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Carnets de JLK - Page 150

  • Superwoman

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    …En fait on a toujours pressenti Samantha pour le poste de leader des  consultantes du Brain Tank de l’Entreprise, et le fait que son look soit à la fois old-fashioned et flashy n’y est pas pour rien - avis à celles qui se sapent Trash…

    Image : Philip Seelen

  • Spéculations

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    …Théophraste Cambremer, Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier de l’Instruction publique et Correspondant de l’Institut, ça te dit quelque chose toi qui a de l’instruction ? Il écrivait, d'après sa plume, mais c’est rien marqué. Il a l’air de réfléchir. Tu trouves qu’il a l’air d’un philosophe ? Pas trop sévère ? Pas plutôt un pasteur ? Ah, y a une citation effacée : « L’atome n’est qu’un concept ». Et là ses dates : 1879-1905; ça fait jeune malgré la barbe. Et tu crois qu’on avait déjà découvert l’atome avant 14-18 ?
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui vivent simplement

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    Celui qui offre du rouge à lèvres Atomic à sa nouvelle passade bègue / Celle qui fait ses cumulets derrière le remblai de la voie ferrée / Ceux qui vont tantôt à voile et tantôt à vapeur sur le Canal Jaune / Celui qu’on appelle Jésus pour sa barbe et les sandales qu’il porte même l’hiver / Celle qui va mettre un terme à la carrière de malfaiteur familial de son oncle Brutus / Ceux qui espèrent toujours cultiver des orangers dans le Borinage / Celui que la demeurée du quartier des Oiseaux appelait son Prince Brandon / Celle qui fugue en rêve sur le Tramway des Prés désaffecté en 1953 / Ceux qui prétendent que les pauvres sont souvent sots et les riches toujours malins / Celui qui surgit en soutane à la douche des pubères et se réjouit secrètement d’avoir à châtier les gestes pécheurs au moyen de son fouet à neuf queues / Celle qui traverse la rue pour ne pas avoir à saluer sa mère / Ceux qui se croient quittes de tout respect humain parce qu’il sont sûrs de détenir la Vérité / Celui qui estime qu’il faut avoir de l’imagination mais pas trop / Celle qui parle du Grand Shakespeare sans en avoir jamais lu une ligne ni vu aucune pièce / Ceux qui sont convaincu d’avoir écrit LE roman de la rentrée / Celui qui s’identifie à l’Homme des bois / Celle qui se veut l’Antigone du groupe lesbien de la banlieue de Mons / Ceux qui lèchent la main de celui qui n’ose pas les frapper à cause des nouvelles Conventions de Genève / Celle qui t’a raconté les légendes de la Suisse profonde / Ceux qui se demandent si le dépôt de bilan de la General Motors aura une incidence sur le service après-vente de leur Opel Rekord / Celui qui regrette les hivers de Brueghel l’Ancien et compagnie / Celle qui se rend à grandes enjambées à la Kermesse aux boudins / Ceux qui perçoivent en eux le Combat des Extrêmes, etc.
    Image : Philip Seelen

  • L'amérique dantesque de James Ellroy

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    Le maître du thriller socio-politique clôt sa trilogie historico-panique avec Underworld USA, saga de plus de 800 pages poussées au noir.

    Annoncé comme un « événement littéraire» par son éditeur, le dernier roman de James Ellroy s’ouvre, en force, par une séquence carabinée alignant sept cadavres en trois pages. Minutés et transcrits sous la forme de sèches phrases de rapport de police, mais illico rythmées et ciselées « jazzy» par le romancier-styliste, les faits relatent un braquage d’enfer qui donne aussitôt le ton. Le 24 février 1964, à 7h. 16 du matin, un camion laitier percute un fourgon blindé de la Wells Fargo contenant seize sacs de papier (monnaie) et quatre mallettes pleines d’émeraude. Violence et trahison : l’un des braqueurs prend la fuite après avoir « explosé » et cramé ses complices. Surgit alors  le chasseur qui « arrive toujours le premier » : Scotty Bennett, qu’on retrouvera, c’est promis, comme on retrouve divers premiers ou seconds couteaux des deux volets précédents  de la trilogie (American Tabloid et American Death Trip), violents et traîtres de tous les bords, mafieux et flics ripoux, sans compter les  « grands » de ce monde non moins pourris, du sinistre J. Edgar Hoover (patron du FBI en fin de règne)  au milliardaire vampire camé Howard Hughes, en passant par un certain Richard Nixon…
     « Ce livre est construit sur des documents publics détournés et des journaux intimes dérobés », avertit le narrateur, double voyeur et truqueur de l’auteur (violence et trahison de la fiction) qui invoque la somme de son « aventure personnelle » (à commencer par sa mère assassinée quand il avait treize ans) et de « quarante années d’études approfondies».
    Du polar reflétant l’histoire contemporaine de son pays, comme dans Le Grand nulle part ou Le Dahlia noir, voici l’Histoire avec une grand hache tissant elle-même l’intrigue d’une conspiration :   « La véracité pure des textes sacrés et un contenu du niveau des feuilles à scandale »…
    Monstrueux labyrinthe ruisselant de sang et retentissant de bruit et de fureur, Underworld USA, variante de l’Enfer de Dante,  évoque la face sombre des années Peace and Love, suite funèbre de tragédies amorcées en novembre 1963  par le « Grand Moment » de l’assassinat de JFK, véritable « tournant de l’histoire », premier des complots qui virent ensuite la mort de Martin « Lucifer » King, selon le mot de l’affreux Hoover, et celle de Bob Kennedy, en avril et en juin 1968, jusqu’à la réélection de Nixon en 1972.
    A la sarabande « historique » des psychopathes du pouvoir politique et financier et des mafieux de haute volée (tels Santos Trafficante, Carlos Marcello ou Sam Giancana) se mêle une nuée d’intrigues aux personnages souvent aussi intéressants que les premiers, tels le jeune détective privé Don Crutchfield, l’agent Dwight Holly, « bras armé de la loi » et instrument des crimes de Hoover, Marsh le génie noir de l’infiltration, ou Joan Rosen Klein  la militante charismatique,  dite la Déesse rouge.
    Du sabotage de la campagne de Humphrey par les sbires de Nixon avec l’accord du FBI, à la déstabilisation des mouvements d’émancipation noirs, du financement des attentats d’extrême-droite à Cuba par le trafic d’héroïne, au soutien d’une paradis mafieux en République dominicaine, tout y passe et nous en passons : violence et trahison. 
    LireEllroy.JPGJames Ellroy. Underworld USA.  Traduit de l’américain par Jean-Paul Gratias. Rivages/Thriller - 840 p.
     
    La parano du romancier
    L’œuvre de James Ellroy, magistral conteur (storyteller, comme on dit en v.o.)  du roman noir américain, est-elle comparable à celle d’un William Faulkner, ainsi que le suggère son éditeur français François Guérif ? Tel n’est pas notre sentiment, si l’on veut bien admettre que le remarquer ne procède pas d’un élitisme exclusif. Cependant, de la poésie universelle de Faulkner, dont la frise des personnages et des grands thèmes ne cessent de nous hanter et de nous poser des questions essentielles, à l’univers plombé de l’auteur d’Un tueur sur la route, de L.A. Confidential ou de l’inoubliable Ma part d’ombre (tragédie fondatrice marquée par l’assassinat de sa mère), entre autres titres, il nous semble y avoir un saut qualitatif notable, notamment lié aux standards restrictifs propres au genre du thriller. Inversement, l’on pourrait dire que Dostoïevski est un «storyteller » brouillon en dépit de son indépassable génie.
    Or ce qui frappe, dans l’œuvre d’Ellroy, est que c’est en conteur « visionnaire » qu’il exprime le mieux « son » Amérique, plus qu’en chroniqueur achoppant aux faits « réels ». On peut comprendre évidemment, du fait de son « vécu », sa vision paranoïaque des States, qui semblent livrés aux seules forces du mal. Mais comment ne pas voir que c’est dans la fiction pure qu’il est le plus « vrai » ? À cet égard, la trilogie d’Underworld nous en apprend plus sur la parano du romancier que sur la « véracité » revendiquée de son Amérique…

    Ces articles ont paru dans l'édition de 24 Heures du 9 janvier 2009.

  • Ceux qui faussent la donne

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    Celui dont l’excessive bonté constitue un danger réel pour l’efficacité de l’Entrerprise / Celle dont on se demande ce qu’elle fait aux lieux où elle s’attarde de plus en plus longtemps et revient avec des yeux hagards signalant peut-être une Rencontre d’ordre mystique allez savoir avec une fille de pope / Ceux qui gênent leurs supérieurs avec leur façon de parler de leur vécu privé / Celui se sent de moins en moins l’incarnation typique du jeune homme d’avenir tel que le représentent les pubs de banques de crédit / Celle qui montre soudain un goût dispendieux pour les cactées rares au dam de son tuteur Anicet / Ceux qui suivent des cours particuliers pour réintégrer le troupeau sexuel / Celui qui s’inscrit au Club de Sculpture humaine dont les membres s’oignent le corps afin de se photographier en slip minimum pour leur revue sur papier glacé / Celle qui tricote des bonnets uniformes pour ses cinq fils tous bons skieurs de fond et croyants mais plus tant pratiquants à cause des concours / Ceux qui s’épilent rageusement depuis que leurs relations ont merdé avec l’Amicale des velus / Celui qui assume sa condition de meilleur indic du canton pratiquant l’infiltration tous azimuts / Celle qui pousse l’innocence jusqu’à ne pas voir se gausser ses camarades du catéchisme protestant qui lui trouvent un faciès de pourceau / Ceux qui font commerce de bons sentiments / Celle qui ne peut s’adresser à ses nouvelles majorettes sans aboyer comme un gardien de prison texan / Celle qui fredonne des airs légers en se fumant une clope devant l’ancienne léproserie transformée en club de rencontre pour AA. / Ceux qui font du curling le jour et pratiquent un peu d’échangisme le soir en croisant les équipes, etc.

