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Une vie nouvelle

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Derniers fragments d’un long voyage de Christiane Singer, ou l’anti-Zorn.

C’est un livre essentiel, un livre lumineux et bouleversant, le livre de la douleur retournée et du dépassement de la maladie que nous envoie Christiane Singer comme une sorte de lettre aux demi-vivants que nous sommes la plupart du temps. Le 2 mars 2007, à la veille de sa mort annoncée depuis octobre 2006, Christiane Singer écrivait à son éditeur. «Comme promis, et dans la joie… Je crois que ce livre a vraiment sa lumière propre ! Quelle grâce j’ai reçue de lui livrer passage !! Prends-en soin, je t’en prie. Mon rêve serait qu’il paraisse le plus vite possible- Ce serait une manière très forte d’entrer désormais dans un espace NEUF – peu importe où – mais NEUF. »
Et de fait, à l’opposé de toute désespoir ressentimental, donc aux antipodes du fameux Mars de Fritz Zorn, ce journal d’une lente agonie dont les affres ne sont en rien édulcorées (« Il y a des moments où l’âme empalée au corps agonise. Enfer de la souffrance. Enfer jour après jour (…) Journée terrible. Nuit terrible. Ventre calciné (…) Tous ces jours, j’éprouve le malaise profond d’être dans le corps d’un autre. Je ne reconnais plus rien », etc.), mais dont le mouvement général est une ouverture graduelle à plus d’amour et plus de vraie vie.
«Nous sommes appelés à sortir de nos cachettes de poussière, de nos retranchements de sécurité, et à accueillir en nous l’espoir fou, immodéré, d’un monde neuf, infime, fragile, éblouissant ».
Rien là-dedans d’une fuite dans une euphorie spiritualisante coupée de la chair, au contraire : ce journal débordant de tendresse, de petits faits cruels ou drôles de tous les jours, avec les proches, les amis, les soignants, les toubibs, les oiseaux de Vienne, est une traversée des apparence qui nous associe à tout instant à celle qui nous rejoint en nous quittant.
On pense à Charlotte Delbo, à Etty Hillesum, à Flannery O'Connor chantonnant dans les grandes douleurs, à Philippe Rahmy endurant crânement le martyre des os de verre  en lisant ce petit livre d’une condamnée à mort déterminée à ne pas lâcher le fil de la Merveille: « L’amour n’est pas un sentiment. C’est la substance même de la création ».
J’aimerais citer de pleines pages de ce petit livre atrocement revigorant: « Les Vivants n’ont pas d’âge. Seuls les morts-vivants comptent les années et s’interrogent fébrilement sur les dates de naissance des voisins. Quant à ceux qui voient dans la maladie un échec ou une catastrophe, ils n’ont pas encore commencé de vivre. Car la vie commence au lieu où se délitent les catégories. J’ai touché le lieu où la priorité n’est plus ma vie mais LA VIE. C’est un espace d’immense liberté »…
Christiane Singer. Derniers fragments d’un long voyage. Albin Michel, 135p.

Commentaires

  • salut,

    content que tu aies apprécié l'ultime écrit de cette auteur qui restera pour moi comme une étoile lumineuse et une grande espérance.

    Pour ceux et celles qui apprécient cette auteure, voici un lien vers un autre texte fondamental : http://www.planetpositive.ch/version_2_0/news/articles/1744/christiane_singer___croire_a_la_fatalite__c_est_le_seul_peche__.html

    Cordialement,

    Jean

  • Je prends le risque - bien léger - de passer pour un dissident grincheux, mais j'avoue que je n'ai jamais pu achever la lecture, pourtant plusieurs fois relancée, du bouquin cultissime de F. Zorn. Il me tombait des mains. Comme il n'est pas très lourd, il épargna mes orteils.
    Bien cordialement.

  • Le scrupuleux JLK a mesuré pour voir: la chose pèse quand même 444 grammes. Sur un orteil de bipède, ça craint autant que sur un occiput de quadrupède même à pedigree comme le soussigné...

  • http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=348101&sid=5574636&cKey=1109793791000

    Voilà un autre site sur lequel vous trouverez une vidéo de la tele suisse très émouvante pour celles et ceux qui ont connu Christiane.

