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  • Face de bouc

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    Faits d’été : FaceBook chronophage. Sur les pannes de blogs selon François Bon. Salamalec à l'énergumène.

    Moi l’autre : - Et qu’est-ce que t’as contre François Bon ?
    Moi l’un : - J’ai qu’il me chronocroque.
    Moi l’autre : - Comment ça ?
    Moi l’un : - Déjà qu’après le Passouline je me suis enferré dans ce blog 24Heures sur 24 au point de me contraindre à faire mes papiers pour 24Heures à la 25e. Et maintenant face de bouc ! A cause de ma bonne amie encore qui vient de s'y pointer et m'a filé le virus...
    Moi l’autre : - Face de quoi.
    Moi l’un : FaceBook ça s’appelle. Le sommet de la montre ! Le miam-miam universel de l’ami-ami. Des gens qui se pointent genre Hamlet à l’écran et qui te demandent comme ça : veux-tu être ou ne pas être ami avec myself ?. Plus on sera d’Yorick plus ça craindra pas. Tu vois ça ?
    Moi l’autre : - C’est comme Mythique pour les ados ?
    Moi l’un : - Meetic ça s’écrit. Disons que ça se veut un cran au-dessus. Pour beaucoup ça se chantera J’ai des relations mondaines… A qui aura le plus d’amis. Et devine combien le François du Rab Nasier  en aligne ?
    Moi l’autre : - Au moins une centaine, Bon comme il est…
    Moi l’un : - Tu rêves : près de mille.
    Moi l’autre : Ah oui, c’est comme les Américains. Vous avez combien d’amis ? Près de mille. Bon. Et l’amitié c’est quoi ?
    Moi l’un : - C’est là que ça devient compliqué. C’est comme le furet : ça court ça court et ça prend un temps fou pour la trouver…
    Bon2.gifMoi l’autre : - Et t’es devenu l’ami de François Bon ?
    Moi l’un : - C’est ce qui est marqué sur Face de bouc, comme il l’appelle. Mais je ne l’ai vu qu’une fois, de loin. Grand moment d’ailleurs. Il disait Rabelais à Besançon, aux Petite fugues. Enfin tu connais ma timidité: j'ai pas osé l'aborder...
    Moi l’autre : - Et ses livres ?
    Moi l’un : - Je les ai découverts sporadiquement, et seulement quelqu’uns, dès Sortie d’usine. J’ai toujours respecté, mais sans en écrire une ligne, me semble-t-il, durant des années. Comme de Richard Millet que je respectais aussi un max, dans un ton très différent. Aussi, je trouvais que Bon manquait un peu de corps et de rondeur. Je le trouvais si sérieux, aussi, ce garçon. Si littéraire. Si parfaitement maîtrisé. J’eusse aimé qu’il se prît parfois les pieds dans le tapis. Et puis j'étais très occupé par les domaines romand-slave-anglo-saxon et tutti quanti. Et puis je l’ai senti plus proche, Bon: j’ai raffolé de Tumulte. Faut dire que j’avais commencé à bloguer grave et que Tumulte vit cela à sa façon très intensément: l’écriture immédiate et synchrone, l’abeille élecronique à multidons d’ubiquité. Et puis Rabelais. Et, bien entendu, son fantastique travail de coach et de passeur. Bref et sans lui cirer les pompes : THE François Bon, qui écrivait tout à l’heure sur son site ou ses blogs que les blogs se vident de leurs lecteurs, en été, comme les rues de Dijon ou de Payerne, que c’en est une pitié… Mais après tout tant mieux, gargamelon, pasque c’est déjà neuf heures et que j’ai encore deux pages de mon manus à recopier. Allez, il me lâche les baskettes, ce bon Monsieur Bon ?
    Moi l’autre : - Et c’est quoi, l’adresse de ton Face de bouc ?
    Moi l’un : - Quoi, tu vas pas me dire que ça t’intéresse, toi !
    Moi l’autre : - Mais pas du tout du tout, c’est juste pour nos amis…

     

  • Le dernier Angot

    Angot20001.JPG
    Dialogues schizos (2)

    Moi l’autre : - Et là, tu fais quoi ?
    Moi l’un : - Là, tu vois, je lis le dernier Angot.

