(Le Temps accordé - lectures du monde 2023)
Ce vendredi 13 janvier.- Nous avons passé de la langue de bois à la langue de coton, me disait la romancière Cookie Allez il y a une vingtaine d’années de ça, quand un balayeur de rue était devenu un technicien de surface et qu’un cul-de-jatte se retrouvait identifié en tant que personne à mobilité réduite.
Chère Cookie ! Se doutait-elle qu’un prénom comme le sien, aujourd’hui , serait convoité par maintes « personnes avec utérus», selon la nouvelle terminologie qui estime le terme de «femme» discriminant voire transphobe, alors que les personnes dotées d’un membre à « tissu érectile mâle » opteraient plutôt pour les prénoms d’Océan ou de Fluide...
Non je ne délire pas: je continue de lire, sans rire, les pages de La religion woke, de Jean-François Braunstein, consacrées à la disparition du terme restrictif de «femme» et à la guerre sororicide des féministes et des lesbiennes contre les trans, où l’on touche au fond de la question par ce qu’on pourrait dire l’excision de la langue courante visant à un nouveau négationnisme : à savoir le déni de la réalité par l’imaginaire et la seule autorité en la matière qu’est la conscience. Celle-ci me dit que je suis femme au dam de ma paire de couilles, donc je suis femme - point barre.
Aucun problème n’est-ce pas ? Sauf si les femmes fières de l’être ou préférant leurs semblables aux mecs couillus et aux trans qui le restent dans les vestiaires et sur les stades de la Performance, voire dans les prisons de femmes, faussent le jeu en cumulant les atouts.
Braunstein ne polémique pas dans le vide : il multiplie les exemples, surtout anglo-saxons, de cette nouvelle guerre picrocholine (au secours Rabelais !) où l’on voit des autorités sanitaires ou politiques réviser le langage courant pour ne pas discriminer telle ou telle minorité, à commencer par les trans.
Le pénis rebaptisé « tissu érectile mâle » n’est pas une invention malveillante: c’est l’expression de remplacement proposé par le doyen d’une faculté de médecine américaine à une urologue , laquelle l’envoya heureusement paître, alors qu’à l’université de Californie telle campagne de prévention du cancer du col de l’utérus ne s’adresse pas explicitement aux femmes (nos sœurs dites women) mais aux « personne ayant un col de l’utérus »)...
Ce qui m’amène ce matin à éviter de penser à notre seconde fille comme à une « mère » en voie prochaine d’accoucher d’une petite fille (l’échographie n’est qu’un détail de l’histoire) , mais à une « parente donnant naissance » et peut-être en mesure de nourrir le nouveau «sujet neutre» au « lait parental », avant l'assignation d'un sexe ouvert à toute révision.
Vous vous inquiétez, comme la romancière mal pensante Joanne Rowling, mère présumée du petit Harry Potter, de ce qu’on enferme désormais certains ex-violeurs devenus trans tout en gardant sur eux «l’outil du viol» dans des prisons de femmes, au point de tweeter à la manière d’Orwell: « La guerre c’est la paix. La Liberté c’est l’esclavage. L’ignorance c’est la force. L’individu avec pénis qui vous a violée est un femme» ? Inquiétude justifiée, vu le haro vengeur de la meute sur Rowling !
Et ça ira si loin qu’aux tweets de celle-ci un trans homme devenu femme et accepté en tant que telle dans une compétition d’arts martiaux mixtes, se vante d’avoir massacré deux femmes, déclarées transphobes, au moment même où les fédérations sportives ouvrent les compétitions sportives féminines aux hommes s’auto-identifiant comme femmes sans aucun critère physiologique.
Ce qui fait dire à Linda Blade, ancienne championne et entraîneuse: « La recommandation d’ouvrir le sport féminin à des mâles est sans doute, quelque soit l’intention, la décision la plus misogyne dans l'histoire du sport. En effet statistiquement, les athlètes masculins sont 40 o/o plus lourds, 15 o/o plus rapides, 30 o/o plus puissants, et 25 a 50 o/o plus forts que leurs homologues féminins indépendamment de quelque intervention hormonale».
De la langue de coton, l’on aura passé ainsi à l’algorithme inclusif de la novlangue des zombies sympas, fusionnés en système binaire numérique par le dernier avatar autoproclamé scientifique de la théorie des fluides, etc.
Jean-François Braunstein, La religion woke. Grasset, 2022.