Faits d’été : FaceBook chronophage. Sur les pannes de blogs selon François Bon. Salamalec à l'énergumène.
Moi l’autre : - Et qu’est-ce que t’as contre François Bon ?
Moi l’un : - J’ai qu’il me chronocroque.
Moi l’autre : - Comment ça ?
Moi l’un : - Déjà qu’après le Passouline je me suis enferré dans ce blog 24Heures sur 24 au point de me contraindre à faire mes papiers pour 24Heures à la 25e. Et maintenant face de bouc ! A cause de ma bonne amie encore qui vient de s'y pointer et m'a filé le virus...
Moi l’autre : - Face de quoi.
Moi l’un : FaceBook ça s’appelle. Le sommet de la montre ! Le miam-miam universel de l’ami-ami. Des gens qui se pointent genre Hamlet à l’écran et qui te demandent comme ça : veux-tu être ou ne pas être ami avec myself ?. Plus on sera d’Yorick plus ça craindra pas. Tu vois ça ?
Moi l’autre : - C’est comme Mythique pour les ados ?
Moi l’un : - Meetic ça s’écrit. Disons que ça se veut un cran au-dessus. Pour beaucoup ça se chantera J’ai des relations mondaines… A qui aura le plus d’amis. Et devine combien le François du Rab Nasier en aligne ?
Moi l’autre : - Au moins une centaine, Bon comme il est…
Moi l’un : - Tu rêves : près de mille.
Moi l’autre : Ah oui, c’est comme les Américains. Vous avez combien d’amis ? Près de mille. Bon. Et l’amitié c’est quoi ?
Moi l’un : - C’est là que ça devient compliqué. C’est comme le furet : ça court ça court et ça prend un temps fou pour la trouver…
Moi l’autre : - Et t’es devenu l’ami de François Bon ?
Moi l’un : - C’est ce qui est marqué sur Face de bouc, comme il l’appelle. Mais je ne l’ai vu qu’une fois, de loin. Grand moment d’ailleurs. Il disait Rabelais à Besançon, aux Petite fugues. Enfin tu connais ma timidité: j'ai pas osé l'aborder...
Moi l’autre : - Et ses livres ?
Moi l’un : - Je les ai découverts sporadiquement, et seulement quelqu’uns, dès Sortie d’usine. J’ai toujours respecté, mais sans en écrire une ligne, me semble-t-il, durant des années. Comme de Richard Millet que je respectais aussi un max, dans un ton très différent. Aussi, je trouvais que Bon manquait un peu de corps et de rondeur. Je le trouvais si sérieux, aussi, ce garçon. Si littéraire. Si parfaitement maîtrisé. J’eusse aimé qu’il se prît parfois les pieds dans le tapis. Et puis j'étais très occupé par les domaines romand-slave-anglo-saxon et tutti quanti. Et puis je l’ai senti plus proche, Bon: j’ai raffolé de Tumulte. Faut dire que j’avais commencé à bloguer grave et que Tumulte vit cela à sa façon très intensément: l’écriture immédiate et synchrone, l’abeille élecronique à multidons d’ubiquité. Et puis Rabelais. Et, bien entendu, son fantastique travail de coach et de passeur. Bref et sans lui cirer les pompes : THE François Bon, qui écrivait tout à l’heure sur son site ou ses blogs que les blogs se vident de leurs lecteurs, en été, comme les rues de Dijon ou de Payerne, que c’en est une pitié… Mais après tout tant mieux, gargamelon, pasque c’est déjà neuf heures et que j’ai encore deux pages de mon manus à recopier. Allez, il me lâche les baskettes, ce bon Monsieur Bon ?
Moi l’autre : - Et c’est quoi, l’adresse de ton Face de bouc ?
Moi l’un : - Quoi, tu vas pas me dire que ça t’intéresse, toi !
Moi l’autre : - Mais pas du tout du tout, c’est juste pour nos amis…
Commentaires
Mi tout, j'ai été facebookée - et je n'ai toujours pas bien compris à quoi cela servait. IL y a des gens qui m'avertissent de leurs expositions (à Paris, ben tiens) que je ne verrais pas, des sortes de test-jeux pas bien loin de ceux de Marie-Claire dans les salles d'attente de dentiste, du vide, du vide, du vide... Et puis c'est écrit en anglais : la fatigue de la traduction n'est pas compensée par l'intérêt faramineux d'avoir des "amis". J'ai horreur de cette question, retrouvée aussi sur télérama.fr "untel veut être votre ami". Les mots "vouloir" et "amitié" sont un peu antinomiques, pour moi. On ne peut vouloir l'amitié : elle est donnée, ou non. Elle peut s'acquérir, mais pas d'emblée. Bref, à question idiote réponse obtuse : oui, je veux bien qu'untel, avec qui je n'ai d'autre lien qu'un site virtuel, soit "mon ami" !!!!
François Bon a fait une chronique formidable de Dylan sur France Culture.
Bah ne prenons pas Face de bouc trop au sérieux, n'y passons point trop de temps ni n'y perdons trop d'énergie, mais si le roman virtuel, le work in progress se font aussi par là, pourquoi pas ?
