien joliment fortuné, père de famille et véritable Suisse au-dessus de tout soupçon - à cela près qu’il s’adonnait à ses heures à la torture de nourrissons présumés innocents et se trouve actuellement interné à vie - entend maintenant, comme tout citoyen organisé de notre temps, se pacser avec son compagnon de cellule coupable, lui, d’avoir massacré son jeune amant. Ce n’est qu’un fait divers, n’est-ce pas, mais ce qui m'amuse est que je me suis inspiré moi-même en personne du personnage de dingue pédophile dans une nouvelle intitulée Le Maître des couleurs où j'évoque  un quartier très ordinaire de Suisse pépère, tout semblable à celui que décrit, en de biens plus grandes largeurs, Emmanuel Carrère  dans L’adversaire, tout à fait remarquable mais dont je regrette juste le manque de folie dostoïevskienne de l’implication et l’écriture trop lisse à mon gôut.
    Jauffret.jpgMais qu’en pense Claro ? Pense-t-il que Régis Jauffret pourrait tirer quelque chose d’un tel fait tellement plus noir que le noir un peu forcé de ses romans ? Quant à moi, j’en doute, me rappelant la « manière» de Microfictions, dont les mille épisodes relèvent de la projection fantasmatique plus que de la (re)création – cela dit sans dénigrer un écrivain de forte trempe, comme Volodine d’ailleurs, mais qui me paraît encore trop «littéraire» malgré tout. La vraie poésie, au sens dostoïevskien, lui reste à conquérir, qu’on trouve en revanche dans L’enfant de Dieu de Cormac McCarthy ou dans La route…
    Patricia Hisghsmith me disait un jour que seule la réalité l'intéressait. Or son œuvre dépasse de loin le « réalisme » du fameuux reportage universel, comme l’avait bien vu Graham Greene. De son côté, René Girard affirme que les écrivains ou les penseurs français contemporains, qui s’en gargarisent, ont le plus souvent perdu ce « sens du réel » qui sous-tend la littérature dont on puisse dire qu’elle n’est pas «que littérature»...

    Image: Philip Seelen

    (À suivre...)

  • Notes panoptiques (1)

     

    Pynchon2.jpg

    En lisant WB, Claro, Pierre Oster et René Girard.

    N’aspirant qu’à la poésie – et je m’entends à ce propos -, m’importe plus que jamais de la trouver partout, à tous les étages et sur tous les flancs, jusqu’aux lieux les plus communs – ainsi de lieux de notre maison devenus mon Salon Marcel Proust aux nombreux rayons, avec l’inscription solennelle à son fronton : « Ici finissent les longues phrases ».

    Claro.jpgEt justement Claro dans Le clavier cannibale en revient aux longues phrases dont on ne sait à vrai dire où sur la page elles commencent et finissent (chez Beckett elles commencent ou finissent en même temps), et comment elles deviennent Opus Megalomanius, alors que Pierre Oster, aussi corseté dans l’apparence que Claro semble déjanté, interroge ce qu’il y a derrière ou dessous la phrase de Paulhan ou les stances de Saint-John Perse. Or, il me plaît de déceler, entre ces deux-là, aux horizons si peu communs (tout ce qui sépare apparemment un Gass d’un Grosjean…), question aussi de générations, comme un commun souci que je retrouve du début à la fin du XXe siècle entre Walter Benjamin et René Girard. La critique restera de type poétique en continuant de s’abreuver aux mêmes sources, en l’occurrence à la poésie critique de Hölderlin. Et Charles-Albert Cingria de psalmodier : « L’écriture est un art d’oiseleur et les mots sont en cages avec de ouvertures sur l’infini ».

    °°°

    De quelle langue Claro et WB traduisent-ils et vers laquelle ? Voilà qui nous ramène à un commencement qui n’a rien de borné à l’ incipit, étant entendu que tout commence avant-pendant ou après la première page même si, en commençant de lire « Longtemps je me suis couché de bon heure », l’on se dit qu’y a pas photo. Or je me rappelle, moi, que Proust longtemps m’est venu bien tard, que jusque-là Pynchon m’est tombé des mains, tout de même que Vollmann, et que je ne me doutais pas que Claro fût lui-même un écrivain, ni n’ai compris vraiment ce que traduisait Guyotat. Autant dire que tout recommence tout le temps et que demain je me remettrai à la « suite » des Reconnaissances et au (re)commencement de Pynchon.

    °°°
    Oster.jpgPierre Oster, dans Pratique de l’éloge, brasse apparemment très loin des eaux de Claro, mais le langage n’est qu’une mer, et je ne vois pas pourquoi les aventures de Beckett ou de Burroughs excluraient celles de Jaccottet ou de Ponge, même si je ne souscris pas vraiment à l’affirmation d'Oster selon laquelle Saint-John Perse serait « le seul maître que nous puissions honorer ». Cette façon de poser sa tiare me rappelle Philippe Jaccottet me parlant un jour de sa démarche : « Quand vous avez choisi de viser haut… ». Mais c’est là tout à fait un milieu de respect vénérant, le même que celui d’un Richard Millet, que je n’ai pas envie du tout de rejeter pour ma part, même s’il va disparaître. C’est avec tendresse que je me rappelle ainsi cette conversation récente avec ce vieux jeune homme d’Obaldia qui sursautait à chaque fois qu’il prononçait un nom, Max Jacob, Oscar de Lubicz-Milosz, André Salmon, en constatamt que, mieux que d’identifier ces noms de présumés inconnus, j’avais lu leurs livres… à la même époque que je lisais Burroughs ou Tombeau pour 500.000 soldats. Et je souscris à peu près en lisant ces mots de Pierre Oster : « Nous resterons cependant un petit nombre à refuser l’hypothèse selon laquelle le français aurait perdu ses enchantements ultimes », tout en ajoutant in petto : et qu’est-ce que t’en sais du nombre d’accros à Maurice Scève, à La Fontaine, au p’tit Rimbe, à Claudel, à Jouve ou Michon & Co ?

