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recensement - Page 2

  • Ceux qui prennent le temps

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    Celui qui descend un jour du train pour voir de plus près la petite maison dans les prés qui lui fait signe depuis des années / Celle qui interrompt tout à coup la dictée de Monsieur Lepoil son chef de bureau et se lève et s’en va faire un tour avec son chapeau vert / Ceux qui ont tellement tué le temps qu’ils n’en ont plus à perdre / Celui qui est parti ce matin en sens opposé / Celle qui ne stresse plus depuis que les RH l’ont déclarée ingérable / Celle qui pense que son temps viendra sans savoir trop où et quand / Ceux dont ont dit qu’ils ont fait leur temps et qu’on case dans des asiles dont les pendules tournent au ralenti / Celui qui s’est mis en tête de ferrer les chevaux marins / Celle qui revient dans la Campagne de la Solitude juste pour le nom / Ceux qui n’ont jamais le temps d’écouter, les pauvres / Celui qui fait des patiences à journée faite non sans composer de tête des poèmes clairement affiliés à l’Ecole du Silence et qu’il ne publiera jamais / Celle qui a gardé la fraîcheur de ses sept ans pour avoir su prendre le temps de ne pas vieillir / Ceux qui cheminent le long de l’autoroute à pied en tirant parfois la langue aux enfants de la lunette arrière des bolides vrombissants / Celui qui reproche à sa mère de penser qu’il pourrait n’avoir pas le temps de la venir voir / Celle qui passe des heures à regarder les enfants du parc Denantou / Ceux qui trouvent toujours le temps de niquer la fille de la concierge / Celui qui a inventé un huitième jour durant lequel il a tout loisir de se tourner les pouces et parfois même de fonder une entreprise à broyer les minutes / Celle qui ne vit pas toujours hors du temps puisque la voici se pointer au Bancomat avec un air fébrile / Ceux qui enjolivent les temps passé en oubliant les ravages de la grippe espagnole ou de l’Inquisition catholique fatale à leurs parents sorciers ou supposés tels / Celui à passé plusieurs années à relire Le Temps retrouvé en boucle / Celui qui prends le temps de relire dans Le Temps retrouvé les passages où Marcel Proust entreprend le procès de la guerre mondiale et souligne cette exclamation du général Pau à la déclaration de la guerre : « J’attendais ce jour-là depuis quarante ans, c’est le plus beau jour de ma vie ! » / Celle qui se demande ce que ce Monsieur Proust aurait pu écrire encore après avoir comme qui dirait retrouvé le temps / Ceux qui prétendent qu’ils n’ont même pas le temps de respirer alors qu’ils passent leur carrière de fonctionnaires à ne rien branler dans leur bureaux réglés à l’heure de partout / Celui qui a pris le temps et l’a caché dans un recoin de la maison close / Celle qui prend toujours le temps de régaler le très beau jeune pauvre surnommé Le Bouc et qui n’a que sa vigueur et ses yeux verts pour la payer / Ceux qui estiment avoir encore tout le tempos de penser à tout ça, etc.

  • Ceux qui égrènent leur rosaire

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    Celui qui scande ses envolées verbales d’un pied de batteur de jazz que ne remarquent que ceux qui sont un peu attentifs sur cette terrasse ensoleillée d’Ibiza / Celle qui sait que par ailleurs Thomas Bernhard se considère comme un artiste de l’exagération à partir de laquelle il lui est loisible de parler tranquillement de la pureté de l’azur / Ceux que fascinent les imprécateurs dont le noir est une mise en valeur des couleurs ensuite distribuées comme l’est la robe de Berthe Morisot dans la toile fameuse de Manet / Celui qui reproche à Céline de se la péter en reconnaissant que nul ne se la pète mieux / Celle qui tombe dans le piège de vouloir élever sa pensée. / Ceux qui prient en groupe dans les porte-avions / Celui qui accorde trois minutes à Dieu le matin avant de monter dans son Opel Rekord portant un autocollant qui proclame que Jésus est son copilote / Celle qui prétend avoir vu le Diable sous la forme d’un jeune homme aux yeux verts bodybuildé très sexy en string rouge et assis à la fenêtre au risque d’être aperçu des monitrices du pensionnat d’à côté qui lui ont fait une réputation d’allumeuse de coursiers noirs / Ceux qui prient en nageant sur le dos / Celui qui parle à l’Invisible par procuration / Celle qui reste fidèle à l’idée que son corps est un Temple du Saint-Esprit et que donc il faut l’entourer d’un voile de pudeur même en le promenant bien nu dans son univers intime / Ceux qui ne supportent pas la liberté des gens comme les Miauton qui ne prient pas au moment où avec le reste des paroissiens randonneurs en général sur un sommet où Dieu sent l’orchis vanillé / Celui qui ne dira jamais un mot de travers à l’égard de la prosternation multitudinaire de ceux qu’il appelle mahométans d’un air pincé / Celle qui prétend que même Voltaire priait à sa façon à ses heures / Ceux qui refusent de prier dans le vide alors qu’ils savent très bien que le ciel bourdonne d’ondes parfois favorables et parfois non et que c’est justement sur cette incertitude qu’il faudrait travailler au niveau du contact avec l’aléatoire quantique (c’est comme ça qu’ils s’expriment) / Celui qui prétend qu’une bonne psychanalyse te fera passer ce délire compulsif / Celle qui dit quand je prie je prie et peut me chaut qu’on s’interroge sur l’existence d’un Dieu qui m’inspire de si jolies oraisons / Ceux qui prétendent que Les Illuminations du jeune poète ardennais Rimbaud ont une parenté avec la parole « en langue » de certains prophètes / Celui qui ce matin constate qu’il n’est pas assez libre et léger dans sa tête pour ne pas se planter à l’aquarelle et qu’il va par conséquent peiner un peu à la gouache à repentirs / Celle qui récure ses sols dominicaux avec la même modestie qu’en demandait la religieuse espagnole Teresa Sanchez de Cepeda y Ahumara, dite d’Avila, à ses novices aux cervelles encombrées par des rêves de Loft et autres Star’Ac de l’époque / Ceux qui tournent sur place comme les derviches dont les toupies vrombissent aux lisières des déserts bleus, etc.

