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  • Tendres objets

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    Nos livres font bon ménage.
    Je me rappelle que tes petits objets
    m'ont accueilli sans grimacer:
    sans jamais ricaner
    à travers les années.
    Quand tu te maquillais,
    ce n'était pas que pour les autres.
    La Nature se fait belle
    ce jour d’été indien.
    Bientôt nous roulerons vers la mer.
    Après toi je ne vois pas d'autre horizon.
    L'aire des Hirondelles est notre étape depuis des années.
    Bientôt il y aura plein d'enfants entre nous,
    dans le jardin marin.
     
    (La Désirade, ce 18 août 2017)

  • Au jour reverdi

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    "Le dos du soir contre la porte" (P.R.)
     
     
    Il y a tout autour
    comme une sorte de mur d’eau.
    Cela devient dur, dur,
    de durcir ainsi de la feuille.
    Le corps s’étiole au bout des branches,
    on voit du vide en haut
    en bas, je ne te dis que ça;
    on se débine, on se désole,
    on s’accroche aux rameaux..
    Et la chanson du vent
    sans se lasser nous enchante.
     
    (À La Désirade, en août 2017)

  • Dérogations

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    J'aime beaucoup ton mauvais goût:
    ta façon tout à toi
    de ne pas aimer l'opéra,
    ton penchant forestier,
    ta façon de rire aux éclats
    en pleine réunion
    d'éminents dévots cultivés,
    ta façon naturelle
    de visiter le Vatican
    au dam des faux rebelles;
    ton rejet de Satan
    dont le bon goût et les sourires
    t'ont toujours rebutée ;
    ta grâce aux capricieux desseins,
    ta façon tout à toi
    de ne pas faire de cinéma,
    ton enfance restée:
    ce qu'ils n'ont pas pu te voler.
     
    Tu as choisi d'aller
    au bal masqué des rétameurs
    en voilette de mariée;
    et moi tu me connais:
    j'y serai donc en footballeur.
     
    Peinture: Michael Sowa.

  • Au soir des lucioles

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    Au soir des lucioles
     
    Je m’en vais dans le vent
    vert et noir par delà les champs,
    comme on suit un chemin
    d’eau claire entre les pierres.
     
    Tu es comme l’Indien,
    chaussée de sandales légères,
    et le chemin nous suit.
     
    Dans son cercueil de verre,
    l’horloge ne fait aucun bruit.
    Ce soir nous serons à la mer.

  • Jeu de patience

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    Quand le temps est fini,
    nous continuons de veiller;
    les objets restés seuls
    se sentent un peu à l’abandon,
    mais qui peut en parler ?
     
    Nul ne l’a appris à l’enfant.
    Nul ne sait ce que dit la chaise
    à la lampe allumée,
    dans la pièce d’en haut,
    où le silence paraît régner.
     
    L’enfant seul contredit
    ce que tous ont l’air de penser:
    tous enterrés vivants,
    tous satisfaits d’on ne sait quoi,
    tous repus de néant,
    - aveuglés de leurs seuls regards.
     
    L’enfant seul fait tourner la table
    tandis que nous veillons...
     
    Peinture: Chardin, L'enfant au toton.

  • Que tout est là

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    Le poème est en question:
    telle est la question du poème.
    L'enfant perdu dans le métro,
    fugace apparition,
    ne sait pas qu'il est là chez lui;
    mais l'exploration,
    les rames et leur tonnerre,
    la divine terreur,
    le lointain tagadam d'un cœur au fond des bois,
    loin de leurs croix sous le ciel noir
    lui feront déclarer,
    sans une ombre de peur,
    que le poème est retrouvé.
     
    Ah oui, cela encore:
    Que le poème sait par cœur
    tout ce qu'il a chanté.
     
    (Peinture: Stéphane Zaech, Cosmos, Huile sur toile, 2013.)

  • Au bord du ciel

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    On sort afin de prendre l’air.
    Le cosmos est tout près :
    il suffit de lever les yeux.
    Quatrième dimension:
    le temps se verra conjugué
    à son corps défendant.
     
