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Littérature - Page 40

  • Les années Rimbaud

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    J’aime ces vieilles pierres grises friables.
    Maintenant c’est en étranger que j’y passe.
    Les autres croient que j’ai changé, depuis le temps.
    Sur l’escalier de bois du quartier bohème,
    je me suis arrêté ce blême matin d’hiver,
    tant d’années après.
    C’est ici qu’à dix-huit ans je me croyais Verlaine.
    Je fumais de l’Amsterdamer sec à la gorge.
    Je me droguais au café serré.
    J’étais si malheureux, si tendre, si salaud.
    Je croyais que jamais tout ça ne finirait:
    le coeur à vif, les mots fous, les années Rimbaud.

    Maintenant que je sais, je me tais en songeant,
    et la pluie, et la vie, et la nuit, et l’oubli.

  • La rage du fils de personne

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    Avec Le fils du lendemain, paru sous pseudonyme, Jean-Bernard Vuillème donne le plus personnel ; existentiellement, le plus engagé et, littérairement, le plus accompli de ses livres.


    « Je me suis façonné dans le malaise et le mystère de ma naissance, dans le sentiment d’aversion que m’inspire ma mère et d’étrangeté très tôt éprouvé pour son ex-mari mon père », écrit Bernard Jean au début de ce récit lancé « à tombeau ouvert », puisque la destination du narrateur, fonçant sur la route, est le cimetière où repose son vrai père dont il a finalement découvert l’identité, obstinément camouflée par sa mère. Egalement occultée dans un premier temps, la véritable identité de l’auteur, écrivain romand au talent reconnu, ne pouvait à vrai dire le rester, son dévoilement faisant en quelque sorte partie du jeu de l’exorcisme et de la révélation dans ce qui est sans doute le meilleur livre de Jean-Bernard Vuillème.

    - Quelle a été la genèse de ce livre ?
    - Je n’y ai pensé que lorsque que mon intuition a été confirmée dans les pipettes des analyses de sang alors que j’avais déjà plus de 45 ans. Dès ce moment, il m’a semblé que l’écrivain devait tenter de dire ce qu’il y a d’indicible dans une histoire de ce genre.

    - Son élaboration vous a-t-elle posé des problèmes particuliers ?
    - La part autobiographique, évidemment importante, devait se limiter au thème de ce fils doutant dans sa chair de son origine biologique et bannir tout développement anecdotique. J’ai rencontré des problèmes de distanciation, beaucoup élagué, réécrit, restructuré. L’enjeu était avant tout littéraire, dans le « comment dire » et non dans le « que dire ».

    - Quelle place Le fils du lendemain tient-il dans l’ensemble de vos livres ?

    - Une place importante il me semble, parce que je crois que ma rage d’écrire, de devenir quelqu’un par l’écriture, trouve son origine dans cette histoire. J’ai voulu qu’il soit une sorte de synthèse entre l’intime et la fiction.

    - Pourquoi recourir à un pseudonyme, dont vous pouviez vous douter qu’il serait éventé ?

    - Avec un peu de recul, je m’aperçois que c’est ingérable ! L’idée, c’était de protéger celui que j’appelle mon père des propos de café du Commerce, surtout dans la ville où il habite, et non de me cacher. Ensuite, ce pseudonyme fait partie du récit, il était pour ainsi dire naturel de le signer ainsi. Faire de son double prénom choisi par les parents son nom d’auteur en inversant les termes, signer autrement sans rien renier de ce qui vous constitue…

    - Ce livre vous a-t-il libéré?

    - Disons que je suis au clair quant à l’étranger que je sentais parfois s’agiter clandestinement dans ma chair et dans mon sang, sur la puissance des délires de ma mère et celle de ma propre intuition à débusquer le mensonge. Comment dire ? Je me sens aussi reconnaissant en tant qu’écrivain… Ecrire Le Fils du lendemain, c’était une épreuve, à la fois périlleuse et jouissive, dans une brèche de l’être, près du souffle, et il me semble que j’ai assez bien franchi ce cap…

