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Carnets de JLK - Page 155

  • La saison des prix

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    …Et si tu crois ma poulette, que t’as une chance de décrocher le Goncourt sans moi… / D’abord je ne suis pas votre poulette (in petto: faut que je me gaffe de pas gaffer : c’est quand même lui qui fait la décision), Monsieur l’Académicien… / Allez tu sais ce que je pense de ton roman, même si je n’ai pas tout dit dans ma chronique du Figaro, mais j’ai l’impression que toi et moi… / Vous êtes un fin bec, Monsieur l’Académicien ! / On laisse tomber ce Monsieur… / Mais comment avez-vous fait pour écrire tout ça sans lire mon livre ? / Ah, tu sais que lire un livre, avant d’en parler, risque de t’influencer, mais nous allons le faire, ce Goncourt, nous allons le faire tous les deux - file-moi un coup de bec, vilaine, ou je te plume !

    Image : Philip Seelen    

     

  • À bonne école

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    … Sainte Ex l’a vécu au siècle passé, la pilotait des avions et la disait: Gode est ma copilote, et la prof elle a dit l’a rencontré le chti Prince qu’était Peace’n’Love et que l' a dit au renard: se kiffer c’est pas se mater c’est mater la même chose sur le même réseau…
    Image : Philip Seelen

  • En toutes lettres

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    A comme angoisse, L comme loyer, O comme oppression, N comme neuroleptique, E comme ellébore, du grec helleboros, herbe dont la racine a des vertus curatives et qui passait autrefois pour guérir la folie…

    Image : Philip Seelen

     

  • Une âme candide

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    …L’article dit : provocation, moi je sais bien que j’ai pas mes lunettes mais  je vois qu’une sorte de grande fleur blanche aux pétales largement écartés, un joli pistil que l’abeille butinera volontiers, dans un climat général de printemps moelleux qui donne envie de mordre la vie à pleines dents - en tout cas je trouve rien de scandaleux là-dedans, y a vraiment des critiques qui cherchent à se faire remarquer…

    Image : Philip Seelen  

  • Mac Mahousse

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    …On parle tantôt du baiser profond et tantôt de la galoche à rallonge, les Français le disent pelle à l’américaine et les Américains french kiss, mais pour nous autres de la classe de Mademoiselle Duflon, qui l’expérimentions à dix ans et des poussières dans l’obscurité de ses chères séances de projections d’images des Merveilles du Monde, c’était la bonne vieille langue fourrée à bouche que veux-tu…

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui détestent la liberté

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    Celui qui te traite de branleur parce qu’il te voit lire dans le jardin jouxtant sa pelouse de fondé de pouvoir à gueule de Type Normal / Celle qui prétend que l’oncle Jonas a fait des études universitaires uniquement pour faire chier sa famille / Ceux qui interrompent toute conversation en déclarant que tout ça c’est de la philosophie / Celui qui est mis à pied pour avoir menacé son élève exhibitionniste de lui couper le sifflet s’il montre encore son zob à la récré / Celle qui se plaint à l’Association des propriétaires du fait que ses voisines se bécotent sur le balcon du huitième / Ceux qui remarquent avec acrimonie que le docteur congolais Douglas s’est payé un nouveau 4x4 Cherokee / Celui qui ne supporte pas la gaieté de l’ingénieur Sébastien Guex notoirement gay / Celle qui arbore LE body dont elle rêvait en dépit du risque de faire jaser ses collègues de l’onglerie À belles griffes / Ceux qui reprochent au beau Dutilleul de faire hurler ses conquêtes sans fermer les fenêtres alors qu’il y a des enfants en bas âge dans la Résidence des Muguets / Celui qui ne sait comment formuler sa plainte contre le milliardaire de la commune dont les pumas rugissent parfois la nuit et le réveillent même / Celle que ses frères et sœurs menacent d’exclure du clan Dulaurier après qu’elle a traité leur mère despotique de vieille chauve-souris édentée et méchante / Ceux qui s’inquiètent chaque fois de savoir si leurs nouveaux amis sont Du Bon Bord à savoir non seulement croyants mais pratiquants / Celui que sa famille a progressivement marginalisé du fait de sa propension à gaspiller sa part d’héritage en donations / Celle qui enrage de constater que son cousin Manu est encore en burn out et de nouveau chez sa poule friquée de Cadaquès / Ceux qui considèrent que le libertinage en plein air doit être régulé par des lois ad hoc, etc.
    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui sont inconsolables

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    Celui qui se demande si la vie vaut encore la peine d’être vécue après avoir appris la Terrible Nouvelle / Celle qui a téléphoné à toutes ses amies du Club M.J. à trois heures du matin pour leur apprendre qu’un Ange les avait quittées / Ceux qui ont commencé la journée par trois minutes de silence dans la salle de réunion La Panoramique de l’Entreprise / Celui qui affirme que M.J avait un tel Cœur que celui-ci ne pouvait que le lâcher /  Celle qui ne croit pas que cette mort si subite soit naturelle / Ceux qui parlent d’un Complot / Celui qui ne se pardonne pas de ne lui avoir jamais transmis le premier Poème que sa fille Lucinda a composé pour l’Idole / Celui qui prétend que son enfance n’eût pas été la même sans l’apparition de cette Etoile dans le ciel de ses sept ans et demie / Celle qui dans son hommage bouleversant (pense-t-elle) du TJ de midi affirme et réaffirme que cette disparition revêt un caractère historique / Ceux qui porteront le deuil jusqu’à la sortie de l’Album du Souvenir /   Celui qui jette un froid à la cafète de l’Entreprise en affirmant que M.J. dansait comme une poupée mécanique le charme en moins / Celle qui attend un hommage clair et net du président Obama / Ceux qui se sont fait refaire le nez à son image / Celui qui l’a vu en nos murs l’Année du Concert avant d’apprendre qu’il avait engagé trois sosies / Celle qui va proposer à sa prof de musicologie de faire son Master sur l’évolution de Son œuvre depuis Thriller /  Ceux qui vont tout faire pour actionner la communauté Facebook en sorte de blanchir officiellement la mémoire salie de l’Innocence Absolue / Celui qui estime que l’adulation de ce spectre fardé reflète assez nettement le néant de la sous-culture mondialisée / Celle qui l’a toujours sincèrement plaint d’avoir à fréquenter tant d’avocats / Ceux qi avaient prévu de l’enlever le 10 septembre 2001 et qui ont laissé tomber le lendemain, etc.  

