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  • Vive la comédie !

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    Drôle et tendre comme la vie: Giulia's Verschwinden…



    Picasso disait en ses vieux jours ( !) qu’il faut toute une vie pour devenir jeune, et la rassurante formule pourrait conclure le meilleur film à ce jour du réalisateur alémanique Christoph Schaub, dédié à Daniel Schmid et (magistralement) écrit par Martin Suter. On pourrait d’ailleurs remarquer, en préambule, et par contraste, que le cinéma suisse (et romand particulièrement) a trop souvent manqué de scénaristes et de dialoguistes à la hauteur, capable de « tenir » la durée d’un film avec la maestria de Giulia's Verschwinden (La Disparition de Giulia) En d’autres temps, Gore Vidal écrivit que le meilleur du cinéma américain devait beaucoup aux grands écrivains lui prêtant leur talent. Autant dire que le brio d’un Martin Suter devrait faire réfléchir « la profession »…

    Comme l’auteur de Small World l’a dit lui-même sur la scène de la Piazza Grande, le thème de Giulias’s Verschwinden (en bref, la peur du cap de la cinquantaine) nous concerne tous, liée à la peur de mourir ou, avant cela, de devenir « invisible ». Le soir de ses cinquante ans, Giulia (Corinna Harfouch, merveilleuse de douceur mélancolique, puis de malice rayonnante) le ressent déjà dans le bus qui la transporte auprès des amis qui vont la fêter (un couple d’homos sur le retour et une joyeuse paire d’hétéros se soignant en faisant l’amour, notamment), bousculée par des jeunes gens piaffants. La rencontre inopinée d’un sexa de passage (Bruno Ganz, d’une présence sensible au-dessus de tout éloge) va dérouter Giulia le temps des quatre cinquièmes du film durant lesquels on assistera, simultanément, aux débats carabinés des amis impatients et à la célébration d’une autre anniversaire dans un asile de vieillards, pas piqué des charançons…

    La meilleure façon de rendre le tragique de la vie, disait à peu Brecht, est d’en faire une comédie, Christoph Schaub, sur la trame satirique de Martin Suter, y excelle avec générosité, parfois jusqu’à la limite du gros trait, mais l’essentiel du propos est plus subtil, plus tendre et plus émouvant, avec le début d’une histoire d’amour entre Giulia et son bon ange de rencontre. Cadeau !

  • Ceux qui sont dans le casting

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    Celui qui ne verra pas la fin du film / Celle qu’on a éjecté du casting pour comportement inapproprié envers l’assistant réalisateur qu’elle estimait trop entreprenant / Ceux qui lanternent dans l’arrière-cour du studio 7 en costumes de prisonniers du goulag même pas sûrs de figurer dans les prises de ce jour / Celui qui ressemble un peu à Sean Penn mais pas assez pour qu’on lui demande des autographes / Celle qui se demande si le ministre de la culture se fout du monde en resservant aux médias sa formule débile d’un cinéma populaire de qualité / Ceux qui se demandent si tous les chefs-d’œuvre du 7e art répondent aux critères d’un cinéma populaire de qualité / Celui qui trouve aux blaireaux qui président aux destinées de la politique culturelle des cantons le même air de représentants en ventilateurs / Celle qui va revoir régulièrement les films où sa sœur jumelle joue les rôles dont elle aussi a rêvé / Ceux qui distribuent des Awards de la nullité aux décideurs de la branche / Celui qui prétend avoir couché avec Béatrice Dalle sans en être sûr sûr tellement il était gelé à la vodka-pomme ce soir-là / Celle qui s’identifie complètement au personnage de Jean Seberg dans À bout de souffle en dépit de ses 67 ans bien frappés / Ceux qui ont été touchés par le film Giulias Verschwinden de Christoph Schaub qui parle si tendrement et justement du vieillissement par le truchement de deux acteurs sublimes / Celui qui prend un œuf dur dans le même panier que Michel Piccoli au Continental Breakfast de l’Hôtel Ramada Super / Celle qui a failli jouer dans le film juste pas retenu dans la Compétition internationale mais présenté dans la section Talents de demain / Ceux qui ne sont pas au clair sur la notion de The place to be at the right Moment et d’ailleurs s’en contrefoutent / Celui qui déguste le délicieux risotto à la manière noire à côté de l’actrice vénézuélienne qui a choisi une polenta plus populaire mais de qualité sur la terrasse de Luigi / Ceux qui croyaient voir Cameron Diaz en chair et en os alors qu’elle s’est contentée d’envoyer une carte postale électronique projetée juste avant le film où elle apparaît la boule à zéro / Celui qui se sent les jambes très lourdes après les deux heures qu’il est resté coincé dans un parterre de 500 kids à voir le super-manga Nausicaa de la Vallé du Vent de Hayao Miyazaki, etc.