    Image: Philip Seelen.

  • Ceux qui perdent pied

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    Celui qui voit s’effondrer ses grandes espérances à proportion de sa réussite / Celle qui n’est pas dupe des compliments de l’actuaire nympho / Ceux qui se liguent pour enfoncer le rival du fils du Patron dont l’incompétence est aussi notoire que le népotisme de son vieux / Celui qui s’est branché libertinage en dépit de son manque total de concentration à l’exercice / Celle qui drague les recalés des concours de piano dont elle sait l’énergie compulsive au lit et en cuisine / Ceux qui se font des plans de confession collective en visioconférence avec promesses de versements à l’Association / Celui qui voyage moins depuis qu’il a été reconnu Top Conscience de la nouvelle secte des emmurés / Celle qui n’est elle-même que sous morphine / Ceux qui se sont connus au Niacaragua mais préfèrent ne pas en reparler a brunch du nouveau chef du marketing / Celui qui se repasse du Bryan Adams en se rappelant le délicieux strabisme de sa fille Laura désormais très recherchée des agences italo-américaines qui l’appellent la Victoria Beckam du small-body / Celle qui remarque que Jean-Basile l’écouterait des heures lui parler de lui / Ceux qui vous disent qu’ils vous l‘avaient bien dit même quand ils ne le pensaient pas / Celui qui s’est fait à tout sans rien faire / Celle qui ne regarde pas à la dépense vu qu’elle n’en a pas les moyens / Ceux qui zappent les interactions positives en espérant le Best de fin de soirée tel qu’annoncé dans l’horoscope du premier décan, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui n’ont personne

    Celui que chaque réveil angoisse à mort / Celle qui a été répudiée par son clan / Ceux qui sont emmurés dans le puits KW307 / Celui qui perd la vue / Celle qui mange toujours à l’écart / Ceux qui ont renoncé à se parler / Celui qui ne serre plus de mains par hygiène / Celle qui lit le Coran dans le Greyhound entre Atlanta et Macon (Georgia) / Ceux qui préfèrent les rats aux tortues / Celui qui n’a qu’un couteau à lame unique / Celle qui se dit sans ombre / Ceux qui se dédoublent dans l’alcool / Celui qui se confie à son fils autiste / Celle qui fait l’ouverture du café Les Matinaux / Ceux qui ont la passion des cactées / Celui qui a donné le nom d’Adolf à son doberman / Celle qui s’oublie tous les matins dans la harpe / Ceux qui ont été exécutés sur la même chaise électrique / Celui qui écrit à sa mère chaque dimanche / Celle qui aime recevoir des colis de ses filles à la prison pour femmes de L. / Ceux qui se considèrent comme des produits jetables / Celui qui s’identifie au saint dont il porte le nom / Celle qui a exclu toute relation avec ces fumiers de mecs / Ceux qui s’estiment méconnus dans le canton d’Obwald / Celui qui jouait de la flûte dans le rêve de celle que ceux qui l’ont engagée exploitent comme c’est pas possible, etc.

  • Ceux qui dansent sous le volcan

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    Celui dont les rêves sont tissés de musique / Celle qui comprend que son amour est venu trop tard / Ceux que le destin semble sauver quand il les perd / Celui qui a rendez-vous avec lui-même au Jour des Morts / Celle qui n’a jamais entendu parler de Tristan ni de Faust et qui en réfracte cependant la clarté lunaire / Ceux qui se souhaitent salud y pesetas à l’instant de se rappeler qu’ils vont crever dans le même hosto avant Pâques / Celui qui devine une Atlantide au fond de son rêve éveillé / Celle qui a vu venir la guerre comme l’orage dans un film muet / Ceux qui s’attardent sous le ciel que traverseront demain les bombardiers / Celui dont le pacte avec le Diable échappe aux télévangélistes ignorant même qu’il le sous-traitent / Celle qui débusque un prince du faux dans le sourire mielleux de l’auteur adulé pour ses fables positives / Ceux qui déchiffrent les vestiges de l’inscription Lasc… gni sper vo ch’entr avant de pénétrer dans les ruines de la mine d’argent / Celui qui ressent un grand soulagement sous le ciel vert après la double extase des corps / Celle qui se tient à l’ombre du minaret pour siffler une cannette de Coca 0 / Ceux qui distribuent un tract à la sortie de la Disco où il est écrit que le maître des maître de ce monde est l’Envie ce dont personne ce soir n’a que foutre tant chacune et chacun n’a qu’une envie / Celui qui fait pèlerinage à la chapelle désaffectée du Haut-Pays vendu aux anciens apparatchiks / Celle qui sent en elle se déchirer le voile des apparences / Ceux qui ont consacré leur vie à décrier les rêves des autres / Celui qui s’est affilié au Club des amis d’enfance dans l’espoir d’en rencontrer un qui n’ait pas renié le Pacte / Celle qui estime que notre meilleure amie d’enfance est notre enfance elle-même / Ceux qui cueillent les pavots de mer sans se rappeler ce qu’ils symbolisent, etc.
    Image : Au-dessous du volcan, de John Huston

  • L’examen

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    …Je juge mes amants à leur façon de se tenir derrière le rideau métallique quand ils arrivent à mon étage, et autant que de se tenir : de tenir leur chapeau, tu peux me croire : c’est infaillible, c’est à ces signes qu’on décèle un caractère et la classe d’un nouveau prétendant sans recourir à un graphologue ou à un détective, actuellement mon préféré se prénomme Carl Emmanuel, il a quelque chose d’un Gérard Philipe latino, je vais l’essayer et si ça marche je te renvoie l’ascenseur…
    Image : Philip Seelen

  • 2010 Maxi Bonus

    Panopticon736.jpg… Alors là Raoul si tu ne te sens pas Top Positif un Premier Janvier c’est que t’es qu’un looser : enfin quoi t’es jeune, t’es beau, tu vis  à nos crochets, la neige est super ce matin, il fait un temps de commencement du monde, bref tu devrais éprouver le total sentiment de liberté et tu te plains comme ta mère ?

    Image : Philip Seelen 

  • Résolution du Jour de l'An

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    … Moi je te dis que face à la crise t’as pas le choix : changer de patron c’est vite dit, changer de pays t’y penses pas vu que tous les pays c’est du kif avec la mondialisation et tout le toutim, et changer de femme t’as vu ce que ça donne après trois essais, donc tu pares au plus pressé: tu change d’année et ça va comme ça…


    Image : Philip Seelen

  • Dernière révérence


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    Lecture du dernier roman de Jacques Chessex, Le dernier crâne de M. de Sade

     

    -        Note sur le soufre, tiré de son Voyage à Naples.

    -        À Charenton, en été 1814.

    -        Sade est gros et malade, brûlé dedans et dehors.

    -        Le narrateur parle du « monstre », non sans insistance parodique sur le ton punitif.

    -        Qui souligne d’emblée le destin particulier de ce crâne.

    -        Il parle de la « trempe dégoûtante » et de la « déplorable course » du Marquis.

     Relève le danger persistant représenté par ce crâne.

    -        « Un vieux fou est plus fou qu’un jeune fou, cela est admis, quoi dire alors du fou qui nous intéresse, lorsque l’enfermement comprime sa fureur jusqu’à la faire éclater en scènes sales ».

    -        Retour au 2 juin 1814.

    -        Il a 74 ans.  JC en aura 75 quand il sera foudroyé.

    -        Description clinique. Rien ne nous est épargné. M. de Sade a un « sexe modeste».

    -        Le visiteur observe. Rien ne lui échappe.

    -        C’est un jeune abbé espion du ministre de l’Intérieur : l’abbé Fleuret.

    -        Sae a des facilités en tant qu’hôte de marque.

    -        Il peut recevoir sa maîtresse Marie-Constance depuis 1804.

    -        Mais il est plus étroitement surveillé que naguère, avec l’ancien directeur général Coulmier.

    -        Le nouveau, Roulhac de Maupas est plus sévère.

    -        Aux yeux de Fleuret, il a le crps ravagé mais  « la tête très claire ».

    -        Fait fait bon usage de la jeune Leclerc, Madseleine, fille de la concierge.

    -        Et du jeune Maniard, bientôt congédié par le directeur.

    -        Dispose d’aiguilles à chapeaux et de godemichés en nombre.

    -        Il invoque déjà « son dernier crâne ».

    -        L’abbé Fleuret, 28 ans, lui plait bien.

    -        Sade conchie la « sainte escroquerie ».

