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Blues

  • Le blues d’Alain Gerber

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    Balades en jazz à travers une passion. Miles vient de paraitre
    « Rien ne vaut l’enfance, une fois qu’on a été dispensé de jeunesse », écrit Alain Gerber pour qui l’enfance de l’art s’oppose pour ainsi dire à celle du premier âge, et dont la seconde naissance date de décembre 1958, lorsqu’un de ses profs de Belfort lui révéla soudain le jazz.
    a4f70a41acef7395990e5385944ed1f2.jpg«Tout ce que l’enfance fait mine de vous promettre, mais vous refuse avec acharnement – par exemple la bienheureuse ignorance, l’irresponsabilité et son corollaire, le goût du merveilleux», précise-t-il, « tout cela et davantage, le jazz me l’a offert en même temps que je me délivrais d’un coup de mes illusions passées ».
    A cette découverte, et surtout à l’aura mythologique de sa jeunesse de Vitellone belfortin, Alain Gerber a consacré ses deux premiers livres, d’un lyrisme rappelant celui de l’immense Thomas Wolfe (à ne pas confondre avec le Tom Wolfe du Bûcher des vanités), La couleur orange et Le Buffet de la gare. L’on y découvre notamment que le jazz fut pour le garçon, bien plus qu’une passion « parmi d’autres », l’expression la plus pure de toute une Amérique rêvée où les écrivains, de Faulkner à Hemingway, Scott Fitzgerald ou Ring Lardner, faisaient figure de personnages vivants autant que de révélateurs d’un « nulle part » plus habitable que l’ordinaire des jours.
    « J’ai découvert au mois de décembre 1958, grace à Henri Baudin, The Man I Love de Miles Davis, Thelonius Monk, Milt Jackson, Percy Heath et Kenny Clarke, comme un chant tombé des étoiles, une eau lustrale versée sur moi du plus haut de la plus haute sphère, écrit Alain Gerber, qu’on sait l’un des plus grands connaisseurs français de la Chose. Pourtant ce n’est pas en spécialiste qu’il compose ces Balades en jazz : plutôt en amateur, au sens de celui qui aime. « J’ai tenté de faire croire le contraire (non sans un certain succès parfois, au oint d’en avoir tiré l’essentiel de ma subsistance) mais je n’ai jamais rien compris à cette musique, ou si peu ». Il dit avoir écouté The Man I Love des centaines de fois, sans en venir à bout. Autant dire qu’il parle du jazz comme d’un incompréhensible amour, dont le blues serait l’une des expressions les plus caractéristiques à cet égard, le blues qui « parle en images à ceux qui n’en comprennent pas les paroles ».
    a4ed0eaf6d42ac64e9db3a00288a2701.jpgQu’on en se figure pas pour autant une passion pure entretenue les yeux au ciel, car le jazz a tantôt un « charme de gouttière » et tantôt une volubilité hugolienne (comme certaines pages de Gerber d’ailleurs, notamment quand il évoque le Chat qui pêche o ù il rencontre Stan Getz, son dieu tombé de son piédestal, pour un petit concert privé qui le marque à vie), tantôt se mue en confidence lancinante avec Chet Baker, qui vit sa dérive mortelle loin de nous et nous rejoint de sa double voix: « J’écoutais cette musique refaire le monde à son image, marcher toute seule quand la ville dort, marcher derrières les bruits de ses pas, traverser en dehors des clous, mêler son haleine au brouillard, ramasser les mégots de la nuit ».
    Qu’il évoque New York ou les projections cinématographiques du jazz (plus que le Bird de Clint Eastwood, Honkytonk Man, où le jazz parle comme par allusion, au deuxième degré), les figures de Duke Ellington ou de Martial Solal, Louis Armstrong qui est un roman à lui seul (Alain Gerber l’a d’ailleurs écrit), du Paris jazzy de Henri Crolla, de John Lewis « minimaliste prodigue » ou de Kenny Clarke, parfait escort drummer qui « déteste les solos de tambour » mais habite le secret des dieux, Alain Gerber est essentiellement lui-même dans ces Balades en jazz, essentiellement écrivain, poète à sa façon de sanglier des Vosges, du genre vieux môme qui emportera ses jouets dans sa tombe vu que la mort, c’est connu, à un vieux faible pour le jazz.
    Alain Gerber. Balades en jazz. Folio Senso (Inédit), avec une quinzaine de photos du meilleur choix, 141p.

    Alain Gerber vient de publier un nouveau roman consacre  a Miles Davis, sous le titre de Miles, chez Fayard.

  • « Quand tu donnes je donne »

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     RENCONTRE Youssou N’Dour évoque son nouvel album, avant la présentation, à New York, de Retour à Gorée, le film  de Pierre-Yves Borgeaud qu’il a inspiré en mémoire de ses ancêtres esclaves.  