    De l’abîme inversé
    s’étoilent les cosmogonies.
    Tu ne t’es pas vu naître,
    toi qui prétends tout expliquer
    mais on t’a raconté
    le dais du ciel à neuf étages,
    le Seigneur à l’attique
    et les atomes inquiets -
    on parle de carnage...
     
     
    On chine dans le savoir,
    et par le ciel au ralenti
    les bolides vont clignotant
    dans la lumière noire.
     
     
    On croit voir l’infini,
    et nos atomes, nos étoiles
    ajoutent au récit
    du grand livre des vents.
     
    Le ciel n’est peut-être qu’un mot,
    mais en est-on capable ?
     
     
    (À La Désirade, une nuit de décembre 2017.)

  • Immanence

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    (Sur une vision de Stéphane Zaech)
     
    Les choses en sont là:
    le poète en avait rêvé ,
    et tel est son constat:
    l'arbre du savoir est coupé.
     
     
    Ce qui se dit alors
    sera la question de nos jours,
    et le dire et comment,
    à l'exclusion de tout discours
    autre que de saveurs
    sonores et bariolées.
     
     
    Le vert serait sensation pure
    au dévalé des monts
    surgis des antans du tréfonds;
    et le rouge pointerait
    en vive affirmation:
    me voici tout ardent,
    je suis la fleur en gratuité !
     
     
    Les choses en sont donc là,
    et nous voici les contempler
    comme au premier matin.

  • Poisson-lune

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    Pour L.
     
    J'ai peint le ciel toute la nuit :
    c'était comme un
    grand poisson doux
    couleur d'ambre et de prune,
    en suspens au-dessus des lunes,
    et la ville au-dessous ;
    et toi tu y étais Ondine
    comme un oiseau dans la nue.
     
     
    Ah mais comme tu ondulais !
    ah mais comme on y était bien
    dans notre ciel sur les toits peints
    à l'aquarelle on le devine
    par le temps suspendu !
     
     
    Nous ne parlions de rien
    que de toi et de moi
    et de moi et de toi ;
    et la lumière te venait de là,
    et j'irradiais à travers nous.
     
     
    Nos voix se répondaient
    dans le silence de l’eau nue -
    Dieu même n’en revenait pas !
     
     
    Toute la nuit toute la nuit
    ce fut notre première fois...
     
    (Peinture. Vassily Kandinksy)

  • Tombe de la voix

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    Où est ton frère ? demande la voix
    que recouvre le fracas des chasseurs.
    Tout est sous contrôle dans le quartier:
    le bleu de la piscine est réservé
    à ceux qui ont les moyens de payer
    les taxes du maintien des conteneurs.
     
    On n'entend que ce qu'on voit dans le bleu,
    il y a des couloirs dans l'eau des cieux;
    le ciel est parfait dans son rôle de leurre.
    Une voix ordonne l'entretien des gazons.
     
    Sur une allée planque une limo
    dont on ne sait qui est le proprio;
    et ma voix se tait sous la poussière.
     
    Qui donc a laissé là cette batte ?
    Sous le bleu ces traces de sang caillé
    dérogent à l'ordre de ma voix.
     
    Ton frère cueillait là-bas des avocats,
    ton job est de diriger les chasseurs:
    tous les soirs dans l’absolu limpide
    tu décoches tes flèches de tueur.
     
    Le macadam retentit à jamais
    du terrible fracas des dieux barbares
    couvrant ma voix à jamais solitaire.
     
    Et ton frère qu'est-il donc devenu
    depuis que l'ordre t'a été donné
    par ta voix seule de le massacrer ?
     
     
    (San Diego, ce 4 mai 2017, devant une vieille limousine).

