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Max Frisch sans bémol

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DOCUMENTAIRE. Matthias von Gunten rend hommage à un maître de l’esprit critique… sans trace d'esprit critique.

C’est un film intéressant et nécessaire, assurément, que ce Max Frisch citoyen qui retrace, avec une tendre déférence, tournant parfois à la dévotion, le parcours de l’écrivain qui fut l’exemple-type de l’intellectuel engagé. Un intellectuel : c’est ainsi que le présente immédiatement Helmut Schmidt, qui insiste sur la légitimité de ce regard critique sur le pouvoir. En contrepoint, ses amis Peter Bichsel et Gottfried Honegger rappellent qui fut l’homme. Présent au monde, Max Frisch le fut en Suisse, dès son intervention contre la xénophobie, autant que devant le monde, comme le rappellent un Günter Grass, qui évoque leur complicité et leurs fâcheries, Christa Wolf rappelant ses rapports avec l’Allemagne de l’Est, ou Henry Kissinger leur différend à propos de l’impérialisme américain, notamment.

Tissé de documents d’époque (en ralentis répétitifs un peu pompeux), enrichi de citations bien choisies et de quelques fragments de films plus anecdotiques, le film de Matthias von Gunten déçoit en revanche par son manque total de recul critique. La seule opposition à ce maître à penser d’une génération est en effet une lettre de lecteur imbécile, dont la haine rehausse, par contraste, le caractère hagiographique du film.

Si les vertus de la contestation sont évidemment célébrées, de la lutte contre la xénophobie en Suisse à la guerre du Vietnam, en passamt  par Mai 68 à Zurich, le terrorisme en Allemagne ou la votation sur la Suisse sans armée, le réalisateur passe comme chatte sur braise sur les positions de Frisch face au communisme dans le monde ou au goulag. A ce propos, le témoignage de Christa Wolf reste lui aussi assez platement anecdotique...

Bref: dommage que tout ça relève un peu trop de la célébration nostalgique entre anciens combattants,et pas assez de l’incitation, visant les nouvelles générations, à découvrir une œuvre dont rien n’est dit du contenu précis des romans (Stiller juste évoqué au passage, ou Homo faber) ou des pièces de théâtre (même si celui de Frisch n’est pas à la hauteur d’un Dürrenmatt, les fables d’Andorra ou de Monsieur Bonhomme et les incendiaires auront fait date), ni rien non plus de son magnifique récit des dernières années intitulé L’homme apparaît au quaternaire. La dernière intervention publique de Max Frisch, aux Journées de Soleure, où il confesse sa seule foi en l’amitié, dans un monde où il semble se résigner à cultiver son jardin, en Candide un peu raplapla, n’a pas de quoi susciter le plus vif intérêt d’un jeune lecteur, alors que les volumes (chez Gallimard) du Journal de Frisch restent, aujourd'hui encore, une lecture vivifiante.

Frisch.jpgDVD. Max Frisch citoyen. Pelicanfilms

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