    °°°

    La tâche du critique serait, selon Walter Benjamin, de déceler le noyau fondamental de l’œuvre, ou de démêler son mobile secret – de toucher en somme au « torse de Pharaon », pour recycler une formule de je ne sais qui représentant, par l’obscur d’une image, le voisinag de la perfection. Or je sens cette «forme» aussi dans la lecture du monde de René Girard, et particulièrement quand il «oublie» son système général du mimétisme pour chopper à l'anti-système des oeuvres et des expériences, rejoignant par exemple une intuition fondamentale de WB sur les tenants personnels ou institutionnels de la violence.
    « Est-il possible de liquider les conflits sans recourir à la violence ? » se demande WB, et de répondre contre toute attente par l’affirmative, expliquant qu’«on trouve une entente sans violence partout où la culture du cœur a pu fournir aux hommes des moyens purs pour parvenir à un accord ». Propos lénifiants d’une belle âme ? Nullement. Car ces « moyens purs » ne sont pas que des résidus de vœux pies, mais en appellent à une technique dont l’étude des modalités occupera WB d’une guerre à l’autre, sans oublier la violence effrayante de ses rapports intimes… Plus tard, aussi, Girard l’anthropologue, inspiré mystérieusement par la poésie d'Hölderlin, montrera en quoi le Christ « sort » de la violence mythique.

    °°°

    Enfin, il me plaît ce matin d’imaginer Claro lisant WB dans le métro ou écoutant la voix de Bachelard ou de Deleuze, de Gide ou de Girard sur l’audio de sa Jaguar…

    LireClaro.jpgChristophe Claro, Le Clavier cannibale. Inculte, coll. Temps réel, 300p.

    Blog de Claro: http://towardgrace.blogspot.com/

    ( À suivre)

  • Romain et Diego

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    Gary père et fils ou la difficile quête de soi. Publications à foison...

     

     

    Le 2 décembre 1980, Romain Gary se suicidait dans son appartement de la rue du Bac, à Paris, à l’âge de 66 ans. Ainsi s’achevait, brutalement, la vie d’un homme qui avait apparemment tout réussi : grand vivant « couvert de femmes », résistant de la première heure gratifié de la croix de la Libération, romancier vite reconnu et consacré par deux Prix Goncourt (sous son nom en 1956, pour Les Racines du ciel, et sous le nom d’Ajar en 1975, pour La vie devant soi). Mais cette vie au dehors brillant avait sa face d’ombre. La générosité rayonnante de l’auteur de La promesse de l’aube et sa prodigieuse vitalité cachaient un fond d’inquiétude et de désespérance liées à son identité composite. Qui était « au fond » cet extraordinaire médium capable d’endosser, comme un Simenon, tous les personnages ? À la question « Ce que je voudrais être », l’écrivain avait répondu « Romain Gary, mais c’est impossible ».

    Né Roman Kacew à Wilno (l’actuel Vilnius), fils d’un fourreur russe et d’une modiste d’origine polonaise, il écrivit sous les noms de Gari de Kacew, Romain Gary, Shatan Bogat, Fosco Sinibaldi et finalement Emile Ajar. La création de ce dernier hétéronyme suscita un imbroglio littéraire et médiatique extravagant, aux résonances beaucoup plus profondes qu’on a pu le dire, qu’éclairent deux textes décisifs : Vie et mort d’Emile Ajar, écrit en 1979  et publié après sa mort, finissant par ces mots d’un humour grinçant : « Je me suis bien amusé. Au revoir et merci » ; et surtout Pseudo, formidable monologue où Ajar dépasse la « schizophrénie » de l’écrivain dans une confession qui est du pur Gary, tragique et drôle à la fois. Tragique comme l’avait été, notamment, le sort des Juifs d’Europe évoqué par La danse de Gengis Cohn, préfigurant le négationnisme. Et drôle par sa façon de « désamorcer le réel au moment où il va vous tomber dessus », avec son humour.

    La vie transposée

    Si la vie imprègne littéralement tous les romans de Romain Gary, rien dans ceux-ci de « récits de vie ». Le passage par la magie du récit, le mythe, l’enchantement de l’imagination, le jeu jubilatoire, est en effet essentiel chez celui qui se disait lui-même un « caméléon ».

    En introduction au volume de la collection Quarto récemment paru sous le titre Romain Gary-Emile Ajar, Légendes du je, Mireille Sacotte éclaire les étapes de cette constante métamorphose, sans laquelle « il ne reste qu’à boire la réalité jusqu’à la lie, autant dire à mourir ». Sous les noms alternés de Gary et d’Ajar, ce romancier souvent snobé par la critique établie a transposé toutes les résistances  dès Education européenne,  rendu hommage à toute les femmes à travers la mère de La promesse de l’aube, concentré toutes les indignations et tous les désarrois d’une époque « à bout de souffle »,  avec Chien blanc, que marque la présence de Jean Seberg, ou Les Racines du ciel préfigurant la prise de conscience du désastre écologique. Bref, malgré le suicide de Roman Gary, l’œuvre de l’écrivain est une victoire sur la mort d’un pessimiste radieux…

    Roman Gary-Emile Ajar, Légendes du je. Gallimard, Quarto, 1417p.

     

     

    Garydiego.jpgL’exorcisme de Diego 

     

    Il n’aura pas été facile d’être le fils de Romain Gary, pas plus que d’être le fils de Jean Seberg. Deux figures « cultes » de la littérature et du cinéma du XXe siècle. Deux égocentriques forts et fragiles à la fois, comme souvent les grands artistes. Deux suicidés laissant un fils, né en 1963. Deux noms passés justement à la Postérité. « Mais la postérité, pour ceux qui restent, ce n’est pas une vie », écrit Alexandre Diego Gary dans S. ou l’espérance de vie, récit poignant d’une dérive existentielle marquée à la fois par la mort de ses parents et par celle de son meilleur ami.

    Pour dire ce qu’il a vécu avec sa mère adorée, qu’il eût voulu tout à lui, au point de mettre en danger la vie d’un de ses jeunes amants, et avec son père l’écrasant de sa présence alors qu’i aimerait écrire à son tour, Gary Junior se dédouble exactement comme un personnage de Gary Senior, sous le masque d’un certain Sébastien Heayes dont la vie de débauche sera racontée par un autre double. L’artifice est un peu pesant, et le « roman » décousu. En revanche, le chant d’amour traversant ce livre, et la façon du fils de dire son lien « à la vie à la mort », imposent le même respect que le fils, « blessé des lettres », manifeste à ses père et mère dans cet exorcisme…

    Alexandre Diego Gary, S.ou l’espérance de vie. Gallimard, 169p.       