    -        L’abbé remarque une « cage de luminosité ».

    -        Comme un phénomène électrique. L’aura sulfureuse du Marquis.

    -        À un moment donné il a une syncope.

    -        M de Sade veut se confier à lui sur ses dernières volontés.

    -        Pas d’autopsie ni aucune « saloperie de croix ».

    -        Le docteur lui administre un sédatif anal.

    -        Détaille le trou du cul de Sade. (p.31)

    -         « Et tout cela qui sert d’enveloppe, de support corporel déchu, à l’esprit le plus aigu et le plus libre de son siècle.

    -        Belle évocation des nuits d’été de Charenton.

    -        Le diable est appelé  « le maître à rebours des soutes de l’ombre ».

    -        Apparaît Madeleine Leclerc, « une vraie petite salope sous ses airs d’ange transparent. »

    -        Il la paie avec des « figures », comme il appelle les sous.

    -        Elle l’a approché à douze ans.

    -        Polanski est battu !

    -        Sa maîtresse  en titre ferme les yeux.

    -        L’ancien directeur exigeait un rapport fidèle.

    -        La mère Leclerc ferme les yeux à cause des « figures »…

    -        Et maintenant (p.41) on passe à la coprophagie et à la communion particulière.

    -        Madeleine doit faire caca.

    -        Puis lui présenter l’étron et dire : « ceci est mon corps ».

    -        Et le pipi : « ceci est mon sang ».

    -        Commentaire : affreux sacrilège ou veillée d’un cadavre ?

    -        Suit le détail des sévices subis par le Marquis.

    -        Enculades au godemichet.

    -        « Madeleine est friande de ces scènes ».

    -        Il y a tout un code verbal pour nommer ces scènes.

    -        Les « chambres » désignant les séances SM, la « maladie » désignant les règles, etc.

    -        Il la pique cruellement, puis la branle pour la récompenser.

    -        Le même soir il est au plus mal.

    -        C’est « une grenade toujours prête à exploser »…

    -        Après moult péripéties, Sade reste ici « dressé contre la Mort comme la sentinelle de son propre destin ! »

    -        Le docteur Doucet s’occupe bien de lui.

    -        Le chapitre XI qui suit commence par un paragraphe qui saisit le lecteur sachant comment Chessex est mort. (P. 55)

    -        Comme une prémonition.

    -        Il pense à ses écrits, qu’il planque et protège comme il peu.

    -        Il est pris de frénésie anale.

    -        La petite Madeleine lui est précieuse.

    -        Le Journal est plein de ces notations, dont JC se sert.

    -        Un jour, son aura de soufre roussit le bréviaire de l’abbé Fleuret.

    -        Il est, plus précisément, entouré d’une bulle lumineuse évoquant une aura diabolique.

    -        Un soir ll va creuser sa propre tombe.

    -        Doucet lui a promis : pas d’autopsie ni de croix !

    -        Une fois de plus, JC évoque très bien la nature environnante. Campagne de la Marne. Sacré poète…

    -        « M. de Sade parle, les murs tombent, les serrures et les grilles cèdent, la liberté jaillit des fosses ».

    -        Le génie de Sade irradie comme d’une pile atomique.

    -        Une voix conclut à la sainteté de Sade : « Nous pensons qu’il y a la sainteté de l’absolu ».

    -        Le 11 novembre 1814 paraît le jeune docteur Ramon. Auquel Sade s’attache illico.

    -        C’est un amateur éclairé.

    -        Quand il visite Sade, il avise le Génie du christianisme et moult autres livres

    -        Ramon s’intéresse à la sodomie pratiquée par Sade.

    -        Puis il y a un épisode méconnu, relatif à une évasion  fomentée par le sieur Launet, qui foire cependant.

    -        L’abbé Geoffroy n’a plus confiance en Fleuret.

    -        Sa soutane roussit sous l’effet de la bulle de feu.

    -        Le 2 décembre 1814, son fils lui rend visite. Il est au plus mal.

    -        Ramon l’assiste.

    -        M. de Sade passe finalement après avoir pas mal suffoqué et éructé et bu de la tisane de thym des Alpilles.

    -        On l’emmène à la morgue.

    -        Ramon arrive à respecter la volonté du mort rapport à l’autopsie.

    -        À la mi-aôut 1818, on exhume le corps et le crâne.

    -        Magnifique crâne.

    -        Ramon récupère le crâne et le met à l’abri. Jamais il n’a vu une chose si belle.

    -        Le compare au crâne d’un père de l’Eglise.

    -        Le narrateur s’interroge.

    -        Ramon est disciple de Gall le phrénologue.

    -        Comme le Dr Spurzheim, qui fait mouler le crâne en multiples après l’avoir emprunté à Ramon.

    -        Lapoujade, assistant de Spurzheim, en grignote un bout.

    -        Et devient sadiste dans la foulée, et se fait envoyer au bagne.

    -        Et le crâne commence à courir et transiter.

    -        Quelque chose de baroque et de comique dans cette migration.

    -        Variation curieuse sur la relique.

    -        Qui se multiplie comme les orteils de Notre Seigneur.

    -        On le trouve au Musée de l’Homme de Paris.

    -        Au château de Berto près de Bex, où se commettra un assassinat.

    -        Puis le narrateur s’avance au premier rang.

    -        Se demande ce que veut dire ce crâne ?

    -        Episode du souper de M. de Sade. On lui sert une jeune paysanne qu’il déguste.

    -        Le crâne a des caprices.

    -        Le narrateur va le planquer dans une banque suisse.

    -        Puis il le case à la clinique La Cascade (La Source lausannoise…) Où le rachète pour cent sous une « rose chirurgienne » plutôt chessexuelle que sadiste, du nom de Laura Kolb.

    -        Et le roman s’achève au bord du lac, avec la doctoresse Laura Kolb qui ne quitte plus son crâne.

    -        Va-t-elle se le fourrer au lieudit l’origine du monde ? Ce n’est pas dit…

    -        Mais le crâne continue à « émettre » des ondes verbales : «Dehors l’étendue des vagues, des nuages, du ciel mobile ; dedans la cellule furieuse, la compression, l’enfermement jusqu’à la mort »

    -        Laura dit au crâne des poèmes d’Euchendorff.

    -        Par exemple : Tritt her und lass sie schwirren / Bald ist est Schlafenszeit…

    -        Approche, laisse les battre des ailes, il va être l’heure de dormir…

    -        Ou celui-ci, constituant la dernière phrase du roman : « Wie sind wir wandermüde/ ist dies etwa der Tod ?

    -        Comme nous sommes las d’errer ! Serait-ce déjà la mort ?

    -        La réponse ne s’est pas fait attendre…

    -        CHESSEX Jacques. Le dernier crâne de M. de Sade. Grasset, 17op. En librairie le 6 janvier 2010. 

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  • En mal de tendresse

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    Notes panoptiques, 2009. Sur Opening Night, Efina et les relations entre vie et théâtre. 

    « Arrête ton cinéma ! » lui dites-vous lorsqu’elle/il vous semble « jouer la comédie », comme on dit, au point que tout échange devient problématique ou faussé par manque de naturel ou de sincérité, et c’est cela même que traque le cinéma de John Cassavetes, ou le théâtre dont il observe les mécanismes dans Opening Night: ce sont les faux semblants d e la vie même.
    Il y a autant de violence que d’amour dans cette seule injonction d’« arrête ton cinéma ! », de cris de rage que de chuchotements de tendresse souvent liés voire mêlés et parfois même simultanés, noués en une seule grimace souriante dans les visages en gros plans du cinéma de Cassavetes qui passent de l’agressivité extrême à l’extrême douceur avec une extrême rapidité. Cela se manifeste le plus visiblement dans Faces, toujours au bord de l’éclat et souvent au bord de l’hystérie.

    °°°

    Le cinéma ni le théâtre ne sont réductibles à la vie, pas plus qu’un photomaton n’est comparable à un portrait du même personnage par un artiste digne de ce nom. L’art ajoute à la vie et la rend plus vivante, si l’on ose dire, et c’est vrai pour un short cut de Raymond Carver, à partir d’une tranche de vie quelqconque, autant que pour les tranches de vie tirées de Short cuts de Carver par Altman, où les personnages du nouvelliste sont augmentés à tel ou tel égard par les acteurs ; et les effets d’amplification se multiplient dans Opening Night où l’on voit l’actrice principale (Gena Rowlands) en train de jouer au théâtre le rôle d’une femme en proie au vieilissement vivre celui-ci dans sa propre chair et se débattre chez elle comme à la scène.

