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Carnets de JLK - Page 164

  • Pensées de l'aube (28)

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    De ce chant. - Le mot LUMIÈRE ainsi me revient à chaque aube avec le souvenir de toujours du chant du merle, alors même qu’à l’instant il fait nuit noire et que c’est l’hiver, et plus tard je retrouverai la lumière de ce chant dans celui de Jean-Sébastien Bach, mais à présent tout se tait dans cette chambre obscure où me reviennent les images et les mots que précèdent les lueurs et les odeurs…


    De ces oasis. - Le mot CLAIRIÈRE me revient avec la neige de ce matin, qui éclaire la nuit d’une clarté préludant au jour et dont la seule sonorité est annonciatrice de soulagement et de bienfait, la neige est une clairière dans la nuit, de même que la nuit est une clairière dans le bruit…

    De ce qu’on voit. - Une fois de plus, à l’instant, voici l’émouvante beauté du lever du jour, l’émouvante beauté d’une aube d’hiver bleu pervenche, l’émouvante beauté des gens le matin, l’émouvante beauté d’une pensée douce flottant comme un nuage immobile absolument sur le lac bleu neigeux, l’émouvante beauté de ce que ne voit pas l’aveugle ce matin, les yeux ouverts sur son secret...

    Image: Philippe Seelen

  • Pensées de l'aube (27)

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    De la tentation. – Il n’y aurait plus rien, rien ne vaudrait plus la peine, tout serait trop gâté et gâché, tout serait trop lourd, tout serait tombé trop bas, tout serait trop encombré, on chercherait Quelqu’un mais personne, on regarderait autour de soi mais personne que la foule, on dirait encore quelque chose mais pas un écho, on se tairait alors, on se tairait tout à fait, on ferait le vide, on ferait le vide complet et c’est alors, seulement - seulement alors…

    De la grâce. – Cela reviendra ou pas, cela te viendra ou pas, cela te sera donné ou pas, cela montera de toi ou cela te fondra dessus ou pas, cela te pèse de savoir que c’est le contraire du poids mais qu’en sais-tu ? Que sais-tu de ça ? Comment pourrais-tu même en parler ? Et comment le reconnaître si c’est là ? Et ce serait cette enfance ? Ce serait cette présence ? Ce serait cette légèreté - ce ne serait que ça ?

    Du premier geste. – Tes outils seraient là et tu les verrais en ouvrant les yeux, tu les verrais et ce serait comme si c’était eux qui te regardaient, ce matin sans espoir – pensais-tu, ce dernier matin du monde – pensais-tu, ce matin du dernier des derniers qui aurait perdu jusqu’à son ombre, tes outils seraient encore là et leur désir te reviendrait…
    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l’aube (26)

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    Pour Damien

    Du métier des mots. – Les mots te savent, ce matin un peu plus qu’hier et c’est cela, le temps, je crois, ce n’est que cela : c’est ce qu’ils feront de toi ces heures qui viennent, c’est le temps qui t’est imparti et que tu vas travailler, petit paysan de la nuit, les mots sont derrière la porte de ce matin d’hiver et ils attendent de toi que tu les accueilles et leur apprennes à écrire, petit instit de nos régions éloignées, les mots ont confiance en toi, laisse-les te confier au jour…

    De la résurgence. – Tu me dis que les sarments sous la neige, les pieds de vigne alignés en bon ordre le long de la pente enneigée, tu me dis que cela t’évoque la mort, et tu me racontes, alors, tu me racontes tes soirs, là-bas, à la tombée de la nuit, quand la lumière s’en allait et que tu revenais par les anciens jardins, à travers cette odeur, et qu’ils t’apparaissaient dans la pénombre, les bras dressés des morts déterrés par les chiens, tu me racontes cela en souriant de ce sourire de ceux qui n’ont pas oublié, et nous nous taisons alors en songeant à Kigali sous la neige et à ses morts alignés en bon ordre…

    De l’incompréhensible. – On me dit ce matin encore que tout obéit à la volonté de Dieu, ces corps en plaies, ces corps ratés de naissance, ces corps ne portant même pas leurs têtes et ces têtes te regardant d’en bas, on arrive dans l’Institution par de longs couloirs sans yeux, le nouveau jour est lancé et c’est reparti pour les râles voulus par Dieu: ce sera la même folie et le même chaos insensé, louée soit ta Création Seigneur Très Bon, on me dit ce matin encore que tu bénis ces corps sans croix pour les porter – et je reste sans voix…
    Image : Philip Seelen

  • Le Valais de coeur d'Alain Bagnoud

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    ENTRETIEN L’écrivain quasi quinqua revient avec Le Jour du dragon, très vivante évocation autobiographique de la bascule des «seventies», à Chermignon.
    Alain Bagnoud, issu d’une tribu valaisanne comme les a peintes Maurice Chappaz dans son Portrait des Valaisans, a connu de l’intérieur cette société que le sociologue Uli Windisch étudia, à Chermignon, dans un essai au titre significatif, Lutte de clans, lutte de classes. C’est là que Bagnoud est né, en 1959, et que se déroulait déjà La Leçon de choses en un jour, parue en 2006, épatante chronique d’un adieu à l’enfance. Avec Le Jour du dragon, l’initiation sociale de l’adolescent se prolonge entre fanfare, messe et potes, débats politiques et surboum, premier baiser et premier joint…

    - Qu’est-ce quoi vous a poussé à cette double entreprise autobiographique ?
    - C’est l’âge... La maturité m'a fait m'interroger sur mon passé et a donné un autre sens aux questions qu'on se pose tous, il me semble: Qu'est-ce que je suis? Qu'est-ce qu'il y a en moi de semblable aux autres? De différent? Qu'est-ce qui me relie aux hommes et qu'est-ce qui me sépare d'eux? L'autobiographie, ça permet de chercher assez directement des réponses à ça. De confronter celui qu'on croit avoir été avec les circonstances, de se demander en quoi elles nous ont formés et en quoi on a pu échapper aux déterminismes. De voir ce qui est commun en nous à toutes les périodes. Donc de rechercher qui on est.
    - Est-ce que c'est un moyen d'atteindre une vérité ?
    - De la reconstituer pléutôt. Ou alors de la constituer. On se recrée par la mémoire, on se réécrit un destin ou une existence par la forme qu'on lui donne en l'utilisant comme matériel d'écriture, en la modifiant forcément. On se resaisit de soi-même, c'est comme si on se refaisait, si on s'appropriait. De nouveau. Et puis il y a la question de la vocation.
    - La question de savoir pourquoi l'on devient écrivain?
    - Oui. Cette envie est peut-être assez fréquente, mais enfin, ça me stupéfie toujours que certains y arrivent. Parce que c'est difficile, vous le savez, il y a beaucoup plus d'appelés que d'élus. C'est un appel, mais aussi un travail, et il y a une position à prendre par rapport à soi-même et un rapport avec la langue à trouver. Ce n'est jamais donné. Il y a une maturation à faire. J'aimerais comprendre comment j'ai cherché ma voie dans le langage.
    - En quoi la communauté que vous décrivez a-t-elle changé depuis les années que vous évoquez ?
    - Les différences sont énormes. Moi, je suis né dans un petit village de 170 habitants où tout le monde connaissait les grands-parents, les arrières-grands-parents de chacun. On était tous plus ou moins cousins, au deuxième, troisième degré. Cette homogénéité a disparu. Beaucoup de filles et de fils sont partis, et des inconnus ont acheté des maisons. La communauté est très amincie. Avec cet amincissement, il y a toute une idéologie, des normes, des obligations qui se sont évaporées. Et puis il y a eu une transformation historique. Mes grands-parents étaient nés presque encore au Moyen Age: ils soignaient des terres pour d'autres, avaient peu d'outils, pas d'argent, ne connaissaient rien de l'extérieur...
    - Quelles ont été les difficultés techniques que vous avez rencontrées pour ces deux récits ?
    - La composition d'abord. Il fallait s'arranger pour que ça ne soit pas un simple recueil de souvenirs disparates. C'est pour ça que j'ai donné à chaque livre le cadre d'une journée, en tâchant de donner une direction, de hiérarchiser le texte pour que ça avance dans une direction précise. Et puis, autre difficulté: le langage. La nature même de ce qui était évoqué, ce monde villageois, je ne voulais pas en donner une image savante ou méprisante ou extérieure. Ça m'a incité à simplifier, à adopter un ton neutre, souvent oral, un peu amusé parfois. En tout cas pas savant ou exagérément littéraire.
    - Entendez-vous développer plus avant ce « tableau » de votre pays ?
    - Oui. Le projet initial, c'était un cycle de sept livres qui se passaient tous les sept ans. Bon, ça ne va pas se faire, en tout cas pas sous cette forme. Parce que si les âges de sept, quatorze et vingt-et-un ans tombent bien pour représenter l'enfance, l'adolescence et la jeunesse, ça se gâte après. Pour l'instant, je travaille au troisième volet. Le passage à la grande ville et à l'université. Après, on verra.
    - Comment votre entourage (et le Valais) a –t-il reçu ces deux ouvrages ?
    - Étonnamment bien. J'avais un peu d'appréhension, même si j'avais fait lire les textes à ma famille. Il y a quand même des attaques franches contre un système local pas très transparent et des personnages qui pourraient se reconnaître. Mais les gens ont apprécié. Par nostalgie en partie, peut-être, mais aussi parce que nous partageons le même humour, et qu'il fait passer bien des choses.
    - Quel est, pour vous personnellement, l’héritage de Maurice Chappaz, et quels autres auteurs vous tiennent-ils lieu de « guides » éventuels ?
    - Chappaz, quand j'étais adolescent, c'était le maître, l'exemple à suivre. Cette langue dense, forte, solaire. Cette présence dans le canton. Ce mélange de thèmes locaux et universel. Il montrait qu'on pouvait parler d'un lieu sans verser dans le régionalisme ou la complaisance. Sinon, il y a des écrivains que je relis constamment. Ramuz, Céline, Stendhal. Proust surtout.
    - Qu’avez-vous à cœur de transmettre ?
    - Peut-être qu'il faut refuser de parler les langages convenus qu'on essaie de nous imposer. Tout conspire à nous emprisonner, à nous rapetisser. Langage de la pub, celui des entreprises, celui des idéologies, celui des groupes, des communautés. Il faut voir plus loin, notamment dans les livres. En les fréquentant, il me semble que chacun peut trouver sa propre langue, dans laquelle il peut se réaliser, qui peut lui permettre de dire ce qu'il a de personnel, de singulier. Et je ne parle pas ici seulement pour ceux qui veulent écrire, mais pour tout le monde…