     

         

     

     

     

  • Le jeu des 100 euros

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    …Pour notre Top Bonus du jour, cochez dans la case correspondante A ou B, question numéro 1 : lequel des deux sujets ressemble à Pascal Obispo; question numéro 2 : lequel des deux sujets montre la plus forte pilosité proportionnellement à son âge ? ; question numéro 3 : lequel des deux sujets incarne plutôt une sensibilité de gauche ?...
    Image : Philip Seelen

  • Ceux d’en bas

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    …Toute façon les médias c’est tous des pédés, comme les coiffeurs et les jardiniers, mais là ça va trop loin : pasque le village du haut a aussi été sali et ça c’est pas correct par rapport à nos jeunes et pour le renom de la fanfare, mais je vous avais bien dit qu’il fallait arracher la mauvais herbe pendant qu’elle poussait  - tous ces basanés aux yeux cernés qu’on a vu traîner autour de l’école on aurait dû s’en occuper vite fait…

     

    Image : Philip Seelen  

  • Système D

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    …Ca c’est la France, mon cher, c’est pour des choses comme ça qu’on pourra jamais les gouverner - c’est comme le Brésil en moins coloré : t’as le routier sympa qui va parquer avec son 61 roues, hop y modifie le panneau, ensuite t’as le bus à touristes qui se ramène avec ses 35 roues, rebelote, enfin y a le rupin avec sa limo 23 roues, et chaque fois, t’as remarqué, les roues font pas un total pair  - et tu voudrais que ce pays roule comme le nôtre ?...
    Image : Philip Seelen

  • We Apologize

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    … Moi je m’excuse, non c’est moi que je m’excuse, mais moi aussi je suis sincèrement désolé au niveau de ma communauté, vraiment je l’excuse, et moi je ne peux pas laisser mes frères confesser leur faute sans confesser la mienne que je les prie d’excuser - alors voilà Monsieur le photographe, vous avez votre Liste des excusés, ça vous va komsa ?

    Image : Philip Seelen

  • Pas concerné

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    … Ah bon c’était le cinq juin, mais j’étais pas au courant, ça m’a échappé, comment tu l’as su, toi ? Comment ça que c’était annoncé partout ? Tu crois que je vais partout, moi ? Et c’est où que tu l’as rencontrée ? Ah bon, à l’avant du train ? Et tu dis qu’elle est rentrée à la maison, la Planète, et tu dis qu’elle va pas bien ? Mais tu crois que c’est ma faute ou quoi - pourquoi tu me regardes comme ça ?...

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui s’obstinent

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    Celui qui vient aux renseignements sur l’état de la phrase française / Celle qu’intrigue ton intérêt latéral pour les sophistes chinois Houei Che et Kung-suen Long / Ceux qui vivent en douce le fait qu’A puisse être simultanément non-A / Celui qui nettoie les vieux mots qu’il a trouvés au grenier / Celle qui estime que les greniers sont les caves du ciel / Ceux qui lisent du Claudel dans les salles d’attentes et les forêts / Celui qui écrit un faux journal pour égarer l’indiscrétion de sa locataire psychanalyste / Celle qui régente les lectures de ses sept fils / Ceux qui pensent le matin, Dieu, oui, et Dieu non le soir, ou l’inverse / Celui qui note au passage que « la mer est une vue sur Dieu » / Celle qui inspecte le ciel andalou avec la conviction que les saintes espagnoles lui font des signes / Ceux que la poussière d’église fait éternuer au déplaisir des accros du silence divin / Celui qui a pignon sur feuillage / Celle qui pouffe quand Robert la remercie d’exister / Ceux qui ont opté pour l’effacement des personnages de philosophes dans la peinture chinoise multiséculaire / Celui qui se dit le chien d’aveugle de Dieu / Celle que son prénom de Solange agace de plus en plus / Ceux qui campent sur leur opposition / Celui qui se trouve dans la rue parisienne comme à la maison / Celle qui reconnaît l’évidence sacrée des objets en nettoyant sa brosse de chiottes à l’eau claire / Ceux qui entrevoient le vrai contemporain point tout à fait réductible au Profond aujourd’hui de Blaise Cendrars / Celui qui accuse le poète de mensonges / Celle qui préfère entre toutes la compagnie du merle de l’aube / Ceux qui prennent le train du monde sans vérifier sa destination / Celui qui se demande tout haut ce que les abeilles bourdonnent tout bas / Celle qui résiste en souriant à l’avancée non moins souriante de dame Connerie / Ceux qui habitent toute la maison, etc.
    Image : Philip Seelen

    (En lisant Pratique de l’éloge de Pierre Oster. Gallimard, 2009.)

  • Ceux qui citent encore Debord

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    Celui qui se dit marqué à vie par Debord sans en avoir jamais rien lu / Celle qui pense que les lunettes du Penseur indiquent une double référence spéculaire à Karl Kraus et Groucho Marx / Ceux qui affirment que la vraie réussite de Debord est son échec / Celui qui a toujours senti la prétention du cuistre sous les poses pseudo-libertaires de cet enfonceur de portes ouvertes / Celle qui avoue à ses copines de fac qu’elle tend à l’orgasme à la Debord / Ceux qui pensent sérieusement que Debord aurait été scandalisé de se voir sacré « trésor de la nation » / Celui dont le t-shirt s’exclame : Je kiffe Debord ! / Celle qui essaie d’expliquer à ses ados en quoi Debord relève d’un antécédent du rap /Ceux qui relisent volontiers les commentaires de Debord à sa Société du spectacle, « juste pour rire » / Celui qui a découvert que Debord était consommable comme la poule trouve un couteau sous le mot COUTEAU / Celle qui a cosigné le texte recommandant la lecture de Debord aux responsbles du Conseil Général de la Moselle / Ceux qui s’entendent sur le fait qu’on se sent tout petit en voyant Debord parlant de Debord à l’émission de télé consacrée à Debord / Celui qui a lancé lui-même la légende selon laquelle les médias avaient reçu de très haut la consigne de ne pas parler de lui / Celle qui estime que Guy Debord fut l’agent d’influence et même l’idiot utile de son propre pouvoir / Ceux qui pourront dire du festival de Taormina de 1991, où se tint un mémorable débat sur les films de Debord que personne n’avait vus : « J’y étais » / Ceux qui ont vu les films de Debord mais leur préfèrent les photos d’adolescents languides que le baron pédéraste Von Gloeden a prises à Taormina / Celui qui se rappelle l’article de Village Voice qui accusait Debord d’avoir été recruté par la CIA alors que l’Agence en avait jugé le profil même pas digne du KGB / Celle qui a bien connu Joseph Mouton à l'époque de ses Commentaires aux commentaires de Debord jusqu’au jour où elle lui a lancé sur le seuil d’Art Press : « Joseph, maintenant choisis, c’est lui ou moi… »  / Ceux qui se pâment encore devant des sentences du genre « Ne jamais travailler demande de grands talents », etc.

  • Le dissident conforme

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    La Suisse de Daniel de Roulet énerve et passionne à la fois… Avec Un glacier dans le coeur, il brosse une galerie de portraits d’Helvètes hors norme : Walser au regard d’une repasseuse, Le Corbusier à Vichy, Tinguely inattendu, James Baldwin en Valais, etc.

