N’y a-t-il de bon bec
qu’Houellebecq ou Dantec ?
Certains de nos confères rouscaillent un peu, depuis quelque temps, du fait qu’ils n’ont pas encore reçu le dernier Houellebecq, d’ores et déjà tenu pour l’Evénement de la rentrée littéraire. A l’école du nouveau marketing à la Harry Potter, qui conditionne l’impatience du milieu médiatique pour mieux doper celle du public, les stratèges des éditions Fayard, qui ont arraché “l’écrivain-phare” à Flammarion comme une équipe de foot l’aurait fait d’une “icône” de la baballe, entretiennent le suspense comme jamais on ne l’avait vu jusque-là. Alors que la plupart des nouveautés cataloguées “en librairie depuis le 25 août” sont déjà en nos mains, nous serions donc censés saliver comme le chien de Pavlov ?
Ce qui est sûr, c’est que la tactique a de l’effet, qui vient d’être relancée par une indiscrétion de Frédéric Beigbeder, proche de l’”auteur-culte” qu’il coacha naguère chez Flammarion et, après la défection de son poulain, probablement ravi de semer la zizanie dans les rangs de la concurrence, révélant aussi bien l’énoncé de la première phrase de La possibilité d’une île, le fameux roman à venir de Michel Houellebecq: “Qui, parmi vous, mérite la vie éternelle ?”.
Prodigieux, n’est-ce pas ? Et comment ne pas attendre la suite avec la conviction que là se trouve LE Produit ? En termes commerciaux: le Produit d’Appel ?
Mais comment ne pas s’imaginer aussi, en bonne logique concurrentielle, que ledit produit en appellerait aussitôt un autre du même gabarit ? Or voici qui s’avère, avec le même effet d’annonce destiné à lancer Cosmos, le prochain roman du rival direct de Michel Houellebecq, à savoir Maurice G. Dantec, romancier prolifique passé du polar à la contre-utopie politiquement incorrecte, lui aussi transféré à grand prix d’un éditeur (Gallimard) à l’autre (Albin Michel) et se posant, après Houellebecq l’anti-Coran, en “écrivain combattant, chrétien et sioniste”.
Aussi mégalo que son compère, moins grand public mais fascinant de plus en plus de plus ou moins jeunes lecteurs par ses provocations anti-consensuelles et ses visions fumeuses traversées d’éclairs de lucidité, Dantec, “exilé” au Canada, mène sa campagne d’auto-promotion via le Jerusalem Post, fort de sa récente redécouverte de l’Ancien Testament et de sa neuve conviction formulée à grand renfort de majuscules: que “La terre d’Israël a été donnée pour l’ETERNITE au peuple d’Abraham. C’est ainsi. C’est écrit. Et cette Ecriture-là, nous savons de quel FEU elle est faite”...
Et la littérature dans tout ça ? Les nuances, les beautés, les surprises, l’humanité de la littérature ? Trouvera-t-elle donc une place à la rentrée entre ces Titans supposés ? Y aura-t-il encore des phrases entre les slogans de la publicité ?
Une lecture absolument épatante, en attendant d’autres découvertes, nous le prouve en toute grâce et vivacité, finesse de style et fantaisie imaginative, sous le titre d’Ubiquité. L’auteur en est Claire Wolniewicz, dont le premier roman est arrivé par la poste aux éditions Viviane Hamy. Pur régal ! Dont voici une phrase au hasard en scoop mondial: “Les vêtements étaient légers, la peau libérée; le ciel était bleu et grand, dégagé sur tous les fronts; la vie affleurait de partout”…
Ce texte a paru dans l'édition de 24Heures du 21 juillet 2005
Commentaires
Tout à fait d'acord avec vous!!
On est suffisement pas naifs pour comprendre que le monde de l'édition est un business comme les autres... mais pas autant ciniques pour l'accepter de bon grè!!
J'ai beaucoup aimé Ubiquité, merci donc de vos mots,
A.