  • Ceux qu'un rien agite

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    Celui qui fait du surplace à cent à l’heure / Celle qui a une démarche de plan de carrière et qu’on appelle la tueuse pour sa seule façon de se tenir debout en conférence / Ceux qui s’évaluent tous les matins par rapport aux cotations et injonctions de la Hotline / Celui qui exige une couleur typée Rothko dans l’Espace Méditation de son bureau donnant sur une part de ciel restée négociable / Celle qui revit en se branchant sur le site boursier / Ceux qui opèrent une joint-venture virtuelle entre l’avoir à investir et le savoir bouddhique / Celui qui se veut le super-héros de l’érotique ondulatoire et corpusculaire / Celle dont on dit qu’elle a des couilles dans le mental / Ceux qui ont du métal dans la voix et le cœur sous contrôle bio / Celui qui va droit dans le mur en se fiant au saut quantique / Celle qui cite Prigogine quand elle se sent prise de court / Ceux que l’agitation de leurs jeunes chats inquiète en fin de journée / Celui qui plante sa canne d’aveugle dans le nid de vipère juste pour voir / Celle qui compte sur son expérience de comptable pour équilibrer son bilan méditation-détente / Ceux qui font du Jeff Koons dans leurs ateliers créatifs de la banlieue de Sofia / Celui qui a modélisé le rythme à l’américaine de la série bulgare Undercover sur fond de friches industrielles post-communistes / Celle qui supervise les quotas LGBT des nouveaux castings de séries open-minded / Ceux qui vont de séances en séances au risque de se crasher dans leurs hélicos mentaux / Celui qui rappelle volontiers qu’il est né dans une favella et qu’il n’a donc pas de leçon à recevoir en matière de gestion du matériel humain latino en phase de renvoi / Celle qui a tout appris sur le tas et s’en repent sur le tard / Ceux qui ont un organigramme pour la cogestion des émotions de groupe / Celui qui a externalisé ses produits de structure à traçabilité douteuse / Celle qui revend le moulage de la queue de Jeff Koons à une vieille milliardaire en mal de rêverie néo-romantique / Ceux qui affirment que tout est pourri en se resservant un mojito de consolation dans leur bain moussant, etc.

  • Pas un jour sans une liste

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    C'est en somme une ritournelle. Comme une litanie. Une espèce de murmure infini venu de Dieu sait où. Une parole relevant à la fois de l'oraison profane et de l'invective.


    L'origine en est simultanément intime et mondiale. La vision se veut panoptique: le Panopticon étant ce lieu précis de la prison d'où le gardien de service voit tous les prisonniers d'un seul regard. La métaphore explose au plein air, mais l'illusion d'une vision globale reste féconde. Il y aurait aussi là de la boule de bal aux mille reflets et du kaléidoscope à mouvement aléatoire et continu de mobile flottant.

    L'attention, flottante elle aussi, de celui qui rédige ces listes, est également requise de la part du lecteur. Rien qui ne soit là-dedans de seulement personnel et moins encore de vaguement général. Tout souci d'identification et toute conclusion morale prématurée s'exposent au déni par un jeu où l'improvisation fantaisiste commande et précède, en tout cas, les doctrines ou les slogans de toute secte. Le délire y est cependant contrôlé, même si le mot d'esprit, la vanne, le quolibet voire le horion restent autorisés au dam de l'esprit de faux sérieux. Le vrai sérieux sourit et bataille sur son cheval de vocables, avec l'humour pour badine.

    Ces listes sont en effet une arme de guerre, comme l'a relevé François Bon, entre exorcisme et compulsion. Guerre à l'assertion, par la multiplication des approximations, en évitant le vaseux actuel du tout et n'importe quoi. Guerre à l'unique certitude, par l'accueil jovial des vérités contradictoires, sous le signe de la radieuse complexité du réel.

    Ces listes reflètent enfin des états d'âme, et c'est en fonction de ceux-ci, couleurs et tonalités, colère ou douceur, qu'elles ont été classées en sept sections peu systématiques.

    Voici donc les Matinales et les Toniques, les Eruptives et les Indulgentes, les Voyageuses, les Délirantes et les Songeuses.

    Tel étant le Labyrinthe. Tel l'Océan. Telle la Chambre aux miroirs.

  • Physique de la grâce

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    Quand je suis nuageux,
    je flotte dans l'agréable espace
    sans angles aigus rapaces
    ni autres obtus calculs d'essieux.
     