  • Le coup du téléphone portable

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    À propos de Téhéran sans permission, de Sepideh Farsi, vu à Locarno.
    Découvrir en même temps une quantité de films récents venus des quatre coins du monde permet, entre autres, de repérer des similitudes thématiques ou techniques intéressantes. Frédéric Maire a relevé la prédominance, dans l’édition 2009 du Festival de Locarno, des thèmes liés à la migration et aux questions d’identité personnelle ou collective qui en découlent, et la croissante inquiétude engendrée par la catastrophe écologique.

    Dans une note de son blog de critique de cinéma ferré (http://dua.typepad.com), Antoine Duplan relève aussi la récurrence des séquences finales en bord de mer, comme on le voit dans Shirley Adams, Wakaranai et My sisters’ keeper, mais aussi dans Men on the Bridge, évoquant quelques tranches de vie dans la mégapole turque – tous films auxquels je reviendrai.
    Dans l’immédiat, cependant, c’est à une coproduction franco-iranienne que j’aimerais m’arrêter en relevant deux autres récurrences : celle du filmage par téléphone portable, comme s’y est employé Pippo Delbono dans La Paura, et celle de l’intervention du rap, qu’on retrouve au fil de la narration de Téhéran sans permission, de la réalisatrice iranoienne quadragénaire Sepideh Farsi (auteure du Regard et d’une chronique familiale, Harat, présentée en 2007 à Locarno), dont les paroles extrêmement percutantes donnent une idée de ce qui se passe « sous le voile » de l’islamisme.
    Kaléidoscope «volé» à la vie quotidienne, où alternent les plans généraux de rues ou de places dégageant un climat de constante surveillance, les panoramiques sur la ville immense et grouillante ou les cadres serrés sur le profil de tel ou tel personnage acceptant d’être filmé en voiture (et ce sont alors des micro-témoignages souvent révélateurs), Téhéran sans permission, parfois brut de décoffrage dans sa forme, et parfois plus élaboré, a le grand mérite de nous montrer l’Iran actuel tel que le traverse une jeune Iranienne occidentalisée, sans entrer dans le détail du débat social ou politique – et c’est aussi ses limites. Impressionniste, servi par des questions claires et fermement formulée par la filmeuse, ce tableau-deportage illustre l’opposition constante de la modernité technologique et de l’archaïsme idéologique d’un pays vivant et plein d’énergies contraintes. La vision, à un moment donné, des caciques islamiques apparaissant en gros plan sur les écrans high-tech de la campagne électorale télévisée, barbes et rides hors d’âge, regards sombres et butés sur fond de studios léchés, en dit autant qu’un discours politisé, de même que ce témoignage d’un jeune disant tout haut ce que ceux de sa génération vivent tous les jours endouce: que c’en est marre de supporter ces plus ou moins vieux birbes dont le Dieu ne cesse de fulminer contre la vie…
    Pour saisir cette réalité réelle qu’une équipe dotée d’un lourd matériel n’eût jamais capté de la sorte, le « coup du portable » n’a rien d’un gadget artificiel. Comme la petite caméra ultra légère du filmeur Alain Cavalier, c’est un moyen nouveau de faire passer ce qu’il est urgent de dire librement…

  • Très cool, même super…

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    Hors champ

    Dans le magma de la production culturelle, et plus particulièrement dans le cinéma de grande consommation, la notion de fun tend à devenir, pour beaucoup, le critère unique de  qualité, nourri par des adjectifs aussi nivelés que ceux de cool et de super. Par opposition, toute réflexion plus élaborée, toute analyse échappant aux poncifs de ce qui est cool ou de ce qui est carrément  super, relève désormais de la « prise de tête », et l’on se demande souvent comment échapper à cette antinomie qui se traduit de plus en plus, dans les médias, par les chiffres de « ce qui marche » et de « ce qui ne marche pas », réductibles aux BONUS et MALUS sériés par Godard dans un long clip très cool, voire super dont je ne me rappelle pas le titre.