    °°°

    Pure coïncidence : une situation analogue est vécue par le protagoniste masculin d’  Efina, le dernier roman de Noëlle Revaz, grand comédien qui se joue tout un cinéma dans la vie et que ladite Efina, elle-même passionné de théâtre, relance par lettres après leur première rencontre et ne cesse de se dérober tout en revenant au fil d’un jeu mimétique exacerbant en même temps le désir et le rejet de chacun de ces deux solitaires unis par quelle élection réciproque.
    Roman de la solitude, précisément, ou plus exactement de l’atomisation personnelle sur fond de société en perte de lien et de partage, Efina met incidemment en valeur, par rapport au monde de Cassavetes, la perte d’énergie et de fraternité de personnages désabusés et repliés sur eux-mêmes, comme Efina pour laquelle l’arrivée d’un enfant est moins digne d’attention que le regard d’un chien.
    Ce qu’il y a de toujours tonifiant et d’émouvant, chez les personnages de Cassavates, c’est qu’ils exultent ou souffrent en relation les uns avec les autres. Dans Efina, chacun endure sa vie dans son coin et la multiplication des moyens de communication (des lettres on passe aux mails ou aux SMS) ne simplifie ni n'éclaire rien, bien au contraire.
    En 1968, l’année de Faces, le regard de Cassavetes sur la société américaine, qui vaut autant pour la nôtre, est essentiellement un regard sur l’homme et la femme en leurs terribles relations, que les idéologies n’amélioreront en rien, sauf par l’éternel « milk of tenderness » que manifestent ses personnages. Quarante ans plus tard, cela reste juste et vrai, et j'aime à penser que les anges cabossés de Cassavetes se retrouvent dans le cimetière où l’ombre d’Efina vient dire adieu au comédien avec lequel elle n'a jamais vraiment fait l'amour ni même consenti à venir au monde, au figuré autant qu'au propre...

  • Le jardin suspendu


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    « Le palimpseste de la mémoire est indestructible »
    (Baudelaire)



    Ce que je vois d’abord est un jardin, et la maison dans ce jardin, et cette lumière dans la maison, mais la maison semble flotter au milieu de l’eau et c’est pourquoi je me dis que cette image me revient peut-être d’un rêve...
    Ce rêve serait celui d’un premier souvenir, revenu par cette image peut-être resurgie d’un récit qu’on nous aurait fait de ce temps-là, mais le jardin sous l’eau relèverait d’une vision plus ancienne - je le comprends maintenant.
    J’aurai donc anticipé : avant le jardin il y avait d’abord l’eau cernant la maison, à laquelle on parvenait au moyen de fragiles passerelles qu’à l’instant je me rappelle avoir souvent parcourues en rêve, tantôt au-dessus de l’eau et tantôt sur le vide angoissant, et le jardin n’apparaîtrait qu’ensuite…
    Or, ces détails de l’eau et de la maison, des passerelles et du jardin relancent bel et bien le récit possible de tout ce passé que je retrouve à chaque nouvelle aube avec plus de précision : les passerelles sont faites de planches de chantier disposées sur des blocs de parpaing autour de la maison dont on achève les travaux; ensuite le jardin séchera, dont le grand pommier abritera bientôt le landau du nouvel enfant.
    Et chaque détail en appelle un autre : tout se dessine chaque jour un peu mieux. On prend de l’âge mais tout est plus clair et plus frais à mesure que les années filent : on pourrait presque toucher les objets alors qu’on s’en éloigne de plus en plus, et les visages aussi se rapprochent, les voix se font plus nettes de tous ceux qui ne sont plus.
    Tant de temps a passé, mais ce matin je les retrouve une fois de plus, ces visages et ces voix. Tout a été inscrit dès le premier souffle, pourtant ce n’est qu’à l’instant que je ressuscite ce murmure, ces voix au-dessus de moi puis autour de moi, ces voix dans le souvenir qu’on m’a raconté de ce jour de juin se levant, ces voix dans la confusion des pleurs de la première heure, ces voix et ces visages ensuite allumés l’un après l’autre dans les nuits suivantes comme des lampes à chaleur variable, ces visages étranges, ces visages étrangers puis reconnus, ces visages et ces voix qui sont comme des îles dans l’eau de la maison - et je note tout ce que j’entends et que je vois au fur et à mesure que les mots me reviennent.
    Le mot LUMIÈRE ainsi me revient à chaque aube avec le souvenir de toujours du chant du merle, alors même qu’à l’instant il fait nuit noire et que c’est l’hiver. Plus tard je retrouverai la lumière de ce chant dans celui de Jean-Sébastien Bach que relance le dimanche matin une cantate de la collection Disco-Club de notre père, mais à présent tout se tait dans cette chambre obscure où me reviennent les images et les mots que précèdent les lueurs et les odeurs.

    Cela sent le pain chaud et la chair d’enfant : cela sent mon grand frère qui est encore petit. Nous sommes dans l’eau de l’intérieur de la maison. La mère et le père sont indistincts, sauf par la voix et l’odeur, ou par le toucher des mains et des joues. Ce n’est que plus tard que le père sentira la cigarette Parisiennes et qu’à la mère seront associées les odeurs de cuisine ou de lessive ou d’eau de lavande le dimanche avant le culte. Pour l’instant ce ne sont encore que des ombres ou des lampes autour de moi. Et d’ailleurs que cela signifie-t-il : moi ? Ce n’est qu’après qu’on essaie de se représenter ce chaos originel et de l’arranger tant bien que mal. Pour l’instant on n’est qu’une oreille ou qu’un nez ou que des yeux au bout des doigts.
    Tout est sensation, et plus tard seulement viendront les images et les mots et plus tard encore reviendront les sensations par les images et les mots. Mais comment tout cela-t-il vraiment commencé ?
    Plus tard seulement me sera racontée l’histoire du serpent dans le jardin, du landau et de la terreur de la jeune fille, bien avant l’histoire de l’école du dimanche. Mais en attendant ce qui est sûr est que seule l’odeur de la pomme, dans l’herbe ou je la ramasserai plus tard sous le pommier qui sera le premier vaisseau de nos enfances, seule cette odeur me reste. Et peut-être, alors, mon culte des draps frais me vient-il de là ? Mon goût du vert sur fond gris et des églises silencieuses ? Mon besoin de tout réparer ? Je ne sais ce qui m’a été donné ce jour-là dans le landau menacé par le serpent : peut-être une conscience ? Une première intuition personnelle ? Mon impatience de tout expliquer ou plus exactement : de tout nommer pour séparer le clair de l’obscur et le dehors du dedans ? Que sais-je ?
    Mon frère aîné, dans son pyjama de garçon, ne sera jamais freiné par aucune question. Mon frère est un soleil, constate-t-on en ces années de guerre, mon frère se lève dans son parc et parle à tort et à travers, mon frère agit et ne se regarde pas. Mon frère ne sera jamais pour moi que cette question qu’il n’a pas voulu se poser. Lorsque les cendres de mon frère ont été dispersées dans le Jardin du Souvenir, j’ai ressenti cet abandon du Nom comme une atteinte personnelle, mais aurai-je jamais rencontré mon frère ?

    Au milieu de la maison, donc au cœur de l’eau, se trouve le fourneau de fonte qui a l’air d’un cuirassier à l’ancre et dont la porte est percée d’un hublot de verre dépoli par lequel on voit la lueur du feu.
    On sait que le feu est un danger, mais ce n’est pas ce qui fait le plus peur, tandis que les hommes noirs venus de dehors et qui transportent les sacs de charbon à travers la maison, noirs sous leurs capuchons baissés, sont aussi effrayants que la menace, pour les enfants, d’être enfermés un jour ou l’autre dans la cave à charbon.
    Le mot DEHORS évoquera longtemps un monde mystérieux où s’affairent les pères et les oncles. Dehors il fait encore nuit, en hiver, au moment où les pères et les oncles franchissent le seuil des maisons avant de réapparaître le long des routes enneigées ponctuées de réverbères jaunes, soufflant chacun sa buée ou sa fumée de cigarette pendant que, dedans, les mères et les tantes remettent du charbon ou du bois dans les fourneaux.
    En ce temps-là, les mères et les tantes restent dedans à s’occuper de leur ménage et des enfants qui demandent plus de bras qu’on en a - surtout quand il y en a quatre, ne manque de relever notre mère, et nos tantes en conviennent.
    Notre mère n’a que deux bras, mais il lui en faudrait quatre fois plus et quatre fois plus d’argent pour nouer les deux bouts même si notre père fait son possible pour en ramener à la maison à la fin du mois. Notre mère et notre père se saignent pour nous, aurons-nous entendu dès ces années, en attendant que notre mère nous serine que jamais nous n’avons manqué alors qu’il y a tant de misère de par le monde et même chez nous.

