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« Quand tu donnes je donne »

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 RENCONTRE Youssou N’Dour évoque son nouvel album, avant la présentation, à New York, de Retour à Gorée, le film  de Pierre-Yves Borgeaud qu’il a inspiré en mémoire de ses ancêtres esclaves.  

On le voit à l’écran dans Retour à Gorée, et l’homme est exactement le même au naturel, en jeans rapiécés dans le lobby de ce palace parisien : Youssou N’Dour est resté la simplicité même en dépit de sa gloire mondiale, de son « empire » et de son rôle emblématique dans la défense universelle des droits de l’homme. Très présent au Sénégal, il y a lancé au printemps 2007 une première mouture de son nouvel opus sous le titre d’Alsaama Day (« bonjour le jour », en mandingue), redéployé pour sa diffusion mondiale sous le titre de Rokku Mi  Rokka, signifiant « quand tu donnes je donne » en langue pulaar. La touche mauresque et peul est d’ailleurs accentuée par la présence de feu le guitariste Ali Farka Touré, alors que la chanteuse Neneh Cherry rejoint Yousou pour l’irrésistible Wake up sur lequel s’achève l’album, probable tube à venir…    

-          Comment présenteriez-vous votre dernier album à… un sourd ?

-          D’abord, je lui donnerais une carte du Sénégal pour lui expliquer la traversée des Peuls du sud à l’ouest et au nord du pays et lui montrer qu’en cette zone, partagée entre le Sénégal, la Mauritanie et le Mali, s’enracinent des musiques comme le blues ou le reggae. La danse pourrait lui faire voir ensuite ce que je raconte dans ce disque, qui remonte aux sources du rythme. La langue peut aussi être un obstacle à la compréhension de ce que je dis, comme la surdité, mais mon « message » passe d’abord par le rythme. Enfin, je dirais à « votre » sourd qu’il est beaucoup question, dans Rokku mi Rokka, de la vie de mon pays.

-          Pourriez-vous évoquer le dernier morceau de ce nouvel opus, intitulé Wake up ?

-          J’y parle, précisément, à mes frères Africains. En premier lieu, j’exprime la nouvelle réalité de L’Afrique qui se réveille et commence à parler : à parler d’elle-même et à se parler, entre Africains. En outre, j’y affirme que, par rapport au monde, l’Afrique n’a plus à se justifier d’être réduite au cliché d’un continent dévasté par le sida, la pauvreté et la guerre, mais doit se montrer fière de sa façon de percevoir le monde et de faire avancer les choses à sa façon, avec son énergie et sa joie de vivre.

-              Beaucoup d’artistes et d’écrivains africains sont déchirés, par rapport à leur pays d’origine, qu’ils soient en exil politique ou cherchent la notoriété en Occident. Est-ce pourquoi vous êtes resté au Sénégal ?

-          L’Afrique est un continent contradictoire, et beaucoup d’écrivains se sont expatriés pour fuir les dictatures et continuer d’exprimer l’opposition et l’espoir de leur communauté. Si j’ai eu la chance de pouvoir exporter ma musique, je ne l’ai jamais conçue hors de son environnement vivant. Il me semblait plus important de parler d’abord aux Africains, quitte à en devenir ensuite le porte-voix. Si je voyage beaucoup et trouve des sons ailleurs qu’en Afrique, celle-ci est ma vraie mesure : elle m’apaise. C’est là que j’ai mon cœur.

-          De là le côté « racines » de votre dernier disque ?

-          En fait, j’ai toujours été « roots », mais le fait d’avoir voyagé m’a sans doute aidé à mieux « sentir mes racines ». Je suis un griot, qui a beaucoup parlé jusque-là de la vie moderne. Mais à présent je trouve intéressant de remonter à nos sources.   

-          Dans le film de Pierre-Yves Borgeaud, ce retour se fait de façon plus large et profonde, aux sources de l’esclavage et du jazz. Qu’est-ce qui vous y a amené ?

-          C’est d’abord la rencontre avec le jazz, au Festival de Cully, à l’initiative de Moncef Genoud, et ensuite avec Emmanuel Gétaz qui voulait donner une suite aux concerts. J’ai pensé alors qu’il serait beau de faire ce voyage à la fois musical et historique aux origines du jazz. Avec Pierre-Yves, en lequel j’ai senti que je pouvais avoir confiance et qui était si discret avec sa caméra, nous avons vécu une aventure humaine magnifique et je suis content que le film rayonne et parle à tous  les publics, au-delà des amateurs de jazz. Je reviens à l’instant d’Angleterre où il a été très bien accueilli.

-          Quels personnages ont compté le plus dans votre formation personnelle et votre vision du monde ?

-          Le premier est Nelson Mandela, qui m’a beaucoup marqué et appris, à la fois par son combat politique et, lorsqu’il a laissé le pouvoir alors que tant s’y sont accrochés, par sa stature humaine, notamment dans sa lutte le sida. Peter Gabriel m’a aussi apporté énormément, autant pour son intérêt à ma musique que par son engagement au service des droits de l’homme, en me permettant de mieux incarner ces valeurs que je sentais en moi, représentant mon idéal humain.       