    À cet égard, une manifestation comme le Festival de Locarno, rassemblant plus de deux cents films du monde entier ressortissant à tous les genres et sur une durée de deux semaines, permet de rompre à tout moment avec cette terrifiante paresse intellectuelle, au simple contact des œuvres, non seulement vues mais donnant lieu à de constants échanges avec un peu tout le monde. Voir un film après l’avoir choisi dans un catalogue extrêmement bien conçu de plus de 400 pages. Assister à sa présentation par son réalisateur souvent accompagné de collaborateurs ou de comédiens, en discuter après la projection, en discuter sur les terrasses flanquant les divers lieux de projection ou sur la Piazza, le soir ; en discuter dans les bus, en discuter dans les vasques de la Maggia ou sur les bancs du bord du lac, en discuter au backpacker d’Aurigeno ou dans les hôtels plus ou moins chics avec des gens venus d’un peu partout : c’est cela Locarno, entre autres choses.C’est convivial. Le terme e st galvaudé mais il convient en l’occurrence. Par hasard, de matin, je réponds au sourire  d’un jeune homme, dans le bus nous conduisant à la salle de projection de la FEVI, qui m’a souri l’autre jour vers la Piazza Grande. Ce garçon m’a tout de suite dit venir de Chypre, vivre à Londres et se trouver ravi par ce festival où, hier, a été présenté le film Shirley Adams, dont il est le co-scénariste. Voilà : pas plus compliqué que ça ! Et tout à l’heure, tandis que l’orage gronde au-dessus des montagnes boisées, nous irons voir Shirley Adams dont Stavros a écrit le scénario, son premier à se trouver réalisé par un de ses condisciples de la London School… Stavros Pamballis m’a donné sa carte avec toutes ses coordonnées. Si le film me plaît, je le relancerai et en parlerai sur mes blogs. Ce sera cool et même super de se parler comme ça après s’être rencontré par hasard dans un bus…

  • Ouverture en beauté

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    De la reprise de Vitus, magnifiée au piano par un Teo Gheorghiu sorti de l’écran, à la découverte de (500) Days of Summer, comédie douce-amère pimentée d’humour de Marc Webb, en première européenne sur la Piazza Grande, le coup d'envoi du Festival de Locarno  a donné le ton à l’enseigne de la qualité et de la diversité…

    Entre douceur de vivre, le long des rives du lac aux eaux lustrales où se reflètent les palmiers, et douleurs du monde se multipliant sur les écrans, le 62e Festival de Locarno s’est ouvert hier en beauté et en nuances, dans son esprit traditionnel de liberté et de diversité qu’ont rappelé le soir, sur la Piazza Grande, Marco Solari le président et Frédéric Maire, directeur artistique dont ce sera la quatrième et dernière édition.

    « Festival pas comme les autres », a répété Marco Solari en insistant sur la vocation de découverte de Locarno, où nous avons découvert précisément, il y trois ans de ça, le superbe Vitus de Fredi M.Murer, l’un des plus grands auteurs suisses de cinéma (L’Âme sœur restant évidemment son chef-d’œuvre) consacré par diverses distinctions (prix du Cinéma suisse et prix du public à Soleure en 2007) comme à l'étranger ( prix du public à Rome, Los Angeles, Chicago, Ours de bronze à Berlin en 2007).