    medium_Vuilleme3.JPGComme une seconde naissance

    Si la pilule du lendemain est censée « effacer » les traces indésirables de l’écart d’un soir, celui que Bernard Jean appelle « le fils du lendemain » pourrait être dit le fruit doublement illégitime d’un semblable repentir, puisque son père biologique, amant d’une femme mariée, a convaincu celle-ci de « couvrir » leur probable embryon par le truchement d’une seconde relation arrachée in extremis au mari avec lequel elle n’avait plus de rapports intimes depuis belle lurette.
    L’enfant Bernard Jean eût aimé, comme chacun, vivre en harmonie avec papa, maman et son grand frère Otto. Or non seulement il aura enduré, dès son plus jeune âge, les effets collatéraux de la guerre opposant ses parents, mais bientôt lui viendront l’intuition qu’« une phrase aussi rassurante que papa fume la pipe » ne fut qu’un leurre, et le soupçon d’abord confus, puis le doute lancinant et la découverte finale du secret de famille défendu par la mère avec une « sainte » véhémence dans le mensonge, longtemps encore après la mort du « vrai père ».
    Mais qui fut précisément le vrai père, du géniteur biologique lâchement disparu ou de celui qui l’a pour ainsi dire adopté ? En quoi cet Auguste Daniel Nebel (notez les initiales…) sur la tombe duquel le narrateur se rend en se repassant, non sans fureur légitime, le film de ses tribulations de mal-aimé, mérite-t-il le nom de père ? La question se pose évidemment, mais c’est bel et bien de ce nébuleux faux-jeton qu’il se sent le fils malgré la véritable amitié qu’il a développé avec son père Trellert (notez le palindrome…) contre lequel sa mère, jouant à tout coup les victimes et sombrant finalement dans la démence, n’aura cessé de le monter…
    Quête de la filiation, déniée et comme renouée par le jeu de l’aveu et de la fiction, ce livre de douleur et de rage compulsive s’élève, par delà le « récit de vie », au rang de la meilleure littérature, tant par son écriture cinglante et trépidante que par l’humour déjanté de l’auteur, notamment dans la seconde partie, avec la rencontre d’un illuminé raélien en veine de clonage - clown parmi d’autres sur cette Terre « où la vie peut être drôle, un moment »…
    Bernard Jean. Le fils du lendemain. Editions Zoé, 118p.

    Ces articles ont paru dans l'édition de 24Heures du 13 juin 2006.

  • Du côté de la vie

    Entretien avec Nancy Huston

    Contre les néantistes. Contre ceux qui rompent avec toute filiation, rejetant ascendance et descendance. Contre ceux qui exaltent le génie artistique d'essence masculine, au mépris de la chair bassement féminine. Contre les esthètes du suicide. Telles sont, schématiquement résumées, les positions de Professeurs de désespoir de Nancy Huston qui pose des questions essentielles sur les liens vivants et complexes de la vie et de l'art. De Schopenhauer à Thomas Bernhard, ou de Milan Kundera à Christine Angot, en passant par Imre Kertsez ou Elfriede Jelinek, la romancière-essayiste détaille les frustrations affectives, les tragédies ou les refoulements qui ont abouti à autant de visions du monde mortifères.


    - Quelle est la genèse de ce livre ?

    - L'un de ses points de départ est une expérience que font toutes les femmes dès leur enfance. Nous sommes censées nous identifier à un garçon en lisant Tom Sawyer ou Huckleberry Finn, nous nous glissons dans tous les "nous" et les "on", un peu comme un Noir découvrant la littérature des Blancs. Puis nous constatons que nous n'étions pas vraiment inclues dans ce "nous". Un autre point de départ a été ma lecture de la poésie anglaise des XVIIIe et XIXe siècles: j'ai été frappée par la façon différente, chez les hommes et les femmes, de percevoir la mort et d'exprimer la peur de celle-ci. J'en suis venue à me demander si les hommes n'avaient pas plus peur de mourir que les femmes. Si je passe en revue les plus grandes poétesses, je constate que le thème de leur mort personnelle est absent. J'y ai réfléchi et bientôt a cristallisé ce thème du nihilisme, avec sa haine du corps, le refus des origines et de l'enfantement, ce mépris des masses et des nuances, cette sacralisation de l'écriture aussi...

    - Avez-vous connu, personnellement, la tentation du désespoir ?

    - Je sais très bien ce que c'est d'être une jeune fille anorexique, fragile, solitaire et brillante qui erre dans une grande ville avec des envies de suicide. Si la maternité m'a sauvée, ce n'est pas parce que les enfants sont mignons mais parce que de les voir se développer m’a appris que le postulat du nihilisme ne tient pas debout. Pour pouvoir dire "je...suis...seul", il faut avoir appris le langage et c'est avec d'autres qu'on le fait. Comme j'ai moi-même été abandonnée par ma mère, je ne savais pas vraiment ce que c'est d'être mère. J'ai dû l'apprendre comme une langue étrangère. En outre, il y aussi des morts qui m'ont aidé à sortir de cette pensée nihiliste. D'après celle-ci, la mort est une catastrophe. Or, en perdant des gens très proches, et même si je les regrette beaucoup, j'ai fait cette expérience enrichissante qu'ils continuaient de vivre en moi.

    - Quels critères ont dicté votre choix d'auteurs nihilistes ?