    Moi l’autre : - Tu fais ça, toi, tu lis René Girard et le dernier Angot ? C’est le grand écart, ou quoi ? Ou c’est par snobisme ?
    Moi l’un : - Par snobisme en tout cas pas. Parce qui si ça me rase, je laisse tomber vite fait, tu sais. Et par rapport à Girard, je ne vois pas la contradiction. Parce qu'il y a plein de mimétisme, chez Angot. Elle est mimétique à outrance, et ce qu’elle raconte est saturé du mimétisme du monde actuel…
    Moi l’autre : - Tu m’en diras tant. Et qu’est-ce qu’elle raconte, là ?
    Moi l’un : - Là, à la page 47, elle est en train de se faire lécher par Doc Gynéco dont elle vient de constater, à leur première rencontre, qu’ils rient « pareil ». Cela me plaît assez parce que c’est comme ça que je reconnais les gens que j’aime : c’est qu’on « rit pareil ».
    Moi l’autre : - Et Doc Gynéco, c’est quoi, c’est qui ?
    DocGynéco.jpgMoi l’un : - Jamais entendu parler ? C’est un chanteur, j’crois, un rappeur ou quelque chose comme ça, qui a soutenu Sarkozy dans sa campagne.
    Moi l’autre : - Un pipole, quoi. Et tu te mets à brouter de ça ?
    Moi l’un : - Ecoute, Christine Angot rencontre ce type au Salon du livre de Brive, elle se retrouve avec les gens de sa maison d’édition dans une boîte le soir, et là il y a ce Doc Gynéco que tous les littéraires ont l’air de mépriser, et voilà qu’au moment des slows le personnage l’invite et que le slow est bon. Tu ne vas quand même pas manquer un bon slow. Tu te rappelles le premier slow que tu as dansé à douze ans dans la cave de Georges V., à ta première surpatte du quartier des Oiseaux ?
    Moi l’autre : - T’en finiras pas de m’étonner. Mais quoi de littéraire là-dedans ?
    Moi l’un : - En fait Le marché des amants est un peu moins littéraire, dans le sens littérature littéraire, que Quitter la ville ou que Les désaxés, mais il me semble, à quelques maniérismes près, que c’est de la meilleure littérature, au sens que j’entends, disons dans la transparence et la fusion du mot et de la chose, de la simplicité et du naturel, évidemment très recomposés, qui rappelle un peu le tout premier livre d’Angot, Vu du ciel, avec quelques vies en plus… Ce qui me bluffe aussi, c’est son art du dialogue et sa façon de rendre l’émiettement du quotidien et de la communication. Bon, tu me laisses lire ?
    Moi l’autre : - Tu vas passer tout notre dimanche sur Angot ?
    Moi l’un : - Mais non ma vieille, je vais recopier mes notes sur Le commencement d’un monde de Jean-Claude Guillebaud, qui dit des choses passionnantes sur l’implication des écrivains dans le monde postcolonial, et puis on a encore 1000 bouquins à classer, et j’ai deux papiers à finir avant demain pendant que tu gambergeras sur la question de nos fins dernières, pervers que tu es, enfin notre chère moitié ne manquera pas, dans l’après-midi, de nous suggérer une baignade au lagon voisin… Cela te convient genre travaux forcés ?

  • Devenir ce feu

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    Sensation très forte certains matins, qu'un jour de feu s'ouvre, écrire ce feu devient ce feu !

    Raymond Alcovère

    http://raymondalcovere.hautetfort.com/

    Image: Fabienne Verdier

  • Les Feux



    Sous les ponts ou dans la steppe, il suffit d’un peu de chaleur pour se réconforter.
    L’âme des corps, en outre, est comme révélée à la flamme vivante. Les tenancières sérieuses n’auraient jamais toléré le néon ou le chauffage central. Inversement, on voit mal ce qui égalerait le désir montant avec le feu.
    Bref, même les plus crades et les plus brutaux ressentent la chose, et c’est alors comme un silence religieux qui se fait sous les ponts et les yourtes.
    Les corps sont extraordinairement jeunes dans ces espèces de cavernes où se confondent à présent les râles de la flambée et du plaisir.
    Ce sont des îles de lumière dans la nuit et l’on y voit danser des ombres nues. Puis ça boume à travers l’espace avec des soubresauts de locomotives lancées à plein régime. Tel étant, yes sir, le feu du sexe dans l’Univers.