    LocarnoTeo.jpgOr, symboliquement et par manière de pied de nez à ceux qui ont vu un « film de vieux » dans cette exaltation joyeusement « grand public » de la créativité portée à la fois par Bruno Ganz (le grand-père) et Teo Gheorghiu (le petit prodige de 12 ans), le jeune pianiste de 17 ans, désormais engagé dans une carrière internationale, est sorti hier de l’écran pour interpréter, avec l’Orchestre de la Suisse italienne dirigé par Mario Beretta (compositeur de la bande originale », le même concerto pour piano de Schumann que dans le film…

    Intermittences du cœur

    Même fraîcheur à découvrir ensuite, sur la Piazza où montait une lune presque pleine, avec (500) Days of Summer,  premier « long » du réalisateur américain Marc Webb, déjà connu pour diverses vidéos musicales (notamment), présent sur scène avec le scénariste Michael H. Weber. L’occasion immédiate de souligner le type de chronologie bousculée de la narration, alternant le numéro des 500 jours dans un joyeux et savant désordre.

    L’argument du film est la rencontre cinq cent fois reprise et ajournée d’un jeune romantique un peu velléitaire (Tom, interprété par un Joseph Gordon-Levitt délicieusement charmeur) et d’une imprévisible, adorable et fuyante  Dulcinée (Summer de son nom, jouée par Zoeey Deschanel), revisitée dans les miroirs de la mémoire de Tom. Rien de follement  original là-dedans, mais un ton, une légèreté frottée de mélancolie, une grâce malicieuse, une vivacité de montage, une joyeuseté dans la multiplication des clins d’oeil (au Lauréat, au Smiths, à Jacques Demy, entre autres) qui vaudront sans doute une carrière caracolante à ce film tout fun tout flamme…

    De la scène à l’écran

    Ainsi que l’a raconté Frédéric Maire en préambule, c’est pour le festival de Locarno que le réalisateur israélien Amos Gitai a « capté» le spectacle qu’il a présenté en juillet au Festival d’Avignon, tissé de sa lecture de La guerre des juifs de Flavius Josèphe, entre autres textes fondant sa culture personnelle. Un peu dans la filiation des créations polyphoniques d’un Peter Brook, La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres renvoie, sans didactisme pesant, à la réflexion poéique et politique d’Amos Gitaï sur le Proche-Orient contemporain et les sources de ses conflits, de Kippour (2000) à Désengagement (207) et Plus tard tu comprendras que nous avons découvert l’an dernier sur la Piazza Grande…     

  • Jeanne Moreau sur la Piazza Grande

     

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    La grande dame du cinéma français "présente" à l’ouverture...

     Un mois exactement après avoir fait l’ouverture du dernier Festival d’Avignon, Jeanne Moreau remettait ça hier soir sur le grand écran de la Piazza Grande, sous une lune à peu près ronde, dans un film d’Amos Gitaï tiré du spectacle présenté en Avignon. L’an dernier sur la Piazza, une vive émotion avait déjà passé à travers la présence de la plus grande comédienne française vivante, dans un film du même réalisateur israélien, évoquant la mémoire de la Shoah sous le titre de Plus tard tu comprendras.

    Cette année, c’est La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres, constituant la captation du spectacle présenté en juillet dans la carrière de Boulbon, que Jeanne Moreau porte littéralement de sa voix sombre et soyeuse. Au milieu de la scène, elle y incarne l’historien juif de langue grecque Flavius Josèph, auteur  de La Guerre des Juifs qui documente la première guerre judéo-romaine à laquelle il prit part dès l’an 67 et dont Amos Gitaï a tiré cette adaptation.

    Dans une forme tenant plus de l’oratorio que du drame historique, spectacle multilingue et polyphonie musicale à multiples instruments, à quoi s’ajoute  le contrepoint vocal de Tamar Capsouto, le film ne manque pas de résonances actuelles à travers son évocation explicite des dérives fanatiques du nationalisme ou de la religion.

    Incarnant par excellence l’actrice engagée fidèle à ses idéaux (elle fut, soit dit en passant, de la première édition d’Avignon en 1947…), comme un Michel Piccoli de retour lui aussi, cette année, sur la Piazza Grande.