    Un dragon à pattes d’éléphant

    Après la chronique quasiment « exotique » de La Leçon de choses en un jour, évoquant une enfance villageoise de la fin des années 60, Alain Bagnoud aborde, avec Le jour du dragon, correspondant aux festivités initiatiques de la Saint-Georges, une matière personnelle et collective beaucoup plus délicate à traiter : une adolescence en province, d’une musique à l’autre : entre trompette de fanfare et guitare électrique. Dire la mutation de toute une société à travers la mue d’un ado touchant à l’âge d’homme, et le dire en restituant à la fois le langage de la tribu et les nouvelles façon de parler correspondant au vent nouveau soufflant d’Amérique, n’est pas une sinécure pour qui veut échapper à la fois aux clichés et au documentaire sociologique. Le tout est de trouver la bonne distance et le ton juste, à quoi parvient Alain Bagnoud avec une sorte de générosité souriante, mais jamais sucrée, de malice et d’honnêteté, autant que de netteté dans la peinture. Slalomer, en un jour, entre fanfare du clan doré (qui fait la pige aux argentés, ces nuls…) et copains à récentes collections de 33tours, paternel excité par sa première voiture et tonton bâtisseur, pudeurs de puceau et mécaniques roulées à l’instar des plus délurés, fidélité familiale et tentation de rejoindre la boum ou l’atelier de tel artiste bohème – tout cela ne va pas de soi dans un récit suivi. Or Alain Bagnoud, jouant à merveille de l’alternance des temps et des points de vue, y parvient avec autant de naturel que d’ironique et tendre empathie.
    LireBagnoud.jpgAlain Bagnoud. Le Jour du dragon. L’Aire, 264p.

    Portrait d'Alain Bagnoud: Pascal Frautschi.

  • Monsieur Landru

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    …Fort bien, inspecteur Molard, vous me surveillez cet établissement jusqu’à la fermeture et vous notez les moindres allées et venues d’un citoyen d’âge moyen sans le moindre signe distinctif, vêtu et coiffé comme Monsieur Tout-le-monde, qui fait ses livraisons la nuit sous forme de paquets soigneusement emballés et ficelés dont vous estimerez, de loin, le poids et la nature du contenu – mais surtout gardez-vous d’alerter le suspect, Molard, qui n’est peut-être qu’un bon Français comme vous et moi…
    Image : Philip Seelen

  • Nuances et détails

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    …Vous ne vous trompez pas, mais nous non plus ne nous trompons pas, sauf d’étage quand nous sommes beurrés; et puis une fois, c'est vrai,  nous avons trompé notre faim en mangeant chacun la main de l’autre, mais je n’appelle pas ça se tromper, bien au contraire, et d’autant moins que c’est en nous trompant tous deux de train que nous nous sommes rencontrés le jour même où nos conjoints nous trompaient l’un avec l’autre sans le savoir, pour constater plus tard qu’ils s’étaient trompés - mais trop tard alors pour nous détromper…
    Image : Philip Seelen

  • Deux regards vivifiants

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    En mémoire de Thierry Vernet et de Floristella Stephani. Hommages à Genève.

    5 avril: dernier jour de l'exposition double au Manoir de Cologny. A voir absolument !

    De janvier à juin 2009, les œuvres des peintres Thierry Vernet (1927-1993) et Floristella Stephani (1930-2007) seront exposées en divers lieux genevois. A l’initiative d’Ilona Stephani et de quelques amis, ce substantiel hommage rend justice à la mémoire de deux créateurs plutôt méconnus de leur vivant, hors de quelques cercles romands et parisiens. Cette généreuse initiative déclinera quatre verbes liés à leur double démarche existentielle et artistique :


    PEINDRE : Tous deux avaient l’intime conviction d’être « nés peintres ». A l’écart des modes, dans leur petit logement de Belleville, à Paris, ils ont exploré toutes les ressources de leur art: dessin, gravure, aquarelle, huile, décors de théâtre ou de marionnettes.

    VOIR : Floristella Stephani et Thierry Vernet, ouverts au monde à l’enseigne de la même soif spirituelle, vivaient cette relation par le truchement d’un même regard poreux et englobant, libre, essentiel et incarné, aboutissant à une expression communicable. Leurs œuvres participent de deux visions originales et bien distinctes, que relie cependant un même sentiment poétique.

    VIVRE : Il leur a fallu composer avec les difficultés quotidiennes d’une vie entièrement dévolue à l’art, sans cesser des rester ouverts au monde, aux autres, aux livres et au voyage. Leurs travaux alimentaires (décors pour Thierry, restauration de toiles anciennes pour Floristella) a nourri leurs œuvres respectives.

    S’EXILER : Le déplacement leur a paru correspondre à la recherche de soi et d’un lieu ouvert à la création. Issus tous deux de bonnes familles genevoises, ils se sont installés à Paris en 1958. L’hommage entend répondre à la question du départ et de la recherche d’un lieu favorable à la création.

    AU PROGRAMME :

    vernet170001.JPGPINACOTHÈQUE DES EAUX-VIVES. Du mercredi 14 janvier au dimanche 15 février 2OO9

    www.pinacotheque.ch - 7, rue Montchoisy - 1207 Genève - Arcade au chemin Neuf Tél. + 41 22 735 66 75
    Mercredi et vendredi de 16h à 19h - Jeudi de 16h à 20h - Samedi de 11h à 18h
    De l'usage du dessin à «l'Usage du Monde»
    En constante observation des êtres et paysages rencontrés, Thierry Vernet s’est toujours senti «en voyage». Le récit de cette
    aventure donnera à la fois «L‘Usage du Monde», livre écrit par Nicolas Bouvier et illustré par Thierry Vernet et «Peindre,
    écrire, chemin faisant», lettres de Thierry Vernet à sa famille. Belgrade, Kaboul, Tabriz, Téhéran et jusqu’à Colombo, partout
    Thierry dessine, s’émerveille, apprend, travaille, prépare des expositions qui contribuent financièrement à les pousser plus
    loin. La Pinacothèque offre la possibilité exceptionnelle de voir pour la toute première fois les impressions des dessins à partir
    des plaques typographiques originales.
    - Nicolas Bouvier «L’Usage du Monde», dessins de Thierry Vernet, Payot 1992
    - Thierry Vernet «Peindre, écrire, chemin faisant» L’Age d’Homme, Genève 2006
    Vernissage le mercredi 14 janv. à 18h en présence de Mme Eliane Bouvier.
    Brunch de clôture à la pinacothèque: dimanche 15 février 2009 dès 11h


