Deux glandeurs qui voyagent sur place pour notre bonheur dans Mobile Home de François Pirot. La fin du temps qui n’en finit pas de Peter Mettler. Et l'irradiante beauté d'Ornella Muti...
Le festival de Locarno est la plus belle occasion de l’année, pour le public le plus varié, de voyager à travers le monde sans quitter les salles obscures. Celles-ci sont le plus souvent pleines en cette 65eédition, qu’il fasse soleil ou pluie. Dimanche matin ainsi, dès 9 heures, le bouche-à-oreille ayant déjà opéré, plus de mille spectateurs assistaient à ce que je dirai mon premier coup de cœur de la compétition internationale.
Titre : Mobile Home.Auteur : le Belge de 35 ans François Pirot. Thème : le voyage plus ou moins immobile de deux glandeurs attachants et magnifiquement campés par Arthur Dupont et Guillaume Gouix. Le scénario pourrait sembler minimaliste puisqu’il se réduit, pour ces deux garçons rêvant de foutre le camp au bout du monde, à une suite de faux départs piteux. Or on ne s’embête pas une seconde dans ce portrait en mouvement de deux trentenaires velléitaires (et de quelques filles, et de leurs gentils parents scotchés à leur petite vie) dessinés avec une merveilleuse finesse, au fil d’un dialogue dont chaque mot sonne juste. Les deux protagonostes, Simon le beau gosse a voix de bluesman, qui vient de larguer son amie Sylvie par crainte de s’engluer en couple, autant que son pote Julien que son père vieillissant rêve de garder près de lui pour jouer au scrabble, sont approchés avec une empathie sans faille. L’atmosphère de la province, qui pourrait être suisse ou de partout, est captée avec une précision réaliste jamais pesante. Et puis il y a du cinéma là-dedans. À l’opposé de tous les effets: une parfaite fluidité des plans, des cadrages qui modulent le regard aussi vif qu’affectueux de François Pirot, un rythme très soutenu et la preuve par l’image, rejoignant le propos même du récit, que le voyage commence à côté de chez vous et que le vie bien observée est passionnante partout. Le cinéma belge a déjà produit quelque merveilles dans ce registre, avec Les convoyeurs attendent et les films des frères Dardenne, notamment. Or François Pirot, après quelques « courts », signe ici son premier long métrage qu’on espère retrouver au palmarès. Bien accueilli par le public de Locarno, Mobile Home s’inscrit dans la lignée des films au réel potentiel « grand public » que nous auront révélés les éditions précédentes du festival, comme La petite chambre ou Le responsable des ressources humaines, l’an dernier, ou Akademia Platonos l’année précédente, notamment.
Une symphonie ronflante
Autant Mobile Home brille par sa légèreté et son humour tendre-acide, autant The End of Time de Peter Mettler, réalisateur quinquagénaire né à Toronto de parents suisses, pèse par son emphase esthétique et son discours poético-philosophique sur les multiples conceptions et autres composantes du Temps. Coproduction suisse et canadienne, ce film qui n’en finit pas ne manque certes pas d’intérêt ni de qualités, mais la place de ce docu-poème, est-elle vraiment dans la compétition internationale, comme la question se posait déjà pour Image Probleme de Simon Baumann et Andreas Pfiffner ? Amorcé par une visite guidée dans les profondeurs du CERN où l’on fait joujou avec l’infiniment petit, et s’achevant dans les abîmes stellaires que scrutent des télescopes, l’ouvrage brasse toutes les questions liées à la nature du temps et de ses rapports intimes avec l’espace depuis qu’un certain Einstein a rebrassé les cartes…
Entre les deux infinis pascaliens, Peter Mettler entraîne le spectateur dans un périple aux magnifiques images, ponctué de rencontres diverses, de tel ermite savant scrutant la formation d’une île volcanique à longueur de coulées de laves, à telle écolo cultivant son jardin communautaire à l’écart des pluies acides, en passant par tel féru de techno ou tel adepte de la sagesse bouddhiste – chacun y allant de son credo sur le temps qui nous fait et nous défait…
Le soleil d’Ornella sous les trombes
Accueillant hier la star italienne au forum du Spazio Cinema, Olivier Père dit n’avoir jamais vu tant de monde en ce lieu, jamais aussi arrosé non plus. « Mais le soleil nous arrive avec Ornella Muti ! »
Et de fait, radieuse et plus que glamoureuse: belle à craquer, et vivante, gouailleuse, drôle, naturelle, se riant volontiers d’elle-même. Evoquant ses débuts en réponse à la première question lancée par le directeur du festival, Ornella Muti dit qu’elle a fait ses débuts au cinéma « par hasard », dans un film de Damiano Damiani, La mogllie piû bella, dont elle avait, à 14 ans, l’âge du personnage. Sans penser sérieusement qu’elle ferait du cinéma, la jeune fille, qui se voyait plutôt danseuse à cette époque, n’en enchaîna pas moins, par la suite, les rôles dans des comédies populaires avant d’entamer sa grande carrière marquée par les rencontres de Mario Monicelli, Dino Risi, Marco Ferreri (pour une relation de « grand amour » après un début plutôt pénible), Ben Gazzara et tant d’autres.
A une spectatrice lui demandant quel a été le plus beau jour de sa vie, Ornella Muti répond qu’il est difficile d’en choisir un seul quand on a trois enfants, et que, les années passant, « le plus beau jour » peut changer. Quant au plus triste jour de son existence, l’actrice l’associe à la mort de son père. Et à une autre question portant sur ce qu’elle aimerait changer dans le monde, Ornella Muti répond enfin avec gravité : « Je changerais les hommes. Je veux dire : les hommes et les femmes, l’homme dans sa nature. Je crois que l’homme est méchant, et c’est cela que j’aimerais changer si j’en avais le pouvoir »…