    - J'ai pensé à Agota Kristof, puis me suis dit, en la relisant, qu'elle n'était pas de ce clan, quoique son regard soit noir. Mais mes romans aussi sont assez sombres. Même chose pour J.M. Coetzee. Pourtant Elizabeth Costello contient d'extraordinaires inflexions de tendresse humaine. Il y avait aussi Sartre et Beauvoir. Celle-ci avait une horreur physique de l'enfantement et le couple a encouragé le mythe de l'auto-engendrement. Mais ce ne sont pas des néantistes. J’ai retenu ceux qui, dans la lignée de Schopenhauer, considèrent la vie comme une abomination, vomissent les mères et les femmes (Bernhard, Kundera, Houellebecq ), maudissent la paternité (Cioran, Kertesz, Jelinek, Angot), les enfants et la vie familiale (tous tant qu’ils sont). Par contraste, j’ai parlé aussi de deux rescapés de l’horreur nazie (Jean Améry et Charlotte Delbo) qui ne concluent pas au désespoir, et j’ai évoqué la façon dont Linda Lê s’arrache elle aussi à la noirceur absolue.

    - Vous affirmez, avec une crâne solennité frottée d’ironie, que l'homme et la femme sont différents...


    - L'idéologie dominante, de Beauvoir à Badinter, c'est qu'il n'y a pas de différence entre les sexes, ce qui revient à dire que les femmes devraient devenir des hommes. La femme a toujours été tenue pour muse ou inspiratrice, mais tout sauf créatrice, et ce n'est pas d’un instant à l’autre qu'elle va manipuler les symboles avec la même autorité. Cela étant, pour reprendre de vieux clichés qui ont du vrai, je crois que les hommes sont plus angoissés, plus seuls, dans la chaîne du vivant. Le fait de mettre au monde inscrit les femmes dans la filiation. L'oeuvre d'art est en revanche la trace qui signera le passage de l'homme. Pour ma part, quoique très attachée à l'art, à la musique et à la connaissance, je m'efforce de relativiser cette survalorisation de l'oeuvre qui aboutit à mépriser les gens doués pour la vie.

    - Pour autant, vous ne valorisez pas non plus le “quotidien” et la confession brute...

    - Je crois que le roman n'a pas pour fonction de révéler au public la vie privée de l'auteur ou d’exalter la platitude mais de transporter les gens et de repousser les murs de leur moi, de les agrandir en leur faisant découvrir le point de vue des autres. Typique à cet égard, un Houellebecq flatte la médiocrité et la bassesse à force de simplifications. A sa façon de réduire l’islam à une “connerie”, alors qu’il se prétend romancier, j’opposerai le livre de la veuve de Danny Pearl, décapité par les fanatiques, qui cherche, elle, à comprendre le monde islamique au lieu de le juger avec mépris. Romain Gary disait justement que “le côté inhumain fait partie de l’humain” et qu’il incombe au romancier d’en saisir les tenants et les aboutissants. Mais dire que tout est inhumain, ou que tout est de la merde, est absurde. A mes yeux, la vie n’est ni absurde ni pas absurde: elle est ce que les gens en font...



    Sous le signe du lien


    C’est un livre salutaire et très vivifiant que Professeurs de désespoir, qui s’inscrit dans le droit fil de l’évolution en constante expansion d’une romancière à l’admirable capacité d’empathie, comme l’illustrent Instruments de ténèbres, Dolce agonia ou Une adoration, notamment. Pour illustrer les vingt dernières années de cette trajectoire aux engagements non dogmatiques, un choix de textes vient de paraître simultanément sous le titre d’ Ames et corps dont le premier (Déracinement du savoir) est particulièrement éclairant.

    Quant à Professeurs de désespoir, précisons d’emblée qu’il n’est en rien un hymne à l’optimisme béat. Son propos n’est pas d’édulcorer le tragique de la condition humaine mais de lutter, au nom des nuances et de la complexité du réel, contre les généralisations qui tuent et contre l’absolutisme négatif de penseurs et d’écrivains exerçant aujourd’hui une inquiétante fascination.

    Pourquoi des intellectuels et des romanciers prônant le néant de toute chose, le malheur d’être né (Schopenhauer) et le crime d’engendrer (Cioran), la haine tous azimuts (Jelinek), le mépris de sa communauté (Bernhard), le rejet des enfants (Kundera) ou l’exaltation de l’abjection (Houellebecq) rencontrent-ils tant de succès ?

    Pour le comprendre, Nancy Huston remonte aux sources du nihilisme européen avant d’approcher treize destinées souvent marquées par une enfance massacrée. Tous les enfants maltraités ne deviennent pas pour autant Hitler (dans le crime de masse) ou Thomas Bernhard (dans la méchanceté délirante), et certaines femmes martyres (une Flannery O’Connor) tireront un surcroît de vitalité créatrice de la même infortune qui en brisera d’autres (le suicide de Sarah Kane) ou les rejettera dans le narcissisme destructeur (Christine Angot).
    Thomas Bernhard, estimant qu’un Seigneur Dieu ne peut être que masculin, se moquait d’une certaine “Déesse Suzy” que ses menstrues et ses grossesse empêcherait décidément d’adorer. Or cette Déesse Suzy, “merveilleusement érotique et maternelle” devient ici l’interlocutrice privilégiée de Nancy Huston. Régal de malice à gros sabots qui fera se récrier les chantres du nihilisme de salon et autres vestales du littérairement correct.