     

  • Janus

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    …Là tu me coinces, évidemment, parce que tu sais trop bien que je suis incapable de choisir entre le Rouge et le Noir, je te dis que je suis plutôt macadam et tout de suite je change d’avis : plutôt fougère, le garçon va me chercher mon Coca et je le rappelle aussitôt : plutôt Vodka, bref tu sais ma nullité en matière de directives à mes anges ou mes démons, ça craint vraiment, donc on en reste là, on fait demi-tour ou alors on va chacun d’un côté ou de l’autre, ou disons : je prends plutôt à gauche puisque t’es de toute façon un mec de droite et que ça mange pas de pain si c’est le contraire…

    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui s'éclatent sur WebcamWorld

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    Celui qui se guillotine le Membre Roi devant 1789 voyeurs de WebcamWorld sans quitter son bonnet de sans-culotte / Celle qui a fait de WebCamWorld son boudoir intime / Ceux qui restent interdits en découvrant ce site permissif / Celui qui relit tranquillement L’Erreur de Narcisse de Louis Lavelle (1883-1951) dans le sous-bois ocellé de belle lumière d’automne/  Celle qui reconnaît sa cousine Cerise sur le site à caractère libertin où elle a pris le pseudo de Vampirella / Ceux qui proposent une enquête à l’Assemblée de paroisse des Bleuets afin de déterminer qui a introduit le démon du cybersexe chez les catéchumènes de première année / Celui qui cherche l’âme sœur romantique sur Skype / Celle qui a toujours estimé que The Chose était très surévaluée par rapport aux satisfactions que procurent le tennis de table ou la randonnée en moyenne montagne / Ceux qui s’exhibent en uniformes strictement boutonnés / Celui qui se montre sur WebcamWorl entièrement nu et couvert de peinture de carrosserie (ce qui est dangereux du point de vue dermatologique) rouge Maserati / Celle qui baise avec un kangourou de peluche couinant au moment M / Ceux qui glapissent More Show dans toutes les langues mais surtout en anglais de texto / Celui qui a calé son laptop dans son écurie ultramoderne d’où il suit - tout en rinçant sa machine à traire nickel - les ébats de MollyMissPussy  à Caracas que 2347 voyeurs encouragent à l’instant et notamment Pedro le Brésilien lui répètant obstinément Suck Your Nipples dont la signification échappe au vacher  modèle /  Celle qui aurait pu rencontrer l’homme de sa vie sur Meetic mais que sa vie à préféré faire le rencontrer sur la terrasse du Bar des Acacias en polo couleur chair / Ceux qui surfent dans le virtuel  sans rien perdre (mais c'est rare) de leur aura très réelle, etc.

    Image:Philip Seelen

  • Les douces horreurs de l'amour

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    Le deuxième roman de Noëlle Revaz, Efina, démêle les fils barbelés d’un impossible amour. Entre guerre des sexes et théâtre à tout dire et son contraire. Un grinçant régal.

     

    Dire que le deuxième roman de Noëlle Revaz, sept ans après Rapport aux bêtes, est captivant, pourrait sembler une formule convenue, mais c’est un fait : Efina vous captive, Efina vous fascine même d’entrée de jeu, ce roman-sparadrap (par allusion au Capitaine Haddock qui n’arrive pas à se débarrasser du foutu sparadrap qui lui colle au doigt et et aux semelles) est immédiatement passionnant par sa façon de vous attirer et de vous repousser, comme les deux protagonistes sont irrépressiblement attirés l’un vers l’autre et repoussés par un désir qui se nie et se multiplie à l’instant de se jurer que cette fois c’est bien fini, et ni.

    Efina est l’histoire d’une obsession mimétique qui se transforme en amour plus profond que l’amour qu’il y a trop souvent dans les livres ou sur les scènes de théâtre, exaltation factice. Le roman commence par les retrouvailles de deux personnages : Efina, qui n’est rien qu’Efina, trentenaire passionnée de théâtre à ses heures, et T., comédien fameux et grand tombeur, dont la première apparition le voit, sur scène, jouer alternativement deux personnages que tout oppose : un escroc ventru et un notable raffiné. Efina voit en lui un « merveilleux comédien » auquel elle écrit le soir même en prenant soin de préciser que « l’amour n’est pas entre eux ». Et la lettre ne partira jamais. Or T. a lui aussi écrit une lettre le même soir, comme il en a écrit une au lendemain de leur première rencontre, à laquelle Efina n’a jamais répondu si tant est qu’elle l’ait reçu – ni l’un ni l’autre ne se le rappellent sûrement.

    Les lettres jouent un rôle important dans Efina, autant pour « tout dire » que le contraire, pour séduire en disant le contraire de ce qu’on pense et de ce qu’on sent en inquiétant ou en humiliant (T. est  un champion de ce jeu-là, pour attirer en se dérobant ou en vexant l’autre, pour séduire en jouant la parfaite indifférence, comme les deux personnages s’y emploient - théâtre de la correspondance source de tous les malentendus, aujourd'hui par courriels et textos : masques de l’aveu à distance et défi au temps…

    Après s’être revus une seconde fois au théâtre, Efina et T. s’écrivent donc des lettres qui ne partiront jamais. Tout au long du roman, ils ne cesseront d’ailleurs de s’écrire des lettres, qui arriveront parfois, parfois seront anonymes, souvent diront le vrai, souvent le faux qui parfois est moins faux que le vrai. Or, au dit du roman s’ajoute ainsi le non-dit de lettres non envoyées qui, sous la signature de T., surtout, pourraient constituer un autre roman…

    Efina est un formidable roman de la passion mimétique, telle que l’a décrite René Girard dans Mensonge romantique et vérité romanesque. Mais Efina n’est pas l’illustration d’une théorie : c’est la vie même et la fiction même en craintes et tremblements d'écriture. Efina croit qu’elle aime T. mais c’est peut-être une illusion, en tout cas au début. Elle lui écrit pour lui dire qu’au fond il ne compte pas pour elle, et c’est là, déjà, bien entendu, que la passion repique. Même topo pour T. Efina et T. se cherchent méchamment mais ne coucheront pas avant 40 pages, et ça n’arrangera pas vraiment les choses de découvrir une langue à consistance d'escargot ou des nibards plus fermes qu'on ne l'eut cru, car leur amour est ailleurs, n'est-ils pas ?

    L’amour d’Efina et de T. est tissé par des siècles d’attente d’amour. C'est Paolo et Francesca qui lisent ensemble Love Story avec le même air blasé. T. est marié et saute des tas de femmes, Efina rencontre des hommes plus gentils que T. et s’essaie à la maternité, mais l’enfant l’embête et les hommes se succèdent comme les chiens. Et c’est comme au théâtre, entre cœur et jardins publics : ce qui s’y passe surtout, c’est surtout que le temps passe et vous fait des rides au coeur. 

    Or ce qui ne vieillit pas, dans Efina, c’est l’écriture de Noëlle Revaz. Curieusement maniérée au tout début, ou plus précisément « ralentie » par des expression inattendues, elle s’affûte de magistrale façon au fil des pages, sans se policer pour autant, et devient une joyeuse cavalcade de mots qui font la pige au mensonge romantique pour accéder à la vérité romanesque. Et c’est très drôle, très affreusement juste et drôle, humoristique comme la vie quand elle tombe le masque. 

    Il y a, dans Efina, une énergie endiablée et un humour qui passe, là encore, par les mots.  On pourrait dire que c’est le roman de la dérision du romantisme, et c’est pourtant un roman très émouvant qu’Efina, avec deux admirables portraits d’âme sensibles écorchées vives. Plus on avance « dans » les personnages, plus mufle (apparemment) se montre T., plus insaisissable se montre Efina, plus mal faits l’un et l’autre pour vivre jamais l’un avec l’autre, et plus leur double solitude les rapproche en réalité, pour communiquer parfois. Sans pathos, même si la fin de T. a quelque chose de déchirant, Noëlle Revaz travaille ses personnages à la fine pointe des sentiments et, surtout, sait inscrire leur souffle et leurs pas dans l’inexorable passage du temps. Le temps du roman est un présent apparent, mais qui semble brasser le passé de plusieurs vies et nous ouvrir un autre présent à venir. Roman de la passion invivable, de la guerre des sexes et de la cruauté du grand art (car il y a de l'enfant blessé chez le grand comédien écrabouilleur), entre autres thèmes, Efina fera date (Goncourt al dente ?) et confirme le talent original, avec quelque chose de commun aux héritiers de Robert Walser (pour la candeur jouée) et de Thomas Bernhard (pour la bonne rage), d’une romancière pur jus qui a encore, sans doute, beaucoup à dire…

    Bonheur enfin de lire un vrai roman qui dit le faux pour mieux exprimer la vérité, jusqu’à cette dernière phrase ailée : « Le cimetière est la maison des oiseaux »…

    Revaz2.jpgNoëlle Revaz, Efina. Gallimard, 182p. 