    On le voit à l’écran dans Retour à Gorée, et l’homme est exactement le même au naturel, en jeans rapiécés dans le lobby de ce palace parisien : Youssou N’Dour est resté la simplicité même en dépit de sa gloire mondiale, de son « empire » et de son rôle emblématique dans la défense universelle des droits de l’homme. Très présent au Sénégal, il y a lancé au printemps 2007 une première mouture de son nouvel opus sous le titre d’Alsaama Day (« bonjour le jour », en mandingue), redéployé pour sa diffusion mondiale sous le titre de Rokku Mi  Rokka, signifiant « quand tu donnes je donne » en langue pulaar. La touche mauresque et peul est d’ailleurs accentuée par la présence de feu le guitariste Ali Farka Touré, alors que la chanteuse Neneh Cherry rejoint Yousou pour l’irrésistible Wake up sur lequel s’achève l’album, probable tube à venir…    

    -          Comment présenteriez-vous votre dernier album à… un sourd ?

    -          D’abord, je lui donnerais une carte du Sénégal pour lui expliquer la traversée des Peuls du sud à l’ouest et au nord du pays et lui montrer qu’en cette zone, partagée entre le Sénégal, la Mauritanie et le Mali, s’enracinent des musiques comme le blues ou le reggae. La danse pourrait lui faire voir ensuite ce que je raconte dans ce disque, qui remonte aux sources du rythme. La langue peut aussi être un obstacle à la compréhension de ce que je dis, comme la surdité, mais mon « message » passe d’abord par le rythme. Enfin, je dirais à « votre » sourd qu’il est beaucoup question, dans Rokku mi Rokka, de la vie de mon pays.

    -          Pourriez-vous évoquer le dernier morceau de ce nouvel opus, intitulé Wake up ?

    -          J’y parle, précisément, à mes frères Africains. En premier lieu, j’exprime la nouvelle réalité de L’Afrique qui se réveille et commence à parler : à parler d’elle-même et à se parler, entre Africains. En outre, j’y affirme que, par rapport au monde, l’Afrique n’a plus à se justifier d’être réduite au cliché d’un continent dévasté par le sida, la pauvreté et la guerre, mais doit se montrer fière de sa façon de percevoir le monde et de faire avancer les choses à sa façon, avec son énergie et sa joie de vivre.

    -              Beaucoup d’artistes et d’écrivains africains sont déchirés, par rapport à leur pays d’origine, qu’ils soient en exil politique ou cherchent la notoriété en Occident. Est-ce pourquoi vous êtes resté au Sénégal ?

    -          L’Afrique est un continent contradictoire, et beaucoup d’écrivains se sont expatriés pour fuir les dictatures et continuer d’exprimer l’opposition et l’espoir de leur communauté. Si j’ai eu la chance de pouvoir exporter ma musique, je ne l’ai jamais conçue hors de son environnement vivant. Il me semblait plus important de parler d’abord aux Africains, quitte à en devenir ensuite le porte-voix. Si je voyage beaucoup et trouve des sons ailleurs qu’en Afrique, celle-ci est ma vraie mesure : elle m’apaise. C’est là que j’ai mon cœur.

    -          De là le côté « racines » de votre dernier disque ?

    -          En fait, j’ai toujours été « roots », mais le fait d’avoir voyagé m’a sans doute aidé à mieux « sentir mes racines ». Je suis un griot, qui a beaucoup parlé jusque-là de la vie moderne. Mais à présent je trouve intéressant de remonter à nos sources.   

    -          Dans le film de Pierre-Yves Borgeaud, ce retour se fait de façon plus large et profonde, aux sources de l’esclavage et du jazz. Qu’est-ce qui vous y a amené ?

    -          C’est d’abord la rencontre avec le jazz, au Festival de Cully, à l’initiative de Moncef Genoud, et ensuite avec Emmanuel Gétaz qui voulait donner une suite aux concerts. J’ai pensé alors qu’il serait beau de faire ce voyage à la fois musical et historique aux origines du jazz. Avec Pierre-Yves, en lequel j’ai senti que je pouvais avoir confiance et qui était si discret avec sa caméra, nous avons vécu une aventure humaine magnifique et je suis content que le film rayonne et parle à tous  les publics, au-delà des amateurs de jazz. Je reviens à l’instant d’Angleterre où il a été très bien accueilli.

    -          Quels personnages ont compté le plus dans votre formation personnelle et votre vision du monde ?

    -          Le premier est Nelson Mandela, qui m’a beaucoup marqué et appris, à la fois par son combat politique et, lorsqu’il a laissé le pouvoir alors que tant s’y sont accrochés, par sa stature humaine, notamment dans sa lutte le sida. Peter Gabriel m’a aussi apporté énormément, autant pour son intérêt à ma musique que par son engagement au service des droits de l’homme, en me permettant de mieux incarner ces valeurs que je sentais en moi, représentant mon idéal humain.       