    LES CINÉMAS SCALA. Dimanche 15 février 2OO9, 19h
    www.les-scala.ch - Rue des Eaux Vives, 23 - 1207 Genève - Tél. + 41 22 736 04 22
    Le film ”22 Hospital Street”
    Après deux années de voyage, au début des années 1950, de Genève au sud de l’Inde, Nicolas Bouvier arrive aux portes d’une
    île ensorcelée : Ceylan. Il y rejoint son compagnon de voyage, le peintre Thierry Vernet et sa femme, Floristella. Ceux-ci
    retournent au pays et le laissent seul dans la petite ville côtière de Galle. Bouvier y sombrera dans une zone de silence, peuplée
    d’insectes et de magie noire, Le récit de cette déréliction sera un livre «surécrit», d’une prose splendide et malicieuse:
    «Le Poisson-Scorpion». Un film, réalisé par Christoph Kühn, nous en retrace les prémices et l’histoire.
    (Bernard De Backer, La Revue nouvelle, décembre 2006). Séances en présence de M. Christoph Kühn, cinéaste, réalisateur indépendant qui crée son propre bureau de production,«Titanicfilm » et de Mme Eliane Bouvier, compagne de Nicolas Bouvier, elle poursuit son oeuvre en la mettant
    généreusement à disposition de jeunes talents ou de nouveaux projets. Consciente de rester l'ultime mémoire de ce quatuor
    d'amis, elle nous en conte l'histoire.

    Flora05.JPGBIBLIOTHÈQUE DES EAUX-VIVES.Du mercredi 28 janvier au jeudi 3O avril 2OO9
    www.ville-ge.ch/bmu - Rue Sillem, 2 - 1207 Genève - Tél. + 41 22 786 93 00
    Mardi, jeudi vendredi 15h -19h - mercredi 10h-12h, 14h-18h - samedi 13h30-17h
    Peindre pour voir le monde
    ou «la raison du tableau est toujours la meilleure» Th.V.
    L'exposition, réalisée par Francis Renevey (l'Atelier Nomade), retrace le parcours de Floristella Stephani et Thierry Vernet au gré
    de leurs peintures, écrits, notes, rencontres et voyages. Elle propose une réflexion sur le métier de peintre avec ses joies et ses
    exigences. Cette exigence vis-à-vis de soi et des autres transparaît dans leurs oeuvres, souvent contemplatives,véhiculant à la fois
    la sérénité et l’effroi du monde.
    Vernissage le mercredi 28 janvier 2009, dès 18h.

    LA COMÉDIE DE GENÈVE. Du 5 au 21 février 2OO9.
    www.comedie.ch - Bd des Philosophes, 6 - 1205 Genève - Tél. + 41 22 320 50 01
    Du mardi au vendredi 10h30 à 18h30 - Samedi 13 février 15h à 18h - et les soirs de spectacles
    Peindre le vrai et le faux
    De 1949 à 1990 Thierry Vernet a conçu les décors de théâtre à la Comédie Française, à la Comédie, au Grand Théâtre et à l'Opéra
    de Chambre de Genève. De ces décors que reste-t-il, peu, car le spectacle fini, les décors sont brûlés. C'est donc à travers un jeu
    de croquis, de maquettes, d'aquarelles ou d'accessoires que nous glanerons les éléments qui nous ont fait rêver. Ils démontrent
    l'habileté d'un peintre habitué à se consacrer à la recherche du vrai mais qui se joue ici du trompe-l’oeil et de l'éphémère.
    Vernissage le jeudi 5 février 2009 à 18h, spectacle de marionnettes d’Alain et Blaise Recoing à 19h, entrée libre.
    Punch et Judy: spectacle de marionnettes
    Alain Recoing fut à l'origine du deuxième voyage, en Orient, de Thierry Vernet. Ensemble ils ont participé à un échange de
    créations entre marionnettistes indonésiens et parisiens. Cette unique représentation de «Punch et Judy» revisite, avec des
    marionnettes à gaines, ce canevas conçu dans la plus pure tradition anglaise. «Tout, ici, est soi-même et autre chose, d'où la
    distance marionnettique, ce détachement, ce faire-semblant-de-telle-façon-que-ça-se-voit qui confère à cet art son étonnant
    pouvoir poétique.» Th.V Un beau moment permettant de retrouver le castelet créé par Thierry Vernet.

    Vernet34.jpgLIBRAIRIE LE VENT DES ROUTES. Du samedi 28 mars au mercredi 22 avril 2OO9
    www.vdr.ch - Rue des Bains 50 - 1205 Genève - Tél. + 41 22 800 33 81
    Du lundi au vendredi de 9h à 18h30 - samedi 9h à 17h
    Le visage des peintres de ce monde
    Cette librairie de voyage s’inspire du souffle à la fois littéraire et itinérant de l’écrivain genevois Nicolas Bouvier. Il était naturel
    que le café-librairie devienne l’escale de ce voyage artistique autour de l’oeuvre de Thierry Vernet et Floristella Stephani.
    Seront exposées des photos prises par leurs amis, Nicolas Bouvier, Jean Mohr ou Jean Bouvier, le peintre.
    Vernissage le samedi 28 mars 2009 dès 10h
    Mercredi 22 avril dévernissage dès 17h30 en présence de M. François Laut, auteur de «l'oeil qui écrit» biographie
    de Nicolas Bouvier et de Mme Eliane Bouvier, suivi d'une séance de signature.

    THÉÂTRE À LA BIBLIOTHEQUE DES EAUX-VIVES. Le mardi 31 mars à 2Oh3O
    Les Anges du Levant
    Textes: Thierry et Floristella Vernet, adaptation: Jérôme Richer
    Avec une comédienne et un musicien
    Lier lettres de Thierry et journal intime de Floristella, dresser le tableau de deux fameux observateurs du monde, créer des
    ponts entre l’Europe et l’Asie, faire un voyage à travers la pensée de deux amoureux de la vie, voilà l’invitation à laquelle vous
    êtes conviés. Un voyage qui se fera en musique, entrée libre.

    Vernet35.jpgMANOIR DE COLOGNY. Du mardi 24 mars au dimanche 5 avril 2OO9
    4 place du Manoir 1224 Cologny/Genève
    Horaires d'ouverture du lundi au vendredi 15h-19h, samedi et dimanche de 15h à 18h. Visites sur demande 079 337 60 14
    La peinture du monde
    Exposition de peintures issues de collections privées genevoises.
    Thierry Vernet et Floristella Stephani se marient à Ceylan et se fixent à Paris pour vivre leur passion commune: la peinture.
    Installés sur les hauteurs de Belleville à Paris depuis 1958, ils explorent les joies uniques et les aléas d’une création avec la
    rigueur calviniste de suisses exilés. S’interdisant tout jugement sur l’oeuvre de l’autre, ils s’engagent dans une création parallèle
    affrontant ensemble avec patience les difficultés du quotidien. Des amis les encouragent et acquièrent leurs tableaux.
    Cette exposition est donc un double hommage: à leurs oeuvres et à ceux qui les ont aimées.
    On y découvre notamment les peintures de Thierry Vernet de 1954, en Afghanistan, rarement exposées, et laVernet33.jpg magnifique évocation de Café Florian, à Venise, de merveilleuses aquarelles et des dessins de Vernet et de son épouse qui se rejoignent daans leurs épures stylisées.


    TEMPLE DE SAINT GERVAIS. Du lundi 6 au samedi 11 avril 2OO9
    www.espace-saint-gervais-ch - Rue du Temple et Rue des Terreaux-du-Temple - Tél. + 41 22 345 23 11
    Du lundi au vendredi de 8h30 à 11h30
    Le chemin de croix de Floristella Stephani
    et le via crucis de Franz Liszt
    Protestante de naissance, Floristella Stephani a choisi de devenir catholique. Une de ses oeuvres majeures qui explicite ce
    parcours spirituel est son «Chemin de Croix». Présenté au temple de Saint-Gervais, il sera accompagné de ses textes lus par
    la comédienne Dominique Reymond, nièce de Thierry Vernet, et du Via Crucis de Franz Liszt interprété par: Diego Innocenzi
    et direction, Marie-Camille Vaquie, soprano, Cendrine Carmelt, alto, Ives Josevski, ténor, Florent Blaser, basse.
    Vernissage le lundi 6 avril dès 19h30, concert à 20h
    Concert-lecture lors du vernissage de l’exposition du «Chemin de Croix» de Floristella Stephani.