  • Romands en force à Locarno

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    Lionel Baier et Fernand Melgar en compétition. Superbes retours de Dominique de Rivaz et Georges Schwizgebel. Denis Rabaglia sur la Piazza Grande. Et la dernière relève aux Léopards de Demain. Bonds et rebonds annoncés !

    La 61 édition du Festival international du film de Locarno (du 6 au 16 août prochains) s’annonce bien, et notamment pour le cinéma romand. Trois longs métrages en première mondiale : c’est ce que nous proposent Lionel Baier, avec Un autre homme, magistrale avancée lyrique et critique du plus doué de nos auteurs ; Fernand Melgar, abordant le thème actuel cucial de l’immigration dans La Forteresse ; et Dominique de Rivaz, au mieux de son inspiration elle aussi avec les anges fracassés de Luftbusiness. A chacun d’eux j’ai soumis les trois les mêmes questions.

    - Qu'est-ce qui caractérise votre nouveau film ?
    Baier.jpgLionel Baier : - Un autre homme raconte le parcours d’un imposteur. François Robin (Robin Harsch), le héros du film, s’immisce dans un milieu qu’il ne connaît pas et dont il ne maîtrise pas les codes. Grâce au désir qu’une femme (Natacha Koutchoumov) va lui porter, il va les acquérir, parfois à ses dépens. La thématique de l’apprentissage était déjà présente dans mes autres films. Le miracle du cinéma, c’est d’assister à l’évolution de quelqu’un sur très peu de temps, souvent moins de deux heures. J’adore plonger mes personnages dans un univers qui leur échappe, de parier sur leur intelligence et de voir comment ils apprennent et du coup, se dévoilent. Un autre homme diffère de mes autres films par sa forme. Noir et blanc, absence totale du réalisateur, ce dernier long métrage est aussi plus sec, moins baroque que Garçon stupide ou Comme des voleurs. Pourtant, j’ai l’impression d’avoir signé mon film le plus personnel. Non pas que je renie les deux autres, bien au contraire, mais peut-être que film après film, je combats ma timidité naturelle, que le public me fait moins peur et que je me sens prêt à lui dire des choses dans le creux de l’oreille. C’était aussi l’occasion de filmer à nouveau Natacha Koutchoumov, de la faire jouer à rebours de ce que nous avions fait ensemble sur les deux films précédents. Ce n’est plus la bonne copine ou la sœur attentive, mais une journaliste perverse obsédée par son désir. Ce qu’elle me donne dans ce film est très rare et je suis très fier de l’avoir attrapé. « Un autre homme » met en scène un nouveau corps : celui d’un homme, celui de Robin Harsch. J’aime sa virilité mise à mal par les courbes de Natacha. L’aspect visuel du film ainsi que son sujet viennent des gravures de Félix Vallotton et d’un roman dont il est l’auteur : La vie meurtrière. J’ai essayé humblement d’être aussi sec et sensuel à la fois que lui.

    Rivaz autoportrait.jpgDominique de Rivaz : - Luftbusiness est une histoire d’air : d’air guitare et d’enchères virtuelles sur eBay. Dans une grande ville européenne imaginaire, trois jeunes sans travail décident de se vendre eux-mêmes sur le Net. Le trio squatte une serre abandonnée, un lieu particulier où le ciel et la terre, le sacré et le profane, se rencontrent. Luftbusiness (Lifes for Sale) est un film suisse, mais avant tout un film européen. Comme dans Mein Name ist Bach on y parle l’allemand et comme à Berlin aujourd’hui, un allemand mâtiné de tous les accents du monde : Filou (Tòmas Lemarquis, le héros du film Noi Albinoï), nous régale avec ses sonorités… islandaises. Luftbusiness : une fable au futur proche, qui pose la question de plus en plus actuelle : a-t-on le droit d’expérimenter sur soi tout et n’importe quoi ?

