
Gael Garcia Bernal honoré sur la Piazza Grande. Où a été projeté mercredi soir le film politique No, du Chilien Paul Larrain, illustrant admirablement les équivoques de nos sociétés. Le léopard d’or se cherche encore à Locarno. À deux jours de la conclusion, les pronostics sont incertains. Mais la compétition internationale affiche un bon niveau.
Des jeunotes en folie ont accueilli mercredi soir le « divo » mexicain Gael Garcia Bernal sur la Piazza Grande archicomble, avant la projection de No, film politique mais grand public du Chilien Paul Larrain. Magnifique mise en scène, formidable interprétation de Bernal, thème en phase parfaite avec notre époque ambiguë au possible : comment le dictateur Pinochet se fait virer par le truchement d’une campagne publicitaire.
« Vous êtes le jury ! », scandent les affiches géantes du Prix du public, qui pourrait bien revenir à ce film. À moins que la Piazza plébiscite plutôt Quelques heures de printemps du Français Stéphane Brizé, grand moment d’émotion pure et dure, filtrée par une Hélène Vincent bouleversante et un Vincent Lindon saisissant lui aussi de vérité.
Et la compétition internationale dans tout ça ? Sans préjuger des décisions d’un jury de « pros » présidé par le très estimé réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, elle a réservé de belles découvertes. À commencer par Starlet du quadra américain Sean Baker, belle confrontation entre deux femmes, la vieille dame à chihuahua et Jane la jeune défoncée. Autre paire émouvante dans un film de haute sensibilité : les deux protagonmistes de Der Glanz des Tages des Autrichiens Tizza Covi et Rainer Frimmel. Ou dans un registre plus frais : les deux glandeurs, genre Vitelloni, de Mobile Home du Belge François Pirot. Du couple on passe au trio, toujours en finesse, dans Une Estonienne à Paris d’Illmaar Raag, avec Jeanne Moreau.
Côté Suisses, le désolant pseudo-docu Image Problem de Simon Baumann et Andreas Pfiffner semble d’avance hors-course, alors que la grande fresque poético-philosophique de Peter Mettler, The End of Time, aux images splendides mais flatteuses à la Yann Arthus Bertrand, paraît déplacée dans cette sélection…
À l'enseigne de Cinéastes du présent, deuxième concours international, les décisions du jury présidé par le Tchadien Mahamat-Saleh Haroun seront probablement plus épineuses, dont ondoute qu’elles offrent la moindre chance au Tessinois Niccolò Castelli pour Tutti Giù. Enfin, ce qui paraît sûr est que les Léopards de demain, couronnant des courts métrages de réalisateurs prometteurs, brilleront en section internationale alors que la sélection suisse s’est fait remarquer par sa platitude.
Au demeurant, le palmarès de Locarno, festival éminemment public brassant les âges et les langues (où les accents romands sont très présents !), ne se borne pas aux prix attribués. De Maire en Père, avec la bénédiction du Président Marco Solari, ce festival éminemment convivial reste jeune au tournant de sa 65e édition…


En compétition internationale, ce premier long métrage de Niccolò Castelli (né en 1982 à Lugano) relève de la chronique actuelle focalisée sur de très jeunes gens, rappelant donc Ken Park de Larry Clark, en plus lisse ou, plus près de nous, Garçon stupide de Lionel Baier, en moins aigu et personnel, et la série de Romans d’ados. Alignant avec lyrisme des images qui exaltent la jeunesse dancingo-sportive (entre compète de ski, folles courses de rollers et matches de hockey) sur un rythme scandé par le rock et le rap, genre vidéo-clip, Castelli rend bien le labyrinthe urbain de Lugano cerné de paysage sublimes mais n’échappant pas à une menace latente.
Emotions sur la Piazza Grande
Rappelant le mérite d’Otto Preminger (dont la rétrospective fait le plein des salles) qui a tourné avec lui Carmen Jones en 1954, où tous les rôles de l’opéra de Bizet sont chantés par des Noirs, Harry Belafonte s’est livré à une belle profession de foi à la gloire de l’art rapprochant les hommes. Or la veille, le même message, assorti d’une minute de silence en hommage aux civils Maliens massacrés ces jours, avait été adressé au public de la Piazza par le grand cinéaste africain 
Une visite, en janvier 2000, à propos du Journal.


Deux glandeurs qui voyagent sur place pour notre bonheur dans Mobile Home de François Pirot. La fin du temps qui n’en finit pas de Peter Mettler. Et l'irradiante beauté d'Ornella Muti...
Une symphonie ronflante
Le soleil d’Ornella sous les trombes 


Or que nous promet cette 65e édition, troisième de l’ère d’Olivier Père ?
Comme chaque année, après Ernst Lubitsch et Vincente Minelli ces deux dernières années, la rétrospective remplira le Rex avec une trentaine de films signés Otto Preminger, de Laura à Autopsie d’un meurtre (avec un fabuleux James Stewart) ou de Carmen Jones à L’Homme au bras d’or (pour Frank Sinatra dans son meilleur rôle et la musique de Duke Ellington). En outre, un hommage plus modeste sera rendu à Dino Risi avec la présentation de cinq courts-métrages exhumés récemment, remontant aux années 1946-1949.