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Une lecture de La Divine comédie (46)
Le Purgatoire, Chant XII.
Exemples d'orgueil figurés sur le sol. L'ange de l'humilité. Montée à la deuxième corniche.
(Lundi de Pâques, de 11 heures du matin jusqu'à l'après-midi)

Le front bas,remâchant son propre orgueil coupable, traînant la patte, Dante se fait remettre à l’ordre par Virgile qui lui rappelle que ce n’est pas en se battant les flancs qu’il va progresser vers la deuxième corniche des envieux, et pourtant c’est bel et bien en regardant devant lui,sur le sol couvert d’inscriptions comme sur la dalle d’une tombe, que le poète va devoir, encore, se remémorer moult exemples d’orgueilleux tirés de l’Antiquité; or passons sur le détail wikipédant…

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En mon adolescence de petit protestant, au double sens du terme, l’excellent pasteur de notre quartier des hauts de Lausanne, revenu en ces lieux des banlieues de Marseille – où il était plus proche des prêtres-ouvriers cathos que de nos prêchi-prêcheurs calvinistes moralisants -, me répondit, lorsque je l’interrogeai sur ce qui distingue l’orgueil de la vanité, que le premier désigne la vanité quand « il y a de quoi » tandis que la seconde est un orgueil déplacé vu qu’il n’y a pas « de quoi »…

8118389.jpgDante place les orgueilleux, au nombre desquels il se compte, sur la première corniche du Purgatoire, mais ce qui compte le plus, en ce douzième chant, n’est pas tant la nomenclature de ceux qui se sont pris pour des géants, des demi-dieux ou des contrefaçons du Très-Haut, tel Nemrod dont le nom est lié à l’érection de la tour de Babel, mais, Virgile y insiste : la façon de prendre conscience de ce péché (cela s’appelle consapevolezza dans le glossaire dantesque), d’en mieux distinguer les contours (à grand renfort d’exemples sculptés ou gravés) et de s’en repentir tout en invoquant la grâce céleste et en psalmodiant des hymnes, ici inspirés par la Béatitude Heureux les humbles, etc.

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La puissance« réaliste » du poème est souvent impressionnante, qui s’exprime par le détail, notamment lorsque Dante affirme qu’il voit ceci ou qu’il voit cela: ça ne se discute pas, c’est là, c’est du donné et du vécu, après quoi le salut viendra – ou pas.

D'ailleurs une angélique créature en 3D, apparue en ces lieux, vient d’ouvrir « les bras et les ailes » en désignant la marche à suivre :

« Venez : ici les marches sont tout près,
et désormais on y monte aisément.
Rares sont ceux qui viennent à cette invitation :
Ô race humaine, née pour voler au ciel,
Pourquoi tombes-tu ainsi au moindre vent ? ».

Et voilà qu’en effet notre Dante, orgueilleux dûment repenti, se sent plus léger, avant de s’apercevoir, ô miracle miraculeux, de la raison de son allègement de créature « née pour voler au ciel » :

« Avec les doigts de la main droite
je ne trouvai plus que six des lettres
gravées sur mon front par l’ange aux clefs :
en observant ceci, mon guide sourit ».

Eh mais, tout cela n’est-il pas un peu téléphoné ?

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Virgile, tantôt, sera renvoyé d’où il vient, n’ayant pas droit au show sommital des anges et autres bienheureux agitant leurs palmes dorées dans la forêt paradisiaque, mais il a suffi en somme à Dante de se la jouer belle âme repentie, pour effacer l’initiale d’un de ses péchés et se trouver, du coup, délivré de la pesanteur.

Mon cher pasteur V*** aurait-il souri comme Virgile, conscient comme celui-ci du fait qu’un huguenot, pas plus qu’un païen, ne saurait passer la douane du Purgatoire ?

Sûrement oui: il aurait souri en homme sage, sous sa moustache à la Brassens, avec l’air qu’il prenait devant ceux qui se la jouaient élus autoproclamés: « Tu m’en diras tant, bonhomme »...

DivCo.jpgDante. Le Purgatoire.Traduction et commentaire de Jacqueline Risset. Flammarion GF.
À consulter aussi pour ses utiles explications érudites : Lire la Divine comédie, par François Mégroz. L’Âge d’homme, 1994.

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