     

     

    Youssou N’dour en dates

    1959                       Naissance à Dakar, le 1er octobre. De religion musulmane, dans la tradition soufi.

    1985                      Concert pour la libération de Mandela, auquel il consacre une chanson, au stade de l’Amitié de Dakar.

    1994                      Succès planétaire de 7 Seconds, avec Neneh Cherry, (2 millions d’exemplaires).

    1996                      Prix du meilleur artiste africain.

    1998                      Musique du film d'animation Kirikou et la sorcière et de La Cour des Grands, hymne de la Coupe du monde de football disputée la même année en France.

    1999                      Artiste africain du siècle.

    2005                      Grammy Award pour Egypte, meilleur album de musique du monde. Youssou N’dour est ambassadeur de bonne volonté de l’Unicef et du BIT. Il a mis sur pied une maison de production, le studio Xippi, et le groupe de presse Futurs Médias.

    2007                      29 octobre : sortie de Rokku Mi Rokka. Novembre : présentation de Retour à Gorée à New York.

    Ci-dessus: la dernière porte, à Gorée, que passaient les esclaves.

    Cet entretien a paru dans l'édition de 24Heures du 1er octobre 2007.

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  • Blues du Delta et environs

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    Le nouvel opus d’Eric Bibb

    Sa voix veloutée est profonde et belle, le son de sa guitare acoustique d’une musicalité aussi claire que l’instrumentation souvent originale de ses compositions, et dès Tall cotton, le premier morceau de ce nouvel album, Eric Bibb séduit par la touche d’authenticité de son blues frotté de folk. Proche du style Delta illustré par Taj Mahal, le fils du chanteur Leon Bibb (et filleul du légendaire Paul Robeson), fait partie des nouvelles figures du blues acoustique qui jouent sur l’intensité de l’émotion et la simplicité plus que sur les effets de rythme ou de décibels. Au demeurant, Eric Bibb ne se prive pas de prendre ici diverses tangentes, que ce soit dans un funk à la Stevie Wonder (Shine on), dans la romance de quasi crooner (So glad) ou la ballade bluesy (Diamond Days) très agréable certes mais aux angles un peu trop arrondis. Un blues plus âpre, résonnant comme un appel lointain, reprend ses droits sur un tempo plus vigoureux dans le splendide In my Father’s House, avant que Forgiveness is Gold ne module sa méditation douce à la Tracy Chapman. Très appréciable chose aussi, quant à l’interprétation, que la reprise du Buckets of Rain de Bob Dylan, pour conclure en beauté avec un blues mélancolique (Still livin’on) et le supplément (à voir aussi en clip vidéo) de Worried Man Blues.

    Eric Bibb. Diamond Days. TelarcBlues

  • Pépères sur la route

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    Eric Clapton et JJ Cale réunis

    Quand un nonchalant vieillissant de la guitare-broderie rencontre un maxi-relax de la guitare-dentelle, cela ne peut donner dans la frénésie, mais ce n’est pas vraiment ce qu’on attend de la rencontre des deux légendes du blues-rock réunies ici en studio, au son aussi « cool » que le bitume de la route d’Escondido (Californie) un après-midi de soleil mâchant son chewing-gum. On savait l’admiration de Clapton pour l’auteur de Cocaïne et d’After Midnight, qu’il a dignement défendus naguère, et c’est lui-même qui a pris l’initiative de cette rencontre au sommet… de moyenne hauteur. Du moins les deux « pattes », et les deux voix au même moelleux, se mêlent-elles agréablement au fil de ces quatorze compositions, dont JJ Cale signe la plupart.
    Cela part avec un Danger sans risque, et la suite genre country-folk, avec Heads in Georgia et cinq ou six autres titres, reste fort sage et même lisse, avec de beaux moments tout de même (le solo frémissant d’Albert Lee sur Dead End Road, avec Taj Mahal à l’harmonica) pour rejoindre (dès Hard to Thrill) un blues-rock plus fusionnel qui trouve sa meilleure expression à la toute fin, avec Ride The River, d’un lyrisme country chaleureux où les deux voix et la paire de six cordes flambent doucement et sûrement, scellant une rencontre plus « historique » qu’inoubliable…
    J.J. Cale et Eric Clapton. The Road to Escondido. Warner Music