    A relever enfin que les analyses percutantes de l’essayiste alternent avec de beaux interludes évoquant ses liens de femme et d’artiste avec la vie, la perte d’un ami, la complicité d’une sale gamine octogénaire, le souvenir de Romain Gary, les bonheurs et les blessures, un mari du genre admirable (Tzvetan Todorov), les livres et les gens. Beau geste de gratitude que ce livre, du côté de la vie...

    Nancy Huston. Professeurs de désespoir. Actes Sud, 380p.
    Nancy Huston, Ames et corps. Textes choisis (1981-2003) Leméac-Actes Sud, 255p.


    Un nouveau roman de Nancy Huston est annoncé aux éditions Actes Sud, à paraître à l'automne 2006.

  • Besoin de consolation

    L’auteur démasqué (21)
    Ce poème est extrait du recueil de Raymond Carver intitulé La vitesse foudroyante du passé, paru récemment aux édition de L'Olivier. Nul, finalement, de la tribu papou, n'a identifié l'auteur en dépit de multiples indices fournis par le jury international, sous l'expert contrôle du Dr Fellow. La suite du jeu se fera à proportions des ressources de perspicacité de la compagnie, visiblement amoindries par l'été venant 

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    La petite chambre

    Il y eut un grand règlement de comptes.
    Les mots volaient comme des pierres à travers les fenêtres.
    Elle hurlait, elle hurlait, comme l’Ange du Jugement.

    Puis le soleil jaillit et un sillage de fumée
    stria le ciel matinal.
    Dans le silence soudain, la petite chambre
    Se retrouva étrangement seule, tandis qu’il lui séchait ses larmes.
    Elle devint comme toutes les autres petites chambres sur terre
    que la lumière a de la peine à envahir.

    Des chambres où les gens hurlent et se blessent.
    Puis éprouvent douleur, ou solitude.
    Incertitude. Un besoin de consolation.

     

  • La flamme et les cendres

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    Dans La gazelle tartare, Asa Lanova ressaisit la matière d’une existence marquée par la peur de vivre et la recherche de l’absolu, avec un mélange détonant de verve et de poésie

    A vingt ans, Maryse était une jeune danseuse lausannoise promise au plus bel avenir. Un premier rôle d’Ophélie, avec Maurice Béjart pour partenaire, marqua simultanément sa première panique. Fuyant un amour naissant, fuyant la danse, elle devint plus tard écrivain sous le nom d’Asa Lanova. Sept livres ont abouti à ce dernier récit d’une nouvelle profondeur, marqué par la solitude mélancolique et le deuil, mais aussi l’humour et quel sursaut de bonne vitalité.

    La sagesse des braves gens répète qu’on ne peut être et avoir été : que nul n’échappe à la loi du temps qui passe et qu’il est chimérique de croire à la jeunesse éternelle, sauf à pactiser avec le diable. Or, même à l’ère des oiseaux mazoutés, il reste des poètes rêvant à l’albatros bravant toutes les pesanteurs et des jeunes filles attendant le prince charmant à la fenêtre de leur tour HLM – et telle demeure la narratrice de La gazelle tartare en dépit d’une vie plutôt mouvementée dont témoignent, de La dernière migration (Régine Deforges, 1977) au Testament d’une mante religieuse (L’Aire, 1995) des livres marqués au sceau d’un érotisme entêtant, voire torride, mais nullement superficiel. Une constante traverse en effet les écrits sur feuillets bleus d’Asa Lanova, et c’est une sorte de panique frisant parfois le délire, à base de carence affective, d’incertitude, de peur de vivre (cette « gangrène de l’âme ») et de terreur de n’être pas à la hauteur. Son insomnie chronique la taraude plus que jamais au moment où elle entreprend ce nouveau récit, dont le déclencheur est le visionnement d’un film consacré à Maurice Béjart et, de fil en aiguille, le ressouvenir d’un bref amour de jeunesse qu’elle a fui comme elle fuira bientôt la danse où on lui promettait le plus bel avenir. Cette irruption de son passé de jeune fille en fleur coïncide avec une confrontation plus douloureuse, après des années éprouvantes de dérive en Egypte et de dèche en haute-Savoie, avec la décrépitude de sa mère frappée par la maladie d’Alzheimer. Amorcé dans le jardin retrouvé de son enfance, où son grand-père terrien l’initia aux beautés de la nature et où reposent les cendres de son père, le récit de La gazelle tartare va se développer en spirales narratives creusant alternativement dans le passé de Maryse (son vrai nom) et rejoignant le présent d’Asa, dans un brassage proustien où la « traque des mots », dont la romancière a la passion précise et parfois précieuse (le « charabia chéri » que lui reproche gentiment son mentor, le grand découvreur Georges Belmont, ami de Joyce), exprime cette « Force de vie » qu’entretiennent également la discipline ascétique de ses exercices quotidiens à la barre et ses soins de soeur franciscaine zoophile à sept chats flanqués d’une chienne du désert…

