Celui qui sent le sol se dérober sous son pas de moins en moins pesant au demeurant / Celle qui reste silencieuse devant ses patiences / Ceux que le bruit fait s’écarter de la Place de la Victoire / Celui que toute forme de violence même minime désarme / Ceux que la masse invisible mais omniprésente écrase / Celui que tout déçoit sauf les enfants en dessous de sept ans et les otaries au jeu / Celle qui diffuse encore un peu de lumière mais plus beaucoup / Ceux qui reviennent à la grabataire pour l’entendre chantonner contre le mur / Celui qui reprend son tour du bourg en se répétant qu’il est le Kant du canton et doit cette présence fidèle à l’Être Supérieur / Celle qui se dit que sa rage désespérée reste une façon d’espérer / Ceux qui égrènent des chapelets comme d’autres alignent des pages de sudaku / Celui qui se dit en recherche sans se souvenir de quoi et qui trouve pourtant sans savoir expliquer quoi / Celle qui va pour se jeter sous le train mais qu’un retard de celui-ci empêche d’arriver à ses fins donc elle rentre à la maison pour demander à sa fille au téléphone si les enfants vont bien / Ceux qui se croient aimés pour leur argent alors qu’ils sont ruinés et seuls à l’ignorer / Celui qui reprend la lecture régulière des journaux gratuits pour les faits divers abracadbrants qu’on y trouve comme l’histoire de la jeune fille qui a retenu son père cloîtré dans un cellier insalubre et gardé par un chien policier depuis qu’il lui a mis la main au sein et dit de sales choses sur sa mère demeurée mais bonne / Celle qui pouffe en songeant au dernier tête-à-tête de Chopin et de George Sand bottée et coiffée d’une bombe de fan de cheval / Ceux que l’humour irrésistible de la Vie en tant que telle dispose à la bonne humeur des scouts dits « malgré tout », tel Chef Lapin Fragile affligé de naissance d’une jambe torse et d’un bec-de-lèvre dont il défie les handicaps en sifflant des airs du genre Hello le soleil brille en sautillant sur sa canne de noisetier, etc.
Image : Philip Seelen
Commentaires
Salut Jean-Louis ! Comment ne pas perdre pied en ce moment ? Il faut être de sac et de cordes comme on disait avant !!!
"Les choses surviennent de tous côtés, exigeant une vigilance totale. Attendre, remettre à plus tard, c'est presque certainement se couper des forces célestes et s'exposer au danger", écris-tu dans Le Bonheur est un drôle de serpent, qui m'a ramené en de lointaines années que nous n'avons pas quittées puisque le serpent cosmique reste dans le jardin, tapi comme un dangereux ami...
Vigilance et persévérance!
Amitiés