  • Du charme et de la magie

    medium_Barnes.JPGYesterday comes, d'Ilene Barnes

    Sur la pochette de son nouveau disque, la grande (1m.88) Ilene Barnes porte un plastron d’armure médiévale qui lui donne un air d’amazone guerrière contrastant avec la sensualité féminine de sa pause, et les mêmes éléments antinomiques de douceur et de force se retrouvent autant dans sa voix de contralto oscillant entre l’aigu et le grave, le velours et la stridence, que dans le climat musical tout à fait singulier de cette chanteuse américaine.
    Trois ans après Time, déjà très remarqué, les douze compositions de Yesterday comes charment par la suavité crépusculaire de leur atmosphère, qui n’a rien pour autant de diluée ou de fade. Amorcée tout en douceur, sur une ponctuation rythmique dont la monotonie incantatoire a quelque chose d’envoûtant, la balade se poursuit tantôt sur le ton de la romance soul rappelant de loin Nina Simone (notamment dans Day Dream ou Yesterday comes), avec des caresses qui peuvent griffer subtilement (comme dans le crescendo de Wolves cry), et tantôt dans des registres variés, entre les flamboiements lancinants à l’orientale (Blind folded), la modulation répétitive (Turtle’s song), le soupir bluesy à la Lady Day (My eyes are blue) le swing plus jazzy (Dandylion) ou des accents soudain vifs à la Tracy Chapman (The Riddle), verbe et musique fusionnant à tout coup dans une sorte de magie.
    Ilene Barnes. Yesterday Comes. Nektar. En concert ce soir à Lausanne, aux Docks.

  • Zucchero poivre et sel

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      Il y a du crooner à l’italienne et du bluesman, du rocker trapu et du ciseleur de mots chez Zucchero Sugar Fornaciari, dont on retrouve toutes les facettes dans ce nouvel opus qui gagne « quelque chose de plus » à chaque écoute. De Fabrizio de Andrè à Vasco Rossi, en passant par Adriano Celentano, les chanteurs populaires italiens ont l’art baroque de brasser tous les genres en échappant à la taylorisation plate. Fly en est une nouvelle preuve, qui s’envole vigoureusement dès l’initial Bacco perbacco, puis rebondit souplement dans Un kilo aussi « latino » que la Salsa de Cuba libre. Si Zucchero, poivre et sel, apparaît tout seul sur la pochette, marcheur ou pianiste au milieu d’un désert poétique, et s’il évoque explicitement la mélancolie de l’âge plus que mûre dans Quanti anni ho, c’est évidemment avec une escouade de musiciens « top » et de choristes girondes à l’américaine qu’il peaufine cette galette savoureuse et somptueuse, avec plein de clins d’yeux aux sixties-seventies genre « nos plus belles années » mais sans gâtisme pour autant, comme en témoignent Occhi et son planant « flying away », ou le chaloupant Pronto et son « Miralo che bueno/Il Paradiso »…   Zucchero murmure enfin, dans Troppa fedeltà,  que « trop de fidélité le tue », mais ceux qui l’apprécient risquent fort de l’achever dans la foulée…

    Zucchero. Fly. Polydor

  • L’aura de Tracy

    medium_Chapman.jpgmedium_Chapman2.jpgTracy Chapman au Montreux Jazz Festival. Après les électrochocs d’Eels, la chanteuse a fait oublier la touffeur du Miles Hall pris d’assaut par 2000 fans.
    Amorcée par une véritable charge de la cavalerie lourde avec, en première ligne des anguilles survoltées, un Everett à dégaine de trappeur barbu à lunettes de conquérant des sommets, soutenu à la mitrailleuse rythmique par un batteur semblant rescapé de la guerre de Sécession, la soirée vouée à Tracy Chapman aura rappelé, aux amateurs d’émotions fortes, que ce n’est pas forcément dans le déchaînement de décibels et les vociférations que réside la puissance de la musique. Ainsi le bref concert d’Eels, en dépit de quelques ballades relevant d’un blues-rock moins « hardeur », nous a-t-il semblé relever de la démonstration de force tournant à vide.
    En contraste absolu, c’est sur une tonalité gospel, avec Say Hallelujah que Tracy Chapman, paraissant d’abord toute menue sur scène, en simple jean, annonce la « couleur » à la fois dense et grave, mais non moins « punchy » , d’une suite mêlant les compositions des deux derniers albums (Let it rain et le récent Where you live) aux morceaux plus anciens, entre autres « standards » revisités, comme ce fleuron de la musique folk américaine que représente The house of the rising sun, naguère illustré par Bob Dylan et The Animals, entre autres, qu’elle module en beauté avec une lenteur et une densité émotionnelle prenantes.
    Si Tracy Chapman a découvert Montreux en son âge de teenager, ainsi qu’elle l’a rappelé avec humour, à une époque où elle n’avait pas les moyens de se payer un billet d’entrée au festival, c’est rubis sur l’ongle que son ticket avec le public s’est concrétisé mercredi soir en dépit du double désagrément de la salle transformée en étuve et de la diversion parfois bruyante d’un certain match suivi sur les portables…
    Une fois encore, pourtant, la qualité musicale de son concert, qui associe intensément les musiciens (Joe Gore à la guitare, Quinn à la batterie et Kiki Ebson aux claviers), la pertinence et la beauté des textes et de la musique, enfin la grâce de Tracy Chapman auront fait de ce concert un moment privilégié.