     
    Mon sentiment porteur
    associe les deux infinis,
    récusant tout défi
    des simulacres de chercheurs.
     
     
    L'aventure n'est ni sphère
    ni cadastre de l'inconnu:
    on la veut ingénue
    passante, à démarche légère...
     
    Peinture: Vassily Kandinsky.

  • Nager sans le savoir

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    La chose est dure à dire:
    le poète ne dira vrai
    que s'il est rude à cuire
    et s'il se tient au frais.
     
    Traverser le fleuve chinois
    sans s'accrocher aux jonques,
    à l'écoute des conques,
    relève du seul exploit.
     
    Or tel est le poème
    que nulle page ordinaire
    résolvant le problème
    n'a jamais su refaire.
     
    Le poème ne se refait pas !
    Allez le répéter,
    mais ne le faites pas:
    nulle cigale n'a de clef.
     
    (Ce que Mandelstam dit de Dante,
    Proust l’a dit et redit.)
     
    (Ce jeudi 31 août 2017, sous une pluie battante)
     
    (Peinture: Alex Katz)
     

  • Que tout est là

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    Le poème est en question:
    telle est la question du poème.
    L'enfant perdu dans le métro,
    fugace apparition,
    ne sait pas qu'il est là chez lui;
    mais l'exploration,
    les rames et leur tonnerre,
    la divine terreur,
    le lointain tagadam d'un cœur au fond des bois,
    loin de leurs croix sous le ciel noir
    lui feront déclarer,
    sans une ombre de peur,
    que le poème est retrouvé.
     
    Ah oui, cela encore:
    que le poème sait par cœur
    tout ce qu'il a chanté.
     
    Peinture: Stéphane Zaech.

  • Réminiscence

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    Je me souviens d’avant la vie:
    ce grand lac indolent;
    comme tout était tranquille alors
    parmi les ombres bleues:
    on n’entendait que des rumeurs
    de ce qui n’était pas
    ou peut-être à venir -
    c’était en somme égal.
     
    Mais à venir c’est la prunelle
    qui verse alors soudain
    son poison lucide en nous tous;
    on n’est plus seul hélas,
    on n’est plus à se prélasser
    dans le doux incertain
    de la songeuse éternité...

  • Rivage du soir

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    Quand Homère n’y verra plus rien,
    compagnon de ma nuit
    qui m’a conduit sur les chemins
    et le bitume exquis
    de la grande cité d’été;
    sachant mieux que moi où aller
    sans jamais hésiter...
     
    Quand nous n’aurons plus d’yeux pour voir
    mon ombre dans le noir,
    nous resterons là sans parler.
     
    Mais ni le soleil ni la guerre
    ne s’oublieront jamais:
    Homère me fera croire
    qu’il continue de lire en moi
    et moi je me tairai
    dans les murmures du tendre soir.
     
     
    (L'effroi de la nuit. Gouache JLK, ce 2 IX 2018)

  • Déraison

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    Rien ne t’oblige à rien du tout:
    tu as le choix des armes,
    mais si tu en crois les frelons,
    les larmes couleront
    de ce rien qui te rendra fou.
     
    Ta vocation est au trépas,
    te murmurent les loups:
    tous y sont disposés,
    mais si tu en crois les canons,
    nul ne revient du front
    de ce néant qui les rend fous.
     
    Rien non plus ne t’oblige à tout:
    tu a le choix des larmes,
    et si tu en crois les melons,
    les armes se tairont
    quand parlera le dieu tatou...
     
    Image JLK: l'oiseau de Capitola.

  • Avant l'aube

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    Avant l'aube

     

    Avant l’aube point la vision

    de cet œil noir scrutant

    dans l’entonnoir de tendre chair,

    au tréfonds de l’instant...

     

    Tu y vois comme en un miroir

    les reflets des années

    s’effacer dans le jour sans ombre

    des allées cavalières...

     

    La mémoire serait

    un ciboire plus qu’une coupe amère,

    mais avant l’aube tu ne sais

    voir clair que dans le noir...

  • Facétie

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    Pour L.
     