    L’univers d’Asa Lanova est apparemment un vrai souk, mais c’est vers une nouvelle simplicité dépouillée que nous conduit La gazelle tartare, au terme d’un récit tour à tour émouvant et burlesque, truculent à souhait lorsqu’elle évoque un séjour de cinq ans à Alexandrie, et très poignant par l’évocation de la fin de sa mère. Il y a chez elle un mélange de terrienne vaudoise et de mystique « allumée », de sauvageonne complice de la Vouivre et d’artiste retrouvant, chez ces grands vivants que furent Henry Miller ou Lawrence Durrell, la flamme pure, transfigurée par la littérature, d’une vie de bohème où plaisirs et « châtaignes » firent florès.
    Dès le départ de son récit, la figure magnifiée de « Satan », ainsi qu’elle surnomme Béjart en qui elle voit un « messager d’amour entre le monde et la Beauté », devient l’objet d’une rêverie obsessionnelle qu’un rendez-vous téléphonique fixe dans le temps et l’espace. Or verra-t-on, à l’automne, Tristan et Iseult se retrouver enfin pour finir leur vie sur un tardif canapé conjugal ? C’est ce qu’elle s’obstine à croire en invoquant l’ « éternel retour » et en se repassant Wagner sur son pick-up. L’intéressé, avec la tendresse des sages, lui objectera pourtant: « Je ne puis raccorder ce qui fut à ce que nous sommes devenus. Aussi, gardons intacte la beauté du souvenir… ».

    Au demeurant, il serait mesquin de voir en La gazelle tartare l’exploitation d’une « affaire » susceptible de publicité. S’il est certain que la narratrice croit vraiment qu’elle va retrouver cet amour de jeunesse, si fugace qu’il ait été, c’est qu’elle sait chez lui cette même Flamme inextinguible qu’elle désespère de trouver auprès de ses compagnons ordinaires. Avec la même candeur, et cette crédulité un peu « barjo » qui la fait se convertir un temps à l’islam et se frotter à l’occultisme, elle ne cesse de lorgner vers l’Infini, l’Eternel et l’Absolu, tout en gardant les pieds sur terre avec ce bon naturel et cette fougue vitale irriguant ses meilleures pages. C’est ainsi, au final, un livre plein d’amour et de mélancolie, mais aussi de courage et de drôlerie que La gazelle tartare, où l’inaccessible (désigné par l’expression arabe du titre) devient matière humaine par le miracle des mots.

    Asa Lanova. La gazelle tartare. Bernard Campiche éditeur, 268p.
    Le Prix Schiller vient d’être attribué à ce livre.





  • Cabaret TasteMot

     

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    INVITATION

     

     

    Le Passe-Muraille au Cabaret Tastemot

    Une soirée de lecture festive avec :

    la brève présentation du

     Passe-Muraille de l’Antiquité à nos jours,

    la lecture de Bingo, monologue inédit d’

    Antonin Moeri,

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    par Salvatore Orlando, assisté d’un DJ.

     

    La lecture de La Symphonie du loup de

    Marius Daniel Popescu,

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    et diverses lectures-minute

     de textes parus dans

    Le Passe-Muraille

    par des comédiens amis.

     

    Cabaret TasteMot

    Lausanne. Théâtre 2.21. Industrie 10.

    Jeudi 29 novembre 2007, dès 21h, Salle 2.

    (Entrée libre. L’on y mange. L’on y boit. L’on y exulte).

    « Si vous n’aimez pas Le Passe-Muraille, abonnez vos ennemis ! »

     

  • Un visionnaire apocalyptique


    Cosmos incorporated de Maurice G. Dantec déploie une sombre fresque mêlant conjectures scientifiques et féerie poético-mystique