  • Une clairière bluesy

    Le miel poivré de Holly Williams
    Elle est toute jeune et très belle, mais un accident de la route tout récent, dont elle a été victime avec sa sœur, la cloue actuellement à Memphis, toutes les dates de sa tournée européenne étant tombées du même coup. Faute de la découvrir sur scène, on ne manquera de se consoler avec son dernier album qui fait figure de vraie révélation dans le genre blues-folky et, plus précisément, dans la chanson américaine à texte qui va de Joan Baez à Tracy Chapman, avec un mélange de douceur romantique jamais mièvre et une qualité d’écriture et des atmosphères tout à fait personnelles. Comme le fille de Johnny Cash, la blonde Holly a de qui tenir puisque son grand-père n’est autre que le légendaire Hank Williams, figure mythique de la country et du style honky tonk.
    Tout autre est celui de sa blonde petite-fille, dont les douze compositions réunies ici relèvent d’une veine plus intimiste et profonde, d’une simplicité comme voilée de mélancolie. La voix moelleuse de Holly Williams, les inflexions lancinantes de son interprétation (parfois soutenue au piano avec une parfaite délicatesse) et l’unité de ton de l’ensemble, échappant à la monotonie par la densité et le relief des textes, font de ce disque une sorte de clairière mélodieuse préservée du bruit du monde.
    Holly Williams. The Ones we never knew. Universal

  • La brute bluesy

    L’autre face de Steven Seagal  
    Non ce n’est pas un homonyme ni un clone : c’est bien LE Steven Seagal, castagneur bas de plafond du cinéma d’action, s’imposant dans le monde du blues avec une pêche qui a déjà sidéré à la sortie de son premier album, Song from the Crystal Cave. Et c’est reparti pour un périple mêlant compositions originales et hommages aux légendes du genre, à commencer par Howlin Wolf dont le Red Rooster est de la meilleure barrique. Il faut dire que le crack de Memphis  s’entoure de pointures de non moins fameuses tailles, tels Bo Diddley et Koko Taylor, Ruth Brown ou Bob Margolin.
    Le son de base de l’album est une splendeur, sans que son évidente référence aux « maîtres » de Steven Seagal, de Robert Johnson à Lightning Hopkins, entre autres Curtis Mayfiled ou BB. King ne fasse jamais resucée kitsch, tant les musiciens qui l’entourent boutent un feu du diable  à ses interprétations, entre guitares sonnant à la Hendrix et voix plus « soul ».
    La voix de Steven Seagal est elle-même étonnante de plasticité, entre lyrisme feutré  à la Dylan (l’initial She dat pretty) et intonations plus « archaïques » dans telle bien belle reprise de Hoochie koochie Man de Willie Dixon.  
    Avant la tournée européenne de ce surprenant transfuge, annoncée dès septembre à l’Olympia de Paris, avec une escale suisse le 17 septembre, cette galette est à savourer par tous ceux que le blues met k.o.
    Steven Seagal & Thunderbox. Mojo Priest. EMI.

  • Folk-rock Memories

    De Dylan à Otis Redding
    Les sexas Joan Baez et Bonnie Raitt, entre autres, ne sont pas seules à broder encore sur le canevas du folk-rock en narrant leurs hauts faits à leurs petits-enfants: de plus jeunettes ont pris la relève, dont Susan Tedeschi est des plus talentueuses, avec un spectre vocal aussi expressif que nuancé, comme l’illustre Hope and Desire, qui vaut aussi par la qualité de son environnement musical.  
    On pense d’ailleurs à Bonnie la Texane dès que Susan (qui a en revanche la dégaine physique de Joan, en tout cas pour l’arrondi du visage style madone de Woodstock) « attaque » le You Got the Silver des sieurs Mick Jagger et Keith Richards, sur un crescendo de belle amplitude. Deuxième remake « culte » de l’opus, après un Soul of man (Oliver Sain) également très bluesy: Lord protect my child d’un certain Bob Dylan, magnifique ballade que Susan Tedeschi recréé avec le même bonheur vocal, souvent proche de la soul. Dans la même fibre, avec une puissance (rappelant cette fois la plantureuse Alison Moyet) qui l’autorise parfaitement à s’y colleter, la voici qui nous ressuscite un splendide Evidence, puis un non moins flamboyante version du Security d’Otis Redding.
    Aussi à l’aise dans la romance (Sweet forgiveness) que dans le blues-rock, Susan Tedeschi imprime à tout coup sa patte personnelle à ce bel album du souvenir revivifié… 
    Susan Tedeschi. Hope and Desire. Verve/Universal

  • Ballades folky

     