    Le mot DEDANS signifie qu’on est à l’abri ; chez nous, mais à l’abri de la misère, et la marque Le Rêve, en lettres anglaises peintes sur l’émail bleu du potager à bois jouxtant la cuisinière électrique, me revient comme un emblème des heures passées dans la chaleur odorante des matinées d’hiver à la cuisine, avant les années d’école.
    C’est là, juché sur une sorte de haute chaise articulée et transformable en siège roulant, que j’entreprends mon attentive scrutation des choses et des gens. Le potager à bois marqué Le Rêve en est un bon départ, et les préparations culinaires de ma mère ne cessant en même temps de dire : vite il me faut faire ceci, schnell il me faut faire cela. Le potager est une sorcière et ma mère est la fée en tablier du logis. Plus tard j’identifierai les hautes pattes du potager Le Rêve à celles de la sorcière Baba Yaga dont le trépignement, à en croire mon grand frère, se fait entendre dans la forêt proche qui s’étend jusqu’en Russie où vient de s’éteindre le Petit Père des Peuples. J’aurai donc cinq ans à l’arrivée de Baba-Yaga du fin fond de la taïga, mon frère en comptera cinq de plus : plus que l’âge de raison, même s’il reste sensible à la férocité chatoyante des contes russes et se réjouit de m’en effrayer à mon tour en me les racontant dans le noir.
    C’est comme ça qu’il me raconte, dans le noir, l’histoire des deux Ivan, le petit et le grand, deux frères comme nous, le petit qui rêve et le grand qui vole.
    Le petit Ivan vient de s’endormir quand il voit le grand Ivan, appuyé à un rayon de lune, qui lui propose de l’emmener sur l’île où tout est possible, et tout aussitôt le petit Ivan, qui a répondu oui-da, se sent emporté dans les airs par le grand Ivan qui lui recommande de s’accrocher. Sur l’île où tout est possible, les deux premiers défis sont relevés par le grand Ivan, qui allume un feu pour y brûler son ombre avant d’y griller trois poissons qu’il n’a pas pêchés. Mais tout se gâte ensuite lorsque le petit Ivan prétend qu’il voit toujours l’ombre du grand Ivan et que les poissons n’y sont pas, sur quoi la pluie s’abat sur le feu du grand Ivan tandis que le petit Ivan, qui a sorti sa flûte de jonc, en joue pour faire cesser la tempête, au dam de son frère qui défie alors Baba-Yaga, surgie de son ombre, de montrer au petit Ivan de quel bois elle se chauffe. Baba-Yaga se chauffe au bois de mon grand frère, mais un jour mes larmes me sauveront la mise comme elles sauvent la vue de Michel Strogoff avec lequel je reviendrai en Russie bien plus tard.

    À chaque aube me revient, du fond du corps, cette angoisse irrépressible qui est peut-être une affaire d’âge, et qui se dissipe avec le premier café en réactivant alors, étrangement, de très anciennes hantises de cataplasmes et de ventouses administrés à l’enfant cloué à plat ventre.
    Comment a-t-on pu vivre dans ce tout petit corps de mollusque, et supporter tant de tribulations, et s’en relever si crânement ? Mais avant : comment est-on sorti de l’eau de la nuit sans crever de cet effroi ? Et ensuite, comment a-t-on franchi l’escalier de pierre séparant le dedans de la maison du dehors sans tomber dans le vide qu’on imaginait ?
    A mesure que l’angoisse du fond du corps me surprend à chaque aube de plus, s’aiguise l’épée du mot qui me défendra des poignards du souvenir, et je ne parle pas que du souvenir des maux de la première heure qu’évoque l’expression faire ses dents, mais de tout ce qui fait cette planète de douleurs où cataplasmes et ventouses vont de pair avec soif d’enfer ou faim de lait, canicules de fièvre ou frissons glacés des épidémies familiales ou mondiales ; puis le café de l’aube me ramène à l’apaisante onction des mains de mères ou de tantes, aux matinées des petites convalescences.

    Le mot CLAIRIÈRE me vient alors, avec la neige de ce matin, qui éclaire la nuit d’une clarté préludant au jour et dont la seule sonorité est annonciatrice de soulagement et de bienfait que matérialiseront les biscottes et la tisane du rescapé.
    La neige est une clairière dans la nuit, de même que la nuit est une clairière dans le bruit, mais à présent il est temps de ne plus subir à plat ventre les cataplasmes et les ventouses : c’est l’heure de se lever dans le parc que ma grande sœur vient de quitter en se dandinant comme une canette pour se diriger toute seule vers l’autre monde que désigne le mot dehors ; c’est l’heure de se mettre à tomber.
    Il faut tomber longtemps, avant de tomber sur sa propre image dans un miroir, pour s’apercevoir que le Nom qu’on entend prononcer correspond à ce que désigne le mot CORPS qui ne sera jamais bien clairement défini ni bien distinct de ce que désigne le mot ÂME. Or, on avance à tâtons, et chaque aube on retombe dans cette même difficulté d’exprimer ce que signifie le mot CELA, comme tout enfant lorsqu’on regarde une lettre inscrite sur un cube, dans son parc, puis une autre, puis d’autres encore dans la soupe aux lettres ou sur les affiches, et ces lettres accolées forment des mots et ces mots sont déjà des sortes de choses.
    Qu’est-ce que CELA ? Cela seul à vrai dire, cette question et ce mystère, ce besoin de savoir et d’irradier ensuite me fait revenir avant chaque aube à ma table avec autant d’incertitude attentive que de curiosité de l’âme et du corps, puis de satisfaction du corps et de l’âme, comme à consommer une fusion ou une effusion – cela seul me lance en avant comme la première semence lance en avant l’impubère qui se demande devant son premier sperme : mais qu’est-ce diable que cela ? Où s’arrête mon corps ? Tiens, l’odeur de ma petite sœur n’est pas la même que celle de mon grand frère ! Celui-ci sent plutôt le fromage frais, celle-là plutôt l’abricot, comme notre mère sent le matin la pommade Nivea et notre père la fraîche eau de Cologne 4711.
    Cela forme un premier cercle contenu dans le carré du petit parc délimitant le premier territoire où nous tombons, lui-même contenu dans le dédale de pièces et de couloirs et d’escaliers et de retraits de la maison, elle-même contenue par le quartier et le quartier par la ville et la ville par le pays et le pays par les autres pays et les autres pays par le monde et le monde par la mappemonde du Petit Larousse dans lequel je tomberai quand je serai sorti du parc, et le ciel désigné par le mot LÀ-HAUT désigne aussi la demeure de celui que désigne le nom de Dieu, censé contenir tout ça.
    Le mot CELA est le premier entonnoir de tous mes vertiges d’enfant et d’adolescent : il y a de quoi devenir fou à le scruter, bien plus que le nom de Dieu qui ne se laisse pas regarder en face plus que le soleil ou qu’on affuble de tous les masques.
    Dieu te voit. Dieu t’écoute. Dieu te protège. Dieu te punira, si. Dieu va te récompenser, si. Dieu ne sera pas content, si. Dieu sera triste, si. Le bon vieillard chenu. Le proprio pas content. L’œil dans un triangle. Le doigt pointé. La voix. Le juge suprême. Celui qui nous attend LÀ-HAUT.
    Alors que devant le mot CELA je reste seul et muet, comme si je me voyais moi-même sans miroir, de dos ou du dedans, visible les yeux fermés ou invisible à l’œil nu.

    (Extrait des premières pages de L'Enfant prodigue, récit achevé en 2009) 

  • Ceux qui lisent Ellroy dans la neige

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    Celui qui désenfume la Falcon avant d’y envoyer le gaz pour achever les deux balances / Celle qui s’est occupée du père et qui rempile avec le fils / Ceux qui vérifient sur la ligne pirate les dires de l’indic à gueule de fiote lustrée genre Sal Mineo / Celui qui compte sur la dexamphétamine pour lui rafraîchir la mémoire / Celle qui préfère apparaître dans un Ellroy que dans un Nesbo où ça craint vraiment trop dans le genre pervers gratos / Ceux qui crament les pyramides de haine des magazines du Klan où il est dit que les papistes financent les nations juives unies / Celui qui ramasse les mômes aux Molotov dans les taillis épineux et les achève pour éviter d’autres complications / Celle qui vérifie l’assertion selon laquelle Hoover est un psychotique que les Panthères ont des raisons d’éviter / Ceux qui insistent auprès des médias sur le fait qu’ils sont des trafiquants noirs politisés à mort donc forcément cools et les médias répercutent la news plutôt rassurante / Celui qui fraternise avec la racaille pour la piéger tout en se disant qu’il la préfère à ceux qui la lui font piéger / Celle que sa mère trouve si sensible pour une teenager et qui a commencé à saliver grave en lisant Le tueur sur la route à douze ans / Ceux qui prétendent que les retombées nucléaires nous feront oublier qui tirait les ficelles du Komplot / Celui qui se perd en essayant d’expliquer à sa fiancée Lolly la différence des thèses défendues par les YAF contre les SDS et des SNCC contre les VIVA / Celui qui a fait arrêter Jomo juste avant le suicide « assisté » de celui-ci, pour un casse dans les boutiques de spiritueux qu’il a fait commettre par celui qui lui a révélé le rôle de Jomo dans le braquage du convoi d’émeraudes / Celle dont le gilet pare-balles comprime excessivement la poitrine de Shemale / Ceux qui slaloment sur la pente de coke / Celui qui réfrène sa pulsion de mort pour exécuter sa cible de sang-froid / Celle qui ravale son vomi avant de cracher le morceau / Ceux qui se demandent mais où cet Ellroy va-t-il chercher tout ça mon Dieu tu crois que c'est vrai Raymonde ? / Celui qui libère les esclaves enchaînés dans les chantiers ruraux de Saint-Domingue et qui voient en lui un émissaire du vaudou / Celle qui ensemence le ciel avec les émeraudes qui font pousser les arbres à l’envers tandis que sa mère pénètre dans une goutte de pluie / Ceux qui se demandent qui jouera la Déesse rouge dans la version film d’Underworld USA, etc.
    (Cette liste a été jetée dans les marges du dernier roman traduit de james Ellroy, en librairie le 6 janvier 2010)

  • Le Ruban blanc, chef d'oeuvre ?