     

    Et encore: La cérémonie du T., dans Libération du 3 septembre, sous la plume d'Eric Loret:

    http://www.liberation.fr/livres/0101588537-efina-la-ceremonie-du-t

  • Liberté

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    …Ah mais, Jessica, quand comprendras-tu enfin que ces gens-là ont choisi de vivre comme ça, cela me paraît évident, toi et moi nous ne le pourrions jamais, c’est vrai, nous avons par trop le sens de notre dignité, sans compter que nous restons prisonniers de nos schémas - et ta pitié en est un signe, mon cœur, alors que ces gens-là se réalisent peut-être plus que nous au niveau du senti…
    Image : Philip Seelen

  • Les Assistants

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    …J’sais pas ce que j’ai fait à Big Father, moi, j’sais pas si je mérite ça, j’sais vraiment pas si j’en vaut la peine, mais partout où je risque de m’effondrer je sens ses Agents qui sont là pour me tendre une main ou une chaise, j’vais pour basculer dans le caniveau et flop en voici un qui me retient, ou flip en voilà une qui me sourit dans la glace quand y a que moi et mon revolver tout prêt, pour un peu j’me sentirais sur la Bonne Voie, mais dès que j’me dis ça, ça fait pas un pli:  j’en vois plus le bout d'aile d'aucun…
    Image : Philip Seelen

  • Deuil

    Panopticon634.jpg… Paraît que pour les Japonais ou les Chinois, je sais plus, le blanc serait la couleur de la mort, si tant est que le blanc soit une couleur, mais tu vois ça : la neige, tu te dis chic, la neige, la neige immaculée, la pureté de la neige, les enfants qui se réjouissent et tout ça, mais ni pour les Japonais ou pour les Chinois, alors tu fais comment, Marie-Aubépine, quand t’as des Japonais ou des Chinois qui se pointent à ton gîte des Gais Alpins et que tout est blanc comme ça ?...
    Image : Philip Seelen

  • La ralentie

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    … C’est où ça que tu vois que je dois vivre à cent à l’heure, c’est quand que je devrais attraper l’aileron du requin pour rester dans le trend, si moi je me fous du vent et de la course, et c’est qui, t’as vu sa gueule ? qui me dit comme ça qu’il faut que m’éclate quand mon vrai bonheur est de m’attarder à n’en plus finir dans tes bras de vieille peau grabataire jouant du saxo comme personne, dont le vrai bonheur et de me jouer les préliminaire tout le temps que l’instant se prélasse…
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui font la gueule

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    Celui qui cuve son fiel dans son aigre retrait / Celle qui guette la moindre défaillance de son tuteur / Ceux qui sapent tout ce qu’on leur propose de constructif / Celui qui bute tous les matins sur l’air renfrogné du portrait de sa belle-mère suspendu dans le corridor aux trophées de chasse de l’aïeul plein aux as / Celle qui est critiquée par ses collègues qu’insupporte sa façon ostentatoire de positiver / Ceux qui recherchent un p’tit coin de ciel bleu dans ce monde leur semblant de plus en plus noir / Celui qui cuve son pessimisme avec cette mauvaise délectation qu’entretient en lui son égomanie de longue date / Celle qui enrage de voir ses jeunes voisins tout joyeux sur le balcon d’à côté / Ceux qui se réjouissent muettement de la faillite de leurs amis Du Perrier finalement bien punis de leur insolente superbe / Celui qui t’annonce avec un ravissement mal dissimulé que ton projet de Jardin Tropical Sur Les Toits n’a pas été retenu par le Jury qu’il préside / Celle qui insinue que c’est pour refouler sa sensualité débridée que notre cousine Jessica fait retraite aux couvent des Ursulines / Ceux qui parlent d’un ton revêche aux jeunes du quartier laissant éclater leur bonne humeur dans le nouveau métro / Celui qui exulte littéralement du matin au soir dans son appart minable d’étudiant en mandarin / Celle qui ne veut pas entendre la Bonne Nouvelle que lui annonce l'évangéliste Colinet / Ceux qui estiment que sourire à la vie dénote un manque de sens moral, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Le legs

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    …Nous ne laisserons certes rien derrière nous, Monsieur Meursault, que la pierre et le lierre, j’irai même jusqu’à reconnaître que de votre indifférence esthète il ne restera rien que la pierre sous laquelle vous reposerez et le lierre qui en recouvrira l’inscription effacée, mais notre contrat de La Vie assurée garde cependant toute sa validité pour cette enfant du hasard que vous avez enfin identifiée et reconnue - si vous voulez bien signer là…
    Image :Philip Seelen

  • Welcome

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    …Venez, esprits délicats, votre servante est là qui vous espère et vous attend, venez rétablir la règle angulaire d’affabilité et de géométrie en ce monde souillé et malpoli, ramenez la Force douce et les bonnes manières, venez tendres âmes de l’Origine nous révéler la Lumière à venir…
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui claudiquent

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    Celui qui monte sur le toit de la maison de retraite pour voir la mer / Celle qui supplie son fils surnommé Mahmoud le Bon de ne pas se jeter du haut du minaret / Ceux qui se retiennent de hurler en visitant les abattoirs / Celui que la nouvelle planification nationale d’Ambition Réussite décourage d’avance / Celle qui écrit sur le mur d’un ancien bassin pour éléphants autour duquel se pressent ses élèves super attentifs / Ceux qui ne prennent en compte que les écrivains morts / Celui qui se cache de ses potes pour écrire un poème / Celle qui offre un bouquet de violette à la vieille accordéoniste aveugle / Ceux dont la colère gronde derrière les murs du lazaret / Celui qui se tranche la gorge pour n’avoir pas à obéir à l’ordre d’achever les blessés dont il connaît les mères et les soeurs / Celle qui te demande si tu te crois dans un film quand tu braques son bureau de tabac / Ceux qui te font comprendre que chauler un mur tagué coûte trop chaud / Celui qui préfère vivre dans la barre entourée de décharges que dans le quartier de villas Mon Rêve  qu’il appelle le Cimetière / Celle qui affirme au TJ du soir que les Palestiniens et les Israéliens devraient entamer «un dialogue franc et ouvert» sans se rendre compte que son chemisier jaune à une tache d’encre violette sous son nibard gauche / Ceux qui enjoignent les Gazaouis de «sortir par la mer» / Celui qui se rappelle le poème lourd de reproche et de colère de Mahmoud Darwich intitulé Passants parmi des paroles passagères / Celle qui rappelle que Darwich n’a jamais préconisé de jeter les juifs à la mer / Ceux qui ont choisi un « lieu de vie » où ils n’ont de comptes à rendre à personne, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Au niveau du signifiant

     

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    …Et là tu veux dire quoi ? Tu crois pas que tu nous la fais au reflet du réel ou quoi ? Tu crois pas que tu donnes dans le voyeurisme et tout ça ? Tu crois pas que tu donnes dans le misérabilisme et tout ça ? Tu crois pas que tu te la joues pléthore du signifié surdéterminé par l’émotionnel et tout ça ? Et tu voudrais que nous montrions cette image dans notre expo concept Les signes de la Ville - non mais je rêve ou quoi ?