    La touche perso de Rosanne Cash

    A la veille du retour de son paternel de légende sur grand écran, dans le film Walk the line que lui a consacré James Mangold, la fille de Johnny Cash nous arrive dans une Cadillac noire qui tient plus de l’imagerie fitzgeraldienne romantique que de la pompe de luxe pour poupée Barbie genre Paris Hilton. Surtout, elle se défend de tout classement country au nom du père, et le fait est que son talent propre s’impose de lui-même, autant par la ciselure de ses textes (fan lectrice, elle a évoqué l’été où elle découvrit Colette, raffole de Toni Morrison et a également publié des nouvelles) que par le climat émotionnel et musical très varié des douze compositions de ce bel album oscillant entre blues-rock (Radio operator, ou le magnifique Burn down this town, tous deux sur une musique de John Leventhal ) et romance folky  (le splendide I was watchig you, plein de mélancolie automnale, ou les tendres God is in the roses et The good intent), avec des textes parfois plus incisifs qui la situent dans le sillage du protest song (soft) courant de Joan Baez à Tracy Chapman. La voix pleine et chaleureuse, Rosanne Cash relance enfin le grand lyrisme « à papa» au fil de superbes balades (telle House on the Lake) que l’ange Johnny doit reprendre avec bonheur dans sa prairie éternelle…
    Rosanne Cash. Black Cadillac. CD Capitol


     

  • Little jazzy crooner


    C’est déjà un grand professionnel que le jeune Jamie Cullum, sujet de sa Gracieuse Majesté de 23 ans, découvert cet été à Paléo et qui nous revient avec les quatorze compositions d’un disque où il y a un peu de tout, à prendre et parfois à laisser. Une voix d’une superbe plasticité et une touche de pianiste de jazz à la fois aérienne et sensuellement chatoyante, sont les premiers atouts de ce Kid du XXIe siècle, pour citer le titre d’un de ses morceaux, qui flotte cependant un peu tous azimuts, non sans éclectisme flatteur, jusque dans la suavité quelque peu évanescente.
    L’attaque est pourtant épatante (Get your way) dans le genre trip-jazzy sur fond de belles fleurs cuivrées, que suivent une lyrique évocation des ciels londoniens d’hiver aux soleils brouillés (London skies), une jolie balade romantique (Photograph) et une mélopée sentimentale languissante (I only have eyes for you) qui frise l’ennui, comme il en va aussi d’ Our day will come.
    Les compositions personnelles de Jamie et de Ben Cullum sont les plus convaincantes, et certains morceaux, proches du blues (Back to the ground) laissent à espérer encore des merveilles de ce jeune prodige au talent aussi séduisant qu’éparpillé auquel on souhaite de ne se pas se faire laminer trop tôt par la grande machine des variétés…
    Jamie Cullum.Catching Tales. Universal

  • Retour au Sud profond


    Le vieux dur à cuire est-il un bluesman, malgré son refus de la sentimentalité, un musicien de jazz, ou un routard de la country? Clarence «Gatemouth» Brown lui-même a l'air de se jouer de toutes les catégories en vivant la musique à sa façon de natif du Sud profond (en 1924, à Vinton, Louisiane) qui est ensuite «monté» au Texas, où il s'est frotté à d'autres sons et à d'autres rythmes, avant bien des détours lointains qui l'ont conduit sur les routes de la variété et de tournées impossibles, jusqu'en Union soviétique.
    En l'occurrence, Back to Bogalusa nous propose une assez agréable suite de ballades en hommage à la tradition du blues du Sud, de ses gens et du bayou. On ne dira pas qu'il y a de quoi tomber en syncope d'enthousiasme: le swing est là plus que l'émotion ou l'invention musicale. Au passage, plus qu'un Going back to Louisiana plutôt laminé, diverses reprises bien enlevées, tel un Louisian' très country de tournure, «assurent» bien, de même que la reprise de Dixie chicken.
    Bref, celui qu'on a appelé «le grand prêtre du swing texan» est bien là, avec son charisme, toujours puissant aux States, mais un peu moins agissant sous nos latitudes. Il n'en a pas moins un son «tripal» à lui et une couleur qui peut épater encore les amateurs de folk enrichi de jazz et de blues. Un jour, un bluesman ami de «Gatemouth» a dit que «celui-ci pouvait faire plus avec une guitare qu'un singe avec une cacahuète». Ce disque le prouve. Quant au singe, il est en fuite...

    Clarence «Gatemouth» Brown. Back to Bogalusa. Bluethomb Records.

  • Un blues enfiévré



    C’est, avec Night train, dans un blues-rock express lancé dans la nuit en plein vitesse que Tab Benoit nous embarque, après la suite mémorable de The sea saint sessions , pour sa nouvelle équipée musicale, qui se poursuit sans coup férir avec la splendide modulation d’un blues sculptural (Little Girl Blues) aux traits soulignés à beau renfort de guitares cinglantes. L’incantation vocale, portée par un fil de guitare incandescent, est d’égale beauté dans I smell a rat, rappelant les maîtres noirs du genre, avant que le rythme ne se précipite soudain dans un plus allègre et routard Fever for the bayou, genre rockabilly louisianesque, si l’on ose dire...

    Tout autre chose encore, après les stridences bien musclées à la James Brown de Lost in your lovin, avec Golden Crown, marquant l’intervention de Big Chief Monk Boudreaux dans une transe “africaine” frénétiquement tambourinée et qui ne manque d’évoquer, quasi physiquement, la mémoire noire du Sud profond.