 

 

Youssou N’dour en dates

1959                       Naissance à Dakar, le 1er octobre. De religion musulmane, dans la tradition soufi.

1985                      Concert pour la libération de Mandela, auquel il consacre une chanson, au stade de l’Amitié de Dakar.

1994                      Succès planétaire de 7 Seconds, avec Neneh Cherry, (2 millions d’exemplaires).

1996                      Prix du meilleur artiste africain.

1998                      Musique du film d'animation Kirikou et la sorcière et de La Cour des Grands, hymne de la Coupe du monde de football disputée la même année en France.

1999                      Artiste africain du siècle.

2005                      Grammy Award pour Egypte, meilleur album de musique du monde. Youssou N’dour est ambassadeur de bonne volonté de l’Unicef et du BIT. Il a mis sur pied une maison de production, le studio Xippi, et le groupe de presse Futurs Médias.

2007                      29 octobre : sortie de Rokku Mi Rokka. Novembre : présentation de Retour à Gorée à New York.

Ci-dessus: la dernière porte, à Gorée, que passaient les esclaves.

Cet entretien a paru dans l'édition de 24Heures du 1er octobre 2007.

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Commentaires

  • C'est drôle que dans la chronologie qui clôt votre note vous zappiez la période (fin des 80' et années 90)Peter Gabriel , à mon sens elle a plus d'importance que sa collaboration avec Neneh Cherry... (Ahh je vais finir par être interdite de commentaires sur vos articles Musique ;-)

  • Mais non voyons Marie: je ne zappe rien du tout, ces dates sont du raccourci de raccourci, faute de place et sans la moindre intention. D'ailleurs je connais très mal ce monde de la world miousic, j'ai rencontré Youssou N'Dour pour rendre service à mes petits camarades de la rédaction et parce que j'ai aimé le film de Pierre-Yves Borgeaud, enfin vous voyez: on est peu de chose... Par ailleurs je n'interdis aucun commentaire sur ce blog, sauf ceux que j'efface avant qu'ils ne blessent les yeux délicats de l'Honnête Personne sommeillant en chacune et chacun.

  • Just a joke, mon "interdit".. je vous voyais bien fonctionner ainsi.
    La majeure partie de ce que vous écrivez ici me rend béate d'admiration (mode commentaire sur off) ou bêtement admirative ("Ooh superbe.."), étrangement la section musicale me fait réagir épidermiquement, instantanément .. osant même des remarques ! C'était une façon de m'en excuser ;)
    Je vous souhaite une belle journée.

  • Ma partie musicale, Marie, c'est inavouablement une oscillation de grande tête d'âne placide entre Dactylo Rock des Chaussettes Noires et La mort de Didon de Purcell, Billie Holiday et Schubert, Fabrizio de Andrè et Arvo Pärt. Mes rengaines du matin, mes scies automatiques vont des sucettes à l'anis d'Annie à Une jeune fille de 90 dix ans, ou de Quand on est con de Brassens à Vissi d'arte de La Tosca, enfin ce genre de tchaktchouka. A part ça, figurez-vous que je chante tout le temps. Est-ce grave docteure ? Enfin , du dernier CD de Youssou, j'aime particuièrement deux morceaux peulisants arabesques qui m'ont rappelé une vie antérieure au Mali occidental. Si vous me donnez votre adresse sur mon mail privé, je vous envoie le disque de promotion gratos...

  • Hérissée par ce docteurE! ;-) Je n'aime pas du tout la féminisation des noms, vous si?

    Amusée que vous connaissiez la tchaktchouka de mon enfance en Helvétie...

    Ravie par ce cadeau musical.... (je n'ai pas trouvé où cliquer pour faire apparaître votre adresse, je vous donne donc la mienne Marie302@gmail.com, si vous m'envoyez un mail je l'aurai ainsi.)
    et enfin...*merci*!

  • Si si, nous pratiquons volontiers la langue de coton, à la Désirade. Nous apprécions particulièrement l'auteure et l'écrivaine, contre l'usage fallacieux de l'auteuse, de l'autoresse ou de l'écrivisse...

  • tss pô gentil de se moquer de moi (même si j'aime bien votre écrivisse ;) Rien n'est fallacieux mais presque tout est laid ou plutôt maladroit dans ces récentes féminisations. Ces mots féminisés à leurs corps défendant me font penser à ces femmes affublées de hauts talons ou de chapeaux pour une circonstance exceptionnelle et qui ne savent pas les porter.
    Le eure paraît artificiel, le esse bizarrement sonne péjoratif (ah l'emmerderesse de Misogynie à part Brassens!) Et puis dit-on écrivaine publique? Ah et en quoi écrivain serait par essence masculin, y a-t-il besoin de féminiser.. putain?
    ..bon, beau dimanche à vous !

  • C'était pour rire, Marie, car nous nous ferions arracher les moustaches plutôt que de parler d'écrivaine, de ramoneure ou de briseure de grèves: telle est la loi des filous de notre firme multicéphale, Charlie le loir compris. A part quoi vous trouverez le mail de JLK sous la mention A propos, dans la colonne de gôche, si tant est que vous n'ayez pas reçu son message par courrier chaud...

  • Ces "ramoneure" et "briseure de grève" sont du meilleur effet, ah l'exemple qui tue !

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