    Je ne suis rien qu’un cancre las,
    fatigué de la vie,
    mais j’aime assez le chocolat
    et tes douces lubies.
     
    Le bleu me sied dans l’hélico
    dont les pâles remuent
    tout là-haut sous ton chapiteau
    d’acrobate menue.
     
    Le temps de passer par ici,
    devenu ta saison;
    et ta grâce sans vains chichis,
    ta peau douce au vison
    m’ont donné le goût d’être là...
     
    Peinture: Gilles Ghez.

  • Chambres d'écho

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    En mémoire de Constantin Cavafy.


    Sous les arbres, déjà,


    du quai de la nuit de mai,


    les corps à l'odeur de poisson,


    les mains cherchant les noms


    des visages absents ;


    les corps à l'abandon


    déjà faisaient entendre


    ces murmures dont les chambres


    se souviennent longtemps après.

     

     

    Le lift est une antiquité,


    mais en bois précieux,


    et ses poulies sont huilées


    comme les corps très souples


    des guerriers de l'amour.

     

     

    Les chambres ont tout enregistré ;


    la salle d'eau sur le palier


    les accueillait dans sa buée,


    toute bleue et ses tuyaux


    crachaient une eau rouillée.

     

     

    Mais ces corps de guerriers


    ignoraient le remords :


    le soleil de la chair


    seul irradiait les chambres;


    le soleil et la mort.


                             (Thessalonique, Hôtel Tourist, 1993)

     

     

  • Fantaisie du bel été

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    Pour Sergio Belluz

     


    Mon manège est un galopant,


    mais il aime aussi la lenteur,


    les antilopes et les cravates,


    et la couleur de l'héliotrope.


    Avant de lire je chevauchais


    les tigres de l'épidiascope,


    et le rire inquiet des muets


    m'a fait danser le menuet.


    A dix ans l'âge de raison


    m'a vu philosopher tout bas,


    avant d'emboucher le tuba


    des marines explorations.


    Ah que le monde est bas !


    Ah que le monde est haut !


    Ah comme il était beau,


    le son du pianola !

  • Fugitifs

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    (Sur un vision de Czapski)
     
    Ils n'ont fait que passer:
    on les entend marcher en l'air.
    À travers les déserts,
    cela ne laisse pas de trace,
    mais les dieux impatients
    ont un faible pour les violents,
    et l'espèce est en guerre.
     
    Sus au temps
    ils n'ont fait qu'arracher
    aux cadrans les ombres solaires
    pour piétiner à cru
    les beaux jardins de tous les vœux;
    et brûlant toute terre
    insoumise à leurs seuls dieux,
    ils n'ont fait que défaire...
     
    Mais les enfants de la clairière
    dans les bars des beaux soirs
    des printemps de l'été indien,
    sur les lacs et les patinoires
    savent qu'ils ne savent rien
    et vont se répétant:
    nous prenons tout le temps
    de nous dire que nous passerons.
     
    (Cap d’Agde, ce 11 septembre 2017)

  • À l'écart

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    Ce lieu tranquille est un repli,

     

    loin d’eux.

     

    Mais l’écart est autre.

     

    Tu es un autre

     

    je.

     

    Ma distance est d’amitié

     

    libre.

     

    Heureux ceux qui ont une cabane dans les arbres.

     

    Non pas au-dessus,

     

    mais à côté.

     

    Sereine intranquillité.

     

    Keep in touch.

     

    J’ai été touché de vous rencontrer.

     

    Rappelons-nous.

     

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  • Dans le bleu du temps

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    Volutes partent en fumées
    dans l’air allégé du matin;
    le bleu reprend la main
    à l’insu de nos destinées.
     
     
    Sur le lac là-bas un bateau,
    d’un trait tout épuré,
    marque le vide des propos
    des fumeurs accoudés.
     
     
    De quel port sont-ils donc partis,
    ces beaux messieurs tranquilles,
    parlant dans le vague roulis
    de leurs affaires en ville ?
     
     
    Et vers quels ailleurs s’en vont-ils,
    en quel port incertain
    se dissiperont-ils enfin
    au su de quel destin ?