    Image : Philip Seelen   

  • Pour mémoire

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    … C’est quoi ces noms, ça veut dire quoi ces âges ? Moi j’ai vu ça je me suis dit: super le tag mais j'ai pas eu le temps avec ce type qui arrivait, et puis  la craie marque pas si bien sur cette pierre lisse, mais tu peux me dire pourquoi qu’il photographie cette pierre le type avec son appareil, tu crois qu’il photographie ce que j’ai griffonné le type  - tu crois qu’il va montrer ça au gardien ou aux flics antitags ou quoi ?...
    Image : Philip Seelen

  • Simenon le médium

     

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    Georges Simenon s'est éteint à Lausanne le 4 septembre 1989. En la capitale vaudoise se donneront des conférences de John Simenon et Pierre Assouline, une exposition, des projections à la Cinémathèque, notamment. Programme complet: www.24heures.ch/Simenon

     

     Bien plus que le seul « père de Maigret», Simenon fut un médium du roman capable d’endosser toutes les destinées.


    Cité par l’UNESCO comme l'écrivain contemporain  le plus lu au monde au vu du nombre de ses traductions, Georges Simenon fut longtemps snobé par une bonne partie du monde littéraire et académique, particulièrement en France. Les reproches qui lui étaient faits touchaient à sa prolixité et à la présumée platitude de son écriture. Etait-il concevable qu'un auteur produisant une moyenne de cinq à dix romans par année pût être autre chose qu'un marchand de soupe, et le  « style Simenon » ne se réduisait-il pas qu'aux clichés d'une trop fameuse atmosphère poisseuse, dans laquelle se traînaient des «antihéros» interchangeables ?

    Si ces questions ont nourri la suspicion des gens de lettres, certains de ses pairs lui vouaient la plus naturelle admiration. André Gide le premier, qui lui manifesta autant de respect professionnel que d'affectueuse attention, l'avait écrit: « Il est le plus grand de tous... le plus vraiment romancier que nous ayons en littérature ». Et William Faulkner de surenchérir: "J'adore lire Simenon. Il me fait penser à Tchékhov".

    À propos de son écriture, on rappellera que la très stylée Colette fut la première, à la lecture de ses textes, à lui conseiller de « faire moins littéraire », devinant que cet écrivain était de la race rare de ceux qui en disent le plus avec le moins de mots. Le professeur Jacques Dubois, qui a établi l'édition de La Pléiade, ne dit pas autre chose: que l’écriture de Simenon n'a rien qui « brille» mais qu’elle relève d’une « langue-geste » au pouvoir d’évocation sans égal, restituant la sensation physique autant que  l'intuition, la perception profonde, instinctive, des moindres « messages » du corps et du cœur humains, attentif à l’extrême aux relations entre individus filtrées par son art du dialogue et du non-dit.

    Au demeurant, le succès universel de Simenon n’est dû ni à son seul style ni au seul Maigret. Il est vrai que celui-ci est l’un des plus beaux personnages de la littérature policière, auquel l’auteur a donné quelques traits particulièrement attachants de son propre père. Mais le commissaire n'est qu'un des innombrables personnages de Simenon, dont l’empathie humaine est aussi étendue que sa porosité à toutes les atmosphères et à tous les « gestes » humains.

    Simenon voit l’homme au travail, autant que l’individu en rupture de routine et de normalité. Les romans de Simenon sont pleins de personnages qui, d'un jour à l'autre, rompent avec le train-train. Pas par révolte déclarée, sociale ou politique: presque biologiquement, comme une plante se tournant vers le soleil. Et c'est La fuite de Monsieur Monde, c'est la folle échappée de L'homme qui regardait passer les trains, c'est le rêve africain du Coup de lune ou du Blanc à lunettes. Autant d’espoirs et de rêves brisés, que les humains de partout reconnaissent.

    Dans Lettre à mon juge — roman clé pour comprendre le romancier, comme Lettre à ma mère et Le livre de Marie-Jo sont des confessions décisives pour comprendre l'homme —, nous touchons au cœur de cette nostalgie d'un ailleurs plus simple et plus vrai  qui pousse les individus au bout d'eux-mêmes. Evoquant le suicide de son père, viveur et buveur invétéré, trompant à n'en plus finir une femme admirable et qu'il aime pourtant, le fils criminel de Lettre à mon juge essaie de comprendre le désespéré et déclare sur un ton rappelant Bernanos: « Je ne vous dirai pas que ce sont les meilleurs qui boivent, mais que ce sont ceux, à tout le moins, qui ont entrevu quelque chose, quelque chose qu'ils ne pouvaient pas atteindre, quelque chose dont le désir leur faisait mal».

    A un moment donné, n'importe quel quidam peut ressentir le vide de sa vie et en souffrir. Les plus «purs» quittent alors le monde pour le « désert» du contemplatif, du mystique ou du saint. Chez Simenon : du déviant ou du clochard. Dans l'univers de Simenon, que notre confrère Henri-Charles Tauxe a justement caractérisé, ce sentiment du vide social ou affectif renvoie à une autre sorte de «vide» dont parlent les mystiques de toutes les traditions, qu'il soit « néant capable de Dieu », chez Pascal, ou vide-plein du bouddhisme zen. Cette nostalgie de l'infini luit «comme un brin de paille» dans les ténèbres suavement abjectes, sourdement tragiques et infiniment humaines des romans de Simenon.

    Henri-Charles Tauxe, Georges Simenon. De l'humain au vide, Paris, Buchet-Chastel, 1983.

     

     

    ENTRETIEN Henri-Charles Tauxe, journaliste, écrivain et psychanalyste, a bien connu Simenon, qui lui offrit un scoop mondial…

    Le 7 février 1973 paraissait, dans 24 Heures, un entretien exclusif de Georges Simenon avec notre confrère Henri-Charles Tauxe, auquel le grand écrivain annonçait sa décision de cesser d’écrire des romans. En septembre 1972, Simenon avait mis en vente sa maison d’Epalinges. Un mois plus tard, il s’installait au bas de Lausanne avec sa dernière compagne. Avec plus de 200 romans à son actif, sans parler de sa première production alimentaire sous une quinzaine de pseudonymes, Simenon se disait «délivré» après 55 ans passés dans la peau de ses personnages. « C’est une nouvelle vie qui commence » ajoutait-il à la veille de ses 70 ans, non sans déclarer à Tauxe, évoquant le Prix Nobel, qu’il était résolu à le refuser. Et toutes les « dictées », qu’il publia par la suite, confirment ce rêve réalisé de finir sa vie en Monsieur Tout-le-monde.