    Immense actrice mais aussi réalisatrice, académicienne (mais oui…) et un peu plus qu’octogénaire (chut…), Jeanne Moreau  aurait tout loisir de se reposer aujourd’hui sur ses lauriers. D’autant plus impressionnant est alors son engagement généreux auprès de réalisateurs et de comédiens dont certains pourraient être ses petits-enfants.. .

  • Pippo l'iconoclaste


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    La Paura, dernier film de l'invité d’honneur du Festival de Locarno, réalisé avec un téléphone mobile, suscite toutes les curiosités

    Quand Pippo Delbono dégaine sa caméra de poche, le carabiniere de l’ère Berlusconi se pointe et lui dit de circuler : rien à voir ! Le « rien », c’est juste la mort d’un petit Africain qu’on enterre, massacré par les tenanciers d’un kiosque milanais où il venait de faucher un paquet de biscuits. Un « rien » dont Pippo le révolté voulait témoigner, comme il l’a fait depuis vingt ans au théâtre et au cinéma, dans la lignée du Pasolini le plus sauvage: le « rien » des victimes oubliées des dictatures latino-américaines, dans Le Temps des assassins, qui marqua les débuts de sa compagnie en 1987. Le « rien » du sort occulté des ouvriers cramés dans l’incendie de l’usine ThyssenKrupp de Turin, en 1997, qui lui inspira Le mensonge. Ou, dans La paura, le « rien » plus grotesque d’une émission de télé sur l’obésité des enfants gavés, rappelant les gorillages d’un Fellini, ou le « rien » plus banal de la chasse aux Roms et aux exclus, entre autres manifestations omniprésentes du racisme et de la violence sociale.

    À cinquante ans, avec le mordant d’un Michael Moore, en beaucoup plus inventif quant aux formes et en plus aigu dans son regard sur le monde (il a cuit dans le même bouillon de contre-culture qu’un Nanni Moretti, autre empêcheur de penser en rond qui régala Locarno l’an dernier), Pippo Delbono reste un jeune homme en colère d’un dynamisme créateur étonnant. Pour lui, le théâtre et le cinéma relèvent du cri plus que du discours. L’artiste ne s’exprime pas tant, selon lui « avec le cerveau, mais avec le cœur et les tripes – avec les yeux d’un enfant. Et de préciser : « Nous vivons dans un monde de confusion où il est de plus en plus difficile de saisir la vérité, et d’autant que même la religion perd toute spiritualité. Dans cette perspective, j’essaie de montrer une autre forme de relations entre les êtres, avec des acteurs marqués par des expériences extrêmes ». De fait, à l’écart du star system, Pippo Delbono travaille de préférence avec des cabossés de la vie, comme son fameux complice Bobo rescapé de la psychiatrie.

    L’aventure artistique de Pippo Delbono est viscéralement nouée à sa vie. Le grain de La Paura, reproduisant sur grand écran la trame un peu grêlée des images de nos « mobiles », traduit cette implication intime et fragile à la fois dont il disait : « Lier l’art avec la vie, c’était pour moi la seule manière d’en faire». Or, en complément de ses films et d’une rencontre avec le public, l’iconoclaste Pippo interprétera son monologue Récits de juin (2006) illustrant ses dons multiples de créateur et de comédien pétri d’humanité.

    La Paura sera présentée en première internationale les 9, 10 et 11 août. Le journal quotidien du festival, Pardo News, donne tous les détails utiles sur les lieux de projection, également accessibles sur le site de la manifestation : http://www.pardo.ch





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    Sur la Piaza Grande

    Vitrine de prestige et foyer convivial du festival, la Piazza Grande sera très glamour ce soir, à 21h.30, avec la projection de (500) days of Summer de Marc Webb et les présences irradiantes de Zooey Deschanel et Joseph Gordon-Lewitt. En seconde partie: La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres, d'Amos Gitaï, version cinématographique du spectacle théâtral présenté en juillet en Avignon, avec Jeanne Moreau. Autre production américaine grand public à découvrir jeudi 7 août à 21h.30 : le dernier film de Nick Cassavetes, avec Cameron Diaz et Jason Patric, Ma vie pour la tienne (My sister’s keeper), drame familial opposant une avocate et sa fille de 13 ans qui réclame en justice son émancipation…