    Melgar6.jpgFernand Melgar : - Comme fils de saisonnier et enfant ayant connu la clandestinité, j'ai réalisé plusieurs documentaires sur le thème de l'immigration. Avec La forteresse, fait exceptionnel, une caméra a pu filmer sans restriction le tri quotidien d'êtres humains qui s'opère dans un des cinq centres de procédure pour requérant d'asile en Suisse, celui de Vallorbe. Les négociations avec l'Office fédéral des migrations ont été très longues, mais ce qui est à souligner, c'est que les protagonistes ont tous accepté de témoigner à visage découvert. Je salue leur courage car certains requérants risquent leur vie dans leur pays et ce n'est pas évident pour les fonctionnaires fédéraux chargés des auditions d'appliquer la loi la plus dure d'Europe en matière d'asile.
    Ma démarche reste la même que pour mes films précédents: pas d'interview ni de commentaire explicatif, mais une vision personnelle de la réalité où je mêle tendresse, humour et tragédie. J'aime aller vers l'autre, placer la caméra à hauteur d'homme et capter la puissance du réel. Avec un thème aussi sensible que l'asile, je n'ai pas voulu porter de jugement à la va-vite. La question n'est pas d'être pour ou contre, mais de réfléchir autrement. Je suis très touché que la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, en charge de ce dossier, ait souhaité voir ce film et sera présente à la première à Locarno.

    Locarno13.jpg- Que représente pour vous le Festival de Locarno, d'une manière générale, et qu'en attendez-vous de particulier pour votre film ?

    Lionel Baier : - Locarno est le premier festival de film que j’ai rencontré dans ma vie. J’avais alors 15 ans. Ce fut pour moi un des chocs les plus importants de ma cinéphilie. J’y ai découvert Gregg Araki, Stephen Dwoskin, Jacques Rivette, Daniel Schmid, Haroun Farocki, ou Michel Soutter . J’encourage toute personne qui veut faire du cinéma à se rendre à Locarno, à participer aux discussions après le film, aux tables ouvertes. C’est une summer academy de haute qualité.
    Depuis 1991, j’y retourne toutes les années. J’ai eu l’occasion de participer à de nombreux festivals à travers le monde et je pense sincèrement que Locarno est le plus intéressant. La richesse et l’éclectisme du programme, la présence des auteurs et des critiques, la qualité du public, la Piazza Grande, autant d’éléments qui font de Locarno un moment d’exception. D’ailleurs, quand on se balade autour du monde pour présenter ses films, on se rend compte de la popularité de ce festival. C’est souvent la seule chose que les cinéastes étrangers connaissent de notre pays. Avec Freddy Buache, peut-être ! Et la présence de Nanni Moretti, la présentation de l’intégralité de son œuvre lors de cette 61e édition est un cadeau formidable. C’est tout bonnement un des cinéastes les plus importants de notre époque qui sera présent pour parler de son travail.Après avoir dit cela, vous pouvez bien imaginer que je suis très fier que « un autre homme » soit en compétition internationale. Je suis très impatient de donner le film au public locarnais, même si la presse suisse a pour habitude d’être assez dure avec les films nationaux en compétition. Mais c’est la règle du jeu. Il faut l’accepter ou changer de métier.
    D’un point de vue économique, la sélection à Locarno est aussi la possibilité pour le vendeur international du film de faire des affaires, de nouer des contacts avec des acheteurs potentiels. Pour les distributeurs français et suisses, c’est l’occasion de donner une réelle visibilité au film avant sa sortie en salle. Locarno est aussi un endroit où l’on fait des affaires, où l’on rencontre les sélectionneurs d’autres festivals, où l’on échange avec des collègues. En ma qualité de responsable du département cinéma de l’écal, c’est aussi le moment de voir les courts métrages issus d’autres écoles ou de rencontrer des réalisateurs que j’inviterai à Lausanne pour venir parler de leur travail aux étudiants.
    Et puis, j’ai bien l’intention d’inviter toute ma petite équipe à manger du risotto et des glaces au yaourt.