    C’est un voyage extraordinaire, à la fois au sens où l’entendait Jules Verne, et pour la nouveauté des espaces imaginaires qu’il ouvre dans la tête du lecteur, que nous propose le dernier roman de l’écrivain français en exil (lire encadré) Maurice G. Dantec, brassant un savoir impressionnant dans un thriller d’anticipation qui joue à la fois sur les ressorts « naïfs » du genre, la vision géopolitique catastrophiste d’un futur proche (vers 2050) et une extravagante histoire de démons et d’anges « quantiques » puisant aux deux sources de la conjecture scientifique et du symbolisme mystique. Le cocktail molotov des références du romancier, imbibé de rock anglais des années 80, de contre-utopie littéraire (du côté de William Burroughs et Philip K. Dick) et citant saint Augustin, Nicolas de Cues ou Giordano Bruno, pourrait alimenter le pire kitsch post-punk ou cyber-new age, et pourtant il n’en est rien. Ce roman saisit en effet par le sentiment du tragique qui l’inspire, sa révolte fondamentale contre le suicide spirituel de l’humanité, et la poésie, la beauté novatrice de sa forme.
    On entre dans Cosmos incorporated comme en un cauchemar éveillé. D’emblée on ressent la même oppression que dans 1984, à cela près que Big Brother contrôle ici la totalité de l’individu, scanné jusqu’à son ADN et manipulé du dedans par nano-contrôle. Le début du roman mime une Genèse dont l’Adam se nomme Plotkine, né en 2001 en Sibérie et en principe âgé de 56 ans mais rajeuni par deux cures transgéniques. Tout cela qu’il apprend en même temps que le lecteur : à savoir qu’il est mercenaire d’un certain Ordre, chargé de liquider le maire de la ville-champignon de Grande Jonction, en territoire mohawk, surgie après la destruction des principales métropoles américaines, au terme des « années noires » (500 millions de morts) marquées par le Grand Djihad, la Deuxième guerre de sécession américaine et l’instauration d’une paix provisoire à l’enseigne du consortium mafieux de l’UniMonde Humain (UMHU)
    Grande Jonction, où se passe le roman, est à la fois un Vegas post-atomique bordélisé (« partout, sexe, drogue, musique, pognon, partout baise-moi, shoote-moi, bouge-moi, achète-moi ») et le tremplin vers une île possible du cosmos d’où s’envolent à tout moment d’étincelantes fusées. Un premier saut « quantique » est franchi par la narration lorsque, descendu à l’Hôtel Laïka pour y préparer sa mission, Plotkine y rencontre Vivian Mc Nellis, jeune fille tombée du ciel avec son frère Jordan, comme une paire d’anges. Mais Vivian n’est pas qu’un ange : elle est la mère virtuelle de Plotkine, puisque c’est elle qui écrit son histoire, qu’elle va l’enjoindre de vivre lui-même au titre d’homme libre - la fiction devenant réalité. Tueur de l’ancien monde, Plotkine assumera de fait, par la grâce de Vivian, le rôle sacrificiel du croisé chargé de « baiser la Métastructure », monstrueux système d’aliénation mondialisée, avant de se faire exécuter pour trahison de l’Ordre.
    Sous le titre de Process, la troisième partie du roman introduit le personnage de l’Homme-Machine (un enfant doté de tous les sexes et de 99 noms virtuels, le 100e relevant du Secret), dont Plotkine va court-circuiter le programme mortifère. Quant à la fin de Cosmos incorporated, aboutissant à la fois à la fin du monde « réel » et à un mystique retournement («l’Amour tue la Mort, l’Amour est capable de vous rendre insensible, non à lui-même mais à son antimonde (…) seul l’Amour est réel…», elle consomme la réussite de ce livre inspiré, aux personnages spectraux mais aussi attachants que les héros de notre candide jeunesse. Jamais, depuis les polars « théologiques » d’un G.K. Chesterton, un auteur n’avait combiné ainsi la narration la plus « populaire » et une si profonde réflexion.
    Sa dernière partie, malgré sa vision catastrophiste, est d’une poignante humanité, notamment lorsque Dantec parle de « la beauté intrinsèque que ne parvenaient pas à souiller les abominations de l’homme » ou, tout à la fin, quand il évoque une dernière voix sur Terre, « celle qui fait de chacun d’entre nous autre chose qu’une routine dans le programme, autre chose qu’une boîte dans un ensemble infini de boîtes, autre chose qu’une machine dans la mégamachine»…
    Or cette voix, censée se taire au terme apocalyptique de Cosmos incorporated, est celle-là même du romancier, dont la parole nous semble à la fois « inouïe » et vivifiante.

    Maurice G. Dantec. Cosmos incorporated. Albin Michel, 568p.

    Le croisé sans église
    Depuis son exil au Canada, en décembre 1998, la publication des deux volumes du Théâtre des opérations, son monumental journal « métaphysique et polémique », et diverses interventions médiatiques où il s’est (notamment) posé en défenseur de l’Occident favorable à l’intervention américaine en Irak, très virulent à l’encontre de l’intelligentsia « humanitaire »,  Maurice G. Dantec est devenu la cible de non moins violentes attaques, incriminant son « islamophobie », voire son « fascisme ».
    Or s’il est vrai que sa vision géopolitique, assimilant le terrorisme islamiste à un déferlement apocalyptique de masse, peut faire conclure à un délire « islamophobe » comparable à celui de Céline prophétisant l’arrivée des Chinois à Meudon, la composante « fasciste » est inexistante chez lui, comme le prouvent les innombrables développements de son journal, absolument antinazis. Son « sionisme » récemment déclaré en fait-il alors un « fasciste » pro-israélien ? On en jugera à la lecture du troisième tome du Théâtre des opérations…
    Ce qui est sûr, c’est que Dantec, nourri de Joseph de Maistre et de Léon Bloy, est idéologiquement un réactionnaire du feu de Dieu… mais  mille autres choses encore : un artiste, un romancier, donc un medium, un sismographe, un chaos vivant, aussi fulminant et contradictoire qu’un Bernanos, un croisé sans église à genoux dans les décombres…