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    Notes panoptiques, décembre 2009

    On use un peu facilement du terme de chef-d’œuvre, en notre période d’eaux basses artistiques et littéraires, et c’est à cette hauteur qu’un compère situe bel et bien Le Ruban blanc du réalisateur allemand Michael Hanecke, que je suis allé voir l’autre soir et dont je ne suis pas sorti avec une impression si marquante. C’est assurément un très beau film, d’une grande rigueur esthétique et dont l’observation, aux marges de la vie ordinaire d’une communauté paysanne, pose des questions sur le Mal et ses multiples modulations, par delà les classes (bien marquées au demeurant) et les âges (c’est devenu un lieu commun de reconnaître que la perversité n’attend pas le nombre des années), mais pas un instant je n’ai eu le sentiment, compte non tenu de sa tenue formelle à tous égards, d’être pris à la gorge et aux tripes comme à découvrir Fanny et Alexandre (s’agissant notamment des rigueurs du puritanisme du père pasteur) d’Ingmar Bergman, ou Scènes de chasse en Bavière de Peter Fleischmann, pour ce qui touche à la culpabilité collective. Si ces deux derniers films ne sont peut-être pas des chefs-d’œuvre ab-so-lus non plus, comme on dit, ils me semblent marqués par un souffle et un « feu » qui manque au Ruban blanc, et qu’on trouve en revanche de part en part dans ce qu’on peut dire un chef-d’œuvre, tel Ikiru (Vivre) d'Akira Kurosawa, entre tant d'autres.

    Flannery.gifJ’ai repensé à ce qui me manque dans Le Ruban blanc, en achevant la (re) lecture de La Sagesse dans le sang de Flannery O’Connor, dont je ne dirai pas que c’est LE chef-d’œuvre de la géniale nouvelliste du Deep South américain (il me semble que son œuvre entière constitue son chef-d’œuvre, où s’incorpore sa correspondance) mais ce roman est imprégné, de sa première à sa dernière page, d’une sorte de fureur sacrée empruntant les multiples aspects du blasphème et du grotesque, de la cruauté et du comique, de la démence mystique et des obscurités de la « volonté divine ». Rien n’a été écrit de plus fort sur le délire puritain et la face sombre du fondamentalisme « positif » ou « négatif », sans que l’auteur ne donne jamais dans la thèse ou l’apologue.
    Bien entendu, il serait sûrement plus pertinent de comparer ce qui peut l’être, en rapprochant alors Hanecke d’un Bresson, mais pour en revenir à la notion de chef-d’œuvre, qui désigne à mes yeux une œuvre-somme, marquant la cristallisation parfaite d’un ouvrage d’art et de pensée, je doute que Le ruban blanc fasse vraiment date avec ses multiples ambigüités, hésitations, conclusions hâtives ou dilatoires, qui n’éclaire vraiment ni les protagonistes ni la communauté particulière, ni n’explique rien en matière de « culpabilité collective ». Ce qui ne revient pas, cela va sans dire,  à réduire à rien sa valeur artistique, tellement au-dessus de la flatteuse vacuité actuelle...

  • Ceux qui déclinent

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    Celui qui se coule dans la foule / Celle qui ne se parfume plus que pour elle-même / Ceux qui restent à la fenêtre pour surveiller le voisinage alors qu’on leur a coupé le téléphone / Celui qui ne lâchera jamais prise en dépit de ses fausses dents / Celle qui accuse des pertes d’équilibre au bas du Chemin du Calvaire / Ceux qui ne distinguent plus les couleurs et en concluent qu’il n’y en a plus / Celui qui cherche la gomme sans se rappeler ce qu’il voulait effacer / Celle qui classe ses souvenirs sensuels sans trop savoir qui lui faisait quoi à quelle époque et comment / Ceux qui pianotent en faisant semblant d’écouter l’aumônier de l’Asile des aveugles où ils font juste office de caresseurs attitrés / Celui qui prend congé de son corps au dam de son âme / Celle qui ramène un Chinois chez elle pour voir enfin comment c’est fait / Ceux qui ont perdu le goût du goût / Celui qui s’oublie de plus en plus tout en restant propre sur lui / Celle qui se perd chaque jour un peu plus de plus en plus loin de la maison d’elle ne sait plus qui mais elle a un bracelet électronique comme les délinquants en liberté conditionnelle alors on la retrouve n’est-ce pas / Ceux qui retombent sur leurs pieds mais à côté de leurs pompes, etc.
    Image: Philipe Seelen

  • Ceux qui en ont

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    …Tu fermes les yeux: tu les reconnais à la jactance, ça s’entend de loin, on dirait un congrès de caquets, et dès que tu ouvres les yeux, ces mecs debout, ce grouillement de virilité volubile, ces types qui se poussent et se tassent autour du Chef, tout ce ramdam mâle comme à la sortie d’un match ou d’une élection, tout ça dégage une espèce d’odeur de vestiaire guerrier qui nous fait hausser les épaules, nous les mères et les fiancées, et d'ailleurs nous ne leur disons rien, nous les aimons comme ça, nos héros dont les slips immaculés sont nos drapeaux…
    Image : Philip Seelen

  • Ce que disait le vent

    Onetti3.jpgJuan Carlos Onetti en ses envoûtantes rêveries

     

    L'oeuvre de Juan Carlos Onetti relève de l'univers labyrinthique, à la fois intime et tentaculaire, auquel se rattachent tous ses livres d'une manière ou de l'autre, et dans lequel le lecteur aime à se retrouver et à se perdre comme dans un monde parallèle. Ceux qui se rappellent la ville mythique de Santa Maria, qu'on peut situer entre le Rio de la Plata et les plaines infinies, déjà présente dans La Vie brève, l'un de ses chefs-d'oeuvre (1950), Le Chantier (1961) et Ramasse-Vioques (1964), retrouveront cette ville fictive aussi décatie qu'inspirante, où voisinent les personnages de marginaux plus ou moins canailles et de femmes chers à l'auteur, au premier rang desquels réapparaît Medina, cumulant les «fonctions» de flic et d'artiste peintre, de guérisseur et de sempiternel traîne-patins.

    Même s'il a fallu une quinzaine d'années pour que nous parvienne Laissons parler le vent, ce roman achevé en exil en 1978, à Madrid, et publié un an avant la consécration du Grand Prix Cervantès de littérature, en 1980, n'a rien perdu de sa vivacité et de son charme ténébreux, comme il en va d'ailleurs de tous les livres de ce poète jamais soumis à l'actualité, qui rêva certes de partir en Union soviétique en 1929 et en Espagne en 1936, pour rester finalement dans son modeste coin à exprimer au plus juste, à sa façon, ce qu'il disait «l'aventure de l'homme». Lui qui proclamait volontiers que les trois choses les plus importantes de l'existence sont l'ivresse, les femmes et l' écriture, resta pour ainsi dire couché les quinze dernières années de sa vie, poursuivant un songe artiste hostile à toute ambition sociale et à toute foi («un homme qui croit est plus dangereux qu'une bête qui a faim», remarque son personnage), et se ramifiant cependant en histoires admirablement filées et pleines de véhémence mélancolique.

    Onetti.jpgDans la foulée, rappelons alors que Juan Carlos Onetti, né en 1909 à Montevideo, entra en littérature en 1939 avec Le Puits, dont on a dit qu' était sortie toute la nouvelle littérature latino-américaine, et composa tout un ensemble de petits romans et de nouvelles architecturés comme un tout, avec maintes résonances, échos et passages. Si l'art d'Onetti rompait, initialement, avec le réalisme magique de la génération précédente, ou avec une conception de l'engagement politique au premier degré, son oeuvre n'en est pas moins nimbée de mystère et singulièrement subversive, ainsi que l'illustre Le Chantier (1961), roman kafkaïen qui évoque une entreprise soumise à une paranoïa dont on a dit qu'elle préfigurait les régimes dictatoriaux à venir.

    De ceux-ci, l' écrivain subit d'ailleurs les rigueurs, coffré en 1974 pour immoralisme et pornographie. Or il semble logique, et même juste et bon, qu'un tel poète, irrécupérable assurément du point de vue des conventions, eût à subir la vindicte des «casqués».

    Le monde d'Onetti n'est d'ailleurs guère mieux assimilable selon les normes du libéralisme avancé: c'est aussi bien l'univers d'un Oblomov adonné au whisky et à la littérature, rêvant de dire l'indicible comme Medina aspire à peindre le pur mouvement d'une vague. A l' ère de la publicité et de l'esbroufe, Onetti trouve son bonheur dans la contemplation d'une sorte de kaléidoscope d'images merveilleuses, veillé par quelques femmes bonnes à peindre ou à aimer sans illusions. On pense parfois à Chandler en lisant ses romans trop paresseux et subtils, trop lyriques aussi pour faire des polars à succès. Or sa «réussite» échappe à tous les stéréotypes, et c'est lentement qu'il faut savourer ses fulgurances de rêveur éveillé, bercé par ce que le vent dit en passant...

     

     

    Juan Carlos Onetti, Laissons parler le vent. Traduit de l'espagnol par Claude Couffon. Gallimard, 323 p.

     

     

    En poche: Les Bas-Fonds du Rêve, en Folio, offre une douzaine de nouvelles magnifiques. Le Puits et Les Adieux ont été réunis chez Christian Bourgois, où figurent divers autres titres, dont Quand plus rien n'a d'importance, dernier livre d'Onetti. Autres Pistes: chez Gallimard, Stock et le Serpent à Plumes.