    Autant dire que le périple est aussi varié que riche de contrastes, qui nous ramène, dans The blues is here to stay, sur le fil aigu d’un blues à la fois âpre et lyrique, tantôt battant (Got love if you want it) et finalement renoué aux vieilles racines poussées sur les bords du bayou, entre La Nouvelle Orléans, les eaux mêlées du Mississipi et le ciel strié de traces de vieilles larmes.

    Tab Benoit. Fever for the Bayou. Telarc Blues

  • Du blues qui cogne



    Dès l’«attaque» du morceau éponyme de ce nouvel opus de Lucky Peterson, notre lascar montre qu’il tire toujours aussi vite que ses trois ombres (le chanteur, le guitariste et l’organiste) et qu’avec lui le blues est l’expression d’une bête blessée qui a encore du coffre à revendre... Les musiciens qui l’entourent en l’occurrence (notamment le guitariste Johnny Lee Schell, le batteur Tony Braunagel, les Taxacali Horns et la chanteuse Tamara Peterson) dans cette production de John Porter, contribuent en outre à l’amplitude sonore de cette virée sur les sentiers battus de la soul et du blues.

    Parfois un peu «extérieur», voire par trop «déménageur» à notre goût, le blues de Lucky Peterson se fait plus intimiste et tripal dans When my blood runs cold qu’il a cosigné avec son père James. C’est également le cas dans 4 little boys, récit d’une «histoire vraie» où son père, auteur du texte, se remémore le souvenir de la mort de sa propre mère, laquelle le tenait dans ses bras alors qu’il n’avait que 16 mois.

    Comme il l’a dit lui-même, ce nouveau disque de Lucky Peterson marque l’amorce d’un nouveau départ, qui va se concrétiser par des tournées aux States et en Europe. De quoi réjouir ses adeptes, et notamment ceux qui l’ont déjà applaudi en nos contrées.

    Lucky Peterson. Double Dealing. Universal Music

  • Une voix craquante




    Immergée dès l’origine dans les ondes amniotiques du jazz, au double titre de fille de la chanteuse Anne Marie Schofield et du pianiste Walter Davis, Alana du même nom continue de vibrer de tout son corps et de toute sa voix au gré de compositions qui lui vont comme un fourreau de soie musicale, qu’elle a d’ailleurs cousu entièrement elle-même, mots et mélodies, sauf la dernière tranche de cette nouvelle galette, le Nice Time de Bob Marley, qu’elle enlève plutôt sobrement, sur l’idoine rythme chaloupé .

    Beaucoup plus expressive et vocalement contournée, dans le genre soul-funky, est l’entrée en matière de Letter, le genre de missive dont on se demande si le destinataire la mérite vraiment, surtout sous sa forme chantée… Ensuite, un peu carrée-binaire dans The Benefit, elle fait passer ces facilités par la grâce plastique de sa voix, plus librement inventive à vrai dire dans Create et dans Vision, avec des inflexions qui rappellent souvent les modulations vocales de Stevie Wonder. Forçant parfois la moindre, à notre goût, sur la langueur «glamoureuse », à quoi ses romances se prêtent évidemment (on n’est pas chez Tracy Chapman, c’est sûr), Alana Davis n’en a pas moins un charme enveloppant, la musique au corps et une façon de couler ses adorables fadaises, de sa voix d’enjôleuse, qui justifie finalement qu’on craque…

    Alana Davis. Surrender Dorothy.Telarc.

  • Briscards du blues




    John Mayall a toujours pas mal d'allure en septuagénaire chenu (on peut rappeler qu'il est né en 1933 dans les parages industriels de Manchester) et, quarante ans après le premier enregistrement qu'affiche sa discographie officielle (John Mayall plays John Mayall), le compagnon de route de Clapton assure encore superbement avec ses Bluesbreakers dernière couvée, sous un titre nous renvoyant aux grands espaces des chevauchées mécaniques dans le genre des anges à gros cubes ou des routiers de l'Ouest burinés par les pluies acides …

    Le départ (Road Dogs) se fait en déménageuse à gros pneus et suspension rythmique binaire, guitares flambantes et litanie d'introduction du vieux loup de terre, « destination partout ». Tout de suite après, avec relents autobiographiques de sale gosse chialant le blues à l'instar de papa, Short Wave Radio enchaîne avec du Mayall de pure filiation, saluant Muddy Waters au passage de sa démarche chaloupée ; et la virée va faire alterner, ensuite, les climats sucré-salé, les tonalités rock-blues-folk (So Glad ou Forty Days, entre autres) et les vraies ballades lyriques (To Heal The Pain, avec sa touche country) ou plus dramatiques, comme le somptueux Beyond Control, avec une palette de sons que les jeunes loups à dents de lait devraient envier au magistral vioque …