     

    La Suisse survivra-t-elle à Daniel de Roulet ? Rien n’est moins sûr à en croire le dernier livre de l’écrivain romand, Un glacier dans le cœur, qui n’a pourtant rien de mortifère. Mais voici ce qu’écrit ce fils de pasteur, né en 1944  à Genève, architecte et informaticien avant d’être écrivain et terroriste du dimanche, incarnant l’esprit de la génération soixante-huitarde dans une posture « politiquement correcte » qui peut exaspérer : «La Suisse telle que définie pour l’éternité par sa constitution est en voie de dissolution ». Et de relever quelques signes de ce « démontage tout en douceur », tels l’effondrement de Swissair et de la plus grande banque du pays « soldée à un Etat voyou mais respecté d’Extrême-Orient », la fin du multilinguisme et des postes-frontières ; et de conclure que « la Suisse est en voie de dissolution dans la mondialité ». Pourtant, à l’inverse de la liquéfaction catastrophique des glaciers, cette évolution marquerait plutôt la fonte d’un mythe « unique », et « une nouvelle définition de la nationalité».

    À en croire Daniel de Roulet, c’est aux créateurs, aux artistes et aux écrivains, ou encore aux ingénieurs, que la Suisse devrait son évolution et son ouverture, après la « glaciation » de l’après-guerre. Son livre déploie alors une galerie de portraits de personnages hors norme qui, d’Annemarie Schwarzenbach  à Thomas Hirschhorn, ont dérogé au propre-en-ordre officiel.

    Cela commence par Roméo et Juliette chez les puissants, avec l’histoire tragique de l’excellent peintre et sculpteur Karl Stauffer-Bern tombé éperdument amoureux d’une jeune et richissime héritière déjà mariée (fille du fondateur du Crédit Suisse et belle-fille du Conseiller fédéral Welti), pour le double malheur des deux amants séparés de force, tous deux suicidés. Or l’un des mérites de Daniel de Roulet est d’illustrer des situations hautement symboliques, ainsi que l’illustre aussi le double suicide de deux de ses oncles, cadres de haut niveau contraints, par fidélité à leurs entreprises respectives, à de lourds licenciements insupportables à leur éthique personnelle.

    Daniel de Roulet a beaucoup voyagé. S’il dit justement qu’un Ramuz ou un Hodler ont su, par leurs œuvres, ouvrir notre terre étroite à l’universel, il montre également combien le regard extérieur, pour les générations d’après-guerre jugeant le pays depuis New York ou le Japon, compte dans le changement des attitudes, aiguisé en outre par le regard de l’étranger. L’une de ses plus belles chroniques est ainsi consacrée à la mise en parallèle  de l’écrivain noir James Baldwin, débarquant à Loèche-les-Bains en 1951, dont les réflexions qu’il en tire recoupent celles de Barack Obama...

    Walser4.JPGAu nom de la même éthique protestante qui lui inspire l’éloge du pasteur « défroqué » René Cruse, belle figure de révolté pacifiste, Daniel de Roulet égratigne la figure adulée de Le Corbusier en rappelant, pièces en mains, son attitude de pleutre opportuniste  à l’égard des autorités de Vichy, sur fond d’antisémitisme. Non moins inattendu, son portrait de Tinguely en anarchiste religieux brocardant à la fois le fascisme et le communisme, nous attache au personnage autant que la très belle évocation, sous la plume d’une repasseuse de Bellelay, du « minable » et génial Robert Walser, pur produit de la Suisse non alignée…

    Daniel de Roulet. Un glacier dans le cœur ; vingt-six manières d’aimer un pays et d’en prendre congé. Metropolis, 219p.          

     

    Génie de

    la Suisse

     

    N’y a-t-il que le merveilleux Federer pour nous rendre la fierté d’être Suisses ? N’y a –t-il que les nationalistes crispés pour oser dire que ce pays est génial ? Et le fait que certains esprits zizaniques, pieusement relayés par nos fonctionnaires de la culture, aient prétendu que « la Suisse n’existe pas », relève-t-il pour autant de la trahison ?   

    Ces questions se bousculent à la lecture du dernier livre Daniel de Roulet, dont la confortable « dissidence » fait un peu sourire mais qui a le mérite de pousser à la réflexion et au débat. Surtout, et c’est le plus joli paradoxe, l’écrivain prouve que la Suisse existe bel et bien, avec ou sans secret bancaire, et que l’Europe ferait bien de l’étudier plus attentivement, dans toutes ses contradictions, pour exister autrement que par le ciment du fric et du bricolage politique. Denis de Rougemont appelait de ses vœux une Europe des cultures et non des Etats-nations. La Suisse l’oublie elle aussi trop souvent, faute d’écouter ses « créateurs ».

    Mais Daniel de Roulet écoute-t-il assez, lui-même, les vrais créateurs de ce pays ? N’est-il pas trop soumis aux nouveaux clichés du marketing culturel ? Discussion à suivre…

     

      

  • Doux oiseaux de jeunesse


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    La fille à la valise de Valerio Zurlini, un pur joyau des années 60.