  • Soft Apocalypse

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    … Ce qui est terrible avec toi c’est que tu ramènes toujours tout à la cata, tu vois partout le pire : on trouve une peluche abandonnée sur un banc, tu penses aussitôt: mine personnelle, on entend une pétarade de feux d’artifice vers les jardins municipaux et toi : sûrement le Hamas ou les Tchétchènes; les Ricains se votent un président café au lait et ta seule conclusion c’est: Armageddon - eh tu commences à me tanner avec tes fantasmes de légionnaire de la Sainte Cause, Dantec, t’es sûr que tu seras clean pour Noël ?...
    Image : Philip Seelen

  • L'insoumis

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    …Tu vois ce que je vois Abel ? / Je te vois déjà m’égorger comme l’Agneau - d’ailleurs c’est écrit dans ton regard, et voilà le couteau   / Je ne comprends pas ce que Père attend de moi / Juste que tu me tues, Caïn : ce qui est écrit est écrit / Alors ça mon doux Abel, si tu crois que je vais lui faire ce plaisir : mon œil…

    Image : Philip Seelen

  • Les petits amis

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    … J’avais dit clairement à Macha : je vais couper les ponts, mais autant parler à la neige de l’Oural : ça ne l’arrangeait pas, il y avait des années qu’elle recevait de jeunes violonistes dans son isba pendant que je trimais à l’aciérie, et c’est en somme moi qui les ai nourris durant ce temps, puis je lui ai coupé les vivres en lui annonçant que je lui couperais les ponts, mais tu sais ce que femme veut et quel romantiques nous sommes, nom de bleu, les hommes…
    Image : Philip Seelen

  • Le dit du dos

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    …Votre nuque est le siège de votre vrai Moi, mais vous ne la verrez jamais, un miroir ne vous en montrera jamais que le reflet et pas du tout ce que tout autre que vous peut en voir - et savoir ainsi qui vous êtes puisque aussi bien c’est à sa nuque qu’on distingue l’ange de la brute -, or je ne vous en dirai rien qui puisse vous distraire de ce que vous êtes, qui ferait mentir ce qu’elle avoue…
    Image : Philip Seelen

  • La journée de tous les désarrois

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    1 Journée, Le dernier film de Jacob Berger, d’une grande beauté d’image et vibrant d’émotion, nous revient sur petit écran, dimanche soir 20 décembre, à la TSR 2.

    La lugubre beauté des froides architectures de Meyrin, sous la pluie, diffuse immédiatement l’atmosphère à la fois hostile et vaguement enveloppante, un peu comme chez Simenon, du nouveau film de Jacob Berger, magnifiquement composé et tenu, tant du point de vue de l’image (Jean-Marc Fabre) et de l’orchestration des plans que de la musique (Cyril Morin) et du scénario (co-signé par Noémie Kocher et nominé pour le Prix du cinéma suisse) qui développe les divers points de vue des personnages (le père, la mère et l’enfant) en spirales entrecroisées avec autant d’élégance que de sens ajouté.
    La première vision d’1 Journée de Jacob Berger, l’été dernier sur la Piazza Grande, en fin de soirée et pâtissant du seul soir de mauvais temps, avait souffert (en tout cas à nos yeux) de ces mauvaises conditions, s’agissant d’un film intimiste, à la fois très pictural et très musical. A le revoir, un charme plus profond s’en dégage.
    Tout s’y déroule donc en un jour dans l’espace délimité par les barres de Meyrin où habite le trio familial et certaine jolie femme (Noémie Kocher) bien faite pour remplacer en douce l’épouse très lasse, le studio de Radios Suisse Romande La Première où Serge (Bruno Todeschini, nominé à Soleure, dont la présence intense et ravagée marque tout le film) massacre son émission matinale, le Musée Rath où Pietra (Natacha Régnier, qui rend bien aussi le désarroi de son personnage) collabore, l’école du petit et l’aéroport de toutes les fuites même ratées. Un chien au fort symbolisme faufile sa propre errance entre les personnages, blessé le matin par Serge qui culpabilisera tout le jour à l’idée d’avoir tué quelqu’un (il n’a fait que subir le choc sous la pluie), et croisant le chemin de Pietra dans les salles du musée squattées par un certain Hodler, dont il contemple avec elle une toile plus symbolique encore… Cela pourrait être kitsch, comme parfois on pourrait trouver les réparties de l’enfant Vlad (le petit Louis Dussol, d’une présence impressionnant) un peu trop écrites ou adultes ; mais non : il y a là une candeur grave qui est celle de l’enfant, justement, dont le rayonnement affectif, intelligence souffrante et attente conjuguées, se réfracte sur ses parents, plus paumés à vrai dire que lui.
    Bref, comme une lancinante fugue concentrique à variations, 1 Journée en impose à la fois par la tendresse qu’il module et par sa grande beauté.

    9475e02669a6b0467d728e11d0f41036.jpgBruno Todeschini, Louis Dussol, Noémie Kocher et Jacob Berger.

    Cet article a paru dans l'édition de 24Heures du 23 janvier 2008.

  • Prescriptions

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    … Tu marqueras la Femelle. Tu marqueras l’Impure. Tu marqueras l’Épouse et la Fille nubile. Tu marqueras la Belle autant que la Rebelle. Tu ne marqueras point ta Mère, mais tu marqueras la Tentatrice se faisant passer pour elle: Belle-Mère, Épouse, toute Fille de Satan – toute Femelle, dit le Livre…

    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui n’avoueront jamais

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    Celui qui a cassé sa pipe sans casser le morceau / Celle qui ne comprend pas pourquoi son fils aîné a refusé de lui dire pourquoi il a rejeté les bon préceptes moraux de la famille Dulaurier avant de se pendre dans les bois de La Maudite / Ceux qui participent à des orgies absolument silencieuses / Celui dont personne n’a jamais su ce qu’il pensait malgré ses positions affichées de végétarien / Celle qui n’aura jamais parlé qu’à son chien Molosse décédé l’an passé / Ceux qui maugréent au parloir de la prison fédérale sans être compris de leur vis-à-vis / Celui qui n’a jamais reçu un encouragement verbal de son père biologique / Celle qui se vengeait de sa mère adoptive en se taisant / Ceux qui préfèrent ne pas dire ce qu’ils ne sont pas sûrs de penser / Celui qui en sait trop pour ne pas se taire / Celle qui a entendu dire que celui qui ne lui parle jamais ne fait qu’obéir à ceux qui ont des raisons de lui en vouloir depuis que son troisième mariage a merdé / Ceux qui évitent de penser à ce qu’on leur a dit sous le sceau du secret / Celui qui prétend percer le sens de tes silences / Celle qui enrage de ne pas obtenir de réponse à ses e-mails harcelants / Ceux qui se figurent que la retenue est un signe d’impuissance sexuelle / Celui qui se protège par une politesse excessive / Celle qui tient un registre précis des faits de médisance de son entourage / Ceux qui parlent très lentement pour décontenancer leur interlocuteur / Celui qui oblige sa fille à lui jouer du violoncelle pendant des nuits entières / Celle dont la palette verbale rivalise avec l’arc-en ciel / Ceux qui restent muets quand le curé leur dit comme ça que Dieu les écoute, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui voient les yeux fermés

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    Celui qui se lave du bruit par l’aquarelle / Celle qui est émue rien qu’à prononcer le nom de Vermeer  / Ceux qui associent de préférence le vert et le gris / Celui qui sait parler des blancs de Cézanne / Celle qui sent la peinture comme personne / Ceux qui rêvent en couleurs noircies au bitume de l’angoisse / Celui qui reste trois heures immobile devant la Madone de Duccio / Celle qui entre dans les paysages de Caspar David Friedrich / Ceux qui parlent sans rien voir / Celui qui a posé pour le Christ avant d’éventrer son amant sarde / Ceux qui modélisent les variations chromatiques du vert Véronèse dans la peinture classique finissante / Celui qui connaît par cœur la composition de la palette de Paul Cézanne / Celle qui brode la Vierge au Rocher au point de croix / Ceux qui sortent du musée Van Gogh avec le même tee-shirt cool de l’homme à l’oreille coupée / Celui qui fait de la peinture parce que l’odeur de l’huile le grise / Celle qui prétend que Morandi et Rothko ne valent pas une sauterie / Ceux qui ont des rideaux style Nymphéas de Monet dans leur living / Celui qui se dit le nouveau Bernard Buffet / Celle qui a osé tirer la langue à Balthus après trois heures de pose en camisole / Ceux qui trouvent au curé Waldemar une tête de Greco navré / Celui qui voit mieux les ciels de Corot depuis qu’il a perdu la vue, etc.

    Aquarelle JLK: le bourg de Murs, au Lubéron.