    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui hantent la ville sans fin

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    Celui qu'on a retrouvé vitrifié dans la rame du métro aérien enseveli en 2033 lors du Grand Séisme et qui avait encore au doigt le saphir du Secret / Celle qui erre sur les boulevards orbitaux avec son caddie et son hamster Nevermore / Ceux qui s’abritent des pluies de records sous les arches de bois silicifié / Celui qui planifie les extensions de la mégalopole de Pucalpa du côté de l’Amazonie chamanique / Celle qui prend de la vitesse dans le grand cyclotron antipersonnel / Ceux qui modélisent les décors topo-dépliables dans lesquels se jouera le prochain Loft spirituel / Celle qui explore les zones envahies par la jungle des anciens bars à café / Ceux qui ne s’attardent pas dans les canyons où se déchaînent les tempêtes de rage / Celui qui fait de l’aquaplaning sur les pages du Livre d’Heures Lustrales / Celle qui se branche sur l’accélérateur à fantasmes en choisissant l’option Miettes de Chocolat / Ceux qui font du nano kayak dans les artères des batteurs de jazz / Celui qui a fait trois fois le tour de la ville-monde et va pour s’établir un peu à l’écart / Celle qui affirme que l’exploration des hôtels engloutis des Maldives ne réserve plus guère de surprises depuis que tous les minibars ont été razziés / Ceux qui étudient les vestiges de l’Ère pulsionnelle éradiquée par la dynastie des Empereurs évangélistes Pat Pei-ting / Celui qui ne trouve plus les mentions séparées de Paris ni de Londres sur les cartes des territoires de la ville-monde soumise à la cruelle princesse Clito-Jin-Mei / Celle qui estime commode l’unification mondiale des mégastores où tu n’as plus à te soucier de choisir entre deux sortes de pain ou d’eau de toilette au prix unifié même dans les pays pauvres / Ceux qui estiment que l’Avenir étant devenu le Présent la question du recyclage des voyantes se pose de façon significative surtout au Brésil et en Roumanie, etc
    Image: Philip  Seelen.

  • Ceux qui se demandent à quoi bon ?

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    Celui qui se réveille accablé / Celle que la visite d’Angkor Vat émeut à proportion du désespoir de son grand-oncle Groslier lorsque les Khmères rouges ont brûlé dix ans d’archives de l’Ecole française d’Extrême-Orient / Ceux qui ont fini de reconstruire leur cabanon détruit le mois dernier par la tempête et dont personne n’a parlé / Celui qui fait son lit au carré dans le monastère de n’importe quelle confession / Celle qui coiffe son enfant dont elle sait maintenant qu’il ne survivra pas / Ceux qui lancent la nouvelle livraison du petit journal que presque personne ne lit / Celui qui dit la messe dans la chapelle effondrée pour deux trois paumés / Celle qui a choisi de ne plus se souiller la vue à la lecture des tabloïds / Ceux qui mettent un point d’honneur à vivre selon la devise du père Charles de Foucauld qu’ils ont mémorisé en leur âge de scouts candides : « Toujours en route, jamais arrivé, loin du doute et de la peur » / Celui qui se lève à cinq heures du mat pour en remontrer à sa belle-mère défaitiste / Celle qui a toujours pensé que c’était le poète qui console l’Humanité et qui sourit en constatant que le jeune Ducasse est du même avis / Ceux qui ouvrent une petite boutique où ils vendent quelques pensées pratiques et autres maximes de survie / Celui qui pense parfois que le lecteur est un malade que l’Auteur soigne et parfois le contraire avec la même sincère (et plausible) conviction / Ceux qui ont besoin de plans-programmes d’application pour leurs journées et ceux qui se fient à l’ordre naturel à la manière des oiseaux à nids super compliqués / Celui qui pense qu’il n’y a qu’un homme au monde (un homme qui est à la fois une femme, mais oui) et qu’un Dieu et qu’une Vérité et que tout ça se transforme merveilleusement selon les latitudes et les cultures sans changer beaucoup du point de vue du poids spécifique des larmes / Celle qui admet la validité probable de toutes les religions tout en ne vivant que celle de sa mère / Ceux qui subissent les heures saoules du découragement taciturne / Celui qui se piège lui-même dans les trappes de l’orgueil et de l’amour-propre / Celle qui se traite de fashion victime en ourdissant et fourbissant sa prochaine vengeance / Ceux qui ont admis depuis longtemps que le goût était le nec plus ultra de l’intelligence sans en faire pour autant le thème d’une pose mondaine quelconque / Celui qui fait pouffer sa classe de philo en multipliant ses doux sarcasmes de pédéraste non déclaré / Celle qui relit les compositions de ses cancres les plus inspirés pour se donner du courage face au têtes de cons premiers de classe / Ceux qui prétendent donner le ton de la Nouvelle Poésie avec leurs stances aphones où foisonne le végétal froissé et le minéral griffé ainsi que l’onde moirée enfin tu vois ça / Celui qui vocifère que seule l’épopée valaque est défendable dans le cadre de l’Union européenne / Celle qui s’arrache à telle secte des femmes de lettres diaphanes comme l’alouette à la glu / Ceux qui laissent le désespoir au vestiaire de ce dimanche 27 mars comme un vieux pébroque détoilé, etc.
    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui invectivent le ciel