    Vernet10.JPGBIBLIOTHÈQUE DE GENÈVE. Mardi 21 avril 2OO9
    http://www.ville-ge.ch/bge/actualites/espace-ami-lullin.htm - La salle de conférence Espace Ami Lullin, au rez-de-chaussée.
    Horaire dès 18h15, de 18h30 à 20h, conférences.
    La Bibliothèque de Genève accueille en présence de Madame Barbara Roth, conservateur du Département des manuscrits,
    les conférences d'Alexandra Loumpet-Galitzine et de François Laut.
    L’exil de la création, la création de l’exil
    En choisissant librement parmi les oeuvres de l'exposition, Alexandra Loumpet-Galitzine docteur de l’Université de Paris I,
    interroge le processus de création comme une mise en exil volontaire du monde et de soi.
    L'oeil de l'Autre!
    François Laut, auteur de «L'oeil qui écrit», portrait littéraire de Nicolas Bouvier Ed. Payot, 2008, une biographie saluée par
    la critique, nourrie de leurs échanges, de l’accès qui lui a été accordé aux archives Bouvier et notamment à sa correspondance
    avec le peintre Thierry Vernet.

    COLLÈGE & ÉCOLE DE COMMERCE NICOLAS BOUVIER. Du jeudi 19 mars au vendredi 3O avril 2OO9
    60, rue de Saint-Jean - 1203 Genève - Tél. +41 22 546 22 00
    Du lundi à vendredi de 7h30 à 18h30

    ECOLE DE CULTURE GÉNÉRALE HENRY-DUNANT. Du jeudi 7 mai au vendredi 3O juin 2OO9
    20, av. Edmond-Vaucher - 1203 Genève - Tél. +41 22 388 59 00
    Du lundi à vendredi de 7h30 à 18h30
    avec la participation du
    COLLEGE POUR ADULTES ALICE-RIVAZ (COPAD)
    Un nouvel usage du monde
    http://wwwedu.ge.ch/po/bouvier/
    Exposition de travaux d’élèves réalisés durant les cours d’arts visuels autour de l'oeuvre de Floristella Stephani et Thierry Vernet.
    Deux équipes d’enseignants en arts visuels s’associent dans ce projet pédagogique. Les élèves assisteront aux divers événements
    organisés lors de cet hommage aux deux peintres. La découverte de l’univers de ces créateurs et la confrontation avec
    leurs oeuvres, leur démarche artistique, leur regard sur le monde, constituera pour chacun des étudiants le point de départ
    d’une recherche personnelle, puis d’un travail de réinterprétation et de création en dessin, peinture ou photo.
    L’exposition présentera au public un florilège de ces réalisations.
    Vernissage à CEC Nicolas Bouvier le jeudi 19 mars 2009 dès 17h, à l'espace d'exposition.
    Vernissage à ECG Henry-Dunant le jeudi 7 mai 2009 à 17h, dans le hall principal.

    Flora06.JPGCRÉATIONS EN 2O1O
    Pièce de théâtre > Sur les textes de Thierry Vernet et Floristella Stephani, un travail de Jérôme Richer, metteur en scène
    et comédien.
    Publication > Rédigée par Alexandra Loumpet-Galitzine, anthropologue et écrivain, une publication articulée à la fois
    autour des thématiques de l’exposition: une saison autour de l’oeuvre de Floristella Stephani et Thierry Vernet et d’extraits
    choisis de leurs oeuvres.
    Film > Une palette à quatre mains, création d'Hélène Faucherre, réalisatrice à la TSR
    Âmes généreuses, Floristella Stephani et Thierry Venet ont transmis leur vision artistique à travers leurs oeuvres et leurs
    écrits, mais ils ont aussi laissé des traces dans les coeurs de ceux et celles qui les ont côtoyés.

    SOUSCRIPTION 2OO9* 2O1O**
    IMPRESSION DES DESSINS DE L'USAGE DU MONDE.
    5O tirages typographiques numérotés dont 1O folios sur papier cuve
    AFFICHE* > Une saison avec Floristella Stephani et Thierry Vernet
    AFFICHE DES PANNEAUX > de Francis Renevey Atelier Nomade
    MAGASINE VOYAGER* > les cahiers de l'Atelier Nomade N°5, Un voyage d'artiste, numéro spécial Vernet
    DVD** > Une palette à quatre mains du film d'Hélène Faucherre, Réalisatrice à la TSR
    PUBLICATION** > D'Alexandra Loumpet-Galitzine, anthropologue et écrivain.
    ASSOCIATION «A LA DÉCOUVERTE DE L'OEUVRE DES PEINTRES
    FLORISTELLA STEPHANI ET THIERRY VERNET»: 4DOP:FS_TV
    Cotisation annuelle ordinaire Frs 30.- / cotisation annuelle de soutien Frs 200.- / dons
    Compte postfinance No: 10-712838-7 / Pour les paiements en provenance de l’étranger IBAN CH87 0900 0000 1071 28387


    Toutes les informations sur le site www.thierry-vernet.org


    Images: grand format: Thierry Vernet, Vufflens-la-Ville; Java, Café Florian; Floristella Stephani, Moustapha.
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  • Pensées de l’aube (25)

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    Du pays lointain. – Tous ils semblent l’avoir oublié, ou peut-être que non, au fond, puisque tous les matins il t’en revient des voix, et de plus en plus claires on dirait, des voix anciennes, autour des fontaines ou au fond des bois, des voix qui allaient et revenaient, déjà, dans les vallées repliées de la mémoire de tous te rappelant d’autres histoires, et revenant chaque matin de ces pays au tien tu le vois bien, que tu n’es pas seul ni loin de tous…    

     

    Du premier ciel. – Ce sommeil de la neige n’a rien effacé, c’est juste un repos momentané, d’ailleurs nous restons là pour veiller sur la mémoire de ce qui reviendra, nous allons et venons entre les oubliés et ceux qui sèmeront nos cendres dans le premier jardin où nous sommes tombés, les bras ouverts et les yeux levés…

     

    De l’évidence. – Tout nous échappe de plus en plus et de moins en moins, tout est plus clair d’approcher le mystère, tout est plus beau d’apparaître pour la dernière fois peut-être – tu te dis parfois qu’il ne reste de tout ça que des mots sans suite, mais avec les mots les choses te reviennent avec leur murmure d’eau sourde sous les herbes, les mots affluent et refluent comme la foule à la marée des rues du matin et du  soir - et les images se déplient et se déploient comme autant de reflets des choses réelles qui viennent et reviennent à chaque lever du jour…   

     

    Image: Philip Seelen   

  • Ceux qui s’éclatent sur la Noire

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    Celui que sa découverte récente de Schopenhauer incite à renoncer momentanément au snowboard / Celle qui a résolu de se plaindre du moniteur autrichien Tobias Säuli pour les privautés qu’il s’est permises sur le télésiège biplace du Teufelberg / Ceux qui estiment que l’ambiance du Club de curling Le Choucas n’est plus ce qu’elle était sous Giscard / Celui qui fait chier tout le monde en prétendant que la soupe de chalet servie au chalet Le Chalet n’est pas absolument ce qu’un Savoyard de souche peut appeler une soupe de chalet / Celle qui n’en revient pas d’apprendre que trois séminaristes ont été ensevelis sous une avalanche après avoir assisté à la première messe du jour et alors même que Benoît XVI remet les pendules à l'heure/ Ceux qui ignorent ostensiblement les feux rouges disposés aux croisements les plus dangereux de la piste Noire dite La Maudite dont les couloirs hyper-gelés ont fait un toboggan des plus meurtriers / Celui qui assistera à la retransmission télévisée des championnats du monde à plat ventre sur sa planche du pavillon de traumatologie / Celle qui découvre qu’on lui a volé son masque de ski Shark silver sans lequel il est hors de question qu’elle risque une descente sous la neige / Ceux qui se repassent La Tour infernale en regardant la neige neiger / Celui qui compte sur son bronzage au carotène pour accentuer sa dégaine de boucanier des cimes dont ces dames ne sont pas censées deviner les défaillances qu'il pallie au moyen des moyens permettant de moyenner / Celle qui a oublié son Ipod au parking souterrain de la station inférieure et qui se demande comment elle va survivre aux files d’attente d’un vendredi 13 / Ceux qui vous bassinent avec leurs évocations des Temps du Telemark / Celui que sa découverte du snowboard incite à trouver la philosophie d’Arthur Schopenhauer mal adaptée à une semaine aussi super, etc.