  • Ceux qui font peur aux enfants

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    Celui qui se dit le redoutable Nain d’Uppsala / Celle qui a de noires dents / Ceux qui font venir la nuit de la cave / Celui qui jette la terrapène dans le feu de l’eau / Celle qui menace Windsor de le pendre au croissant de lune/ Ceux qui capturent les oiseaux dans leurs sourcils / Celui qui secoue les barreaux du zèbre / Celle qui sourit en dépeçant le souriceau / Ceux qui se fardent les babines au miel amer / Celui qui cloue les cercueils de sa main valide / Celle qui tire la langue à Crochet qui fait semblant de la lui arracher puis se ravise en persiflant / Ceux que Mademoiselle Lupin menace de la caisse à poignards / Celui qui coupe les nez qui dépassent / Celle que terrifie la grosse voix alémanique de l’oncle aux dessus de doigts très velus / Ceux qui ont des trous dans le sourire / Celui qui nous menace de la bouteille à génie / Celle qui fait le tsunami dans le bassin du jardin dont aucun survivant n’est hélas signalé ce soir à notre connaissance / Ceux qui prétendent que les voisins démunis prennent en otages les rejetons des familles aisées du quartier des Oiseaux et va savoir ce qu’ils en font / Celui qui désigne la Porte condamnée et décrit volontiers le sort de ceux qui la forcent, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ciao Bellissima !

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    Susan Boyle à la trace
    Le récit de Susie-la-simple relève autant du roman-photo que du croquis sociologique, dont les péripéties ont défrayé la chronique du début de l’été passé, plus précisément en mai dernier, lorsque Susan Boyle, 47 ans, vécut « le moment le plus important de sa vie » en passant le cap de la demi-finale du Britain’s Got Talent, le plus populaire des concours de variétés du Royaume-Uni,pour se retrouver, tel historique lundi de juin, devant le jury tricéphale de la Finale, défaite et triomphante à la fois…
    Le conte de fée de celle que les méchants taxèrent d’« ange velu », dont la voix toucha des millions de gens, sur Youtube, à proportion inverse de sa dégaine et de sa candeur, que les cyniques persiflèrent, m'a rappelé la formidable scène de cinéma de Bellisima, de Luchino Visconti, durant laquelle un quarteron de producteurs se mettent à rire en assistant à la prestation chantée d’une petite fille dont sa mère (Anna Magnani), issue de milieu modeste, a juré de faire une star de la chanson. Pour différents que soient les contextes, les situations sont tout à fait comparables, qui mettent en jeu les grandes espérances de cœurs simples pris au piège de la gloriole manipulée.
    Ladite situation, dans le cas de Susan Boyle, fille d’ouvrier et chômeuse elle-même, n’a pas manqué de susciter moult analyses plus ou moins marxistes ou chomskyennes, mais ce n’est pas du tout dans cet esprit que l’auteur de Susie-la-simple a conçu son approche biographique du «phénomène», qui évite autant la moquerie facile que la flatterie démago. Alonso Llorente, supposé affilié aux Loups gris italiens par son éditeur le présentant en postface, ne «dénonce» pas tant qu’il observe, presque avec envie, ayant cru comprendre que Susan était beaucoup plus heureuse que lui… Autant dire que la posture rompt avec la feinte générosité de nos grands intellectuels qui concluent d’avance à l’aliénation du peuple. Par ailleurs, plus qu’en enquêteur «sur le terrain», même si le terrain est documenté par diverses images révélatrices (on imagine Marguerite Duras s’exclamer : « dès que j’ai vu la maison de Susan… ») c’est plutôt le jeu de la fiction romanesque qui caractérise la démarche de l’auteur, dans un décor de banlieue écossaise que nous voyons évoluer entre crises économiques et modes musicales, où Susan surnommée «la simple» à 11 ans vit initialement sa vocation à l’église de Notre-Dame de Lourdes, laquelle a l’air d’un hangar propret, avant de la porsuivre d'un karaoké à une fête de famille.
    Ce qu’il y a de beau dans le chemin de «Susie la simple», c’est que ledit chemin est aussi long qu’il est têtu, fondé sur la conviction que c’est son chemin à elle en dépit de son physique de moins en moins glamour, qu'elle assume avec ces sages paroles : «La société moderne juge trop vite les personnes sur les apparences», alors même qu’elle n’aspire pas tant à être une star qu'à « s’avancer dans la lumière et chanter ». Oui-da, long sera le chemin jusqu’à la troisième édition de la célébrissime émission d’ITV, mais c’est sur ce long chemin que Susan a travaillé son oreille (d’abord en écoutant la pluie ou le groupe America) et sa voix, bientôt reconnue dans la paroisse, les concours locaux, les concours régionaux, un premier disque de charité, etc.
    Ainsi que l’a expliqué Alonso Llorente, qui entendit un soir Susan Boyle chanter dans un pub de Bathgate, dans l’indifférence massive des clients, la chanteuse « incarnait dans sa naïveté la dimension sacrificielle des classes populaires à l’ère de la démocratie totale ».
    Alexandre Friederich, éditeur lausannois à l’enseigne d’Art & fiction, n’est pas très précis dans sa postface sur les vacations militantes de son auteur (supposé «fédérer des mouvements» en Angleterre l’année de sa rencontre de visu avec la future célébrité), mais les propos qu’il recueille sur le mécanisme du « jeu de massacre » de l’émission Britain’s Got Talent, consistant, pour la compagnie de production Syco, à sublimer les aspiration légitimes d’une classe sacrifiée en lui offrant une victoire symbolique, ne réduisent en rien la dimension originale de son témoignage, d’un humour radieux quoique au second degré s'entend… Hélas, ceux qui aimeraient rencontrer ce fameux Alonso en seront pour leur frais : il n’aurait laissé en gage de sa présence fugitive, à l’éditeur perplexe, qu’une moustache postiche…

    Susan.JPGAlonso Llorente. Susie la simple ; une biographie de Susan Boyle. Editions Art & Fiction. Lausanne, 86p.

  • Les fugues de Corinne

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    Dès qu’on se met à lire ce premier livre au beau titre , Je voudrais être l’herbe de cette prairie, inscrit en lettres vertes sur la couverture agréablement orangée, après en avoir d’abord coupé les pages à l’ancienne manière civilisée (hélas inconnue des cadres des grands magasins Manor, qui ont renvoyé le stock à l’éditeur en le déclarant «impropre à la consommation ! »), on se trouve saisi par une espèce d’allégresse un peu folle: «Avec les escrocs internationaux et les chevaux, l’herbe partage une caractéristique: elle ne dort jamais, ou très peu. L’hiver l’oublie, le printemps la redresse, l’automne lui retire ses sucs. Elle est là et plus là. Toujours là sous les pieds, dans les rêves. De l’herbe froide affrontée en pyjama trop léger à l’élastique distendu à la taille. Il ne fait ni nuit ni jour. Rien ne s’interpose entre le ciel et ces pieds nus, qui se mettent à courir, pour une balle perdue dans l’herbe, pour la brûlure, pour le plaisir».
    Et l’on serait bien tenté de coudre cent autres citations de la prose fuguée qui constitue les pages de ce livre et celles de son jumeau paru simultanément sous une couverture analogue et avec un titre de tonalité proche (Je suis tout ce que je rencontre) pour faire goûter au lecteur cette écriture à peu près incomparable, n’était à celle du génial Charles-Albert Cingria, certes plus continûment inspiré et profond que sa folâtre disciple, mais partageant avec celle-ci la propension à «la déclaration d’amour, dans une oeuvre où pas une ligne ne parle d’amour». Et cette seconde citation se rapportant justement à Cingria s’impose encore à l’évidence: «Son herbe c’est de l’eau, comme le corps, fragile comme lui, citadine, ce que le rat est au ruisseau invisible, le sanglot à l’amour, la peinture au mur, le café au croissant, la sève au probable, une odeur avant-coureuse, lui qui trouve la paille douce, le fumier violent, le sol tendrement noir. Un raccourci de l’instant présent. Une courbe de santé...»


    De même que Corinne Desarzens distingue «ceux qui dorment avec leur montre et les autres sans», le vénérable essayiste anglais Isaiah Berlin discernait, chez les écrivains, le type du renard et celui du hérisson. Le premier (un Cingria) grappille et produit une oeuvre plutôt baroque à labyrinthes, le second (un Ramuz) stocke une oeuvre solidement «tenue ensemble». Or, les deux ouvrages dont il est ici question réalisent la combinaison de ces deux tendances du lyrisme digressif et de l’accumulation concentrée. La suite fuguée de Je voudrais être l’herbe de cette prairie correspond en effet, tout naturellement, au voyage ferroviaire à travers l’Europe, du Portugal en Russie, que restituent ces récits, tandis que Je suis tout ce que je rencontre se tisse et se déploie par rayonnements concentrique à l’imitation de l’araignée, inspiratrice à la fois très familière et trop méconnue de ce subtil traité.

    Lectrice aux curiosités insatiables, aussi attentive à la déambulation d’une Argiope frelon au plafond de sa cuisine qu’à une partition de Bach (une page qu’il est mortifiant de ne pouvoir citer toute!) ou à l’interprétation d’une scène de théâtre nô, entre mille autres intesections du vivant et de ses transmutations, Corinne Desarzens donne autant qu’elle absorbe, et c’est un bonheur rare que de la suivre en ses impros de musique verbale.

    Corinne Desarzens. Je voudrais être l’herbe de cette prairie. Récits. L’Aire, 144p.
    Corinne Desarzens. Je suis tout ce que je rencontre. Récits. L’Aire, 240p
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