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    Celui dont la voix n'exprime plus que la violence de la détresse / Celle qui s'arrache le coeur à la porte du tribunal / Ceux qui explosent en silence / Celui qui flingue la télégraphiste porteuse de mauvaises nouvelles / Celle qui affirme que la claveciniste a massacré Scarlatti / Ceux qui ne trouvent plus la sortie du champ de ruines / Celui qui écoute aux portes de l'enfer / Celle qui appelle son amie Léonie sa vieille Tare / Ceux qui sanglotent devant 700 millions de téléspectateurs / Celui qui n’a pas de cimetière à regarder, selon l’expression d’Adrienne devant les portraits de la famille des Mesurat et alliés / Celle qui enlève la poussière du salon de la Villa Louis avec tant de concentration qu’elle ne s’aperçoit pas qu’elle continue de passer sa patte humide sur les automobiles de la rue et sur les statues du square / Ceux qui ne savent plus le prénom de celles qu’ils ont réglementairement épousées  ils ne se rappellent plus quand ni où  / Celui qui rampe devant le commissaire homophile mais albanophobe / Celle qui décide qu’on mettra dans le salon des rideaux grenats à chardons violets sans laisser à son récent époux le temps de réagir vu qu’elle lui laisse la haute main sur la partie mécanique / Ceux qui ne feront plus émonder les tilleuls de la propriété pour faire chier les voisins / Celui qui aime le brouillard et s’y fondre en fumant des clous de cercueil / Celle qui met du rouge à lèvres couleur lèvres / Ceux qui ne s’expriment plus qu’au moyen de phrases courtes du genre « Où vas-tu ? » - « Changer l’eau des fleurs », etc.

     

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui caftent

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    Celui qui ne supporte pas les jeunes vandales du quartier des Blaireaux contre lesquels il envisage de lever une milice secondée par des chiens civils / Celle qui prétend que le nouveau 4x4 des Duvanel a été payé au moyen d’une avance sur héritage / Ceux qui estiment qu’Alberto Contador doit se dénoncer lui-même / Celui qui précise toujours que Michel Foucault avait la préférence sexuelle qu’on sait mais que ça n’enlève rien à son mérite académique / Celle qui téléphone à Madame Schneck pour se plaindre de ce qu’un peu d’huile de vidange de Monsieur Schirm a coulé sur l’allée du lotissement privé Les Campanules / Ceux qui ont entendu dire par la concierge bosniaque que les Croates du troisième auraient laissé le chien Bogumil dans leur trois-pièces avec des biscuits secs et de l’eau pendant les quinze jours qu’ils sont en Dalmatie / Celui qui compte les visiteurs que reçoit la nouvelle locataire de l’entresol qui a l’air de se prendre pour Arielle Dombasle avec ses longs ongles peints en violet foncé / Celle qui rapporte ponctuellement les faux bruits que le fondé de pouvoir Ledru lui révèle pour tester une fois de plus sa discrétion dans l’Entreprise / Ceux qui estiment qu’un Bon Chrétien se doit de révéler les manquements graves aux Dix Commandements des paroissiens censés honorer la communauté des Sœurs et Frères,etc.

