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Fulgurances poétiques

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  L’art suraigu de Pascal Janovjak

C’est avec une prose inouïe que se pointe Pascal Janovjak dans son premier recueil intitulé Coléoptères, une première soixantaine de morceaux, suivis d’une quinzaine d’Elytres. J’entends par prose inouïe: jamais entendue, ni vue, ni lue même si elle rappelle ces prosateurs de l’inquiétante, cosmicomique étrangeté que furent un Henri Michaux ou un Alberto Savinio, pas loin non plus des conteurs minimalistes à la Brautigan ou Edoardo Berti, sans qu’il s’agisse ici d’influences manifestes, plutôt de parenté
Par exemple je cite intégralement Le Train : « Gare. Le train s’en file, porté par les voix des morts. Traverse la très-ancienne plaine avec à bord un caillou noir qui vibre avec le grondement des machines, résonne avec les plaintes des profondeurs.
« Les boiseries laquées du compartiment reflètent les lueurs des lampes, je n’aurais jamais dû accompagner R. dans sa fuite, un noir caillou dans mes doigts, un verre de vin tremblant sur la table.
« De l’horizon déboule le train, passe devant une ancienne cahute de bois et se perd dans la nuit d’en face, disparaît des yeux du chat qui traverse doucement la voie chaude ».
C’est étincelant , plastique en diable, tantôt plutôt sculpté dans la matière verbe et tantôt plutôt flûté les yeux fermés mélancoliquement murmuré ou silencieusement sifflé comme siffle silencieuse la salamandre chauffant au feu doux.
Il y a là-dedans des merveilles, comme l’évocation des cheveux follets d'Emma dans L’orage flaubertien, et j’aime le tout bref Week-end, après le restaurant : « Elle est ressortie nettoyer la vitre arrière, c’est gentil, l’antibuée ne marche plus.
« Et à travers le voile translucide du givre qu’elle gratte, je regarde sa silhouette ondulante se découvrir peu à peu – elle trouve toujours de nouveaux moyens de me séduire »...
Ce sont des « fusées » poétiques qui tiennent du conte-goutte ou de l’haïku au premier regard, mais qui ont un pouvoir de « diffusion » dès qu’à l’image des fleurs de papier proustiennes fameuses on les immerge pour qu’elle s’ouvrent toutes grandes comme les pages d'un possible roman esquissé.
J’y reviendrai. Dans l’immédiat, je note que ce petit livre très remarquable paraît à l’occasion des quinze ans des éditions Samizdat, à Genève, et qu’il est l’œuvre d’un auteur de 32 ans né à Bâle et qui vit aujourd’hui à Ramallah.
On peut vivre à Ramallah et écrire aujourd’hui ceci, sous le titre de La Maison :
« Tu te rappelles ces os que nous avons trouvés dans la forêt Tu disais que c’était un animal, moi j’essayais de te persuader du contraire, jusqu’à ce qu’affolée tu t’enfuies en pleurant. Ensuite tu racontais tout à Maman et j’étais privé de dessert.
« Je suis retourné voir la maison. Il n’en reste plus grand-chose et la mauvaise herbe a tout recouvert ».
f41589e913a631d9d231a0d14fcee9ba.jpgPascal Janovjak. Coléoptères. Editions Samizdat, 127p. Genève, 2007.

Pascal nous signale que le poète Jalel El-Gharbi a commenté ces jours son livre sur son blog, Un site de poésie et de lumière intelligente, d'un passeur généreux, à recommander absolument: http://jalelelgharbipoesie.blogspot.com/

Commentaires

  • ... il est des mots porteurs d'images, de courtes phrases porteuses de longues histoires ...

  • Un petit mot de l'écrivain, à qui on a fait remarquer cet article... il ne m'appartient pas de discuter la justesse de cette généreuse appréciation, mais je tiens à remercier l'auteur de ce blog pour sa curiosité de lecteur, qui est va chercher loin pour trouver sa nourriture. Bonjour de Ramallah...

  • Quel bonheur pour une éditrice de découvrir -enfin!- que le "Ah!" (ébahi et muet) avec lequel elle avait accueilli le manuscrit de Pascal Janovjak trouve ici un écho expressif! Et c'est du même coup pour elle l'occasion de tomber dans le merveilleux guet-apens de ce blog!
    Merci!

  • merci pour vos decouvertes qui enchantent les curieuses(x) comme moi et que régale votre eclectisme .

  • It's my pleasure, thanks a lot matelote

  • SOUS L'HERBE

    Des tendons de lune
    Soutiennent l'ossature du cristal
    Sur laquelle circule
    Le sang du venin froid
    Qui caresse de son aura
    La danse des hanches
    Que d'affriolantes étoiles propagent
    En taggant les murs de satin
    Aux armoiries des skaters boréaux
    Bombant de pourpre et vert
    Les barbelés des check-points
    Et les tranchées de poussière

  • Me plaisent bien ces snapshots
    Sont vraiment d'un bath pote

  • crane-chou pour le tuyau, my lord !

  • Merci de nous avoir habitués à la présence de cet homme de bien dans votre correspondance irriguée de ces fictions qui disent la vérité.
    Un poète et un homme au milieu des autres et lié à votre chant ,Jean-Louis.
    Jalel et vous , vous rassemblez les étincelles .
    J'ai hâte de découvrir ce livre, (pour l'instant difficile à commander)...Il dit que la lumière est cachée dans les ailes soyeuses et fragiles des coléoptères... Parole de petit scarabée ? Sommes-nous des petits coléoptères ? Lui , semble être celui de l'Egypte ancienne, celui qui poussait le soleil le long du ciel...

  • Le coléoptère s'est pris les pattes dans la Toile, mais c'est pour le meilleur d'une rencontre avec le papillon. Et ce soir je pense à toutes ces présences virtuelles, souvent sans visages mais dont les prénoms (salut mes chers Bona, Ray, Joël, Claire et tant d'autres de la première heure), nous accompagnent de loin en loin, puis disparaissent un temps, reviennent, et en voici d'autres (salut Phil et Philou, salut François, saluti tutti) et ce n'est plus moi, toi, lui qui écrit mais une toile où se croisent tous ceux qui lisent, salut Michèle, salut Christiane, ciao amici...

  • merveilleux "Coléoptères" de Pascal Janovjak

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