    Le « scoop » du rédacteur de 24 Heures ne relevait pas du hasard. De fait, Simenon et Tauxe avaient noué des liens d’amitié depuis leur première rencontre, suscitée par l’écrivain lui-même, qui dépassaient le cadre journalistique ordinaire. Précisons alors que la connaissance approfondie de notre confrère en matière de psychanalyse, et ses multiples intérêts extra-littéraires, notamment pour la neurobiologie, avaient suscité l’intérêt particulier de l’écrivain. « Venez donc parler, Tauxe »…

    « Ce qui m’a toujours frappé chez Simenon, explique aujourd’hui le septuagénaire Henri-Charles Tauxe, c’est sa curiosité inépuisable et son sens de l’humain universel. Il n’en finissait pas de vous questionner. Lorsque je suis devenu psychanalyste, il m’a dit un jour qu’il serait un jour mon client… Cela ne s’est pas fait, mais dès que la confiance s’est établie entre nous, il m’a dit des choses très personnelles en sachant que je n’en ferais pas état. Sur les femmes, par exemple, et sur sa fréquentation assidue d’un cabaret lausannois. « Ah Tauxe, je viens de m’en faire quatre ! ». On sentait qu’il avait besoin d’en parler. Plus tard, avec son ami Fellini, sa réputation de grand baiseur a fait le tour du monde… »

    Or comment le psychanalyste explique-t-il cette consommation sexuelle effrénée, que d’aucun réduisent à un taux de testostérone exceptionnel ? «La physiologie est une chose, mais le cas de Simenon est sans doute beaucoup plus compliqué. Comme on le voit notamment dans la révélatrice Lettre à ma mère, Simenon a vécu un Œdipe très difficile. A la carence affective initiale s’est ajoutée, avec les années, le déni répété de cette mère qui l’a humilié, par exemple, en lui rendant tout l’argent qu’il lui avait offert des années durant. Et puis il y a, omniprésent dans ses romans, un fonds d’angoisse qui se libère probablement par cette décharge. On sait en outre les relations conflictuelles de Simenon avec ses épouses. On l’a dit misogyne, mais c’est complètement réducteur. Pour l’homme, je me contenterai de reprendre sa devise : comprendre et ne pas juger. Or son œuvre nous aide énormément à comprendre l’homme… et la femme ! »

    Dans un essai sur Simenon d’une pénétrante acuité, intitulé Georges Simenon, de l’humain au vide, Henri-Charles Tauxe a mis en lumière les relations que Simenon entretenait avec ses semblables, la vie sous tous ses aspects et le cosmos, dans l’optique d’une certaine spiritualité agnostique.

    «Le retentissement universel de son œuvre n’a rien à voir avec un truc d’auteur à succès, relève encore Tauxe, et tout avec sa fabuleuse capacité de se mettre dans la peau des autres et de traduire leurs angoisses, leur ras-le-bol, leur désir de changer de vie, leur sentiment du vide social ou sidéral. L’angoisse, autant que l’agressivité, sont des phénomènes qui s’enracinent dans l’inconscient, et Simenon l’a saisi en médium. La dernière fois que nous sommes rencontrés, quelques mois avant sa mort, au Château d’Ouchy, nous avons eu une bonne conversation sur la vie comme elle va et ne va pas en ces temps de déshumanisation qui l’effrayaient, mais Simenon ne posait jamais au philosophe. Ses derniers mots me restent : « Ah, Tauxe, merci, nous avons passé un bon moment…»

     

    Le commissaire Maigret, la quarantaine flasque quand il apparaît dans Pietr le Letton, terrien de souche entré dans la police parisienne par la petite porte, pourrait être dit le contraire de l’expert. Commissaire rondouillard, bougon, vagabondant armé de sa seule pipe, coiffé d’un melon puis d’un chapeau mou, buveur mais pas trop, mangeur de saucisson et des plats mitonnés par Madame Maigret, le commissaire n’a rien de commun avec les cracks raisonneurs du roman à énigme (Sherlock Holmes ou Hercule Poirot)  ni avec ceux du roman noir américain, de Philip Marlowe à Lemmy Caution. Il dort en chemise de nuit et se découvre devant les dames, il est à la fois vague et formidablement présent. On sait sa parenté avec le père de Simenon, dont celui-ci disait qu’il « aimait tout ». On constate à tout moment sa profonde humanité. Plus que l’énigme, c’est le motif du crime qu’il interroge, le pourquoi du passage à l’acte. Plus que le crime, c’est le criminel qui l’intéresse, Fils d’humaniste taciturne, Jules Maigret sera, comme Simenon, celui qui essaie de comprendre sans juger. Plus que justicier patenté, il est « peseur d’âmes ». Or ce n’est qu’en 1950 que l’écrivain en dira plus à propos de son personnage, au trente-sixième volume de la série, avec Les mémoires de Maigret.

    Dans la foulée de Maigret, les auteurs de polars contemporains ont « humanisé » le genre. En France, un Alain Demouzon avec Melchior, son héros « surbanalisé », Didier Daeninckx radicalisant l’approche sociale de Simenon sans le renier, comme le Pepe Carvalho de Montalban, en  Espagne, politise ce cousin de Maigret. En Italie, Giorgio Scerbanenco s’inscrit lui aussi dans cette filiation avec son toubib Duca Lamberti, comme cet autre auteur « culte » qu’est devenu Andrea Camilleri, qui se réclame explicitement de Maigret dans la genèse de son Montalbano.

    Enfin, le côté anti-expert de Maigret se retrouve chez les romancières anglaises Ruth Rendell ou P.G. James autant que chez divers auteurs nordiques (dont un Henning Mankell), et jusque dans les deux séries télévisées « humanistes » de Columbo et Derrick…

     

    Dix entrées du Labyrinthe

     

    Simenon8.jpgEn Pléiade

    Avec ou sans Maigret, la bouleversante Lettre à mon juge, Le Bourgmestre de Furnes et son tableau balzacien d’une déroute, ou encore Les inconnus dans la maison et sa défense de la vraie justice, sont présents dans le premier de ces deux volumes de Romans rassemblant le Simenon « essentiel » en 22 titres. Le second s’ouvre sur La neige était sale, roman « noir » de l’Occupation, et s’achève sur Le chat. Une consécration, chez Gallimard, avec une préface magistrale de Jacques Dubois et l’Album iconographique Simenon.

     

    Côté bio

    Un troisième volume de La Pléiade rassemble Pedigree, roman à valeur biographique (jusqu’à seize ans), et la terrible Lettre à ma mère, entre autres romans qui ont des résonances liées à la vie de l’écrivain. Indispensables aussi : le  Simenon de Pierre Assouline, biographie de grande envergure qui ne cache rien des positions parfois discutables de l’écrivain, rééditée en Folio. Très utile aussi : L’univers de Simenon, sous la direction de Maurice Piron, aux Presses de la Cité. Pour tout « routard » simenonien…

     

    Pietr-le-Letton

    Premier Maigret, entre Paris et Fécamp, riche en rebondissements et coups de théâtre. Le commissaire a déjà sa méthode d’immersion dans le milieu, attendant la « faille » révélatrice de la personnalité du suspect. Jouant sur le thème du double, avec la découverte d’un cadavre sosie du célèbre escroc international attendu à Paris, Maigret fait de l’enquête une affaire personnelle après la mort de son camarade Torrence. Finalement coincé, le faux Pietr confesse son passé au commissaire avant de se suicider sous ses yeux. Poche, 2008.

     

    Le Coup-de-lune

    Premier des romans « africains » de Simenon, ce livre fait écho aux remarquables reportages de l’écrivain par sa façon de décrire et de critiquer l’administration coloniale française dans les années 1930. Joseph Timar, fils de fonctionnaire venu tenter sa chance dans le commerce colonial, perd vite ses illusions après le meurtre d’un jeune boy à quoi s’ajoute la faillite de l’entreprise qu’il devait rejoindre. Violent et sensuel à la fois, ce roman de la désillusion coloniale saisit par sa façon de vivre une dérive personnelle de l’intérieur. Poche, 2003.