    Image: Philip Seelen

  • ALERTE

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    …Restez à distance, le périmètre sera sécurisé dans quelques instants, l’équipe de déminage vient de quitter notre poste de commandement et se dirige vers le Jardin Municipal, surtout pas de panique avant l’Analyse de la Situation par nos spécialistes qui ont tous été des enfants à un âge ou l'autre…

    Image : Philip Seelen

     

     

     

  • Le fluide de Tanguy Viel

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    En lisant Insoupçonnable, en 2006.
    Cela fait toujours du bien de se tremper dans une écriture neuve, surtout à ce moment où la nature se réveille et que tout repousse ; et c’est de fait dans le ruissellement de la fonte des neiges, faisant déborder les torrents des pentes alentour que jai lu le dernier roman de Tanguy Viel, le premier que je découvre pour ma part, dont la fraîcheur du style m’a régalé – jusqu’à ce que l’auteur dit, en fin de récit, de tout ce qui rouille : « Le port continuait de rouiller. Les entrepôts rouillaient. Les tôles rouillaient. Les bateaux rouillaient. La mer rouillait. Même les hommes, les quelques égarés qui continuaient de remuer la poussière des quais, on ne savait déjà plus si le soleil, le sel, l’iode, ou simplement le reflet de la rouille partout, on ne savait plus ce qui avait cramoisi leur peau ».
    Mais l’or ne rouille pas, me disais-je en lisant cette page d’Insoupçonnable, ni le noir ni la paille du chapeau panama qui joue là-dedans le rôle d’objet-pivot autour duquel tourne le deal fatal final : ta femme contre mon silence, deux cents balles pour le chapeau et tu coupes à perpète…
    C’est l’histoire de deux faux frère et sœur fauchés (Sam et Lise) et de deux vrai faux frères friqués (Henri et Edouard) qui se cherchent et se trouvent.
    Sam et Lise vivent dans l’insouciance qui rouille à la longue de la vie facile plus ou moins décheuse, à laquelle un million d’euros de plus (ou mieux : un million de dollars) ajouterait un lustre plus durable.
    Or tant qu’à se faire du cinéma, la story est vite filée (sur l’idée de Lise) au conditionnel des sales gosses : tu serais mon frère plutôt que mon mec, j’épouserais Henri pour son blé et je serais kidnappée, Henri cracherait le million par amour de moi et ensuite tous les deux on file aux îles ou à Fargo se la faire belle, le scénar de rêve.
    Cela tient évidemment par l’astuce filée de bout en bout, sans être vraiment un polar, disons plutôt roman noir mental, ou plus ouvert par l’écriture et la puissance d’évocation : suspense poétique.
    Il y a en effet une poésie très singulière dans la vision autant que dans l’écriture de Tanguy Viel, et c’est ce qui m’enchante bien plus encore que les trouvailles dont le livre regorge.
    Celles-ci n’ont rien de gratuit au demeurant : les variations sur le golf (« Il est toujours plus dur de putter en descente qu’en montée ») ou la « valse épuisée » de Chostakovitch, même les phrases plus ostensiblement trouvées (« Je peux vous dire, même sur cinq cents mètres, c’est quelque chose de conduire une Jaguar avec un commissaire-priseur dans le coffre » ou « Mais ce n’est pas ma faute si ce sont les vieux qui sont riches ») ne se ressentent pas d’une recherche d’effets mais se fondent dans la coulée du texte bien fluide et pourtant en étrange, hagard et souriant suspens, comme d’une rêve éveillé.

    Tanguy Viel. Insoupçonnable. Minuit, 2006.

     

  • Pensées de l’aube (24)

    Panopticon512.jpgDe la destinée. – Elle s’en ira vieille fille, comme on dit, sans qu’on se doute qu’elle fut amoureuse toute sa vie, de nombreux messieurs en secret cela va sans dire, mais aussi de monuments, surtout en Italie, et des enfants de ses parents et amis qui lui ont appris qu’elle-même ne saurait jamais grandir, bonne du moins à border tous les soirs ses poupées en priant le Fiancé de la prendre, elle, par la main jusqu’au jour…

    Du fil des heures. – Du matin à la matinée, tout le temps qu’on vit cette montée elle me donne son énergie et me révèle l’air de nouveauté de ce qui vient, son air de jamais vu, son air d’enfant dispos et curieux de tout, et passé le milieu de la journée la vieille vérité des choses fait décliner le matin fée pour se couler dans les heures sans heures de la mélancolie…

    De la musique des jours. – Et s’ils entendaient encore, ce matin, qu’en savons-nous après tout ? s’ils entendaient encore cette polyphonie des matinées qu’ils nous ont fait écouter à travers les années, s’ils entendaient ces voix qui nous restent d’eux, ce matin encore je les entends par les rues vibrantes d’appels et de répons: repasse le vitrier sous nos fenêtres, il y a bien du temps de ça mais je l’entends encore et les filles sourient aux sifflets des ouvriers - et si leurs tombes restaient ouvertes aux mélodies ?
    Image : Philip Seelen

  • Romantisme

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    … Depuis treize ans que je prends le TGV tous les lundis et les vendredis, je pense à cette voyageuse que j’ose dire la Femme de ma Vie, avec laquelle on s'évaderait dans la Forêt des Possibles, et pourtant jamais je ne me suis trouvé qu’en face de zombies – vraiment pas de quoi faire rêver un commercial à l'âme sensitive…

    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l’aube (23)

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    Des petits souliers. – On dirait qu’il fait nuit depuis toujours dans la neige qui fait une espèce de jour dans la nuit, rien n’a changé depuis qu’il faisait froid dans vos chambres d’enfants, mais alors des voix vous encadraient, comme des voix de bergers autour des troupeaux, et bientôt vous étiez chaussés, de toutes les maisons du quartier s’en allaient les petits souliers ferrés sur la glace des chemins, par les routes ensuite vous vous pressiez comme des nains transis mais jusqu’au souvenir de cette morsure de l’hiver vous réchauffe l'âme…

    De cette boule. – Tous les matins, maintenant, et ce sera comme ça jusqu’à la fin, sûrement : cette boule qui était au ciel jusque-là, ou tout au fond de la terre, est entrée en toi et te pèse de tout le poids du monde - et tu n’as qu’un chant pour t’en délivrer…

    De l’embarquement. – Et tout à l’heure le monde remontera aux fenêtres, ou bien ce seront les fenêtres de la ville qui remonteront aux tiennes, il y aura des montagnes enneigées ou des silhouettes affairées, ce sera selon, des fenêtres de cet hôpital on ne voit que le ciel, de cet autre que la mer ou des murs, le monde affleure partout, on est dedans, on est embarqué : Terre à l’horizon…
    Image : Philip Seelen

  • A ton avis ?

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    … Qu’est-ce que t’en penses ? Tu te demandes s’il m’a battue ? Tu crois que je me suis fraisée sur la Piste du Diable ? Tu fantasmes sur le vampire qui m’a mordue à la lèvre ? Tu te figures que je vois pas que tu prends ton pied en me matant comme ça toute fragile et en somme toute jolie ? Et si je te disais que c’est juste une pub pour l'Assurance Pas de chance, que je suis maquillée au poil et que je fais pas ça à l’œil ?
    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (22)

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    Pour Bona Mangangu

    De l’ancien feu. – Bien avant votre naissance ils le portaient de maison en maison, le premier levé en portait le brasero par les villages et les hameaux, de foyer en foyer, tous le recevaient, ceux qu’on aimait et ceux qu’on n’aimait pas, la vie passait avec la guerre dans le temps

    Du passé. – Tu n’as aucun regret, ce qui te reste de meilleur n’est pas du passé, ce qui te fait vivre est ce qui vit en toi de ce passé qui ne passera jamais tant que tu vivras, et quand vous ne vivrez plus vos enfants se rappelleront peut-être ce peu de vous qui fut tout votre présent, ce feu de vous qui les éclaire peut-être à présent…

    De l’avenir radieux. – Au lieu de jeter les mots usés tu les réparerais comme d’anciens objets qui te sembleraient pouvoir servir encore, tu te dirais en pensant aux enfants qu’il est encore des lendemains qui chantent, tu te dirais en pensant aux mal barrés qu’il est encore des jours meilleurs, tu ramasserais vos jouets brisés et tu te dirais, en te rappelant ce que disaient tes aïeux: que ça peut encore servir, et tu retournerais à ton atelier et le verbe rafistoler te reviendrait, et le mot te rappellerait le chant du rétameur italien qu’il y avait à côté de chez vous, et tout un monde te reviendrait avec ce chant – tout un monde à rafistoler…