  • Arlequin lecteur

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    À propos de Hors Champ, roman à paraître de Sylvie Germain

    En lisant le nouveau roman de Sylvie Germain, intitulé Hors champ, je tombe sur cette page qu’aussitôt j’ai envie de partager.
    Ce passage est tiré du journal intime de Joël, jeune homme brillant massacré par une bande de voyous qui l’ont laissé à l’état de légume vivant. Ce journal refait surface des années après sa rédaction, dans un petit cahier que relit et recopie, sur son ordinateur, le demi-frère de Joël, Aurélien, protagoniste du roman qui établit la chronique douce-acide de sa progressive disparition à lui.
    « Il avait écrit cela trois semaines avant son agression », précise Aurélien à propos de ce fragment consacré à la lecture :
    «Le lecteur, si vraiment il sengage dans sa lecture, devient un personnage lié au roman qu’il lit puisqu’il entre à son tour dans l’histoire et refait, à sa façon, tout le parcours du texte. Mais ce personnage échappe totalement au pouvoir, à la volonté, àl’imagination de l’auteur du livre dont il n’est pas une «création» mais un invité. Un drôle d’invité, anonyme, venu on ne sait d’où, qui arrive àl’improviste et sort quand ça lui chante de l’espace du livre, sans souci de ponctualité, de la moindre convenance, qui s’y attarde ou le traverse à toute allure, riant, bâillant d’ennui, râlant, applaudissant ou se moquant, selon son humeur, sa sensibilité, ses intérêts. Les grands romans grouillent ainsi d’hôtes anonymes qui fouillent dans les coins, dérobent par-ci par-là une poignée de mots, une ou deux idées, quelques images qu’ils utilisent ensuite dans leur vie. Les romans ont, très concrètement, et puissamment, « leur mot à dire » dans la réalité, quand, de celle-ci, ils savent écouter au plus près les pulsations du cœur. Et ces pulsations émettent une fabuleuse cacophonie, il y en a des cristalline, des enjouées, des vivaces, candides et audacieuses, il y en a des confuses, envasées et clapotantes dans la fadeur, la pesanteur, il y en a des visqueuses et acides qui grondent, vocifèrent ou ricanent, il y en a de toutes sortes, de tout timbre. Un roman doit savoir les brasser, sinon le chant du monde sonne faux »…
    Chacun, en lisant cela, se refera le voyage de toutes les rencontres qu’ont marqué les romans qu’il a lus à travers les années, et c’est ainsi que je me suis revu dans Moravagine de Cendrars ou dans Alexis Zorba, avec Bouvard et Pécuchet ou mon cher Oblomov, sous le soleil assassin de Lumière d’août de Faulkner ou dans la Sicile de Pirandello ou Sciascia, ainsi de suite…
    Et le Joël de Sylvie Germain de continuer : «Je suis un personnage composite, et de plus en plus arlequiné au fur et à mesure que je lis, arpente, explore de nouveaux livres (ou vois de nouveaux films), et qu’au passage je chaparde tel ou tel élément, aussi minime soit-il. Misère, qu’un roman où l’on ne trouve rien à voler. Mais aussi, folie et éreintement qu’un roman qui force sans cesse à s’arrêter pour mieux jouir d’une phrase, d’une description, d’une situation, tout en incitant à foncer à bout de souffle pour connaître la fine de l’histoire ».
    Et vous vous revoyez foncer et freiner dans le Voyage de Céline ou la Recherche de Proust, dans L’Homme sans qualités ou La montagne magique, gôuter les phrases de Tolstoï ou de Sebald qui n’écrit pas de romans tout en nous piégeant comme dans les nouvelles de Kafka ou les récits de Walser, ainsi de suite…
    Et Joël de conclure avec cet appétit de lire et donc de vivre que son infortune, connu du lecteur, rend d’autant plus poignant : « Je suis un personnage inconnu, inachevé, en évolution, ou plutôt en altération constante : métamorphose, anamorphose, paramorphose, tératomorphose, hagiomorphose, patamorphose… un arlequin en expansion et vibration continues, un transmutant incognito. Un simple lecteur.
    « Toute une vie de lectures devant moi, de rencontres de personnages d’encre et de vent pour doubler les rencontres de personnes de chair et de sang, les ourler d’une ombre dense et mouvante, les troubler à profusion. Et plus tard, dans la vieillesse, m’en défaire, ôter une à une toutes ces peaux d’encre et d’ombre, les oublier, sans les renier. Arlequin écorcé, dépiauté, lumineux de nudité, comme un vieil ermite en fin de course sur la terre, délesté de tout, comme un vieux sage déposant tout son savoir pour s’épanouir dans un état de folie douce. Mais je n’en suis qu’au début, et pour l’heure, j’ai une faim de loup, pour tout »