    Dominique de Rivaz : - Le 12 août à Locarno aura lieu la Première mondiale : c’est la première fois que Luftbusiness va se confronter au public, un public cent pour cent cinéphile, un public auquel seront mêlés journalistes, membres des commissions suisses du cinéma, amis… Un peu l’épreuve du feu. Tous mes films précédents, Aélia, Le Jour du Bain (Prix Léopard de demain), Mein Name ist Bach (Prix du Cinéma suisse 2004), ont été projetés à l’occasion de ce Festival : Locarno est une plateforme essentielle pour la diffusion de nos films.


    Fernand Melgar : - Je vais à Locarno depuis plus de 20 ans et j'y ai mes plus beaux souvenirs de cinéma. Présenter son film en première mondiale dans une salle de 3500 personnes est un privilège hors du commun pour un cinéaste. Le public y est cinéphile, curieux et exigeant. Normal quand on s'enferme en plein jour dans une salle obscure alors que les nombreuses terrasses vous tendent les bras et que les eaux claires de la Maggia vous invitent à une baignade rafraichissante! Les débats après les projections sont passionnés et la presse étrangère est très présente. Pour un documentaire de cinéma comme La Forteresse, on ne peut pas rêver mieux.


    Comment le cinéma suisse vous semble-t-il se porter et se développer ? Y décelez-vous des talents nouveaux ?

    Lionel Baier: - Compte tenu de sa spécificité nationale (3 cultures différentes), des moyens qui lui sont attribués annuellement et de la concurrence étasunienne féroce, le cinéma suisse se porte plutôt bien. En tout cas, il peut revendiquer une diversité salvatrice. Documentaires, films grands publics, films d’art et d’essai, animations, cette diversification de son offre lui permet de s’oxygéner régulièrement. Nous comparons notre production annuelle à la France alors que celle-ci fait un peu figure d’exception dans le paysage européen. Mais en regard du Portugal, de l’Irlande, de la Pologne ou même de l’Italie, je trouve que notre cinéma évolue dans un contexte économique plutôt sain. Les télévisions nationales travaillent en bonne intelligence avec la branche, ce qui est exceptionnel. Les créateurs historiques continuent de filmer et de rencontrer le public (Jacqueline Veuve, Fredi M. Murer ) alors que la nouvelle génération s’installe et prend ses marques (Haupt, Staka, Meier, Steiner). Je ne suis pas en train de vous dire que le cinéma suisse vit son apothéose, je pense qu’il travaille et construit sur des bases plutôt saines. Il est en pleine ascension et il y aura encore des passages de corniches difficiles.
    A l’Office fédérale de la culture, on est en plein délire foucaldien. On est passé d’une politique du encourager soutenir à un régime qui pense surveiller et punir ! On distribue les bons et les mauvais points, on contrôle et on se méfie. Alors, pour tenir ce programme, il faut régulièrement crier au feu et jouer au pompier dans la foulée. Je n’ai jamais vu une administration culturelle dépenser autant d’énergie à vouloir trouver les clés de la réussite là où tout le monde a déjà cherché : les acteurs, le scénario, la promotion. Si cela ne coûtait pas si cher, ça en serait presque cocasse. Alors que si on étudie l’histoire du cinéma, on se rend compte que le renouvellement vient toujours des auteurs, qu’ils soient producteurs, réalisateurs, ou studio. Que ce soit les jeunes turcs des cahiers qui font éclore la nouvelle vague, en passant par Spielberg, Coppola et consorts qui révolutionnent les studios américains ou la movida espagnol qui accouche d’ Almodovar. Et autres mauvaises nouvelles pour nos fonctionnaires bernois : cela prend du temps et dépasse le temps d’un mandat politique.
    En voyant la qualité et l’inventivité des films qui sortent d’écoles, que ce soit à Lausanne ou à Zürich, je ne me fais pas de soucis pour les lendemains chantants du cinéma suisse.À condition qu’on lui donne les moyens et qu’on ne dégoûte pas les futurs réalisateurs et producteurs avec une bureaucratie toute puissante.