    Image: Philip Seelen

  • Pensées de l’aube (21)

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    Du renouveau. – Le silence des choses ce matin peut être dit néant ou prière, celui qui ouvre les yeux et parle en décide, mais qui sait si elles sont moins seules d’être nommées par lui ou si c’est lui qui se console ainsi de sa solitude – qu’importe à vrai dire si c’est dit et qu’à l’instant les choses reviennent au jour et que tu dis ce qu’elles ont ce matin à dire d’inouï - tout cela était en toi déjà mais tout a bougé cette nuit et le silence des choses aurait ce matin la voix du jamais entendu…

    Des éteignoirs. – Tout a été dit, t’assènent-ils pour mieux te neutraliser, toi qui demandes à vivre encore, à recevoir encore, à recevoir et à donner quand ils n’ont plus rien, eux, à recevoir et plus rien à montrer que le déjà-vu, car tout est achevé selon eux, tout est accompli, c’est à croire qu’ils sont déjà morts et pour ainsi dire ressuscités, tout étant dit ils n’ont plus rien à entendre de la vie et n’attendent plus rien de toi non plus – détourne-toi, petit, de ces mauvais apôtres.

    Du fil des jours. – Et tout est à recommencer tous les jours, c’est accablant quelques instants, le temps de te retrouver au point zéro : tu crains d’avoir perdu le fil, mais non, le voici, et avec lui que tu reprends entre les dents tout se retrouve lié, tout se remet à bouger ensemble, du cendrier à l’étoile, tout te revient, toutes les saveurs goûtées et à goûter encore, toutes les odeurs des années passées et attendues encore, toutes les pensées affleurant le jour blanc ce matin encore…

    Image: Philip Seelen

  • Suivez mon regard

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    …On a dit que Ségolène allait à gauche bien avant de se séparer de François, mais c’était la même façon de parler qu’en disant que Nicolas allait à gauche avant de se marier avec Carla, or jamais tu ne dirais que l’amour fait aller à droite, même façon de parler…
    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l’aube (20)

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      De l’enchaînement. – On n’attend plus rien d’eux que l’efficace et la compétence machinale, et c’est une façon de les tuer, au moins de leur dénier toute présence réelle et tout droit à surprendre, on les a sélectionnés, leur dit-on, pour gagner, et désormais ils seront formés à se formater et plus rien d’autre ne saurait être attendu d’eux que d’être au format

    De l’extinction. – Sur le plateau de télé on les voit se lamenter de ce que la Création soit en voie de disparition, il n’y a plus de créateurs à les en croire, plus rien de créatif ne se crée, la créativité tend au point mort geignent-ils en se confortant d’avoir connu d’autres temps où chacun était un virtuel Rimbaud, et désormais on les sent aux aguets, impatients de voir tout s’effondrer en effet comme ils se sont effondrés…

    Du bois joli. – De ta nuit à la mienne, de mon éveil au tien, de sa façon de résister à la leur, de votre attente à la nôtre, de leur impatience à la sienne, de leur besoin d’aimer ou d’être aimé à la vôtre, de ma gratitude à la lecture de son dernier roman à ce que je sais qu’il me répondrait si je le lui écrivais, de notre conviction de n’être pas seuls à ressentir tout ça à l’évidence que tout ça nous survivra, de nos questions à vos réponses et de vos mots aux nôtres : il court il court le furet…
    Image : Philip Seelen

  • Raté

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    … Sûr que non, Lucky, que je voulais pas lui tirer dans l’œil, à Wanda la donneuse : l’est trop classe pour qu’on l’amoche, mais bon : c’est justement ça qui m’a fait dévier, et puis faut dire qu’elle m’avait un peu énervé, à nous balancer comme ça…
    Image : Philip Seelen

  • Matricule 2000

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    Trois ans de Carnets de JLK. De l'écriture et de la lecture sur la Toile. Notes en chemin... 

    A La Désirade, ce samedi 7 février 2009. – La nuit tombe sur la montagne enneigée, on se dirait hors du temps, et les mots qui me viennent à l’instant voudraient refléter la sérénité d’une soirée d’hiver au coin du feu, auprès de personnes aimées – ma bonne amie et son frère. Celui-ci, sous le nom de Philip Seelen, est devenu familier ces derniers mois des lecteurs de ces Carnets de JLK, notamment du fait de la série Panopticon, contrepoint d’images et de brefs textes, inspirés par celles-là, que nous filons tous les jours à quatre mains. Si j’évoque la sérénité de notre petit clan, ma bonne amie, que j’appelle aussi Lady L., en est la première inspiratrice en dépit des charges qu’elle assume dans sa profession de formatrice d’enseignants, spécialisée dans la recherche en matière de récits de vie. Notre vie commune se poursuit en harmonie depuis 27 ans, étroitement associée à celle de nos deux filles Sophie Cécile et Julie Loyse. Je note cela en toute transparence sans me préoccuper du fait que ces mots peuvent être lus n’importe où et par n’importe qui, à commencer par les 500 lecteurs réguliers de ce blog, qui furent 938 le 21 janvier, à consulter 4223 pages en un jour, et 1078 le 28 janvier, à consulter 11091 pages, sans que je n’aie la moindre idée de ce qui, ces jours-là, m’a valu cette attention – je préfère d’ailleurs ne pas le savoir…
    Ce qui m’importe, en revanche, est la continuité parfaitement régulière de ces consultations, en légère baisse le samedi. J’y vois comme une marque de curiosité soutenue et peut-être de confiance, parfois même d’amitié, manifestées par quelques signes. Dès l’ouverture de ce blog, en juin 2005, j’ai eu la bonne surprise de voir se constituer un réseau de lecteurs, parfois à visages découverts, marqué par de vrais échanges ici et là prolongés sous forme de publications ou d’articles de ma part. C’est ainsi que j’’ai publié, dans le journal littéraire que je dirige, à l’enseigne du Passe-Muraille, des textes de Raymond Alcovère, de Joël Perino, d'Hubert Simard, de Frédérique Hirsch-Noir, puis de Bruno Pellegrino ou de Pascal Janovjak, notamment, et j’ai présenté, dans le journal 24 Heures dont je suis le mercenaire, quelques livres de ces complices, tels Christian Cottet-Emard, Alina Reyes, Raymond Alcovère, Jean-Jacques Nuel, ou Bona Mangangu, plus récemment François Bon, entre autres.

    Bon4.jpgRemue.net & Co
    François Bon, avec son formidable réseau virtuel, tant à l’enseigne de Remue.net que du Tiers.livre ou de Publie.net, représente à mes yeux l’illustration la plus remarquable de la mutation profonde que peut signifier l’écriture ou la publication en ligne, par un nouveau vecteur arborescent. Fort peu porté, à l’origine sur les nouvelles technologies, j’ai trouvé initialement, dans la pratique du blog, la prolongation des carnets que je tiens depuis une quarantaine d’année, et qui ont fait l’objet de deux publications substantielles (L’Ambassade du papillon, 1993-1999, et Les Passions partagées, 1973-1992), et, d’autre part, l’occasion de déployer mes activités de passeur de littérature ou de chroniqueur en matière de théâtre ou de cinéma.
    De plus en plus, cependant, le support du blog me semble lui-même induire de nouvelles pratiques, et c’est ainsi que trois nouvelles arborescences, au moins, se sont développées sur ces Carnets de JLK au fil des mois : je veux parler des 150 lettres que j’ai échangées à ce jour avec Pascal13.jpgPascal Janovjak, écrivain franco-suisse établi à Ramallah, et qui constituent après un an, sous le titre de Lettres par-dessus les murs, un livre virtuel de plus de 300 pages ; de la série déjà citée du Panopticon, comptant déjà plus de 200 séquences, et de plus récentes méditations poétiques modulées sous le titre de Pensées de l’aube, qui me sont comme une hygiène spirituelle quotidienne.