    Il n’y a que les Italiens pour transformer le plomb du quotidien le plus trivial en or ciselé, et plus précisément ce sujet de roman-photos à quatre sous en film de collection. A propos de roman-photos, Fellini en avait donné un irrésistible pastiche avec Le Sheik blanc, dans lequel on voyait une mijaurée de province s’enticher d’un mufle de conte oriental, mais Valerio Zurlini ne se gausse pas de ses personnages : il en sourit avec une espèce d’amitié communicative, qui convient le mieux à leur fragilité respective.
    Le prénom de la jeune fille, incarnée par une Claudia Cardinale toute jeune et frémissante de féminité farouche, qui débarque à Parme après avoir été larguée par un dragueur insensible, est déjà tout un progamme : Aïda. Et toute la malice du film est là, qui met en présence la giovanette sortie du populo et le mythe lyrique par excellence, comme il joue sur le contraste de la fille paumée sans un rond, proie facile pour mauvais garçons, et du  tendre puceau fils de grande famille sur le déclin que figure un Jacques Perrin quasi ado.
    Ainsi donc Aïda débarque à Parme avec les coordonnées en poche du bellâtre qui lui a fait croire qu’il allait en faire une vedette de la chanson estivale, pour tomber sur le frère du lâcheur, prénommé Lorenzo, joli comme un communiant et qui craque aussitôt pour l’oiselle, qu’il va protéger en espérant un retour et plus si affinités.
    Affinités de sensibilité il y a bel et bien, mais Aïda, quoique rejetée par les mecs d’un orchestre de Riccione où elle a commencé de roucouler dans un dancing, en pince pour le vrai mâle et, décidément, Lorenzo lui semble par trop poids plume. On verra cependant que le prestige du chevalier servant de l’amour courtois n’est pas tout à fait éventé, et comment Lorenzo jouera de ses poings de David contre un Goliath de cabaret…
    medium_Zurlini1.2.jpgTout cela pourrait être cucul la praline ou conventionnel figé dans le style fumetto, alors que Valerio Zurlini en fait un tableau d’époque et de mœurs extrêmement raffiné de mise en scène et d’image, dont les interprètes sont bonnement parfaits. Avant Rocco et ses frères, Claudia Cardinale campe ce rôle de semi-ingénue semi-délurée, déjà femme mais encore jeune fille, avec autant de justesse et de tact que Jacques Perrin (qui a dix-neuf ans mais en semble parfois à peine quinze) dans son personnage de presque enfant aux pulsions de mâle.
    De La fille à la valise se dégage enfin un charme constant, qui n’exclut pas les scènes de comédie ou d’émotion-bateau (la séquence inoubliable de Lorenzo poigné par la jalousie, assistant à la danse d’Aïda et d’un gros con de quadra, au dancing barjo où il l’a invitée) et dont les éclairages sculptent littéralement chaque plan, sans donner pour autant dans l’esthétisme léché ou le raffinement précieux. Le film reste en effet «popu » à l’italienne, donc aristocratique mais à pieds nus et la gouaille au bec. Ainsi que le raconte Jacques Perrin dans le très beau témoignage ajouté au DVD, la mise en scène de Zurlini, d'une merveilleuse plasticité, va de pair à tout instant avec la direction d'acteurs, l'émotion des deux personnages, dont le film raconte les solitudes respectives, constituant finalement l'âme de ce petit chef-d'oeuvre.
    medium_Zurlini2.jpgValerio Zurlini La fille à la valise. 1960. Disponible en DVD chez MK2

  • Ceux qui assurent

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    Celui qui affirme que le Doberman est le surhomme des chiens / Celle qui jure qu’elle tiendra une fois dans sa vie les couilles d’un tigre du Bengale / Ceux qui militent pour la réhabilitation de la loi du talion / Celui qui se sent un autre homme depuis qu’il a un cockring / Celle qui se pose en nouvelle initiée du néo-yoga tendance soft /  Ceux qui sont arrivés à la force du poignard / Celui qui sait maintenant comment déloger son voisin de la Résidence Radieuse/ Celle qui se dénonce pour faire croire qu’elle protège sa collègue impotente alors qu’elle sait que son geste fera vraiment plonger celle-ci / Ceux qui ont tout raté sauf leurs parties de réussites entre compères narquois / Celui que ses exploits sexuels ont fait surnommer Le Piston par les collaboratrices de l’Entreprise tandis que sa mère adoptive continue de l’appeler Mon Niston / Celle qui fait régulièrement le plein de l’Eglise du Grand Lendemain en psalmodiant des litanies « en langue » / Ceux à qui celle qui n'oublie rien rappelle qu'il y a aussi celui qui, pareil, a tout faux mais qu'on dira qu'il a tout juste /Celui qui s’est affirmé à Rotterdam dans le polissage des lentilles panoptiques sans avoir eu le temps de prendre connaissance des écrits de ce Baruch Spinoza qu’on lui  a dit « de la partie » / Celle qui n’en peut plus de s’entendre rappeler par ses voisins insidieux qu’on l’appelait le rossignol du quartier des Rosiers avant son cancer du larynx / Ceux qui téléphonent volontiers à leurs hommes de confiance en cherchant à attirer l’attention de toute la rame du TGV Lyria, etc.   

    Image : Philip Seelen   

  • Quelques penchants



    Si mon milieu me le permettait, je dirais que tout ce qui se rapporte au sexe est nettement surévalué. Je préfère, quant à moi, les romans sud-américains et les randos en moyenne montagne.

    Elle ce qu’elle aime c’est se réciter des poèmes et réaliser des découpages aux ciseaux fins qu’elle vend aux Japonais.

    La buraliste a de jolis pieds. Seulement, elle gaspille ses dons en dansant toute seule à la kermesse des aveugles.

    Cette jeune beauté raffole des éléphants.

    Cette autre, mère de triplées adolescentes recalées au concours préalable de la Star Ac, ne recherche rien tant que le goût de la colle des images de vedettes de cinéma, il y a de ça quarante ans.

  • Entropie

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    …Après que j’ai rencontré ta mère je roulais Facel-Vega, autant dire que j’étais déjà sur la pente ascendante, puis nous avons eu la Jaguar Type E peu après l’extension de l’Entreprise, après quoi nous avons connu la période faste des Bentley et des Rolls et je t’ai offert ta première  Maserati à 18 ans - tu te rends compte les souvenirs que nous partageons, mon garçon, et toi qui te lances ensuite dans les modèles de collection, le vrai fils de son père, et ça jusqu’à l’entrée dans notre vie de ce satané Madoff qui nous a fait retomber aujourd’hui ou je me trouvais avant de rencontrer ta mère …