     

  • Ceux qui sont de la Party

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    Celui qui poursuit sa lecture des Essais de Montaigne au bord de la rivière où sa mère vient de s’allumer un joint / Celle qui se retrouve elle-même en observant son vaurien de fils adoré / Ceux qui restent fidèles à leur éducation style fifties / Celui qui vit dans un souk de livres et d’objets vintage et s’y retrouve très bien merci / Celle qui a façonné son lieu de vie à son image de vieille humaniste démocrate assez alcoolo en fin d’après-midi / Ceux que leur sens pratique a aidé à ne pas flancher sous l’effet lancinant de leur sens poétique / Celui qui conserve toute sa tendresse à ses sœurs sûrement pas invitées à la Party du ponte de l’UBS et c’est en somme à leur honneur / Celle qui sourit dans le vague en se rappelant les frasques de son chameau de frère trader / Ceux qui se faisaient des goûters d’enfer à l’Orangina et aux crackers dans le Bois du Pendu / Celui qui s’est laissé embarquer dans le noble combat pour la défense de l’Habitat du Castor et se retrouve coincé à la table d’un parachute doré à gueule de tapir néolibéral / Celle qui commence à comprendre les arcanes de la finance en observant sa débâcle / Ceux qui réservent le paleron de base à leurs sept chiens de compagnie dont ils espèrent qu’ils échapperont aux retombées de la Crise / Celui qui est fortifié par le souvenir de la pénombre qu’un hêtre pourpre géant faisait couler dans sa chambre d’enfant tandis qu’il lisait Walden de Thoreau ou Sur la route de Jack Kerouac / Celle qui taxe sereinement de criminels les invités de la femme du ponte de l’UBS / Ceux qui font reculer les puissances de l’ennui en feignant de s’intéresser aux invités inconnus de la Party / Celui qui s’installe au Steinway du fils du ponte de l’UBS pour le faire galoper au rythme fou de Bartok tandis que les invités affluent sur la pelouse et que le Nasdaq clôture au plus bas / Celle que la cheffe de la sécu admet à la Party en dépit de la couleur de sa peau quand elle découvre que la Black se situe au Top des managères / Ceux qui se savent sur un siège éjectable et s’apprêtent donc à jouir un max d’une Party qui sera peut-être la dernière / Celui qui dit au bord du jacuzzi géant que rien ne vaut une bonne crise pour brûler les calories d’un Système aussi artificiellement gonflé / Celle qui a conçu les compositions florales de la Party dans le style des Nymphéas de Monet / Ceux qui se réclamant de la vieille école séduisent les kids au dam des quadras et des quinquas qui se croient au Top du Trend / Celui qui a un projet en phase avec l’Habitat pour l’Humanité en Jamaïque dit-il aux kids à moitié nus sur la pelouse et pas dupes du tout de ses alibis de parasite de leurs pourris de parents / Celle à laquelle sa couleur de peau vaut des salamalecs pseudo-progressistes de la part de ceux qui la verraient plus volontiers au Service Nettoyage de l’empire bancaire où elle a réussi Le Diable sait comment / Ceux qui espèrent que le feu d’artifice non sécurisé foutra le feu à la propriété de ce frimeur de Ponte de l’UBS / Celui qui fout le camp de la Party avec une édition dorée sur tranche des Essais de Montaigne jamais ouverte à ce qu’il semble / Celle qui retrouve son fils au bord de l’eau et le félicite pour le Montaigne en lui passant son joint / Ceux à qui rien de ce qui est humain n’est étranger, etc.
    Peinture : Terry Rodgers

  • Ceux qui s'évitent

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    Celui qui traverse quand il reconnaît son vrai père de loin / Celle qui zigzague entre ses ex dans les boîtes où elle les a levés / Ceux qui se croisent chez la psy qu’ils ont baisée à des époques différentes / Celui qui sort quand sa mère rentre / Celle qui le déteste un peu plus quand son oncle la flatte / Ceux qui s’arrangent pour ne pas prendre le même ascenseur / Celui qui a craché sur son miroir jusqu’à ne plus en subir le reflet / Celle qui ne supporte pas l’idée de rester seule avec elle-même / Ceux qui ont perdu la générosité de l’attention / Celui qui fixe des rendez-vous où il sait qu’il n’ira pas / Celle qui noie le poisson et te fixant de son air de carpe / Ceux qui changent de sujet à vue dans le faux débat / Celui qui te jure que son mensonge est LA vérité ce que d’ailleurs tout le monde admet à l'en croire/ Celle qui tombe par hasard (dit-elle) sur celui qu’elle tenait à rencontrer (prétend-elle) mais qu’elle rappellera (jure-t-elle) / Ceux qui se fuient sans pouvoir se quitter / Celui qui fait le mort et sera tenu pour tel / Celle qui prend un bus astral pour échapper aux contingences de la Secte / Ceux qui échangent mieux entre internautes qu’avec leurs conjoints tellement réels / Celui qui ne fait aucun reproche à sa mère pour avoir la paix / Celle qui se considère comme son propre cobaye en matière d’échecs sentimentaux / Ceux qui se cament à l’optimisme et n’en sont que plus minés / Celui que sa nature aimante empêche de jamais se retrouver vraiment à fond de cale / Celle que sa méchanceté naturelle a conservé comme une peau de serpent et ses crocs / Ceux qui sont devenus gentils à force d’être polis, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui parlent tout seuls

