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Passagère

Freud12.jpgElle porte son duffle-coat bleu ciel comme un nain jaune.

Lorsque je me pointe dans le compartiment d’à coté, elle se déplace et vient s’asseoir en face de moi. Je n’ai pas envie de faire attention à elle, mais elle m’y oblige : elle n’a personne ni nulle part où aller.

Elle est adorable sans être jolie ni belle. En principe, elle allait à Vienne dans l'Isère, mais à la gare où je descends elle descend aussi. Je remarque qu’elle n’a aucun bagage. Ensuite elle me suit partout, jusque chez moi où je lui dis que je n’ai qu’un lit, mais ça lui va.

Alors vient la partie intéressante de la joint venture onirique , découlant des occurrences précises de la métempsycose.

Ainsi, lorsqu’elle aborde la question de nos avatars connus, lui dis-je qu’avant d’avoir été plongeur nu à Delos je fus un dauphin remontant les rivières du Dauphiné.

Pour sa part, elle se rappelle avoir été luciole dans un champ nocturne de Toscane, du côté d’Asciano, après avoir été djinn dans l’Atlas, pour l’enchantement des uns et le tourment des autres – d’où sa gravité d’adolescente ostensiblement mature.

Nous dormons sans nous dévêtir, sans nous caresser, sans rêver peut-être mais dans les bras l’un de l’autre.

Le matin je lui dis que j’ai du boulot à mon atelier de doreur à la feuille.

Le soir, quand je reviens, l’oiseau s’est envolé.

Dessin : Lucian Freud.

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