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etats-unis

  • Jack London supervivant

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    REDÉCOUVERTE 

    Souvent relégué dans le rayon jeunesse, le grand romancier revit dans une exposition, une biographie et un inédit.
    Un formidable souffle de vie traverse l’œuvre de Jack London de part en part, et cela dès les premières notes jetées par le turbulent jeune homme décidé à rallier en 1894 (il avait 18 ans) l’épique «armée industrielle» de l’autoproclamé général Kelly drainant, à travers les Etats-Unis, direction Washington où elle débarquerait pour le 1er mai, tout ce que le pays comptait de chômeurs et de sans-abri en cette période de première grande crise économique préfigurant celle de 1929. Sans le sou, contraint de « brûler le dur», à savoir voyager sans billet dans le langage des vagabonds, celui qui était devenu le « prince des pilleurs d’huîtres » à bord du Razzle-Dazzle, son premier bateau acquis à 15 ans, allait vivre six mois durant, une première aventure dont il a consigné les péripéties des sept premières semaines, et qui s’achèvera en prison pour vagabondage. Les familiers de son œuvre se rappellent, sans doute, qu’il fera le meilleur usage de cette cuisante expérience dans son dernier grand roman, le plus important avec Martin Eden : intitulé Le vagabond des étoiles et rédigé entre la fin de mars 1913 et 1914, deux ans avant sa mort.
    A propos de ce premier périple, éclairé par un inédit retrouvé aux Etats-Unis par Jennifer Lesieur, qui signe en même temps la première biographie de Jack London en français, celle-là précise:«Six mois sur la route vont révéler Jack London à lui-même, aiguiser son œil et sa pensée. Il en sortira socialiste, humaniste et conteur hors pair, trois composantes fondamentales de sa vie et de son œuvre d’écrivain. De fait, malgré le caractère lapidaire des observations figurant dans ce carnet, la fulgurance de la notation, l’acuité du regard, la chaleur du ton et cette façon de faire immédiatement du roman avec sa vie révèlent, au fil de pages tordante évoquant le cinéma burlesque des mêmes années – notamment avec la course- poursuite sur le train en marche des clandestins et des employés les jetant au fossé… - un talent déjà repéré par les lecteurs du San Francisco Call où avait paru, en 1893, une nouvelle intitulée Un Typhon au large des côtes du Japon, gratifiée d’un premier prix.
    Si la découverte de cet épatant Carnet du trimard, bijou d’édition reliée donnant le texte en version bilingue joliment superposée, vaut déjà la plus chaude recommandation, la parution récente du Jack London de Jennifer Lesieur fait figure d’événement, tant cette biographie équilibre une réhabilitation nécessaire (Jack London est souvent taxé d’auteur mineur aux Etats-Unis), une mise au point honnête (sur les faiblesses réelles de l’œuvre et le pesant racisme de certains ouvrages), et un nouvel éclairage sur le caractère visionnaire, parfois aussi prophétique de l’écrivain qui déclarait dans l’un de ses derniers entretiens : "Vous pouvez vous demander pourquoi je suis pessimiste; je me le demande souvent moi-même. Je possède la chose la plus précieuse au monde: l'amour d'une femme; j'ai de beaux enfants, j'ai beaucoup d'argent, j'ai du succès comme écrivain… Je vois les choses sans passion, scientifiquement, et tout m'apparaît le plus souvent sans espoir(…) »
    Ainsi qu’elle le rappelle dans sa préface, Jennifer Lesieur a déniché l’inédit du trimard grâce à l’entremise de Francis Lacassin, auquel elle rend le plus bel hommage dans sa biographie. De fait ce grand critique-éditeur, passionné de Simenon (lui-même fou de London), a joué un rôle crucial, notamment par la première édition complète en poche 10/18, dans la redécouverte d’un grand écrivain méprisé des « littéraires » et souvent relégué dans le rayon «mineur » des auteurs pour la jeunesse. Si les merveilleux romans d’aventure de Jack London n’ont pas à être rabaissés, la dimension réelle de l’écrivain du rêve américain, « l’un des derniers auteurs de la frontière et l’un des premiers réalistes modernes », note encore Jennifer Lesieur, reste à réévaluer. Cette nouvelle biographie en est la meilleure incitation.


    A lire et à voir
    Œuvres complètes, en poche 10/18, dans la collection Bouquins, en cours chez Phébus.
    805297662.jpg►Jack London. Carnet du trimard. Tallandier, 111p.
    1751099182.jpg►Biographie nouvelle : Jack London, par Jennifer Lesieur. Tallandier, 413p.
    ►Francis Lacassin. Jack London ou l’écriture vécue. Bourgois, 1994
    ►L'exposition du Salon du Livre de Genève propose sur 100m2 de nombreux documents et photographies. Montée par Michel Sandoz et parrainée par Francis Lacassin, elle circulera cette année dans les bibliothèques municipales de Genève.

    Cet article a paru dans l'édition de 24Heures du 29 avril 2008.