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Circulez, y a tout à voir

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L’Art pris au mot

Les passionnés de peinture et de littérature vont se régaler : c’est en effet un labyrinthe au parcours immédiatement captivant que nous propose L’Art pris au mot, réalisé par un quatuor de spécialistes (Alain Jaubert, Valérie Lagier, Dominique Moncond’huy et Henri Scepi), avec la participation d’innombrables auteurs cités dans la foulée, écrivains, poètes, philosophes ou fleurons de la réflexion esthétique de tous les siècles.
Sous la forme de trente déambulations « transversales », qui ne cessent en effet de multiplier les échos entre peinture et littérature, dans leurs approches respectives des mythes ou des divers aspects de la réalité, l’ouvrage décline sept thèmes à partir d’œuvres proches ou non, dont l’énoncé ne dit pas bien l’originalité et la fécondité des mises en rapport : 1) Toucher le spectateur, 2) Raconter l’histoire, 3) Le monde des objets, 4) La figure, 5) Le spectacle de la nature, 6) Intimités, 7) L’artiste au travail.
Répondant à une première question : Qu’y a-t-il à voir ?, dont les réponses enchaînent sur le projet de Voir et interpréter, les auteurs proposent la lecture à multiples entrées de trois illustrations du mythe d’Icare, par Carlo Saraceni , Pierre Paul Rubens et Pieter Bruegel, qui aiguise aussitôt le regard du spectateur sans pédanterie ni jargon.
En regard du premier tableau de Saraceni (1600-1607), une page de Jean le Bleu de Giono module le thème en contrepoint magnifique que suivent, en alternance, des éléments d’analyse et d’interprétation, l’énoncé du mythe selon Ovide, un extrait des Emblèmes divers de Baudouin sur « la voie du milieu » que Dédale oppose à la témérité fougueuse de son fils, et diverses autres « amorces de réflexion ». Suivent, selon le même principe diachronique et arborescent, des approches du Saint Augustin dans son cabinet de travail de Carpaccio et de La conquête du philosophe de Giorgio De Chirico, avec des renvois à Daniel Arasse et Michel Serres, des extraits de Topologie d’une cité fantôme de Robbe-Grillet et de Poisson soluble de Breton, avant un autre rebond sur le thème de la mélancolie.
Tout cela pourrait risquer de saouler vite au dam des œuvres: c’est au lecteur de prendre et de laisser, en pratiquant l’attention flottante et en ne cessant de circuler. La mise en rapport est un art, qui suppose autant de savoir que de liberté dans l’échappée et de pertinence dans les associations. Or l’incitation à la lecture que déploie L’Art pris au mot me semble réaliser ces équilibres subtils dès ses premiers chapitres. Reste à espérer que cette belle entreprise tienne le même souffle sur son marathon de quelque 600 pages... A préciser enfin que, pour la commodité de la lecture, deux ensembles de quinze fiches détachées permettent d’avoir sous la main les reproductions des tableaux décrits sans revenir chaque fois à la page…

L’Art pris au mot ou comment lire les tableaux. Gallimard, 570p.

Carlo Saraceni (vers 1579-1620). La Chute d'Icare, 1606-1607, huile sur toile, 34x54cm. Musée national de Capodimonte, Naples. Elément d'un triptyque.

Pierre  Paul Rubens (1577-1640). La Chute d'Icare, vers 1636, huile sur bois, 27,3x27cm. Musées royaux des beaux-arts, Bruxelles.d2cbfdbe7a2d3cb82b1ce4a51901e705.jpg

Commentaires

  • En effet, très bel ouvrage intelligent et qui nous donne à voir bien au-delà des mots !

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