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exposition

  • Turner maître ancien et voyant

     

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    C’est un immense artiste, sûrement l’un des plus grands peintres de paysages de l’art occidental, que documente et célèbre la passionnante exposition consacrée à Turner et ses peintres, visible ces jours au Grand Palais après la Tate Britain de Londres et avant le Prado de Madrid.

    Le nom de Turner, immédiatement évocateur de toiles incandescentes où flamboient, en fusions polychromes, des paysages de mer ou de montagne, de terres éthérées ou de ciels irréels, est déjà fort connu en nos contrées et très cher à beaucoup d’amateurs de paysages alpins ou de peinture « explosée » annonçant Monet et l’art non figuratif du XXe siècle.

    Cependant, avant d’être ce précurseur indéniable, Turner fut l’un des derniers maîtres  anciens très nourri d’autres maîtres anciens (de Titien à Poussin ou de Rembrandt à Claude Gellée dit Le Lorrain, son préféré) autant qu’il était attentif à l’art anglais et européen de son temps.

    Formé, dès l’âge de quatorze ans, aux préceptes de l’art et au métier dans les ateliers de la Royal Academy de Londres, Joseph Mallord William Turner (1775-1851) concilia très tôt une conscience vive de l’importance de la tradition, et la préservation de sa vision artistique personnelle. Celle-ci supposait une autonomie financière dont Turner, fils de petites gens, ne disposait pas. L’époque n’étant plus aux grands mécénats de l’Eglise, de l’Etat ou des princes, le jeune artiste compensa son éducation sommaire et son manque d’appuis sociaux par un travail effréné qui lui valut la reconnaissance de la Royal Academy, attachée à la méritocratie, relayée par une exploitation commerciale adéquate de son métier. « Il avait la passion de l’art (…) et il avait la passion beaucoup plus commune de l’argent », note un biographe. Et David Solkin, maître d’œuvre du catalogue de l’exposition, de préciser : « La clé du succès économique de Turner résidait  dans son empressement et sa capacité à produire un éventail étonnamment vaste de biens artistiques de grande qualité ». Ces données « triviales», liées au marché artistique de l’époque et à la furieuse concurrence qui y régnait, sont d’autant plus intéressantes qu’elles révèlent un Turner à multiples faces, immensément ambitieux et non moins attaché au perfectionnement de son métier, curieux du travail des autres (il pleure en découvrant le tableau d’un rival qu’il craint de ne pouvoir égaler) et aspirant à égaler les plus grands : il voudra par testament que son legs  à la National Gallery permette à ses plus beaux tableaux d’être accrochés près de ceux de Claude Lorrain...

     

     

    Paysage et pensée

     

    Captivante par ses rapprochements, l’exposition Turner et ses peintres montre autant les admirations du maître anglais que l’affirmation de sa propre vision. L’exercice est passionnant, qui montre à quel point un paysage, loin d’être la seule représentation de la nature, est à la fois pensée et point de vue. Des Italiens classiques  aux Flamands « quotidiens », des Français néoclassiques aux Suisses romantiques, Turner enjambe les frontières et les siècles en quête de « sa » vision. Celle-ci tend à se dépouiller de toute « littérature » pour aller vers le chant pur de la couleur et des énergies formelles, mais tirer Turner vers « nous » est peut-être excessif. Le maître ancien était plein lui aussi d’une frémissante jeunesse, comme en témoignent ses merveilleuses aquarelles sans âge, et le pur voyant n’existerait pas sans la double patience de la pensée et de l’art.

     

    Paris. Galeries nationales, Grand Palais, jusqu’au 24 mai 2010. À recommander : le catalogue de l’exposition, Turner et ses peintres, rassemblant des articles des meilleurs spécialistes anglais actuels de Turner et une iconographie fabuleuse.

     

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  • Magiciens en symbiose

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    Exposés ensemble à Neuchâtel: le peintre René Myrha et la romancière Rose Marie Pagnard multiplient les consonances.

    Sous le titre d’un des livres de Rose-Marie Pagnard, Revenez chères images !, une très belle exposition se tient en ce début d’année au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel, à l’initiative du conservateur Walter Tschopp, qui vise à confronter, il faudrait plutôt dire : révéler les consonances des œuvres respectives de la romancière et de son conjoint artiste René Myrha. L’hommage à celui-ci est éclatant, qui se décline en plusieurs grandes salles en enfilade dans toutes les dimensions et à travers tous ses modes et techniques d’expressions, de la toile au décor d’opéra en passant par la sculpture et le dessin. Aux œuvres du peintre font écho des citations des romans de Rose-Marie Pagnard reproduites sur les murs, au gré d’une véritable scénographie poétique et plastique à la fois.

     Parallèlement à cette exposition à valeur rétrospective, une présentation substantielle des travaux plus récents de René Myrha est à découvrir aux cimaises de la galerie Ditesheim, en vieille ville, aux bons d’un galeriste attaché depuis des années à l’artiste.

    François Ditesheim excelle d’ailleurs à situe l’univers de René Myrha et les questions qu’il nous pose : « Dans quel monde l’artiste nous plonge-t-il, d’où viennent ces créatures à la fois ludiques et inquiétantes ? Quelle vie ont-elles, quelle durée, dans quel espace se meuvent-elles et où vont-elles disparaître ? Tel un magicien, le peintre, le sculpteur, le dessinateur crée un véritable théâtre bdu monde dans lequel cohabitent des figures somptueuses, de rares animaux sveltes et élégants, monde dangereusement exubérant. Cependant le feu menace, le végétal est absent et la catastrophe rôde, Le jour et le nuit s’entremêlent, l’innocence cohabite avec le savoier, la joie avec la peur, et peut-être la vie avec la mort. Un domaine invisible et étrange se cache derrière des couleurs vives et peut-être trompeuses ».

    Or nous retrouvons, et plus que jamais avant dans le rêve éveillé du dernier roman de Rose-Marie Pagnard, Le motif du rameau et autres liens invisibles, cet univers d’inquiétante et ludique étrangeté, avec de constants échos aux « événements » picturaux de Myrha, et plus encore à l’atmosphère de son monde enchanté. Tout dans le roman est ainsi comme théâtralisé et comme en suspension, les personnages y courent sur d’invisibles fils de funambules et l’on passe de lieux en lieux et d’une situation à l’autre avec la même fluidité qu’on passe du trivial à l’épuré ou des sentiments les plus délicats aux gestes les plus brusques.

    Une douce folie préside enfin, dans les deux œuvres mises en relation, à une sorte d’opéra visuel et littéraire où  la magie et l’effroi, la beauté du monde et l’angoisse cohabitent et communiquent.

     

     

    Myrha13.JPGNeuchâtel. Musée d’art et d’histoire, jusqu’au 16 mai 2010.

    Mardi-dimanche 11h-18h. Mercredi entrée libre. Renseignements : www.mahn.ch

    Neuchâtel, Galerie Ditesheim, rue du Château 8. René Myrha, Peintures et œuvres sur papier. Jusqu’au 3 avril 2010.  Www.galerieditesheim.ch