(Dialogue schizo)
Du projet pictural de multiplier par cent le cliché national helvétique par excellence que représente le Cervin. De sa sigification polysémique au niveau conceptuel et de son plan marketing.
Moi l'autre: - Alors comme ça, c'est décidé.
Moi l'un: - C'est comme si c'était fait. Y a plus qu'à le faire !
Moi l'autre: - Donc on est bien d'accord: c'est au niveau du concept que le projet s'initie à la base, sous le double aspect du signifiant et du signifié, qui s'articule en outre au double point de vue synchronique et diachronique.
Moi l'un: - C'est exactement ça, compère. Nous nous comprenons comme si nous avions gravi ce tas de pierres de concert voire même de conserve. Mais nous ne prendrons point cette peine vu l'état de nos genoux. En revanche nous irons vérifier de temps à autre l'état naturel de la Chose, sans peindre pour autant d'après nature - mais cela reste à discuter pour la question de la lumière.
Moi l'autre: - Tu penses à Cézanne...
Moi l'un: - J'y pense évidemment, mais aussi à Hodler et àTurner...
Moi l'autre: - Qui n'ont jamais peint le Cervin sauf erreur ?
Moi l'un: - En tout cas jamais au niveau conceptuel !
Moi l'autre: - Jamais non plus pour des motifs utilitaires ou touristiques. Mais Kokoschka non plus !
Moi l'un: - Le Cervin de Kokoschka est plutôt un autoportrait qu'une représentation du Matterhorn. C'est une sacrée peinture et le fait est que le tonitruant Oskar eût pu la reproduire par cent, sans jamais se répéter.
Moi l'autre: - Notre concept à nous serait de réaliser cent petits ou moyens formats du Cervin en six mois et de les exposer ensemble au même prix. 100 francs suisses les petits formats, et le reste à la tête du client.
Moi l'un: - Mais l'essentiel est ailleurs: c'est la symbolique latente du concept...
Moi l'autre: - Psychanalytique ?
Moi l'un: - Bien évidemment. Comme s'impatientent de l'entendre répéter les dames de la bonne bourgeoisie des tea-rooms dont nous visons les bourses, le Cervin est chargé de tout un symbolisme sexuel qui l'apparente aux idoles priapiques et aux emblèmes pyramidaux des Anciens. Faudra qu'on se trouve un lacanien pour verbaliser le concept.
Moi l'autre: - Blague à part, on va prendre un pied national !
Moi l'un:- De fait nous entrons, avec un concept pareil, en parfaite consonance avec les conceptrices et les concepteurs des milieux économico-culturels et politico-médiatiques qui réinvestissent, depuis quelques années, dans le folklore vintage relooké.
Moi l'autre: - Donc on va faire pisser le Vreneli !
Moi l'un: - Ce sera l'aspect impactant au niveau ducadre. Vu que si nos croûtes se vendent la critique suivra et les collectionneurs, donc les huiles de l'Office de la culture et consorts genre DFAE, cracheront tous au bassinet.
Moi l'autre: - Ce qu'attendant on se les roule...
Moi l'un: - On va peinturer grave et c'est ça qui seul compte !
Moi l'autre: - On va s'en mettre plein les naseaux de cette odeur d'huile d'oeillette...
Moi l'un: - Déjà son odeur divine m'enivre.
Moi l'autre:- Et moi donc ! Enivrons-nous donc, compère...