    Dominique de Rivaz : Depuis plus de dix ans, tout en étant domiciliée en Suisse, je travaille à l’étranger : Mein Name ist Bach a été tourné en Allemagne, Luftbusiness au Luxembourg… Je dois donc « rattraper » les films suisses dès leur sortie en DVD ou leur sortie en Allemagne. Cette distance me fait porter sur le cinéma suisse un regard plein de curiosité, de disponibilité et d’émotion, ce que l’on éprouve lorsque l’on rencontre des amis chers à l’étranger ! Oui, le cinéma suisse actuel est pétillant et surprenant, bref, il vit, et ceci malgré des moyens financiers limités qui obligent constamment les cinéastes à faire des coupes dans leurs rêves et leurs visions.



    Fernand Melgar : - Le cinéma suisse n'a jamais fait autant parler de lui. Tant mieux! Nicolas Bideau, notre Monsieur Cinéma, secoue le cocotier de l'establishment et provoque des débats salutaires. A l'étranger, il se démène pour nous faire une place. C'est un bon ambassadeur. Il rêve d'une industrie de cinéma prospère, moi aussi. Mais il ne doit pas oublier que les cinéastes suisses sont avant tout des artisans. Nos films sont des petites mécaniques de précision manufacturées qui prennent du temps à se faire. Notre savoir-faire dans le documentaire est reconnu et apprécié dans le monde entier. Il faut faire attention de ne pas galvauder ce "Swissmade".
    J'ai beaucoup aimé Icebergs le premier court-métrage de fiction du lausannois Germinal Roaux. C'est un garçon discret bourré de talent qui fait souffler du vent frais dans les voiles du cinéma suisse…

    Locarno14.jpgLe cinéma sera celui des auteurs

    Jamais on n’a autant parlé de cinéma suisse sur la place publique. L’effet Bideau ? Le mérite de l’Office fédéral  de la culture ? En partie. « Et tant mieux ! », s’exclame Fernand Melgar, Prix du cinéma suisse en 2006 avec Exit. Or le nouveau film du documentariste lausannois, intitulé La forteresse et réalisé à Vallorbe dans le centre pour requérants d’asile, sera présenté à Locarno la semaine prochaine en première mondiale en présence de la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf. Bel exemple de « cinéma du réel » qui draine un public de plus en plus large, comme Le génie helvétique de Jean-Stéphane Bron ou Grounding de Michael Steiner.

    Deux autres nouvelles fictions, fortement ancrées dans la société contemporaine, marqueront la vitalité du cinéma romand à Locarno. Avec Luftbusiness (qu’on pourrait traduire par commerce virtuel) de Dominique de Rivaz, superbe fable d’aujourd’hui traitant de la survie de trois exclus qui vendent leur sang, leur sperme, puis, sur Internet, leur âme ; et avec Un autre homme de Lionel Baier, portrait percutant d’un jeune provincial rêvant de percer dans la critique de cinéma et qui se heurte au snobisme et au cynisme d’un milieu où la culture sert (aussi) à séduire ou à écraser…  

    Avec très peu de moyens (300.0000 francs, budget dérisoire pour une fiction), l’auteur lausannois, sans doute le plus doué de nos cinéastes, fait la pige à Nicolas Bideau qui dit attendre de lui une « grosse machine ». Mais est-ce au fonctionnaire de dire au créateur ce qu’il doit faire ? Le résultat est là : une œuvre fraîche et belle, percutante, émouvant, insolente, vivante ! Et dans le domaine non moins créatif de l’animation, Georges Schwizgebel répond lui aussi par un « geste » ciné-pictural brillantissime, intitulé Retouches et qui sera projeté le 12 août, journée du cinéma suisse, sur la Piazza Grande, avec la comédie grand public de Denis Rabaglia, Marcello Marcello. Populaire et de qualité ? Pourquoi pas ?