     

    L’Affaire Saint-Fiacre

    Est-il bien fiable, ce Maigret qui ne découvre pas le coupable au terme de son enquête, dont la conclusion sera « donnée » par le héros rentier, Maurice de Saint-Fiacre, en ce lieu très évocateur de son enfance pour le commissaire y revenant trente-cinq ans plus tard. Si l’ « efficacité » conventionnelle n’y est pas, le roman creuse plus profond et a été reconnu, par les spécialistes, comme l’un des sommets de la littérature policière, avec Le petit homme d’Arkhangelsk. Poche 2003 et 1997.       

     

    Les gens d’en face

    Relevant des « romans de la destinée », donc non-Maigret, que Simenon appelait aussi ses « romans durs », cette évocation de la vie à Batoum, ville du sud de l’Union soviétique, au début des années 30, constitue un tableau impressionnant de la vie quotidienne soumise à l’oppression stalinienne, sans trace pour autant de discours politique. Le protagoniste en est un jeune consul turc du nom d’Adil bey, qui a de la peine à s’adapter à sa vie à Batoum, où « les gens d’en face », un agent de la police secrète et son épouse, exacerbent son malaise. Poche, 2004.

     

    Le Pendu de Saint-Pholien

    Un pur Maigret qui se rapproche, par sa substance, des romans-romans de Simenon, et par sa densité existentielle et par ses liens aussi, avec la jeunesse liégeoise de l’écrivain. C’est au terme d’une mission accomplie à Bruxelles que Maigret se lance dans une autre affaire après le suicide d’un inconnu dont il apprend qu’il est originaire de Liège et a participé à une société secrète anarchisante mêlée à un meurtre. Baignant dans une atmosphère lourde et tendue, le roman révèle une fois de plus la sagesse du commissaire.

     

    Les trois crimes de mes amis

    Le thème du « passage de la ligne » est essentiel dans l’univers de Simenon, qui fait que certains d’entre nous, d’un jour à l’autre, deviennent criminels. Dans ce récit en première personne qui tient à la fois de la remémoration personnelle et du roman, Simenon évoque trois destinées de meurtriers qui le ramènent dans son quartier d’Outremeuse et, plus précisément, dans le même local bohème proche de l’église de Saint-Pholien. Toute une époque, vécue par le jeune journaliste, revit avec cette évocation liégeoise d’entre-deux-guerres.  

     

    Le fond de la bouteille

    Il y a de l’atmosphère faulknérienne dans ce roman « américain » d’une âpreté qui n’a d’égale que le sentiment profond de haine-amour  liant deux frères, sur fond de dérive alcoolique et d’orages mexicains à la saison des pluies. Lorsque Pat, notable d’un village-frontière de l’Arizona, entre Mexique et States, voit débarquer un soir son frère Donald, condamné pour meurtre, l’alcool exacerbe le ressentiment refoulé dans un conflit qui rappelle le frère « ennemi » de Simenon. Le dénouement a, d’autant plus, valeur d’exorcisme.

     

    Le Petit saint

    Simenon disait que ce roman, composé à Epalinges en 1964, était l’un de ses préférés. Il y est question de l’enfance et de la formation de Louis Cuchas, avant-dernier né d’une famille de six enfants dont la mère se partage entre ses amants successifs et sa charrette de marchande des quatre  saisons. Grouillant de vie finement observée, dans le quartier parisien des Halles et dans la bohème artistique des années 1920, cette éducation sentimentale d’un artiste gardant son cœur pur quand il devient célèbre diffuse une belle lumière.  

     

    Ces articles ont paru ce samedi 29 juin 2009 dans le supplément spécial consacré à Georges Simenon par 24 Heures. Cf: www.24heures.ch/Simenon

     

     

     

     

  • Les Experts au défi

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    …On ne sait pas comment il est entré avec ces barreaux, ni comment il a pu ressortir avec cette porte murée, en tout cas ce n’était pas un étranger, parce qu’il n’y avait rien à voler, et dans la région il y a bien des jalousies mais nos gens ne sont pas malins au point d’incendier un rural sans laisser une bricole d’ADN…
    Image : Philip Seelen

  • T’as pas 2 balles ?

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    … Mais non manouche, j’veux pas t’arnaquer, j’te demande juste une pièce, et comme t’en as vingt dans ton chapeau, j’te donne un billet de dix, tu m’en donnes cinq et je t’en rallonge un pour le service - ah mais non, le billet de cent pour réparer ton accordéon, ça tu demandes au Service Culturel de la Migros…
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui lanternent

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    Celui qui porte cette horrible cravate de skaï rose et verte que lui a offert la mère de son épouse en 1976 et dont il pense que cela le remettra dans ses bons papiers au moment du partage / Celle qui se rappelle l’odeur de feu de bois du corps de son premier flirt hélas disparu en mer / Ceux qui vivent aux crochets de l’oncle économe / Celui qui revend au bouquiniste sourd les polars qu’il lui a fauchés la veille / Celle qui serre les lettres anonymes qu’elle n’envoie jamais dans un carton à chaussures de marque Bata / Ceux qui n’ont pas compris leur neveu Boubi quand il leur a dit qu’il assumerait désormais sa différence / Celui qui finit les pompes de ses frères aînés / Celle qui en tant que nourrice attitrée a branlé tous les fils en bas âge du Comte De La Paluche pour les endormir / Ceux qui distillent le mauvais esprit léniniste dans la famille Du Pasquier banquiers depuis sept générations à Neuchâtel / Ceux qui ont eu plus de cinq femmes dans leur vie et aucun divorce coûteux pour autant / Celui qui tombe amoureux de l’avant-dernier ex de sa cousine Lola au cours d’une de ces fêtes dont elle a le secret / Celle qui présente volontiers ses ex qu’elle sent proche de vivre des expériences inédites / Ceux qui préfèrent la peinture sur porcelaine aux 376 positions de l’amour hindou / Celui se dit essentiellement un héritier du soufisme dans ses travaux de macramé à motifs ésotériques / Celle qui propose à son ami Le Tatoué de prendre au lit son caniche que le rustre malmène au moment de l’Acte / Ceux qui ne parlent jamais de sexe mais font encore un peu l’amour malgré leurs courbatures de centenaires, etc.

    Image: Philip Seelen.

  • L'Ange blessé

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    La scène apparaît dans les nuées tourmentés d'un ciel de songe, à la fin du court-métrage d'Alexandre Sokourov intitulé Le rêve d'un soldat. Or de qui est cette peinture étrange et belle ? C'est la question que je me suis posée avant de demander à mon ami Philip de la capter en noir et blanc pour notre Panopticon. Et voici qu'à ma demande d'identification vient de répondre l'inestimable, inappréciable, irremplaçable et non moins impossible Niki, sorti de son fourré d'Ardenne bleue. Intitulé L'Ange blessé, le tableau date de 1903 et son auteur est l'artiste finnois Hugo Simberg, à propos duquel Wiki, par Niki, nous dit tout ce que nous devons savoir. Que Niki et Wiki en soient bonnement remerciés... 