    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui se déchirent

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    Celui qui cherche noise à tout un chacun parce qu’il ne se supporte plus lui-même / Celle qui coupe nuitamment la natte de son amant Sing opposé à toute autocritique consécutive au souvenir de Tian’anmen / Ceux que leur débat violent de 1976 à propos du fait que tout homme est un violeur potentiel maintient irréductiblement sur leurs positions en juin 2009 alors qu’ils viennent de perdre un ami commun dans la catastrophe aérienne du vol Rio-Paris / Celui qui s’est toujours mal entendu avec son meilleur ami au doux prénom de Gershom / Celle qui refuse tous les compromis que lui proposent les héritiers mâles de la famille Schlumpr majoritairement opposés à son projet de legs à la scientologie / Ceux qui se disent freudiens croyants mais non pratiquants / Celui qui reproche à sa mère ses voyages intérieurs de plus en plus onéreux / Celle qui a toujours nourri d’impossibles désirs / Ceux qui se réconcilient en général dans les îles ou dans les salles de lecture publiques des bibliothèques / Celui qui retrouve sept de ses rêves récurrents dans ceux de Walter Benjamin / Celle qui est toujours tombée du mauvais côté au dam de son psy / Ceux qui refusent de se jeter dans la mêlée et se blessent en privé / Celui qui se sent trahi même par ses ennemis / Celle qui jalouse secrètement son conjoint chansonnier fêté par les médias locaux au point qu’elle efface un soir tous les fichiers de ses chansons engagées / Ceux qui n’ont jamais connu que le ménage à trois et la chasteté presque totale hors des nuits de lune rousse / Celui qui ne communique plus avec les siens que par Facebook et encore  / Celle qui s’identifie à Carla Bruni sans trouver chez son partenaire corse la touche canaille de Nicolas S. / Ceux qui ne se sentent bien que dans les conflits exacerbés par l’alcool de prune certifié national / Celui qui tisse sa toile de fil de fer barbelé avant d’y attirer ses victimes en général blondes et diplômées de l’Université / Celle qui dément toutes les légendes faites pour glorifier son conjoint défunt en déniant sa vraie valeur du point de vue de la pensée à venir  / Ceux qui tombent dans tous les panneaux de la mythologie kitsch de l’artiste maudit / Celui qui fait comme s’il pouvait s’adapter à l’abjection régnante que son système nerveux  rejette de plus en plus radicalement / Celle qui voit imploser son protecteur Markus dont l’effondrement de l’économie mondiale remet en question les principes et le dynamisme  sexuel / Ceux qui ne voient pas le tragique de la vie de celui qui le voit / Celle que déchire l’énorme enfant qui se fera connaître plus tard sous le nom de King Kong Man dans les foires de l’Ouest du pays / Ceux qui ont renoncé à se déchirer pour vivre ensemble tranquillement dans leur trois pièces avec vue sur l’étang, etc.

    Image: Philip Seelen

     

  • Rien n'est perdu...

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    tout se transforme

     

    Les barbares ont-ils gagné ? La culture occidentale a-t-elle perdu son âme ?

    La littérature qui nous a nourris et que nous avons aimée, les arts qui ont formé notre sensibilité et notre goût, et que nous continuons d’aimer, sont-ils réellement au point mort ? Plus rien de vivifiant ne se fait-il vraiment  aujourd’hui, et n’en aurons-nous plus rien à transmettre ?

    Les constats de Claude Frochaux, après ceux de Richard Millet, pour la littérature, ou de Tzvetan Todorov, pour la culture, méritent-ils d’être pris au sérieux ou ne sont-ils que jérémiades de vieux chenoques pressés de tirer l’échelle derrière eux ?

    La place que nous consacrons à ces questions, dans le numéro estival du Passe-Muraille ordinairement ouvert aux textes de création, marque une inquiétude que la fuite généralisée dans la culture de pure consommation, ou la littérature de pure évasion, au nom du Fun et du Fric, nous fait partager.

    Ce que nous ne partagerons jamais, en revanche, c’est la Schadenfreude, la délectation morose de ceux qui, repliés sur leur nostalgie ou leurs acquis rassis, refusent toute aventure nouvelle et concluent que rien ne se fait parce que cela les dérange de constater que quelque chose se fait sans eux dans un monde qui se transforme.

    Au catastrophisme mortifère des désenchantés, nous tâcherons donc d’opposer le pessimisme lucide de passeurs plus attentifs et plus généreux, à l’écoute de ceux qui viennent. Un écrivain comme le Polonais Andrzej Stasiuk, brassant les nouvelles réalités avec une vigueur renouvelée, et dont l’interpellation sur l’Europe à venir échappe à tout discours convenu, pourrait illustrer cette conviction que rien n’est perdu au seuil d’un monde en recomposition.

     

     

  • L'homme achevé...

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    ... ou la fin des rêves

    par Claude Frochaux.