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    Celui qui a vu toutes les portes se refermer / Celle qui semble rejetée tacitement / Ceux qui restent interdits devant l’arrachage des arbres du Grand Parc aux fins de projet immobilier financé par les Russes / Celui qui voit ce qui se passe réellement et en conçoit une douleur non moins réelle / Celle dont l’innocente ritournelle est devenue litanie démente / Ceux qui ne retrouvent plus la paix qu’ils ont connue durant la guerre / Celui qui ne supporte plus l’euphorie battante de sa compagne Petula / Celle que leurs poèmes à l’eau de rose sur Internet fait gerber / Celle qui a vu ses fils partir à la guerre économique et en revenir battants ou battus ce qui revient au même à ses yeux / Ceux que le mépris des instruits paralyse / Celui qui aime son travail dont plus personne ne veut sauf quelques-uns qui auront peut-être des enfants amateurs de menuiserie ancienne va savoir / Celle qui n’admet pas l’inattention des hyperactifs / Ceux qui parlent comme des dératés / Celui qui parle à ses chiens Wilie et Sam qui lui répondent d’un même regard responsable et doux / Celle qui s’évade dans les films d’animaux / Ceux qui reprochent aux échos de leur répéter ce qu’ils leur ont dit sans la moindre touche perso / Celui qui se sent si désarmé qu’il pourrait se flinguer / Celle qui découvre qu’elle a été abandonnée par ceux qui l’ont adoptée / Ceux qui n’ont pas renoncé à leur devoir social en dépit de leurs droits bafoués / Celui qui a grandi tandis que ses succédaient sous ses fenêtres un garage en faillite puis un discount de matelas puis un Burger King puis un Multiplex dont les lumières du parking l’empêchent de dormir / Celle qui n’a plus besoin de mots après une bouteille / Ceux qui s’entendent le mieux en parlant fort les fenêtres ouvertes / Celui qui découvre sa première arme dans le miroir de la salle de bain de sa mère célibataire / Celle qui sait pourquoi son fils l’a abandonné et prend donc tout sur elle / Ceux qui évoquent les Coréens et les Chinois pour défendre leur Projet municipal pharaonique / Celui qu’on appelle le métrosexuel de l’Entreprise et qui ne parle à personne qu’aux ascenseurs / Celle qui n’agit dans l’Entreprise qu’en agissante assidue / Ceux qui se considèrent comme des chefs de meute et mordent à l’avenant / Celui qui reste celui qui gagne en martelant les parois intérieures du container dans lequel il a élu domicile après l’effondrement de l’Entreprise / Celle qui a tout perdu sauf le soutien du regard bleu acier de son Barbie Mec / Ceux qui suivent les rails désaffectés d’une voie de garage du Trans/Europe/Expresse en chantonnant des airs italiens , etc.
    Image: Philip Seelen.

  • Ceux qui ont peur de la vie

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    Celui qui s’est acheté de nouvelles jumelles pour surveiller le quartier des Roms / Celle qui dit aau tout jeune accordéoniste aux yeux verts siégeant devant la COOP qu’il ferait mieux d’apprendre un solide métier / Ceux qui constatent que leurs voisins n’ont toujours pas tondu leur pelouse comme il en a été convenu dans le quartier / Celui qui arrache soudain sa cravate et son costume d’employé du Receveur de l’Etat et se met nu dans le Bois de la Scie quitte à être désormais considéré comme perdu pour la société / Celle qui enduit de poix les mains de son fils André-Paul auquel son camarade de classe italien Peperone a donné l’exemple d’actes impurs / Ceux qui ne donnent jamais de pourboire à la serveuse portugaise du tea-room Les Bleuets qui a déjà bien de la chance d’avoir trouvé un emploi stable en dépit de son inconduite notoire / Celui qui dit à ses compères de billard qu’il n’en à rien à souder de l’asile qu’on lui refuse depuis 13 ans alors qu’on se couche devant Mobutu et consorts / Celle qui se demande où en est l’inventaire des clandestins en ville de Lausanne dont le nombre a toujours été sous-évalué par les médias à la solde de la gauche / Ceux qui estiment que les médias prétendus à la solde de la gauche sont majoritairement vendus à la droite / Celui qui téléphone à la police chaque fois que les dealers noirs s’attardent devant la boutique d’en face dont l’étalage genre bananes brunes et manioc fait de toute façon désordre / Celle qui réfrène un mouvement d’horreur en voyant se pointer chez elle le nouveau médecin de garde de type antillais / Ceux qui ont signé la pétition pour l’interdiction de tout jeu d’enfant sur la pelouse de l’espace arboré du condominium immobilier de L’Étoile du soir. / Celui qui se fait casser la figure par la bande des Albanais dont le plus séduisant lui a ostensiblement fait de l’œil dans l’autobus de la ligne 33 / Celle qui est tentée de dire que de toute façon tous ces noirs du quartier sont des dealers avant de se rappeler les paroles du pasteur Dumortier au sermon de dimanche dernier auquel assistait le nouveau diacre congolais à l’air réellement comme il faut / Ceux qui en sont arrivés à tout mettre sous clef y compris leurs clefs, etc.