  • C'est la première note que je relis après quelques temps de retraite, de route et loin de tout et surtout loin de moi...
    Quel écho à ce que j'entends tous les jours sous le Dôme! Quel écho à mon long voyage de 8 ans pour finalement me retrouver ou me trouver...
    Le carême est fini et je vais pouvoir renaître, lavée et blanchie... aux yeux de mes pairs et à mes yeux.
    Le difficile chemin pour comprendre que même lorsque l'on est plus rien et que l'on crois tout devoir perdre... on est toujours, plus présent finalement, plus vrai, sans masque et sans fard... sans rôle... et c'est comme faire enfin connaissance de soi-même...
    Il faisait beau hier sur les colzas qui exhalaient le miel, qui irradiaient, fluorescents sous la lumière du soir. Celle qui sculpte les reliefs et les contrastes, indescente et candide, qui éclaire de côté les choses et les arbres de la grande cathédrale de la futaie qui bruisse de milles vies...

  • Les deux livres sont géniaux, chacun dans son genre, et complètement opposés : amour contre haine, repli sur soi contre dépassement, vision contre absence de perspective. Deux livres majeurs qui font de nous des voyeurs légitimes.

  • "Les deux livres sont géniaux, chacun dans son genre, et complètement opposés": mais ce sont aussi deux livres de personnages qui n'ont pas du tout le même âge, ni le même vécu, je ne vois pas comment comparer! L'auteur de Mars est très jeune, et mourir à son âge autorise, il me semble, d'exprimer la révolte! Bien sûr, la responsabilité que fait porter l'auteur à ses parents, à l'ennui de son enfance est pesante. Mais compréhensible!
    Ce qui l'est moins, c'est ce qu'a entrainé ce livre en médecine. Le syndrome Mars...
    Et c'est là que la comparaison devient intéressante.
    En effet, il a été tiré de Mars une redoutable et perverse théorie, à savoir que la dépression faisait le lit du cancer...
    Ce qui n'est pas vraiment faux, toute déficience immunitaire permet certainement l'éclosion des signes de la maladie cancéreuse, mais la maladie existait avant.
    Mais surtout...partant de lui, les bons soignants en sont venus dire que si les malades ne se battaient pas, et bien c'était en quelque sorte de leur faute s'ils mouraient. Ben voyons...Punis! Avant, c'était la punition divine, maintenant c'est la punition médicale, on n'arrête pas le progrès:) On le sait que c'est complètement faux,et injuste, mais c'est encore bien ancré..
    Christiane Singer était joyeuse et battante, et elle est morte quand même... Ah, si c'était si simple!!
    Bon, et à part cela, tout va en Suisse?

  • Chère Marie, je ne suis pas du tout d’accord avec vous. Il me semble au contraire qu’on peut très bien comparer les attitudes existentielles de Fritz Zorn et de Christiane Singer, incarnant en somme l’antinomie du ressentiment et de l’amour. Quant à moi, je ne trouve pas leurs livres géniaux. Ce sont les cris de deux êtres pris à la gorge. L’un, que je ne juge pas pour autant, se replie complètement sur lui-même, et l’autre ne cesse de s’ouvrir sans rien nous épargner pour autant de ce qu’elle endure. J’ai noté que ces deux livres étaient des cris, mais ils sont évidemment autre chose. Et c’est là que la comparaison fait sens aussi, avec un discours d’un côté, bien articulé et tout froid dans son pathos frotté d’idéologie, et de l’autre une succession d’élans et d’éclats de tendresse, de rage ou d’illuminations, dans un beau chaos poétique.
    Tel meurt serein et tel autre tout fâché, mais qui les jugerait ? Cependant les livres nous arrivent avec leurs questions et je trouve intéressant de confronter leurs réponses respectives.

  • DOUCEUR TELLURIQUE

    Et plus belles sont les femmes
    Du parfum
    Rayonnantes des embruns
    De l'aurore à venir
    Un châle de braises
    Au fond des yeux
    Et la saveur de la langue
    Comme alibi muet
    Leur passage est une vague de soie
    Qui remue langoureusement les ajoncs
    Autour de ces fleurs de merveille
    Que le soleil arrose

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