    Quand j’ai commencé à écrire L’Homme religieux, je ne pensais pas parler spécifiquement, de religion. Ce qui m’intéressait, c’était le rapport, que je trouvais hautement éclairant, entre religion et littérature ; et, finalement, tous les arts - la culture.
    J’avais remarqué ce phénomène historique et sociologique singulier : la religion s’évaporait en même temps, exactement en même temps, que les créations d’ordre culturel s’affaissaient. Dans les années 60-75, les ordinations baissaient de 90% dans le monde catholique et le protestantisme ne se portait pas mieux. Du côté de la peinture et de la musique, c’était carrément la débâcle. Dans les musées comme les salles de concert ou les opéras, on avait abdiqué. A partir de 1975, on faisait comme si l’opération création était devenue caduque. Dans les théâtres, on proposait des « relectures ». Les metteurs en scène avaient pris le pouvoir. On jouait Shakespeare en jeans et en baskets : c’était la seule concession à notre époque. Avec les quelques exceptions qui confirment toutes les règles, la création contemporaine était la grande absente des scènes.
    Ce parallélisme évident de la décadence des uns et des autres commençait à me titiller. Quel est le rapport entre l’église et le musée, l’église et l’opéra, l’église et le recueil de poèmes ? Il ne pouvait pas y avoir une telle simultanéité sans signification profonde. Et le phénomène se poursuivait, de décennies en décennies.
    Des églises toujours plus vides et des salles de concert, des opéras, des musées toujours plus passéistes,
    D’une manière générale, tout le monde est d’accord avec ce constat. Il est trop évident pour ne pas être aveuglant. Ou alors il est si aveuglant qu’on refuse de le voir. La plupart du temps, on s’en tire avec une pirouette. Il y a toujours eu des époques comme ça. Voyez les impressionnistes, ils ont mis vingt ans à être reconnus. C’est un mauvais passage, dû sans doute au déboussolement provoqué par le changement de mœurs et de modes de vie. Presque personne ne veut y voir un phénomène profond et moins encore irréversible. ça reviendra : un peu de temps et de patience. Ca revient toujours. Peut-être même se passe-t-il des choses qu’on ne voit pas. Des créations si neuves, si singulières, qu’on ne leur rend pas justice ?
    Mais alors la religion ? Là, on ne peut pas dire que le phénomène de cette désaffection massive se soit produise cycliquement. Ce n’était jamais arrivé en Occident. Et, pourquoi, seulement en Occident ? L’Islam se porte comme un charme. Le phénomène n’est pas seulement circonscrit historiquement, il l’est aussi géographiquement.
    Il fallait trouver un dénominateur commun pour insérer le christianisme dans le même moule que la création culturelle. Et il n’y a qu’un dénominateur commun, un seul : l’imagination.
    Les religions, comme toute les cultures, laïques ou religieuses, s’inscrivent dans un espace commun : l’espace imaginaire. D’où la question inaugurale qui s’impose : pourquoi un espace imaginaire ? Quelle est son origine, sa raison d’être, son utilité ? J’étais persuadé que se je pouvais répondre à cette question, je comprendrais le lien mystérieux, à première vue et pourtant fondamental qui unit religions, littérature, arts et musique.
    Il faut prendre une image. Ce sera celle, bien connue, des deux vases communicants. Le premier vase est rempli de sacralité. Le second de profanations.
    Profaner signifie empiéter sur le sacré. Un peu comme marcher sur de la neige fraîche. Comme les vases sont communicants, à chaque fois que vous profanez, vous souillez en quelque sorte le sacré. Et le sacré souillé n’est plus du sacré. Comme la neige fraîche piétinée n’est plus de la neige fraîche.
    Si l’opération se répètre mille fois, vous finissez par tout profaner. Le sacré a disparu. Et c’est ce qui s’est passé dans les années 60-75. Le monde s’est retrouvé désacralisé. On dit aussi désenchanté. Mais, finalement, était-ce bien grave ? Profaner, c’est en fait humaniser ou hominiser la nature. Si l’homme avait une tâche sur la terre, un mandat qui venait de nulle part, mais dont il se croyait investi, c’était bien celui de conquérir son environnement, de dompter la nature et de domestiquer ses frères biologiques, les animaux. Et c’est ce qu’il a fait.
    Alors, où est le problème ? Le problème vient de ce que le sacré, c’était, en fait, l’imaginaire. Donc, une partie de lui-même, de l’homme, de son cerveau. En même temps que l’homme domptait la nature, il domptait son cerveau. Enfin, une partie de son cerveau, celle dévolue à son imagination. Le sacré, c’est tout ce que l’homme ne connaissait pas, ne savait pas, ne dominait pas. On pourrait penser que c’était justement sa partie faible. On ne se doutait pas que cette partie faible, qui avait disparue, portait l’essentiel des germes de la création imaginaire. Autrement dit de toutes les créations culturelles.
    On avait gagné en réalités, sur tous les plans matériels : la science, les techniques, l’économie qui en dépendait, et, au-delà de l’économie, sur nos modes de vie. On ne vit jamais aussi bien qu’aujourd’hui. Et c’est tout le problème. Mieux on vit et moins on a besoin de l’imaginaire. « Plus il y a de réalité, moins il y a d’imaginaire »,disait déjà Robert Musil, l’auteur de L’homme sans qualités,qui avait tout compris et qui savait que tout ce qu’on avait gagné d’un côté, on allait le perdre de l’autre.
    C’est le principe des vases communicants. Ce que vous enlevez dans le vase No 1 passe dans le vase No 2. Longtemps, les arts se sont distingués par une caractéristique qui était l’harmonie. On la retrouve dans la Grèce antique, jusqu’à la révolution industrielle du XIXème siècle. Au XXème siècle, tout devient disharmonieux. En musique, on dit discordant, c’est la même chose. On découpe les visages et on les recompose à sa façon, en mettant les oreilles à la place du nez ou on supprime carrément la nature, porte-parole de la sacralité. Tout est disharmonieux, parce qu’on se rapproche du point ultime, du moment fatidique de la rupture, qui verra un seul vase être plein, face à l’autre désespérément vide. Nous sommes arrivés en 1960.
    Tant qu’il restait un fond de sacré, même infime, tout allait bien. Quand un vase peut absorber la dernière goutte d’eau, on ne remarque rien. En revanche, la première qui déborde signale le changement de nature. C’est ce qu’expliquait Hegel dans sa démonstration des dialectiques. On passe de la quantité à la qualité. Rien ne changeait tant qu’on absorbait l’avant-dernière goutte, celle des années 50-60. Tout s’est retourné dans la décennie suivante.
    Mais pourquoi ? Notre cerveau est toujours le même. Nous n’avons jamais été aussi intelligents, cultivés, éduqués qu’aujourd’hui, vu massivement. Oui, mais nous sommes en bout de course. Il n’y a plus rien à conquérir. Tout semble inscrit dans une continuité de découvertes, en sciences notamment. Mais circonscrit dans l’unique vase qui nous reste : le profane.
    Il faut comprendre le rôle, la raison d’être de l’imagination. On imagine, lorque la réalité ne nous satisfait pas. En fait, on se dédouble. On crée un monde parallèle, pour augmenter le monde réel insatisfaisant. L’imaginaire a pour fonction de meubler avec des formes qui sont autant d’équivalences un espace qui rend compte de la réalité. On ne supprime pas la réalité, on la transfigure. On la transporte ailleurs. On reconnaît là une parfaite définition de ce que sont toutes les religions. Des fictions compensatoires, qui permettent de donner le sens qui nous convient, les explications qui nous rasssurent, à tout ce qui nous entoure d’inexplicable, le sacré.
    Dès lors, nous allons vivre une double vie. La vie réelle, dure, contraignante, mais aussi pleine de prodiges et de pouvoirs, tellement supérieure à l’animalité dont nous émergeons que nous ne voulons en aucun cas revenir en arrière. Et, dans le même temps, comme nous continuons à avoir une condition matérielle qui se confond injustement avec le statut des animaux : mort, maladies, procréation, nous nous projetons ailleurs. Nous avons cette faculté prodigieuse d’échapper par l’imagination à notre condition bassement physique. En fait, notre cerveau est complèment surdimensionné par rapport au reste de notre corps. Un zoologue, qui nous examinerait sous une loupe cruellemnt objective, nous décrirait comme des monstres possédant un cerveau désaccordé, démultiplié, par rapport à notre corps. L’imagination a pour mission de nous faire vivre une sorte de deuxième vie parallèle, qui nous réhabiliterait, en nous redonnant une dignité d’êtres supérieurs, que la seule réalité refuse de nous concéder.
    Nous voilà devenus des êtres semi-réels, avec notre condition animale, et semi-imaginaires par le déploiement fastueux de notre imagination. Nous n’avons pas été créés comme les autres espèces : non. Dieu nous a créé à son image, tout-à-fait indépendants des animaux. Nous n’allons pas mourir comme eux : non. Notre âme s’évadera de notre corps et rejoindra le père céleste. Nous serons immortels : peu importe les vicissitudes de notre vie terrestre. Elles ne comptent pas, face aux promesses qui nous sont faites d’une vie glorieusement éternelle.
    Comme on le voit, rien à voir avec l’intelligence : tout repose sur l’imagination et la foi. Surtout pas de preuves, ce serait encore une immixtion de l’intelligence qui n’est qu’humaine. Non, il faut croire aveuglément, sans se poser de questions. Ce n’est qu’à ce prix que fonctionne l’imagination et le royaume qu’il engendre.
    Les religions ont été et sont encore les premières fictions issues du cerveau humain. On pourrait dire qu’elles ont précédé et englobé toutes les autres, qu’elles soient d’ordre plastique, musical ou littéraire, qui constituent notre patrimoine culturel. Notre bien le plus précieux ou, du moins, qu’on peut afficher en parallèle de nos réalisations les plus prestigieuses sur le plan matériel. Les deux ordres se confondant souvent, comme c’est le cas, pour les cathédrales et, plus généralement, tous les sanctuaires.
    Alors, où en sommes-nous aujourd’hui ? Que nous est-il arrivé ? Eh bien, c’est très simple et évidemment catastrophique pour les arts et les lettres. Il n’y a plus qu’un vase, le profane. Les activités humaines remplissent tout l’espace. Leur foisonnement est étouffant. On construit, on bâtit, on cherche, on fouille, on invente de nouvelles machines. On fait de notre planète une termitière à l’agitation frénétique. Et de l’autre côté, évidemment, ça ne marche plus. Pour une raison très bête et très simple : la réalité nous suffit. Pourquoi nous dédoubler, pourquoi créer un monde parallèle et toutes ces fictions censées compenser ce qui nous manque ? Mais il ne nous manque rien. L’imagination est démobilisée. Elle est encore très utile, en sciences par exemple. En littérature, on continue sur la lancée. De toute manière, il faut réactualiser les anciennes fictions. Alors, on fait une Madame Bovary 2009. En peinture, on continue dans l’abstraction ou la figuration recomposée. On connaît la recette, toutes les recettes On fait du sous-Rothko ou du sous-Miles Davis ou en variétés du sous-Presley. Les variantes sont infinies : aucune raison de s’arrêter.
    On comprend pourquoi la création artistique s’est étiolée au moment historique précis, le même, que lorsque les religions – dans les pays les plus évolués – se sont évaporées. Tout procédait de la même source, tout venait de cette même obligation de créer des unvers parallèles, pour donner à l’homme, avant qu’il n’y parvienne, par ses seuls moyens matériels, une dignité que sa confusion avec l’animalité ne lui conférait pas. La religion, la culture, l’imagination : autant de passeports qui ont permis à l’homme son émancipation hors de son espace terrestre trop étriqué. Version céleste pour les religions, de transport ailleurs. Version terrestre, revue et augmentée pour ce qui est des arts et des lettres. Vers d’autres cieux plus ouverts, plus vastes et plus azurés, d’un côté. En prolongement de la vie, dans un monde redimensionné qui lui procure de la grandeur, de la dignité, de la beauté, de l’autre. L’homme sublimé par la religion. Agrandi par ses propres créations, dans l’univers des arts et des lettres. Dans les deux cas, produit de son imagination : la faculté majeure de l’homme, sans quoi, il ne serait, lui, l’homme, qu’un animal supérieur. Et non pas, comme le disait Boris Vian, « le seul animal qui n’est pas un animal ».