    Image: Philipe Seelen

  • Ceux qui espèrent encore

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    Celui qui n’a jamais renoncé au fond / Celle que son aspiration fait respirer / Ceux qui veillent sur le passé comme sur un trésor discret / Celui qui bénit le vent salubre et l’eau vierge / Celle qui se défie de la facile euphorie / Ceux qui trouvent refuge dans la bonté / Celui qui éloigne les petits chats qu’il aime des petits oiseaux qu’il aime tout autant / Celle qui se sent trop petite pour ce trop grand amour / Ceux qui vacillent sous le poids de la certitude / Celui qui noie son reflet dans la lumière / Celle qui sent sa solitude s’agrandir dans la solitude du ciel / Ceux qui abaissent ce qui les dépasse / Celui qui sait que les âmes et les hasards se font écho / Celle qui considère son bonheur comme une épreuve / Ceux qui se demandent en silence ce que leur fera la mort personnellement / Celui qui voit en la mort une Convocation / Celle qui se remet du rimmel pour être présentable au cas où / Ceux qui meurent de leur vivant / Celui qui a peur de la mort parce qu’il l’est déjà / Celle qui répète qu’elle a tout préparé même les numéros des cantiques et les liste des donations par ordre de mérite / Ceux qui meurent de rage en établissant leur testament / Celui qui pense que « c’est la mort qui console hélas et qui fait vivre » / Celle qui se demande comment échapper à la pesanteur alors qu’elle n’a plus que du papier de cigarette sur ses os de verre / Ceux qui perdent la vérité en se la gardant / Celui qui se consacre au dosage du gris / Celle qui s’est purifiée dans la plus intense débauche / Ceux qui se fanent au lieu de fructifier / Celui qui estime que seul le saint peut dire que chaque instant compte sans se payer de mots / Ceux qui forment un Groupe de Recherche Spirituel dont ils excluent ceux qui ne pensent pas comme eux / Celui qui laisse la route entrer en lui pour avancer avec elle / Celle qui se gorge de saintes paroles comme de pâtisseries / Ceux qui nourrissent leur racisme d’une approche erronée de la nature charnelle de l’humaine créature / Celui qui pense que Dieu préfère lire en français qu’en arabe même classique / Celle qui a beaucoup tricoté pour les missions même des bonnets de skieurs / Ceux qui ont perdu leur latin à chasser le lapin / Celui qui voue un culte à son Objet / Celle qui ne voit que des preuves / Ceux qui croient qu’une catastrophe genre 1929 en 2010 rendra le monde meilleur, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui s'enlisent

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    Celui qui a conclu que rien n’était plus à attendre des jeunes nés après 1980 / Celle qui a engagé la Jeep Cherokee Well Dream de son troisième mari dit Le Démolisseur dans une fondrière genre sables mouvants où vient de l’abandonner son jeun ami gitan Augustincito juste avant qu’elle ne découvre que celui-ci lui avait fait les poches sans oublier son nouveau portable Sony Ericsson / Ceux qui ne savent comment échapper aux prédateurs mielleux de la secte des Compagnons Célestes / Celui qui souffre surtout de ne souffrir que de manque de loukoums et ne peut s’en priver et s’en plaint à la Ligne de Cœur dont l’animateur le rabroue un peu / Celle qui s’enfonce sans se rendre compte qu’elle enfonce avec elle ses collègues du salon de coiffure À la Bonne Coupe / Ceux qui ont ruiné leurs parents et leurs enfants et partenaires au jeu de Qui perd casque / Celui qui s’immerge dans une rêverie dont rien ne pourrait le tirer que la nouvelle d’une nouvelle défaite du PSG / Celle qui rosit de confusion à chaque fois que son avion s’enfonce avec elle et ses compagnons de vol dans ce qu’elle appelle l’Intimité du Nuage / Ceux qui constatent que l’excessive douceur de l’infirmier Lambiel dissimule une fureur vindicative qu’il réserve au très vieux incontinents / Celui qui n’est à l’aise que dans la langue française du XVIIe siècle pour des raisons musicales sinon physiologiques / Celle qui est devenue sœur visitante quand elle a constaté quel marais visqueux était le mental masculin / Ceux qui se perdent en flatteries jusqu’à se couper parfois / Celui qui s’envase dans les compromis affectifs sans renoncer à ses pulsions de sangsue / Celle qui se retire à Senlis où tout le monde la surnomme Pimprenelle et la félicite pour ses livres spirituels à la Bobin qui lui valent de passer à la télé privée locale surtout vers les Fêtes / Ceux qui s’enlisent quand on les laisse sans laisses, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui ne comptent pas

