De la reprise de Vitus, magnifiée au piano par un Teo Gheorghiu sorti de l’écran, à la découverte de (500) Days of Summer, comédie douce-amère pimentée d’humour de Marc Webb, en première européenne sur la Piazza Grande, le coup d'envoi du Festival de Locarno a donné le ton à l’enseigne de la qualité et de la diversité…
Entre douceur de vivre, le long des rives du lac aux eaux lustrales où se reflètent les palmiers, et douleurs du monde se multipliant sur les écrans, le 62e Festival de Locarno s’est ouvert hier en beauté et en nuances, dans son esprit traditionnel de liberté et de diversité qu’ont rappelé le soir, sur la Piazza Grande, Marco Solari le président et Frédéric Maire, directeur artistique dont ce sera la quatrième et dernière édition.
« Festival pas comme les autres », a répété Marco Solari en insistant sur la vocation de découverte de Locarno, où nous avons découvert précisément, il y trois ans de ça, le superbe Vitus de Fredi M.Murer, l’un des plus grands auteurs suisses de cinéma (L’Âme sœur restant évidemment son chef-d’œuvre) consacré par diverses distinctions (prix du Cinéma suisse et prix du public à Soleure en 2007) comme à l'étranger ( prix du public à Rome, Los Angeles, Chicago, Ours de bronze à Berlin en 2007).
Or, symboliquement et par manière de pied de nez à ceux qui ont vu un « film de vieux » dans cette exaltation joyeusement « grand public » de la créativité portée à la fois par Bruno Ganz (le grand-père) et Teo Gheorghiu (le petit prodige de 12 ans), le jeune pianiste de 17 ans, désormais engagé dans une carrière internationale, est sorti hier de l’écran pour interpréter, avec l’Orchestre de la Suisse italienne dirigé par Mario Beretta (compositeur de la bande originale », le même concerto pour piano de Schumann que dans le film…
Intermittences du cœur
Même fraîcheur à découvrir ensuite, sur la Piazza où montait une lune presque pleine, avec (500) Days of Summer, premier « long » du réalisateur américain Marc Webb, déjà connu pour diverses vidéos musicales (notamment), présent sur scène avec le scénariste Michael H. Weber. L’occasion immédiate de souligner le type de chronologie bousculée de la narration, alternant le numéro des 500 jours dans un joyeux et savant désordre.
L’argument du film est la rencontre cinq cent fois reprise et ajournée d’un jeune romantique un peu velléitaire (Tom, interprété par un Joseph Gordon-Levitt délicieusement charmeur) et d’une imprévisible, adorable et fuyante Dulcinée (Summer de son nom, jouée par Zoeey Deschanel), revisitée dans les miroirs de la mémoire de Tom. Rien de follement original là-dedans, mais un ton, une légèreté frottée de mélancolie, une grâce malicieuse, une vivacité de montage, une joyeuseté dans la multiplication des clins d’oeil (au Lauréat, au Smiths, à Jacques Demy, entre autres) qui vaudront sans doute une carrière caracolante à ce film tout fun tout flamme…
De la scène à l’écran
Ainsi que l’a raconté Frédéric Maire en préambule, c’est pour le festival de Locarno que le réalisateur israélien Amos Gitai a « capté» le spectacle qu’il a présenté en juillet au Festival d’Avignon, tissé de sa lecture de La guerre des juifs de Flavius Josèphe, entre autres textes fondant sa culture personnelle. Un peu dans la filiation des créations polyphoniques d’un Peter Brook, La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres renvoie, sans didactisme pesant, à la réflexion poéique et politique d’Amos Gitaï sur le Proche-Orient contemporain et les sources de ses conflits, de Kippour (2000) à Désengagement (207) et Plus tard tu comprendras que nous avons découvert l’an dernier sur la Piazza Grande…