    Ces deux articles ont paru dans le quotidien 24 Heures, en date du 4 octobre. Le lecteur de ce blog qui a eu la patience de lire les notes de lecture qui précèdent appréciera (ou pas) le travail de laminage que représente un tel résumé de résumé, visant un journal à large diffusion... La photo, signée Richard Dumas, a été piquée par l'auteur de ces lignes dans le Magazine littéraire, qui consacre deux belles pages à Dantec dans sa dernière livraison.

     

  • Que la mort n'existe pas


    Lecture de Cosmos incorporated (7)

    J’étais en train de lire la fin de Cosmos incorporated en écoutant le Te Deum d’Arvo Pärt lorsque je suis tombé sur ces mots : « Vous savez bien que la mort n’existe pas ». Le contexte du chapitre dans lequel ces mots sont prononcés, autant que le fait que ces mots constituent le titre exact (Que la mort n’existe pas) de la dernière partie de mon propre dernier livre paru, Les passions partagées, où j’évoque les derniers jours et l’agonie de ma mère - tout cela m’a plongé dans un mélange de profonde mélancolie et de joie paradoxale, lesquelles  imprègnent aussi bien les cinquante dernières pages de ce livre complètement renversant, où je lisais encore une page plus loin «l’Amour tue la Mort, l’Amour est capable de vous rendre insensible, non à lui-même mais à son antimonde, à ce qui n’est pas réel, et qui pourtant modèle la réalité du monde. Seul l’Amour est réel… »
    Et de fait, malgré les multiples « prodiges » que ploie et déploie la narration follement complexe et non moins cohérente du roman de Maurice G. Dantec, qu’on pourrait dire une fiction nourrie de conjectures scientifiques plus encore que de la science fiction, c’est bel et bien de réalité qu’il s’agit là, en tout cas c’est ainsi que je le perçois, à la fois physiquement et métaphysiquement, comme je ne l'ai perçu chez aucun autre écrivain à ce point d’incandescence et de vertige depuis Witkiewcicz, génial visonnaire polonais des années 20 dont la conception de l'humanité future aliénée et massifiée restait essentiellement mécaniste dans son catastrophisme, sans rien de la composante poétique, religieuse et mystique des projections imaginaires de Dantec.
    J’avais pensé naguère, en lisant les déclarations de celui-ci dans les journaux, que sa position spirituelle affichée de "chrétien sioniste" relevait de l’idéologie d’emprunt ou du plaquage de pacotille, mais il n’en est rien : c’est visiblement un vrai converti, sous ses dehors d'allumé sauvage, qui emprunte autant au réalisme pur et dur de Thomas d’Aquin qu’aux positions de rupture d'un Giordano Bruno et à toutes sortes de visionnaires mystiques de l’Ancien Testament ou des premiers siècles et du Moyen Âge, via l’Apocalypse, pour fonder une approche trinitaire de la réalité, proche aussi de celle d'un Chesterton. Là-dessus, comme la lecture du monde de Dantec est très nourrie aussi de culture scientifique et littéraire, de spéculations sociales ou géopolitiques (les plus discutables à mes yeux), sans parler de ses multiples références de fan de rock, cet extravagant cocktail peut faire apparaître son discours "théologique" comme du pipeau folky.
    Or il n’en est rien: ce livre se tient sans donner dans le catéchisme tocard, comme sur un système de toupies vrombissantes, ou comme une féerie de sphères de sens et de "sons", tant au niveau de sa narration « triviale » qu’à celui de ses multiples résonances morales, poétiques ou téléologiques. Sa dernière partie, malgré sa vision catastrophiste que ma nature débonnaire refuse absolument d’admettre, est même poignante d’humanité, et notamment quand il évoque la naissance de l'enfant orphelin voué au désastreux à-venir, décrit la mort "réelle" du cher Plotkine, parle de « la beauté intrinsèque que ne parvenaient pas à souiller les abominations de l’homme » ou, tout à la fin, à propos du « texte » qu’il reste virtuellement au dernier écrivain vivant d'écrire « dans la clameur atroce des tueries et le vacarme tonitruant des foules livrées à elles-mêmes », quand il évoque cette ultime voix sur Terre «qui fait de chacun d’entre nous autre chose qu’une routine dans le programme, autre chose qu’une boîte dans un ensemble infini de boîtes, autre chose qu’une machine dans la mégamachine", avant de conclure que "cette voix, c’est tout ce que l’humanité n’ose pas se dire, tout ce dont l’humain ne veut pas entendre parler, c’est-à-dire lui-même et ses atroces défaillances», cette voix qui est de l’Origine et « qui permet au monde de se faire », cette voix censée se taire à la fin de Cosmos incorporated et dont la modulation du livre fait espérer, sinon prouve précisément le contraire…