    John Mayall et les Bluesbreakers Road Dogs Eagle

  • Docteur miracle du blues



    Une touche jazzy de piano bien fluide, l’amorce ensuite d’un saxo nasal et voici revenu, la voix cavernicole et le swing plus ou moins chaloupant, un Dr John «pour le meilleur » puisant alternativement dans les coffres à trésors d’Anutha Zone, première étape londonienne, de l’hommage justement nommé Duke elegant, de Creole Moon zonant dans le bayou et du non moins fondamental N’awlinz – Dis dat or d’Udda, qu’on prononcera comme en Louisiane puisque Nawlinz est la version phonétique de New Orleans, dont Mac Rebenack (vrai nom du docteur) est un ornement notable. De ce dernier album cité, on retrouvera notamment la superbe version de Marie Laveau, et le classique Hen Layiin’rooster débité en complicité avec B.B. King.

    De Londres à La Nouvelle Orleans, via son New York ellingtonien, Dr John touche à tous les rythmes et les genres, du blues à la rumba en passant par le funk à sa façon. Or cette façon, justement, qui consiste aussi à regrouper des musiciens de même tripe, entre autres invités, donne son unité à l’ensemble, la voix du cher grigou y étant évidemment pour beaucoup.

    Contrairement à moult compilations, ce choix de dix-sept morceaux n’a rien enfin de la vitrine flatteuse, qui nous fait plutôt redécouvrir, par nouvelles mises en rapport, ce qui marque l’unité et la variété d’un art à la fois rugueux et raffiné, plein d’émotion et de ruptures à contretemps.

    Dr John. The best of the Parlophone years. Parlophone.

  • Du blues corps à cordes



    Qu’est-ce qui peut bien, à part le goût commun du blues, lier entre elles les voix si différentes d’Eric Clapton, Keith Richards, George Receli, Nathaniel Peterson, Paul Oscher, Blondie Chaplin et David Johansen ? La réponse se décline dans cet About them shoes à couleur d’anthologie « improvisée », avec le fil rouge d’un son, on a presque envie de dire d’une voix tant la guitare de Hubert Sumlin, tenant ensemble les 13 morceaux de ce superbe patchwork, module une réelle présence physique et émotionnelle. Traduite à fleur de cordes, jusqu’au dernier titre, This is The End, Little Girl, où le guitariste se fait à son tour chanteur pour un moment de grâce qu’on dirait ressuscité de l’époque héroïque, cette présence aboutit à un ultime éclat de rire du cher grigou en phase avec ses plus ou moins vieux potes.

    Si la virée démarre en force avec un I’m ready maintes fois débité par Clapton, aussitôt la fameuse bande de musiciens-chanteurs réunie par Hubert Sumlin lui ajoute sa touche de pureté râpeuse relancée, ensuite, dans le splendide Still a Fool de Keith Richards ; sur quoi, sans fléchir , omniprésents et comme interchangeables, les douze compères vont faire dans la fine dentelle barbelée sur fond d’atmosphère hors d’âge, disons comme un Armagnac musical qui vous arrache l’âme…

    Huber Sumlin. About them shoes ToneCool/Artemis.

  • La murmurante rage d’Otis Taylor




    Il y a de la plainte et du cri de rage ravalé, sur fond de motifs répétitifs et d’inflexions lancinantes, dans l’univers d’Otis Taylor, qui touche à la fois aux racines historiques et émotionnelles du blues et aux sons les mieux « usinés » par l’électronique actuelle, sans rien de frelaté pour autant.

    Le banjo percussif et quasi obsessionnel ouvre (Feel like lightning) cette suite des dix « récits-ballades », sonnant folk ou même country, avec une sorte d’âpreté confidentielle qui relève bien du blues pur, à quoi s’ajoutent des motifs rythmiques ou instrumentaux à valeur d’échos africains.

    Lorsque la voix d’Otis, dans Boy plays mandolin, dialogue avec une trompette aux errances mélodieuses, on ressent comme un relent de nostalgie, qui ne vire pas pour autant au sentimentalisme, la chevauchée se poursuivant bientôt à vifs coups de cravache, si l’on ose dire…

    La dominante de Below the fold est une sorte de tristesse « épique » qui fait référence évidente à une longue histoire de peine et d’humiliation, oscillant entre la chronique presque murmurée (Mama’s got a good friend, Your children sleep good tonight ou Didn’t know much about education)et le blues « social » lancinant (Governement lied faisant allusion à un sombre épisode du déni du sacrifice des Noirs au sein de l’armée américaine).

    A relever enfin : le rôle de Cassie, la fille d’Otis, jouant à la fois de la basse et ici, dans un set à elle (Working for the Pullman Company) d’une voix suave mais dénuée de mièvrerie, coulant comme un tendre filet de lumière oblique sous le ciel plus chargé de son formidable Dad…

    Otis Taylor. Below the Fold. 2005.