(Le Temps accordé - Lectures du monde VII, 2023)
A la Maison bleue, ce dimanche 15 janvier .- Je me suis imposé la lecture de centaines de pages, ces derniers temps, relatives à cette nouvelle mouvance idéologique sectaire qu’on appelle le wokisme, sans cesser de lire des livres de plus naturelle prédilection (le magnifique recueil des Portraits de femmes de Pietro Citati, son autre formidable essai intitulé Le mal absolu, La mort d’Elise de Marcel Jouhandeau et Le pas de la demi-lune de David Bosc), tout en peinant chaque jour une heure sur mon apprentissage du hangueul - comme on appelle la langue coréenne - et en regardant diverses séries parfois plus intéressantes qu’un tas de livres-qui-cartonnent, et je me dis ce matin que c’est ma paresse naturelle, ma débonnaireté et mon increvable curiosité qui m’empêchent de prendre tout ça trop au sérieux et de conserver mon équilibre personnel et mon indépendance d'esprit.
Je lisais hier soir, dans La religion woke de Jean-François Braunstein, les pages très détaillées consacrées au rejet de la science « viriliste» par ceux et celles qui jettent le discrédit sur la biologie et même sur les mathématiques, estimées intrinsèquement androcentristes, et je me suis rappelé les méfaits du biologiste soviétique Lyssenko dans les années 30 du siècle passé, en guerre contre la science bourgeoise au nom de la science prolétarienne (sic) et promettant quatre récoltes par an au camarade Staline qui fit déporter ou fusilier les scientifiques doutant de ces absurdités.
Jean-François Braunstein a le mérite d’accumuler beaucoup d’exemples de nouveaux consentement aberrants aux thèses wokistes les plus extrêmes, jusqu’aux plus hautes autorités politiques ou académiques (il cite l’incroyable soumission de la Royal Society de Nouvelle Zélande cautionnant des thèses créationnistes pour des motifs strictement opportunistes) dans un contexte rappelant évidemment l’opposition de l’Eglise romaine aux avancées de la Science...
Moi qui ne connais rien à celle -ci, nul en maths mais peu fier de l’être (alors que devrais l’être au contraire selon celles et ceux qui estiment que l’exigence d’une réponse unique à un problème est une preuve de condescendance...), et qui défends les délires révélateurs de la poésie, je ne puis qu’être humilié par la stupidité des attaque visant la rationalité en tant que telle, la rigueur scientifique, le respect des preuves et la considération honnête du réel et des lois de la nature.
J’ai quelques réserves par rapport au terme de religion appliqué au wokisme par Braunstein, mais c’est grâce à celui-ci que nous apprenons que la notion a été introduite par le prof de linguistique John McWorther, un de ces Noirs opposés au wokisme dans l’antiracisme aveugle duquel ils voient une menace d’infantilisation des Blacks. Titre du dernier ouvrage de McWorther: Le racisme woke. Comment une nouvelle religion a trahi l’Amérique noire...
Pour détendre l’atmosphère, je me suis amusé à lire aussi les textes, où la débilité démagogique jouxte des arguments tout à fait recevables, du recueil très militant intitulé Bienvenue au Wokistan, ou l’on trouve notamment l’injonction d’une certaine Pauline Harmange, qualifiée de globe-trotteuse des masculinités fragiles (sic), à détester les hommes en leur opposant la plus totale misandrie.
Toute prête à considérer désormais les hommes comme un groupe homogène ou une classe sociale, elle y va de son appel à l’épuration de cette infâme créature qu'est l'homme selon elle.
« Rien, rien ne vous est dû ! », nous balance-t-elle sans une once d'humour, « il va falloir commencer à mériter »... et ce que je me demande alors, c'est si nos amies féministes ont vraiment mérité d'être représentées par une idiote sexiste de cet acabit ?