  • Le jouisseur et le déporté

    En (re) lisant Rudolf de Marian Pankowski 

    Par un bel après-midi d’été, sur la Grand-Place de Bruxelles, deux hommes font connaissance, qui ont pour point commun d’appartenir à la “gamme grisonnante” et de parler la même langue. D’un côté le narrateur: un Polonais quinquagénaire qui, tout comme l’auteur, a vécu le cauchemar d’un camp d’extermination avant de s’exiler en Belgique, où il est devenu professeur d’université. De l’autre, un Allemand septuagénaire, originaire de Lodz, et qui déclare aussitôt que la vie n’aura guère eu de bon pour lui que l’amour. Plus précisément: l’amour des garçons. Et d’exalter assez rudement cette forme de sensualité phallique.

    A cette célébration du plaisir égoïste, le Polonais oppose une attitude de moraliste, fondée sur le devoir de solidarité auquel nous devrions souscrire spontanément dans un monde ravagé par la souffrance. Face au cynisme apparent de son interlocuteur, il proclame son attachement résolu à “certains principes que les homme se sont transmis de siècles en siècles”. Et pour lui en imposer, le voici qui exhibe son matricule tatoué de détenu - tatouage de haine. Alors l’Allemand de se dépoitrailler pour lui faire voir, à son tour, le tatouage d’amour dont il a marqué sa propre chair.

    Pourtant nul ne va convaincre l’autre par des arguments, mais uniquement par son attitude, son attention amicale et la qualité de sa présence. Ainsi la rencontre de Rudolf ne donne-t-elle pas lieu à un débat, au sens où deux conceptions antinomique de l’amour s’affronteraient par exemple, mais à une sorte de dévoilement réciproque.

    Par tempérament, autant que par expérience, les deux personnages représentent deux grandes entités; Nature pour le vieil Allemand jouisseur, et Culture pour le professeur polonais. Mais rien, au demeurant, de réducteur chez Pankowski. Au commencement, tout paraît les séparer. Pourtant l’espèce de tendresse rugueuse qui se développe entre eux les engage à surmonter progressivement leurs préjugés, de sorte qu’un visage vivant et personnel se substitue bientôt, aux yeux du narrateur, au masque de l’inverti, tandis que celui-ci découvre, sous les dehors de l’humaniste pontifiant, un homme de coeur et un ami possible. Et puis, le professeur est à la fois un poète, “oiseleur expatrié” doté du pouvoir de restituer, par les mots, cet événement d’une vraie rencontre.

    Ce qui enchante de fait en premier lieu, chez l’auteur de Rudolf, c’est la précision surexacte de chaque mot, sa charge de sens pluriel et son aura, la puissance suggestive de chaque image. Dans un récit plein d’escaliers, Marian Pankowski taille et polit un cristal aux arêtes étincelantes dans les facettes duquel se lisent des messages chiffrés. Mais dans les strates du sens aussitôt lisible ou caché, et sous l’éclat chatoyant de la matière verbale, comme sous les reflets du plumage d’un geai (l’oiseau-fétiche de l’écrivain) ne cesse de se sentir la forte et chaude palpitation de la vie.

    Marian Pankowski, Rudolf, Editions L’Age d’Homme.

  • Une fenêtre sur le monde

    Ce blog voudrait être une fenêtre sur le monde. Une de plus. On ne ferait ici que noter ses impressions de lecture, et quand je dis "on" c'est parce que celui qui écrit en ligne n'est pas tout à fait le même que celui qui écrit pour lui; et quand je dis lecture, c'est en effet de livres qu'on parlerait, mais aussi de tout ce qui passe par les mots et par les rencontres et les voyages, autant dire: le livre du monde...

    Ce matin ma lumière s'est allumée à 5 heures dans la grande pente nocturne surplombant l'un des plus grands lacs d'Europe, en face des monts de Savoie, juste en face des lumières du casino d'Evian où une comtesse polonaise vient de claquer une grosse somme. Cela ne fait rien: elle a des réserves.

    A la fenêtre le jour se lève sur Le Château - ce nom désignant une montagne à créneaux qui rappelle ceux de Carcassonne, là-haut au bord du ciel, et là-bas le lac a des reflets vert pâle, comme ceux de mon encrier en forme d'étoile... 

    (A La Désirade, ce 18 juin 2005)