  • Débandade

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    …Là ça craint vraiment pour l’Aventure, avant, avec les vaches pères, t’avais ton troupeau de mômes, tu faisais gaffe, mais quand même, t’allais pas les priver de porter du rouge, donc on traversait tout crâne le pâturage avec les muletos et ensuite ouf le louf, mais là c’est la loi des veaux, y a plus rien à faire, t’as même plus le Danger pour t’éclater…

     

    Image : Philip Seelen

  • Défense de l’emblème

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    … C’est entendu, les cheminées de nos unités de navigation, fierté de nos lacs alpins, ne lâchent plus vraiment de fumée authentique, ce qui profite à l’environnement et aux bronches des non-fumeurs, mais pouvez-vous imaginer  nos bateaux sans cheminées alors que vous militez pour le maintien convivial des minarets ?...

    Image : Philip Seelen

  • Copie conforme

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    ...La nuit où le Pont de la Chapelle a brûlé les Japonais ont pleuré, on les croit dénués de sensibilité parce qu’ils ont la peau lisse, mais ils écoutent la musique allemande ou française et même italienne comme personne et leur façon de vénérer ce qui nous semble cliché est touchante, surtout : l’idée qu’il n’y ait plus de pont, que les cartes postales représentant le pont n’aient plus de sens leur était aussi intolérable que celle de l’effondrement du Cervin dont, tout pareillement, ils seraient prêts à financer la reconstruction au cas où...
    Image : Philip Seelen

  • Carnets de la Désirade

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    Panopticon763.jpgNotes de Janvier (extraits) 

     

     À la Désirade, ce dimanche 4 janvier 2009. – Une belle photo de Philippe, où l’on voit Lucienne et Florent, l’ami de Sophie, en train de faire ensemble un puzzle dans un rayon de soleil oblique traversant le clair-obscur, rend à merveille le climat familial dans lequel nous avons passé les fêtes et le tournant de l’année. Cette image me restera comme un emblème de l’affection qui nous relie les uns aux autres, de même que l’image de la flamme dont le reflet palpite dans l’arbre enneigé, que ma bonne amie a photographiée l’autre jour.

     

    À La Désirade, ce samedi 10 janvier. Me viennent, tous les matins, des pensées que j’aimerais inscrire de façon plus nette et régulière. Je les intitulerai Pensées de l’aube. En voici trois pour commencer…  

     

    DSCN1653.JPGDe la joie. - Il y a en moi une joie que rien ne peut altérer : telle est ma vérité première et dernière, ma lumière dans les ténèbres. C’est dans cette pensée, qui est plutôt un sentiment, une sensation diffuse et précise à la fois, que je me réveille tous les matins.

     

    De l’Un. – Ma conviction profonde est qu’il n’y a qu’un seul Dieu et qu’une seule Vérité, mais que cela n’exclut pas tous les dieux et toutes les vérités : que cela les inclut.

     

    Du noir. – Plus vient l’âge et plus noir est le noir d’avant l’aube, comme un état rejoignant l’avant et l’après, à la fois accablant et vrai, mais d’une vérité noire et sans fond qui reprend bientôt forme tandis qu’un sol se forme et qu’un corps se forme, et des odeurs viennent, et des saveurs, et la joie renaît - et cet afflux de nouveaux  projets.

     

    A La Désirade, ce lundi 12 janvier. – Je pense ce matin à mon père, qui aurait eu 93 ans aujourd’hui. Ensuite composé mes Pensées de l’aube, qui me sont venues d’une coulée. Je vais m’y employer chaque matin, comme à une sorte d’exercice spirituel et grammatical à la fois.

     

     

    Paint83.JPGDe l’offrande. – Je me réveille à hauteur de source, j’ai refait le plein d’énergie, sous la cloche d’azur je tinterai tout à l’heure comme l’oiseau, puis je descendrai par les villages aux villes polluées et là-bas j’ajouterai ma pureté à l’impureté, je vous donnerai ce qui m’a été donné les yeux fermés.

     

    De l’absence. – Je n’aime pas que tu ne sois pas là, je n’aime pas avoir pour écho que ton silence, je n’aime pas cet oreiller que ta tête n’a pas martelé du chaos de tes songes, je n’aime pas cet ordre froid de ton absence que nous sommes deux à ne pas aimer, me dit ton premier SMS de là-bas.

     

    De l’espérance. – Tu me dis, toi le désespéré, que mes pleurs sont inutiles, et tout est inutile alors, toute pensée comme l’aile d’un chant, toute esquisse d’un geste inutilement bon, toute ébauche d’un sourire inutilement offert, ne donnons plus rien, ne pleurons plus, soyons lucides, soyons froids, soyons utiles comme le couteau du bourreau. 

     

    A La Désirade, ce dimanche 18 janvier. – J’ai visionné hier soir Du bruit dans la tête, le dernier film de Vincent Plüss, film d’auteur romand  typique de la nouvelle génération des trentenaires, d’une vive sensibilité et d’une grande plasticité visuelle aussi, avec une jeune comédienne remarquable, du nom de Céline Bolomey.  Immédiatement après cela, nous avons encore regardé Séduction dangereuse, thriller américain à tout casser avec Bruce Willis et une fille canon, mais qui s’est éventé aussitôt après alors que Du bruit dans la tête me restait précisément « dans la tête »…

     

    Des mains amies. – J’ai mal au monde, se dit le dormeur éveillé, sans savoir à qui il le dit, mais la pensée se répand et suscite des échos, des mains se trouvent dans la nuit, les médias parlent de trêve et déjà s’inquiètent de savoir qui a battu qui dans l’odieux combat, les morts ne sont pas encore arrachés aux gravats, les morts ne sont pas encore pleurés et rendus à la terre que les analystes analysent qui a gagné dans l’odieux combat, et le froid s’ajoute au froid, mais le dormeur dit à la nuit que les morts respirent encore…

     

    De la vile lucidité. – Ils voient partout des alibis, toute pensée émue, tout geste ému, toute action émue ils les dénoncent comme nulles et non avenues, car ils voient plus loin, la Raison voit toujours plus loin que le cœur, jamais ils ne seront dupes, jamais on ne la leur fera, disent-ils en dénonçant les pleureuses, comme ils les appellent pour mieux les démasquer, mais ce ne sont pas des masques qu’ils arrachent : ce sont des visages.  

     

    De la compassion. – Mais aussi tu te dis : de ta pitié, qu’en ont-ils à faire ? Les chars se retirent des décombres en écrasant un peu plus ceux qui y sont ensevelis et tu devrais faire ton sac, départ immédiat pour là-bas, mais qui s’occupera du chien et des oiseaux ? Et que fera-t-elle sans toi ? Et toi qui ne sait même pas construire un mur, juste bon à aligner quelques mots, juste ces quelques mots pour ne pas désespérer: courage les vivants…

     

    A La Désirade, ce mercredi 21 janvier. – Il n’y a, pour L’Enfant prodigue, qu’une discipline à restaurer : l’écriture à l’encre verte, une ligne après l’autre. C’est ainsi que je recopie, à la main, toute la partie lancée à la machine, des quatrième et  cinquième chapitre, et tout le chapitre Veillée des silencieux, dont les premières quinze pages ne m’ont pas satisfait, faute de suite et d’attention.