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    Celui qu’on oublie sans faire exprès / Celle qui est naturellement effacée / Ceux qui n’aiment pas être vus même nus / Celui qui est toujours au jardin sauf les jours de retombées radioactives / Celle qui n’apparaît pas dans la liste des rescapés et se sent d’autant plus libre / Ceux qui sont si fâchés avec les chiffres que leurs bons comptes ne leur valent même pas d’amis / Celui qui s’exprime par sa note de frais / Celle qui donne toujours un peu trop (se dit-elle en se le pardonnant somme toute) aux mendiants / Ceux qui n’ont pas d’existence bancaire reconnue / Celui qui suscite des jalousies à proportion de son désintéressement à peu près total je dis bien à peu près / Celle qui n’est jamais invitée chez les Dupontel à cause de son fils disparu la même année que leur chien Bijou / Ceux qui ne se sont jamais départis de la mentalité bas-de-laine de leur mère-grand Agathe la Bonne / Celui qui aime que les choses soient claires et préfère donc les tulipes blanches et le IVe Concert Brandebourgeois de JS Bach/ Celle qui se dit qu’elle compte pour beurre ici-bas et se console à l’idée que le Très-Haut lui réserve un Bonus / Ceux qui ont compris qu’ils n’étaient rien de plus qu’eux-mêmes dans le métro matinal de Tôkyo / Celui qui essaie de se situer en tant que poète belge en traversant le quartier de Kanda (au centre de Tôkyo) où voisinent environ deux mille bouquineries / Celle qui a plusieurs dépucelages à son actif sans savoir exactement combien / Ceux qui n’ont jamais misé sur le don vocal de leur neveu Paul Anka (chanteur de charme à l’époque) qui en a été secrètement affecté / Celui qui est plutôt Sénèque le matin et plutôt Néron le soir / Celle qui divague sur son divan de Diva / Ceux qui ricanent de Mademoiselle Lepoil militant au Conseil de paroisse en faveur de la reconnaissance de l’âme des hamsters femelles / Celui qui invoque les Pères de l’Eglise pour faire passer son message punk à la base / Celle qui use de sa muse pour emballer les jeunes nigauds qu’elle convoite / Ceux qui ont des voix de pasteurs noirs qui font bêler les brebis blanches / Celui qui n’a jamais compté les cadavres que son père et lui ont repêchés dans le fleuve / Celle qui n’a plus de créneau dans son Agenda pour caser un moment genre Où en suis-je Edwige ? / Ceux qui sont devenus meilleurs artisans à l’atelier Bois de la prison des Fleurettes / Celui qui reste fidèle à ses erreurs de jeunesse avec un peu plus de métier faut reconnaître / Celle qui fait commerce de ce qui brille et ne récolte pas or pour autant / Ceux qui ont gardé le goût des vieilles Américaines fleurant bon le cuir et le chewing-gum dans lesquelles ils emmènent les veuves de leurs meilleurs amis, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui restent à part

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    Celui qui s’éclaire à la loupiote argentine / Celle qui s’écoute pousser dans la nuit de l’âge / Ceux qui usent de mots lisses comme des galets / Celui qui craint la colère du Chinois de la laverie / Celle qui marche pieusement non sans murmurer des invectives entre ses dents très serrées / Ceux qui palpent sereinement les nappes blanches de l’hôtesse noire / Celui qui rêve d’une île où se retrouveraient ses chefs de projet et qu’on n’en parle plus / Celle qui vendrait son âme pour une soupe à la courge / Ceux qui ont la nostalgie du fumet de céleri / Celui qui voit dans la cuisine une émanation du chimisme amoureux / Celle qui résiste au DDT en carotte de caractère / Ceux qui réhabilitent les potagers frappés par le mauvais sort / Celui qui rame dans la brume de l’étang aux gisants lumineux / Celle dont les pleurs refroidissent l’ambiance du vernissage de l’expo dite Aux Larmes Retenues / Ceux qui estiment que la vie après Dalida n’est plus ce qu’elle fut / Celui qui ne comprend pas que tu ne comprennes pas que sa collection de Panini le mobilise de plus en plus au niveau du financement / Celle qui t’offre la place du mort après t’avoir demandé ton âge / Ceux qui parlent de la dimension ludique de l’enterrement du DJ / Celui qui cherche au GPS le village global dont la télé à parlé au TJ / Celle qui affirme que son hémisphère gauche vaut bien le droit de son conjoint Paul / Ceux qui disent que la nouvelle de la mort de Garcia Marquez serait un scoop sans être sûr qu’il est encore vivant, etc.
    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui se lâchent