    Du blog au livre

    Le passage du blog au livre n’est pas, à mes yeux, un transit obligatoire, mais je me réjouis de publier, sous peu, un ouvrage de 280 pages, sous le titre de Riches Heures, constitué de textes tous publiés en ce lieu, à paraître aux éditions L’Age d’Homme à l’instigation de mon ami Jean-Michel Olivier. Par ailleurs, je suis reconnaissant à François Bon d’avoir établi, sans que je ne lui demande rien, un recueil de mes listes sous le titre de Ceux qui songent avant l’aube, à l’enseigne de Publie.net, avec une belle couverture de Philippe de Jonckhere. Ces nouvelles procédures d’édition feront-elles florès demain ? Je n’en sais rien mais n’y suis nullement rétif, quoique préférant toujours un livre de papier à un e-book dernier cri, et me réjouissant comme au premier jour de voir paraître un livre ordinaire…
    N’empêche : une société est en train d’en remplacer une autre. Hier encore, je parlais avec le jeune nonagénaire René de Obaldia de la société littéraire que nous avons connue et qui est en train de disparaître. Le vieil académicien au regard vif s’étonnait de ce que les noms de Max Jacob, d’Oscar de Lubicz-Milosz ou d’Audiberti me disent encore quelque chose (!), mais à l’opposé de ceux-là qui retirent l’échelle derrière eux, comme il en est tant aujourd’hui à marmonner leur « après nous le déluge », je me suis réjoui de l’entendre parier pour de nouvelles formes tout en concluant à la fin d’une ère.
    Georges Nivat évoque, dans soin dernier livre, Vivre en Russe, l’importance cruciale des blogs dans la nouvelle Russie, et le niveau élevé de leurs réseaux en matière littéraire. De la même façon, j’entendais parler l’autre jour, à la radio, du rôle décisif de la blogosphère iranienne en matière de débat démocratique - sans parler de la galaxie Obama...
    Dans cette optique de l’échange vivifiant, je regrette pour ma part de ne pas consacrer assez de temps aux blogs de qualité qui constellent la toile francophone, dont François Bon ou Christine Genin  (http://blog.lignesdefuite.fr/) ont établi d’utiles répertoires. Les lecteurs de ces Carnets de JLK connaissent déjà, sans doute, ceux que j’ai cités en Liens, du passeur de poésie Jalel El-Gharbi à Eric Poindron en son Cabinet de curiosités ou de Feuilly à Soulef, d’Alain Bagnoud à Jean-Michel Olivier et à bien d’autres dont la liste (incomplète) figure ci-contre.
    Le Labyrinthe ne cesse de jeter de nouvelles allées et l'Arborescence de nouvelles relations entre scripteurs et lecteurs. Or l’attention et la présence, mais aussi les réactions de ceux-ci sont autant de viatiques et de pierres d’achoppement pour ceux-là dans le Work in progress. Bref, à «mes» 500, parmi lesquels je distingue de plus en plus de visages amis, je dis une fois de plus ce soir, ma vive reconnaissance. E la nave va…

    Images: Lucienne K: Le feu dans la neige. Philip Seelen: Neige à La Désirade.

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  • Matricule 1500

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    Confession d’une note prise en avril 2008, relue  à l’instant d'annoncer le Matricule 2000...

    Je suis la mille cinq centième note de ce blog. Je n’y suis pour rien ni ne sais diable ce que je vais dire, et je me demande si celui qui me prend le sait lui-même ? Je le sens bien songeur à l’instant. Je sens qu’il pense à ceux qui sont en train de me lire, se demandant visiblement qui ils sont et ce qu’ils ont à faire de moi, donc de lui qui nous prend à peu près tous les jours, nous les notes de ce blog, avec la conscience claire qu’il nous expose à la vue de tous ces regards occultes.
    Le fait d’être lue quelques instants après avoir été prise devrait m’être indifférent, étant la mille cinq centième et n’ayant que ça à faire à ce qu’il semble (c’est du moins ce que celui qui me prend à l’air de penser, mais allez savoir avec lui…), et pourtant je sens à la fois que mon rôle est de faire date, en tant que chiffre rond, et j’apprécie que celui qui me prend me considère maintenant (il vient d’esquisser un sourire) avec une sorte de tendresse.
    Je dois alors préciser, capable que je suis tout de même d’entrevoir ma propre origine, que cette tendresse englobe, dans l’esprit de celui qui me prend, tous ceux qui prennent la peine de nous lire, nous les notes de ce blog, qu’ils acquiescent à ce que nous exprimons ou qu’ils le réprouvent. Ce qu’ils apprécient chez nous, ce qu’ils attendent ou ce qu’ils trouvent est un peu mystérieux, mais celui qui me prend ne s’en inquiète pas trop. Ainsi que, la nuit du 5 janvier dernier, pas moins de 8700 pages aient été scrutées par eux l’intrigue certes, mais qu’en dire et qu’en penser ? C’est ce qu’il ne saurait exprimer par mon truchement. En fait, il ne se soucie que de s’exprimer sur ce qu’il aime ou qui l’intéresse, sans chercher à plaire ou à capter l’attention. Les visiteurs fidèles de ces Carnets de JLK sont environ 500-700 par jour. Lorsqu'un thème dont on parle est abordé, ils sont jusqu'à 900, jamais plus à ce jour, d'ailleurs 1000 n'est jamais que deux fois 500 et JLK est trop indolent ou trop snob (?) pour aller à la pêche aux voix. Le compteur de ce blog affichait 1495 visiteurs au 30 juin 2005, premier mois de son entrée en lice. En avril 2008, il en a recensé 18774. Tels sont les progrès de la course aux sacs. 
    Voilà : c’est noté, j’étais la mille cinq centième, j’ai fait mon tour de piste et je cède ma place à la mille cinq cent et unième. On sent le printemps, me fait dire celui qui me prend, et cela encore: qu'il a les crocs. Cela sent la neige et le bœuf à la ficelle, par conséquent bonsoir. Il vous salue bien amicalement, tous tant que vous êtes à me lire à l’instant, salut les gens et merci la vie…

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  • René de Obaldia sur le vif

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    RENCONTRE Le dramaturge et académicien était hier de passage à Lausanne pour y recevoir le Grand Prix de poésie de la Fondation Pierrette Micheloud.
    René de Obaldia n’est pas mort, même s’il affirme le premier qu’il est « tuant d’être immortel ». Parce que ses écrits, d’une inaltérable fraîcheur, figurent au programme des écoles françaises au même titre que les fables de La Fontaine, d’aucuns sont parfois étonnés de rencontrer vivant ce nonagénaire jamais blasé de ses rencontres avec les écoliers et les comédiens pros où amateurs des quatre coins du monde où transite son théâtre, traduit en une vingtaine de langues. Malicieux, présent et vif, quoique sans trop d’illusions sur les temps que nous vivons, l’auteur de la célébrissime parodie de western Du vent dans les branches de sassafras, dont la première interprétation de Michel Simon fit date, convient malicieusement que son personnage principal de cow-boy, du nom de Rockefeller, se réjouit aujourd’hui de l’avènement d’un Obama. «Il est vrai qu’on ne pouvait guère aller plus bas…».
    Célèbre et cependant peu répandu, René de Obaldia s’est dévoilé quelque peu en 1993 dans son Exobiographie, admirable exercice de mémoire exempt de tout nombrilisme, qui fut consacré par deux prix importants. Une autre distinction honore aujourd’hui l’ensemble de son œuvre avec le premier Grand prix de poésie Pierrette Micheloud, institué par la Fondation visant à perpétuer le souvenir de la poétesse et artiste romande, disparue en 2007. Son président, Jean-Pierre Vallotton, souligne la volonté du jury de consacrer cette œuvre multiples (romans, théâtre et poèmes) traversée par une poésie tonique et inventive.
    - Qu’est-ce pour vous que la poésie ?
    - Toute définition serait insuffisante, mais j’aime assez la formule selon laquelle la poésie est de la prose qui décolle…
    - Comment est-elle entrée dans votre vie ?
    - Dès l’enfance j’en ai été passionné, autannt à la lire (Hugo, Lamartine, Musset et compagnie) que pour en écrire, d’abord de manière imitative, ensuite plus librement. Vers dix-huit ans, j’ai commencé d’envoyer mes poèmes aux revues. Puis la guerre est arrivée, j’ai dû « rejoindre mon corps» et j’ai passé ensuite quatre ans en camp de prisonnier, où j’ai beaucoup appris sur l’animal humain tout en étant réduit à la nécessité de survivre.
    - Cette expérience a-t-elle marqué votre œuvre ?
    - De manière essentielle, sans qu'il n'y paraisse au regard de surface... J’en conserve un sentiment tragique de la vie, mais sans amertume. Dès mon retour de captivité, j’ai mieux apprécié tout ce qui m’avait été arraché et me suis mis à lire comme un fou les Russes, les romantiques allemands ou les Américains, préférant les œuvres fortes au formalisme à la française. Comme j’étais pauvre, j’ai choisi la plume pour m’exprimer faute de pouvoir me payer des études musicales ou artistiques.
    - Et le théâtre ?
    - J’y suis arrivé presque par hasard, comme par jeu, avant que ma première vraie pièce, Génousie, soit montée par Jean Vilar en 1960. André Barsacq présenta ensuite Le Satyre de la Villette, qui fit scandale. De façon générale, j’ai eu la chance d’être très bien servi par les metteurs en scène de l’époque.
    - Comment jugez-vous le monde actuel ?
    - Il s’est passé une profonde rupture dans nos sociétés, plus profonde que pendant des millénaires. La continuité est rompue et cela requiert un énorme effort de réadaptation, mais je ne suis pas désespéré. Tous les jeunes que je rencontre, dans mes tournées, m’impressionnent par leur bonne volonté, malgré la perte de tout repère. Ce que je regrette, chez les écrivains, c’est qu’ils soient aussi englués dans la réalité et aussi repliés sir eux-mêmes. Mais la vie reste si foisonnante et passionnante !