    Même chose pour la peinture : c’est par l’odeur de l’huile que je vais y revenir, et la suite attentive, une couche après l’autre…

     

    A La Désirade, ce jeudi 22 janvier. – Très étonné, ce matin, de trouver plus de 900 visiteurs dans les stats de mon blog. Est-ce une erreur ou l’effet de je ne sais quelle annonce ? A vrai dire je n’en ai cure, plutôt inquiet du temps que je passe sur la Toile, au détriment de mon Enfant prodigue, auquel je n’ai pas avancé ces derniers temps.

     

    À La Désirade, ce dimanche 25 janvier. – Tôt levé ce matin. Tôt achevé mes Pensées de l’aube. Tôt relancé la machine. Grand beau temps. Bonne écriture en perspective. Bonne lecture. Bonne peinture. Et ce sentiment cuisant, cependant, que tout va à vau-l’eau. Pour ce qui me concerne alors : tout à relancer, tout à revivifier. Le sentiment d’une grande solitude, quoique je sois bien entouré par des proches très attentifs. Mais le sentiment de froid et de vide, s’agissant des autres, n’en est pas moins là. Seule réponse me concernant : mes livres, ma peinture, la présence d'L.

     

     

    °°° 

    Se rappeler, à tout moment, que c’est le manuscrit qui commande – le manuscrit et la toile aussi. Faire compte seul. Ne faire que faire. Ne faire que ce qui me plaît. Or ce qui me plaît essentiellement, c’est tirer, de la matière, beauté et spiritualité. Ne penser ainsi qu’à donner. C’est cela même : ne penser qu’à donner.

     

    A La Désirade, ce lundi 26 janvier. – Très bonnes dispositions ce matin, après un éveil troublé par un cauchemar. Mon idée fixe : ne faire que faire, une chose après l’autre. Ne plus rien attendre de quiconque, hors de mes tout proches, et construire obstinément. Ceci constitue d’ailleurs ma force : l’obstination.

     

    Notre besoin lancinant de reconnaissance relève d’une espèce d’obsession d’époque qui nous impatiente et nous affole, proportionné sans doute au sentiment que nous avons d’être seuls et abandonnés

     

    °°°  

     

    Renouer avec le texte et la matière picturale est essentiel. J’entends : le geste. Cela surtout compte : le geste.

     

    °°°

     

    Sheers1.jpgJe suis en train de découvrir, ces jours, trois nouveaux auteurs anglais de belle qualité : Owen Sheers, John Burnside et David Mitchell. Résistance d’Owen Sheers est immédiatement prenant, dans la foulée poétique d’Edna O’Brian ou de John McGahern. Il y a là une épaisseur humaine et une qualité poétique d’expression rares aujourd’hui. Ces auteurs ont en commun un sens de la société beaucoup plus affûté que leurs pairs français

      

             °°°

    L’allégresse vient en chantant.

     

    °°°

    Peut-on rester croyant en étudiant réellement les textes ? Je me le demande. Je me demande quelle sorte de foi reste possible… de bonne foi ? Je sais que l’amour reste et que l’inquiétude subsiste elle aussi, mais ce qu’on appelle la foi ? Je me le demande. Newman disait: « De même que dix mille poneys ne font pas un cheval, dix mille difficultés ne font pas un doute ». Or n’est-ce pas, justement une de ces pirouettes de théologiens qui relèvent d’une certaine mauvaise foi ?

     

    A La Désirade, ce jeudi 29 janvier. – Nouvelle surprise ce matin, à la lecture des stats de mon blog : plus de 1000 visites en un jour et 11.000 pages consultées. Et pourquoi cela ? Quel nom, quel thème ont suscité ce regain d’attention ? Quelle recommandation de qui ? Pas la moindre idée.

     

    °°°

    Assez intéressé par le nouveau livre de Danielle Sallenave, Nous, on ne lit pas, où elle raconte ses expériences dans une école de Toulon. Note au passage qu’elle considère l’écriture comme une joie qui contient sa propre rémunération. Tout à fait mon sentiment.

     

    Vif plaisir à lire Interventions 2 de Michel Houellebecq. Sacré lascar tout de même. Sa façon de traiter Prévert de con et de parler de Robbe-Grillet m’est plutôt sympathique ; sa façon de faire le mariole n’exclut pas des vues intéressantes et souvent originales.

    PaintJLK32.JPGDe la lecture. – Moi c’est comme une lumière qui montrerait tout à coup les couleurs du vitrail, un livre, c’est comme une fleur de papier qui s’ouvre dans l’eau, ou c’est comme l’eau que tu découvres toute nue et toute fraîche et toute froide et toute belle après le coup de hache dans la glace du lac…

     

    De la délicatesse. – Toi je vois que tu ne supportes pas les compliments et la lèche des médias et des gens importants, après ton concert, te retenant cependant de ne pas leur sourire de tes vieilles dents de divine pianiste à peu près aveugle, et c’est pourquoi je reste si longtemps à t’observer de loin, te souriant lorsque tu te penches vers notre enfant qui s’excuse de te déranger avant de t’offrir son bouquet de pensées…

     

    De la bienveillance. – À ces petits crevés des fonds de classes mieux vaut ne pas trop montrer qu’on les aime plus que les futurs gagnants bien  peignés du premier rang, mais c’est à eux qu’on réservera le plus de soi s’ils le demandent, ces chiens pelés qui n’ont reçu que des coups ou même pas ça : qui n’ont même pas qui que ce soit pour les empêcher de se déprécier.

     

    Ascal2.jpgÀ La Désirade, ce samedi 31 janvier. – En apesanteur ces jours, ou peu s’en faut. Content d’un nouveau lien, avec Françoise Ascal, écrivain de Franche-Comté qui a suivi la composition de mon Enfant prodigue avec beaucoup d’attention. Ses propres mots et images, dans un très beau texte intitulé Noir-racine, paru sur Remue.net, m’ont immédiatement touché. L’ai signalé sur mon blog en lui dédiant mes dernières Pensées de l’aube. En outre recopié l’ensemble de celles-ci à ce jour : tout janvier 2009. Dix pages.

     

  • Ceux qui rêvent à Lanzarote

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    Celui qui s’aime bien / Celle qui préfère ses rêves à ceux de Jean-Pierre Foucault / Ceux que la sexualité SM fait juste se poiler / Celui qui estime que l’exaltation du concept de transgression relève d’une forme de jobardise typique de la mauvaise foi post-bourgeoise / Celle qui aime bien le côté fille des bois de Catherine Millet / Ceux que l’autocensure porte à la schizophrénie / Celui qui ose dire tout haut qu’il aime voir tricoter la femme de sa vie en regardant avec elle un épisode de Columbo déjà vu douze fois / Celle qui estime qu’un corps est plus attrayant que son ombre / Ceux qui préfèrent quand même Michel Drucker et Enrico Macias à Pierre Assouline et l’interdiction de fumer / Celui qui se promet d’assurer une bonne éducation à ses clones Pierrot et Poulou / Celle qui recommande à ses cousines humanistes la lecture de Demain les chiens de Clifford Simak / Ceux qui constatent que le thème médiatique du « retour de Dieu» fait encore (un peu) recette chez les quadragénaires même nantis / Celui qui pense que la terreur molle du politiquement correct n’a pas encore donné sa pleine mesure mais que ça ne saurait tarder / Celle qui considère les changements d’humeur de son conjoint norvégien du seul point de vue de la physiologie animale / Ceux qui reconnaissent que leur vie intime est loin d’être un feu d’artifice quotidien, etc.

    Image: Philip Seelen