  • Le silence des arbres

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    Tu ne pèses pas lourd,
    mais ces os empilés,
    ces mains qui décapitent,
    ces fosses refermées,
    ces murs dynamités
    disent ce que tu es.

     

    Nous qui n'avons de mots
    que ceux que tu nous prêtes,
    nous t'écoutons pleurer,
    te plaindre, tempêter,
    geindre puis menacer;
    comme l'ange et la bête,
    faire ce que tu hais.

     

    Comme la femme au puits
    ou le poète hagard
    nous restons éveillés
    mais nous ne disons mot
    qui ajoute à tes cris
    le vacarme du sang.

     

    Cependant tu le sais:
    tu sais notre clairière.
    Ton poids n'est qu'un refus.
    Le silence t'attend.
    Il n'est point de barrière
    pour ce qui souffle en toi.

     

    (La Désirade, ce 2 avril 2017).

     

    Peinture: Stéphane Zaech.

  • Soutter

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    Obscure est ma passion,
    disait le poète aux doigts noirs
    dans la nuit en plein jour
    de la lumière en tintamarre.
     
    Folie, folie, folie
    des croix dressées dans l’air du soir
    - l’air de feu et de poix
    clouées dans le cercueil dressé
    des femmes en beauté,
    des visages pêchés
    dans le filet des innocents
    - le péché de la honte
    furtive se détourne:
    on ne s’exhibera jamais,
    tout n’est que dévoilé,
    on ne connaîtra pas la paix,
    tout sera bousculé:
    chassés du temple du Marché,
    les usuriers du monde
    joueront à ne pas jouir
    à la façon vampire
    des âmes sans âme et sans chair
    gelées par le désir
    de ne désirer rien...
     
    Tout ainsi l’a cloué,
    le cinglé aux yeux de dément
    qui nous a dévoilé
    le monde immonde en son tourment.
     

  • Les anges veillent

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    Bas les pattes ! s’exclame l’enfant:
    tu ne m’englueras pas
    dans ta bave et tes influences;
    d’un saut je me dérobe
    à ton bravo de prédateur:
    la danse est ma hauteur.

    Tombera le masqué
    séducteur combien souriant.

    Et les nuages tout là-haut
    passant et repassant,
    les chastes nébuleux globules
    du sang bleu des seigneurs,
    sont mes veilleurs armés.

    Tout se transforme à vue:
    la joie m’est fortin de douceur.

    Peinture: Joseph Czapski.

  • Muet au seul regard

     

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    Je t’applaudis d’une seule main,
    dit le sage au manchot
    qui le regarde sans envie,
    la flûte bien tenue
    d’une seule lèvre qui sourit.

     

    La colombe serpente,
    musique courant où elle veut,
    de cascades en langueurs.

     

    Aux murs aveugles de béton,
    nulle main n’applaudit,
    et la flûte est muette
    aux lèvres qu’on n’écoute plus...

     

    Edvard Munch, Mélancolie.

  • Arômes du matin

     

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    Ce que tu écris à présent
    sera-t-il jamais lu ?
    Cela ne te regarde pas.

    Les mots se forment sous tes yeux,
    venus tu ne sais d’où,
    comme la foule ce matin
    sortant d’un peu partout.
    Les mots dévisagent des gens
    que tu ne connais pas:
    cela défile comme en rêve;
    à la sortie des gares
    on croit qu’untel va s’arrêter,
    mais c’est peine sans trêve:
    ici la rime féminine
    se noie dans la mâle rumeur
    des employés pressés -
    on éprouve alors un effroi,
    comme au bord d’un fossé...

    Mais tu marches déjà là-bas,
    les mots t’ont précédé
    dans les rues qui vont quelque part:
    ils marchent du pas décidé
    du matin des humains
    qui, ne pensant ici qu’au soir,
    vont aux bureaux chauffés
    là-haut où d’autres mots attendent
    le moment du café.

    (Noté ce matin sur mon I-Phone, avant le lever du jour)

    Peinture: Joseph Czapski.