    Sylvie Germain. Hors champ. Albin Michel, 195p. En librairie le 25 août 2009.

  • Zoom sur Locarno 2009

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    Dès ce mercredi 5 août, jusqu'au samedi 15, le cœur de Locarno battra à l’unisson des cinématographies du monde. Frédéric Maire, directeur artistique pour la quatrième et dernière fois, lève le voile sur la 62e édition.

     

    - Avez-vous tenu à marquer votre quatrième et dernière édition d’une touche personnelle particulière ?

    - Disons que, moins que sur les précédentes, j’aurai droit cette fois à l’erreur. Pourtant mes choix, qui sont aussi ceux d’une équipe, restent pareils : pas de frontières entre les diverses tendances du cinéma actuel, expérimental ou plus classique ; ouverture au monde, ouverture à tous les publics, tout en pariant sur la découverte. Ainsi je me réjouis d’accueillir l’iconoclaste Pippo Delbono en hôte d’honneur, notamment avec  La Paura, un film tourné entièrement avec un téléphone portable et qui propose un formidable portrait de l’Italie actuelle. Dans un genre moins radical, proche du polar, nous sommes également contents d’accueillir en compétition internationale le jeune réalisateur romand Frédéric Mermoud, avec  le portrait de société que propose son premier long métrage, intitulé Complices  et retraçant la trajectoire d’un garçon de 18 ans mort dans des circonstances dramatiques.

    - Quels thèmes se dégagent-ils de la cuvée 2009 ?

    - À l’évidence, et tous pays confondus, les problèmes liés à l’appartenance et à l’identité, en relation avec les migrations et l’immigration, sont omniprésents. De même, la préoccupation « verte » est lancinante, et bien plus qu’idéologique : ancrée dans la réalité. Le dernier film des frères Arnaud et Jean-Marie Larrieu, Les derniers jours du monde, en donnera un aperçu apocalyptique. Ce qui me frappe, en outre, est l’explosion des genres et  des formes du cinéma, où les liens transversaux entre cinéma et théâtre, arts plastiques et musiques de toute sorte se multiplient.

    - Quoi de saillant sur la Piazza Grande ?-        

    Le programme en est très éclectique, avec un retour du drame historique. Très intéressant : un film allemand montrant des paysans de Westphalie qui planquent des Juifs pendant la guerre. Et la Suisse y sera bien présente, notamment avec le dernier film de Christoph Schaub, Julias Verschwinden, avc Corinna Harfouch, sur un scénario du best seller alémanique Martin Suter.

    - Les mangas déboulent en force. Vous visez le public jeune ?

    - Pas seulement. C’est un projet global, incluant une septantaine de films, qui tend à corriger l’image « infamante » toujours collée au genre par les plus de quarante ans… Or il s’agit d’un univers d’une richesse infinie, certes marquée par la violence, à l’image de notre monde – la bombe atomique y est évidemment pour quelque chose –, mais qui contient des trésors d’invention et qui a beaucoup influencé, aussi, la création occidentale.

    - Comment percevez-vous, enfin, l’avenir du Festival de Locarno ?

    - Pour l’instant, le festival se porte plutôt bien. Son image dans le monde s’est améliorée, autant que le rendez-vous s’est popularisé en Suisse et draine de plus en plus de jeunes visiteurs. Actuellement, les hôtels ont fait le plein et nous n’avons pas encore vraiment senti passer la crise, à quelques signes près du côté des sponsors, mais les signaux sont plus inquiétants  à terme, comme on l’a vu au Festival de Berlin qui a perdu son sponsor principal.