    Est-ce dire que le cinéma suisse ou romand culmine au pinacle ? Nullement. Mais il avance, il « bosse », grâce aussi à la « bande à Bideau», pour peu qu’elle ne mélange pas les rôles. On aura vite vu, de fait, les limites du « cinéma » des fonctionnaires. Et Locarno sera l’occasion renouvelée, en confrontation avec le monde entier, de voir que le cinéma appartient à ceux qui le font. L’immense Nanni Moretti et Amos Gitaï, entre autres créateurs de partout, en donneront la mesure à un public à qui on ne la fait pas…  

    Cet éditorial et les textes ci-dessus ont paru, émincés, dans l'édition de 24Heures du 2 août 2008.

  • De Dieu le nom de Nom

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    A propos de Dieu, le Nom, aux oreilles de l’être-là.

    On me demande, non sans gravité pressante, de préciser qui est Dieu quand je dis que j’écris sous le regard de Dieu. Les lecteurs de ce blog savent qu’il n’est point dans ma nature de me dérober à la gravité pressante de répondre en toute sincérité, donc je réponds ce soir qui est Dieu pour moi qui me regarde Le regarder. J’eusse pu figurer une autre image du Nom. Mais nom de Nom: que non. Parbleu ce soir Dieu est Olympe. Non pas Zeus de l’Olympe mais Dieu paisible au jardin du monde et tout à l’écoute, sans masque ni visage, le Dieu qui est, à longues oreilles de feutre doux, le Dieu qui porte son fils au jour dit de la Pâque. L’être suprêmement, donc, frère âne, qui est Celui qui suis (dit-Il)...

    Image JLK: Olympe au pré.

  • La relève d'un brave

     Léman13.JPGA La Désirade, ce 29 juillet. – Le jour se lève sur le grand lac bleu sombre, le ciel est ce matin lourd d’orages mais c’est tout réconforté, après le noir de l’éveil et quelques clics, que je reviens (virtuellement) de Ramallah où mon occulte ami Nicolas (les amis de nos amis étant virtuellement nos amis, et c’est grâce à Pascal que j’ai découvert ce Nicolas-là) m’a fait ce grand bonheur, une fois de plus, de constater que ça continue. Un clic pour s’en convaincre : http://battuta.over-blog.com

    Pas mal des gens de ma génération tirent l’échelle derrière eux en prétendant qu’il n’y a plus rien qui se fasse de bel et de bon aujourd’hui, la jeunesse se réduisant à un conglomérat vaseux de consommateurs hébétés, et cette posture me révolte. Or il suffit de lire le bref récit intitulé Le petit ange d’Hébron, publié hier par Nicolas, ou son texte prolongeant, à partir des abjectes images d’Abu Ghraïb, où le soldat devient photographe ( !), la réflexion de Susan Sontag sur l’ambivalence de la photographie, dans ses représentations de la guerre ou de la violence, pour retrouver la fraternité agissante de ce que Baudelaire appelait la « société des êtres ». Merci Nicolas, salve Battuta !

     

  • Sortir du noir

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    Après le moment de noir qui m’accable chaque matin, je reviens à la vie en buvant mon café à la fenêtre d’où je vois le monde émerger lui aussi du noir en beauté ; et ce mot me sauve alors : ce mot de beauté.

    Aussi, ces carnets m’aident à me retrouver, chaque jour après l’autre, c’est le bout de bois flotté à quoi je m’accroche pour ne pas sombrer.

    Sa qualité de porosité fait de Shakespeare l’écrivain des écrivains, plus encore que Baudelaire qui a pourtant tout senti lui aussi. Mais à la porosité s’allie l’effort de transmutation sans lequel la porosité ne serait qu’une disposition spongieuse et passive. La poésie est un acte.

    A l’aube ce froid
    coule sa menace.
    On ne sait
    si c’est avant ou après.
    Le mal rôde,
    il a tous les noms,
    nulle part et partout.
    Tout est dispersé.
    Seule,
    tu respires à mes côtés ;
    seul
    ce souffle
    nous anime.

    JLK: Grammont à l'aube. Huile sur toile, 2005.