    Ce texte constitue l'ouverture de la prochaine livraison du Passe-Muraille, N0 78, été 2009. À paraître fin juin.

    Peinture: Terry Rodgers.

  • Révisionisme

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    …Et quand Il eut créé la souris l’Eternel la considéra et vit que cela était bien, non sans mélancolie toutefois de sorte qu’Il lui dit : « Minnie, il te faut un compagnon, maintenant», et d’un clic de la souris l’Eternel offrit un Mickey Mahousse à Minnie Mouse, et tout aussitôt Le Seigneur les enjoignit d’aller et de procréer et ce fut le soir du sixième jour - le samedi soir de Son dessin animé préféré…
    Image : Philip Seelen

  • Fils à papa

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    Ҫa c’est vraiment la parano alsacienne, non mais : tu me vois parquer la Jag dans un recoin pareil ? Donc ils t’interdisent un truc que tu peux même pas enfreindre, alors là vraiment j’hallucine : c’est comme s’ils te disaient : pas touche à l’Alsacienne... dis, toi qui as vraiment tout fait: tu te vois toucher une Puppchen de Riquewihr  ?...

    Image : Philip Seelen

  • Mum

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    … Mais non, Kevin darling, je ne prétends pas que ces jeux te fassent du mal, je ne critique pas non plus ton père qui passe des nuits avec toi sur le front irakien, vous êtes  tous deux des Américains  et Dieu est votre copilote, mais de grâce, quand tu reviens à la maison, voudrais-tu ne pas regarder ta maman avec ce regard de sniper… 

    Image: Philip Seelen  

  • En face des trous

    Panopticon6888.jpg…Il est certain que ce serait tromper notre peuple que de ne pas reconnaître la gravité de la situation, qui nous oblige à ouvrir les yeux tout grands de sorte à considérer les choses telles qu’elles sont et non telles qu’on voudrait qu’elles fussent en se voilant la face …

    Image : Philip Seelen

  • Dilemme d’époque

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    Bon mais c’est pas tout ça, et qu’est-ce que tu vas faire d’eux pendant que tu seras dans le magasin climatisé, t’es quand même adulte et responsable, donc en tant qu’adulte t’as tes fantasmes mais en tant que responsable d’un moins de dix-huit ans tu peux pas rester trop longtemps dans le magasin climatisé, avec tous ces vicieux qui rodent dans le quartier…
    Image : Philip Seelen

  • Le crime de Soues

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    …On a parlé du Tueur de Tarbes, mais là encore on nous offense, une fois de plus on nous snobe malgré la politique de reconnaissance que mène notre maire Lescout, or la victime était clairement une Souessoise, elle avait d’ailleurs participé aux Tchatches à Soues sur Dial65 la veille de l’agression, mais tu vois les gens de Paris faire la différence - moi je te dis que si demain le tueur de Tarbes flingue Carla Bruni à Soues, les gens de Paris vont parler du Bourreau de Lourdes pour faire bon poids…
    Image : Philip Seelen

  • Mister Facebook

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    …Mais comment ça, vous êtes Mark Zuckerberg ? LE Mark Zuckerberg, non mais j’y crois pas, vous vous rendez compte, si ma femme savait avec qui je me trouve en train de parler ce matin (sottovoce : toi je t’ai à l’œil avec ton air de voyeur satisfait), ah mais dites, M’sieur, vous accepteriez de me dédicacer, pour elle,  un portrait de vous en train d’empocher votre premier million ?...

    Image : Philip Seelen

  • Paradise now

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    …Là c’est vraiment le Top Dream, no problem, tu t’allonges exactement au même rang et dans la même file que t’as parqué et t’as toujours ce bon fumet de miel de fioul qui roule sous le ciel et te grise tandis que tu déstresses, et le plus cool c’est qu’on soit là tant de gens à se dire que le Seigneur nous aime vraiment pour nous donner tout ça…
    Image : Philip Seelen…