    - Une innovation particulière à signaler ?

    - Ah oui : l’ouverture d’un abri anti-atomique ( !) à Ascona, destiné à héberger les festivaliers à petit budget, à raison de 25 francs la nuit…

     

     Premiers «incontournables» de l’édition 2009

     

    Pré-première en fanfare. Ce mardi 4 août, sur la Piazza Grande, projection gratuite de Marching Band, documentaire co-réalisé par Claude Miller, Héléna Cotinier et Pierre-Nicolas Durand, consacré à la dernière campagne élecorale américaine vécue en première ligne par deux fanfares universitaires de l'Etat de Virginie. Un portrait de la jeunesse américaine qui a contribué à l'élection de Barack Obama. Mardi 4 août, 21h.30.

     

    Vitus18.JPG● Vitus en concert. À l'occasion de la célébration du Centenaire de la musique de film, un concert a été mise sur pied à la FEVI avec le jeune pianiste Teo Gheorgiu, acteur principal du mémorable Vitus, de Fredi M. Murer, devenu concertiste de classe internationale.  Après la projection du film: concerto pour piano de Schumann. FEVI, Mercredi 5 août, 17h.

     

    LocarnoDays.jpg● Soirée d'ouverture. Premier film à découvrir sur la Piazza Grande : (500) Days of Summer, du réalisateur américain Marc Webb. Casting ultra-glamour (Joseph Gordon-Lewitt et Zoeey Deschanel) pour une comédie romantique visant le grand public.    En fin de soirée, après le spectacle présenté en Avignon cet été, Amos Gitaï présentera la version cinéma de La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres, avec Jeanne Moreau, déjà présente l’an dernier sur la Piazza avec Plus tard tu comprendras du même réalisatur israélien. Piazza Grande, mercredi 5 août, 21h.   

     

    Pippo36.jpg● Pippo Delbono invité d’honneur. Le célèbre comédien, auteur et metteur en scène de théâtre italien Pippo Delbono présentera l’ensemble de son oeuvre cinématographique, dont plusieurs films inédits. Parmi eux sera dévoilé son dernier long métrage, La Paura, co-produit par le Forum des Images, entièrement tourné avec un téléphone portable. FEVI, le 9 août à 16h15 et le 10 août à 9h, Otello, le 11 août à 18h.15

     

     

    Katin4.jpg● Rencontre avec Wajda. Réjouissante nouvelle de dernière heure : la mise sur pied d’une soirée spéciale consacrée au grand réalisateur polonais Andrzej Wajda (Kanal, Cendres et diamant, L’Homme de marbre, L’Homme de fer, Danton) qui présentera lui-même ses deux dernier longs métrage, Katyn et Tataraka. La Sala, lundi 10 août, à 20h.30.

     

    (À suivre...)

     

     

     

     

                                         

    Festival international du film de Locarno, du 5 au 15 août. http://www.pardo.ch 

    Renseignements quotidiens dans l’incontournable journal du festival, gratuit.

     

    JLK publiera chaque jour des aperçus du festival, des films vus, de ses rencontres, ainsi que sa chronique Hors Champ, sur son blog de 24 Heures (http://leopard.blog.24heures.ch/), ainsi que d'autres échos sur ce ce blog et sur Facebook.

     

  • Un pour tous

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    …Alors là, soit le type voit double après avoir pris un Schnaps de trop, soit c’est l’Office du Tourisme qui double la mise pour en mettre plein la vue aux Japonais, mais pour nous autres le Matterhorn et le Cervin, c’est comme Wilhelm et Guillaume Tell: ça fait qu’un…

    Image : Philip Seelen   

  • Sérénité

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    …Ils disent toujours que je suis dans la lune, mais tu crois qu’ils me feraient un signe quand ils passent - que dalle ils foncent tout droit, à tirer des plans sur la comète des investissements vers les nouveaux marchés, mais note que je ne me plains pas : moi j’ai la Mer de la Tranquillité pour horizon et c’est pas demain que le soleil va se crasher en Bourse…
    Image : Philip Seelen