    Dates de René de Obaldia

    1918. Naissance à Hong-Hong. Fils d’un consul panaméen et d’une Picarde.

    1920-1944. Grandit à Paris. Etudes au lycée Condorcet. Mobilisé en 1940. Fait prisonnier, rapatrié comme grand malade en 1944.
    1949-1952 Premiers recueils : Midi (poèmes) et Les richesses naturelles (récits-éclairs). Premier roman : Tamerlan des
    Cœurs.
    1960 Génousie. Première pièce montée par Jean Vilar.
    1961-1999 Une vingtaine de pièces, dont Le Satyre de La Villette, Monsieur Klebs et Rosalie, Le Cosmonaute agricole, Du vent dans les branches de sassafras (1965), etc.
    1969 Les innocentines (poèmes)
    1993 Exobiograhie. Prix Novembre et prix Marcel Proust.
    1993. Molière d’honneur et Molière du meilleur auteur.
    1996 Sur le ventre des veuves (poèmes).
    1999 Elu à l’Académie française.

  • Verts paradis

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    …Avec Mado on s’est connus rue Verte, c’était pas encore le rêve : d’un vétuste, je te dis pas ! c’était avant le béton genre Cité Radieuse, rien de la poésie de l’Allée, mais tu sais que rien n’arrête le progrès et qu’on se réjouit déjà, avec Maude, de ce projet de freeway à huit pistes qu’ils ont d’ores et déjà baptisé le Sentier vert…
    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (19)

     

    Flora03.JPGDe la fantaisie. – Cela danse en toi, on dirait presque : avant toi, comme l’avant-toit de ton abri de cabri, avant que tu ne renfiles tes bottes de sept lieues de géant infime et doublement infirme de l’antenne et du sabot – cela vient te chercher comme à la fête, cela n’a ni queue ni tête mais  dès le saut de carpe du lit cela frétille et sautille à hauteur d’écoutille sous le vent galopant du matin galopin – au vrai c’est aussi bête que ça…

    De l’évolution. – Encore et encore ton corps se souvient de l’en-deça des mots et des anciens tâtons dans la conque remuant en sourdine, mais voici que ton maillot d’indolence se défait et que te reprend ce monologue un peu vaseux de la conscience, alors tu redeviens l’enfant des hauts-fonds qui remonte au jour en maugréant, il te semble avoir bientôt des nageoires, enfin tu entends ta mère ouvrir les contrevents et voilà que les mots t’ont rattrapé…

    De ce qui s’offre là. – Ils se lamentent d’avoir trop peu ou d’avoir trop sans rien voir de ce qu’ils ont là, sous les yeux, dans la foison radieuse de cela simplement qui afflue dans la lumière du matin - alors tout reflue de l’ennui de n’être pas, je reviens au jour et tu es là ma généreuse, tu m’attendais, je t’avais oubliée et te voilà, ma vie qui va…

    Image: Floristella Stephani, Aube sur le Catogne. Huile sur toile. P.P. 

  • Pensées de l'aube (18)

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    De ce qui reste. - Des restes de berceuses nous restent de l’autre côté du sommeil et ce reste d’enfance nous berce aux matins gourds comme les mains d’enfants de l’hiver, et sur nos fronts le reste d’un souvenir de caresse nous reste comme la douce promesse de bien dormir à l’enfant qu’on berce.

     

    Du fil des mots. – Dès le premier jour le sablier t’a rempli de ces mots qui filent dans le silence et se tissent sur l’invisible trame du sommeil et de la veille et que tu ne dis qu’au débouché des nuits que le jour murmure et le tissage devient visage, tantôt village et tantôt nuage tissé de ciel et d’orages ou d’accalmies ou de pluies acides ou de plaines de limpide lumière – toute une vie tissée et le dernier jour n’aura pas le dernier mot…

     

    De la musique. – Tu es l’âme de mon âme, lui dit-il sans savoir qui elle est, tu m’es plus intime à moi-même que moi, tu me connais par cœur, comme une chanson dont tu ajouterais tous les jours un couplet que je serais seul pourtant à pouvoir fredonner, à chaque aube je te retrouve enfin, mélodie et refrain…     

     

    Image: Philip Seelen, aube à La Désirade.

  • Tintin sous contrôle

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    …La fameuse formule a longtemps été : de 7 à 77 ans, mais les mentalités ont changé et quand on lit ce qu’on lit, dans les journaux, et qu’on entend ce qu’on entend dans les médiaux, il est évident que les enfants de 7 à 70 ans seront désormais protégés de ces individus hors d’âge qui rôdent dans les jardins publics avec tel ou tel album sous le manteau…
    Image : Philip Seelen

  • La Chute

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    … Avec lui, le signal vestimentaire ne trompait jamais : cravate noire, tu pigeais qu’il revenait d’enterrer un de ses camarades de parpaing populaire et ça craignait pour l’ambiance; cravate rouge: t’étais sûr qu’il avait la rage contre un brise-vent réactionnaire et tu freinais pile, ou nœud pap vert, c’était clair : notre pote le Rideau de fer avait le ticket avec une barrière de barricade et ce serait la fête - mais tout ça, camarades, ne l'a pas empêché de tomber après la muraille sous les coups de la racaille contre-révolutionnaire...
    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (17)

    DEVERO47.JPGDe ce qui se cherche. – Les mots sont comme cette lampe de poche le matin dans le bûcher, les mots éclairent les bouts de bois dont on se chauffera, les mots font mieux voir et les mots réchauffent à la fois : voilà ce que je me dis ce matin à l’instant de me mettre à bûcher à la chaude lumière de ces premiers mots…

    De ce qui ne se dit pas. – On dit tare pour barre et ça en dit plus long qu’on croit, se dit-on, comme le dicton : Trop tard pour le bar, trop tôt pour le mot - si tôt que la moto emporte, les yeux fermés, le motard.

    De ce qui se dit. – Tu ne sais d’où ça vient et ça ne te regarde pas : ça ne regarde que la nuit et encore, les yeux clos, ça ne parle qu’à bouche cousue, ça vient comme ça sans crier gare sur le quai de la nuit qui remue, voyageur sans bagage qui ne sait que ce qu'il dit…

    Image: au Devero tôt l'aube, photo JLK.

  • Pensées de l'aube (16)

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    De la fatigue. – On se réveille parfois d’on ne sait quel combat harassant avec quel ange ou avec quels démons, on se sent brisé, défait, dépiauté : on est exactement ce qu’on devrait être à la fin d’une nuit qui aurait duré une vie, mais c’est le matin et l’on sait ce matin qu’on est moins que rien et que c’est avec ça qu’il faut faire – qu’il faut faire avec.

    Du mariole. – Il a la gueule du vainqueur avant d’avoir livré le moindre combat : d’avance il piétine, d’avance il s’imagine qu’il dévaste et cela le fait saliver, d’avance il se voit campé au premier rang, le front crâne - il se sent vraiment Quelqu’un ce matin dans la foule de ceux qu'il appelle les zéros...

    De l’enragé. – Votre vertu, votre quête, votre salut je n’y ai vu jusque-là que d’autres façons de piétiner les autres, et sans jamais, je m’excuse, vous excuser, sans demander pardon quand vous marchez sur d’autres mains qui prient d’autres dieux que les vôtres, sans cesser d’invoquer l’Absolu de l’Amour tout en bousculant dans le métro de vieux sages et de vieilles sagesses …


    Image: Ferdinand Hodler, Grammont à l'aube. Huile sur toile.