Ce qui est étonnant avec Facebook, c'est que les gens notent vraiment ce qu'ils sont en train de faire (il y a une case pour ça: "Que faites-vous en ce moment": Sofia Dulait, en train d'allaiter, Tony Wax regarde le match de Nadal, Suzy Wait attend son mari...
Amer goût de solitude... comme si nous étions un peu perdu au milieu de l'univers et que ce qui nous reste à signaler de nous-même, ce sont nos gestes quotidiens les plus insignifiants.
Facebook, La Geste de l'insignifiance.
Peut-être verrons-nous un jour Roland noter: Roland, de retour de Roncevaux.
Ou Merlin dire à l'oreille de Merline: veux-tu encore, ô Merline, et le noter fissa...
Excellent, en effet, une parole purement extérieure qui n'aurait plus d'endroit autre pour se loger et exister.
Ou pire... Il deviendrait plus important de susurrer des mots doux à l'oreille de Facebook avant de le dire à sa belle!
Ceci me fait grandement penser à ce livre magnifique de Vassili Grossman, "Tout passe", où il parle de cette hagiographie qu'on faisait d'un Lénine en magnifiant des choses de la vie quotidienne qui étaient celles de tous en fait, mais comme c'était LENINE...
Avec Facebook, c'est un peu la même chose. A part qu'on n'est personne (entendons-nous, nous sommes tous un univers unique, mais je pense à la notoriété sociale et légendaire) et on met en ligne des faits qui n'ont aucune importance.
Je comprends en même temps que ceci puisse nous distraire.
Il y a encote un bien autre usage, cher Frédéric, et nullement vain ou superficiel, qui peut se faire par Facebook. Vous vous en doutez, puisque vous tenez un blog: c'est aussi un outil de recherche et un vecteur de curiosités, même une occasion de vraies rencontres. C'est par mon blog que j'ai rencontré un certain Pascal, à Ramallah, avec lequel jamais je n'eusse pu échanger plus de cent lettres et substantielles il me semble, comme ç'a été le cas, et tenez, hier soir, explorant le labyrinthe de Facebook, voici que je tombe sur Annie Dillard. Est-ce l'auteur que j'aime tant ? Je n'en suis pas encore sûr, mais la photo de la dame était bien de celle que je connais. Et si nous nous parlions par Facebook ? Ne serait-ce pas épatant ? Déjà j'ai noué divers contacts avec d'autres personnes, un Pavel à Moscou, un jeune photographe américain d'origine polonais, d'autres encore. Tout dépend alors de ce qu'on a à se dire, n'est-ce pas ? Facebook, comme les blogs, ne sera jamais que ce qu'on en fait. Ainsi a-t-on fait du téléphone de papa et de la télévision que grand-papa assimilait à la damnation dernière...
A la lecture de votre message j'ai peur de passer pour une vieux prude effarouché terrifié par les outils obscurs de la toile du grand méchant!:-)
"Tout dépend de ce qu'on a à se dire, tout dépend de ce qu'on en fait, comme pour tout." Oui! Oui! Oui! Là, je vous suis entièrement.
Mais quant à moi, pour le moment, et selon ma petite expérience sur Facebook et de ce que j'y ai vu, de ce que j'y ai lu, (je peux changer d'avis, je ne suis pas une bûche - enfin, je ne crois pas), je trouve que Facebook va plutôt dans le sens d'un appauvrissement de la relation. Mais ceci n'est-il pas à l'image aussi des familles, des couples qui sont si souvent éclatés. Ce serait alors pour certains un moyen de renouer des liens (le lien, mot-clé de l'internet). Un moyen de se donner l'impression d'être relier, d'appartenir à une communauté.
Sans parler de la capacité d'être seul, que nous perdons de plus en plus. Alors on se jette compulsivement sur Facebook pour voir si on nous a écrit, pour ne pas se retrouver face à soi-même.
Il y aurait tant à dire!
Et vous avez raison. Prenons ce qu'il y a de meilleur, comme l'amitié que vous avez nouée avec Pascal de Ramallah.
Signé: Une face de livre qui préfère se trouver en face d'un livre ou de cette autre page qu'est un visage, une voix, la chaleur d'une présence. Une présence sans outil, sans infos bulles, sans notifications.
(Mais qui ne dédaigne pas la chance de pouvoir avoir des échanges avec un certain JLK que je n'aurais peut-être jamais rencontré sans internet.)
(La télévision et le téléphone sont les damnations dernières).
(en passant, vous ne m'avez pas accepté comme ami:-)))
Cher Frédéric, vite pour le dernier malentendu: mon premier compte Face de book s'est planté, ensuite de quoi j'en ai ouvert un second. Votre message a dû se perdre entre deux. Va de soi que Merlin est de mon gang. Aussi je voulais vous dire ceci: que tout ça est un trésor en matière de faits de langage, qui me passionnent à tous égards et que je recycle dans mon Work in progress. Mais nous en reparlerons. Pour le moment, je vous recommande la lecture de Melnitz de Charles Lewinsky, saga d'une tribu juive en 1871 et 1945, en Suisse et en Europe. Impressionnant, et l'on y apprend un tas de choses...