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    Celui qui ose enfin dire franchement à son chef de bureau qu’il n’est qu’un b… de f… de p… à la c… / Celle qui avale douze meringues d’affilée en soupirant de volupté presque dénuée de culpabilité / Ceux qui seraient prêts à tout dire sur le plateau de Delarue qui ne les invite hélas jamais / Celui qui se jette sur la psychologue qui l’a enjoint de s’exprimer à tous les niveaux / Celle qui déclare à l’assemblée de paroisse que le nouveau pasteur la fait carrément jouir quand il parle en chaire / Ceux qui sont en rut à l’époque des amours forestières et brament tout pareillement aux cerfs dans le quartier des Bleuets / Celui qui s’entend dire à la sortie de la Mairie que jamais elle ne lui pardonnera d’avoir regardé son témoin Patrice avant de lâcher un oui presque inaudible / Celle qui ose dire à sa belle-mère qu’elle va faire de son fils un amant performant / Ceux qui se laissent abattre par lassitude ou paresse / Celui qui remonte la pente en train de s’effondrer / Celle qui pète les plombs dans l’usine à gaz / Ceux dont le sens pragmatique n’exclut pas celui du sacré / Celui qui se sent fourmi de bonheur au milieu des cigales stressées / Celle qui prétend que c’est quand on a tout perdu qu’on retrouve une raison de vivre alors que le coach spirituel de l’Entreprise affirme que c’est quand on croit avoir une raison de vivre qu’on risque de la perdre en oubliant le facteur Rendement / Ceux qui font les cent pas avec leur oreillette Bluethooth qui les fait ressembler aux gardes du corps d’un ministre quelconque / Celui qui passe la serpillière avec son MP3 en mâchant de la réglisse / Celle qui choisit pour sa marâtre une urne genre vase grec pour jardin arboré / Ceux qui ont introduit du Viagra à l’Etoile du soir et en mesurent les effets collatéraux / Celui qui épousera Samantha par contumace puisque seule sa fortune est encore de ce monde / Celle qui était dans la Jag au moment de l’accident et qui n’héritera donc rien de Samantha / Ceux qui se retrouvent entre nez pour des festins d’odeurs / Celui dont le vrai jumeau est un faux jeton / Celle qui a posé les scellés du veuvage sur son cœur (dit-elle) tout en piaffant déjà d’impatience / Ceux qui virent un chèque à leur génitrice en précisant qu’ils ne pourront se libérer ce jour de la Fête des Mères mais qu’ils pensent à elle malgré la distance et le cours de la Bourse, etc.
    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui restent tout joyeux

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    Celui qui conserve à tout coup son allégresse de manchot radieux / Celle qui pète le feu de Bengale et se la joue Byzance sur son ottomane / Ceux qui se laissent aller bien / Celui que ses outils attendent dans la claire lumière du matin / Celle qui tricote un paysage aux lointains de mohair vaporeux / Ceux qui prennent le raccourci dit de Satan l’éclair / Celui qui sponsorise le Club des inventeurs de proverbes chinois dont la cave ne contient que de grands crus / Celle qui recueille les petits rats d’opéras sur son navire-école grouillant de mousses / Ceux qui arrosent tous les matins leur langage fleuri d’un long jet de leur chique / Celui qui sait par cœur toutes les chansons de marche propices à l’entretien de la Joyeuse Equipe sur les chemins de France et autres cantons latins / Celle qui tient le bugle dans la Fanfare du Grillon / Ceux qui ont vidé la cagnotte de la Société des picoleurs et constaté qu’ils étaient fins prêts à «faire la Chine» / Celui qui gère la crise de neurasthénie de son neveu Raoul dont le père voulait faire un spéculateur à tout casser et qui écrit des poèmes à la Lamartine première période / Celle qui se découvre une nouvelle personnalité en jouant du saxo piccolo à la kermesse des Chanterelles / Ceux qui s’impatientent de la retraite pour faire la gueule à plein temps / Celui qui a chopé une fluxion de poitrine en posant nu avec une foule pour une photo de Spencer Tunick où on ne le verra même pas ça je te parie / Celle qui apprend dans un tabloïd qu’elle a sept jours pour sauver ses cheveux / Ceux qui contestent le fait que Cheryl Cole serait la femme la plus sexy de l’année alors qu’on n’a même pas testé les filles du Jura Sud / Ceux qui ont fait l’amour virtuel et se cherchent maintenant une garderie pour leurs cyberkids / Celui qui beurre les radis des potaches / Celle qui se sait reine des entrepôts New Look sur le canapé d’alcantara de la boutique branchée à l’enseigne de Manioc / Ceux qui font deuil à part aux quatre coins du cimetière réhabilité / Celui qui éclate de rire pendant l’éloge du défunt dont le pasteur suçait la fortune et pas que ça / Celle qui capte à peu près tout à part l’urgence de s’inscrire au Front national des gauches recyclées / Ceux qui ne supportent plus ton enthousiasme qu’ils assimilent à un relent d’hystérie adolescente qu’ils te proposent de soigner en thérapie de groupe / Celui qui voit les étoiles de Midi sans mérite particulier puisqu’il chemine sur une arête neigeuse à 4444 m. au-dessus de la mer dont les propres étoiles font les humbles dans le tréfonds de velours mauve / Celle qui dit à son fils Paul en pole position de la F1 UBS qu’il n’a pas le droit à l’erreur alors que ce garçon brille au clavecin / Ceux qui ne voient pas la beauté de cela simplement qui existe, etc.
    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui vont de l’arrière

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    Celui que fascine la décadence / Celle qui communique sa nostalgie de la jupe plissée à sa fille Agathon / Ceux qui militent pour la réglementation de la sexualité dans les garderies / Celui qui échange sa Bentley contre sept 2CV / Celle qui a l’âme vintage / Ceux qui regrettent le bon temps (disent-ils) du martinet / Celui qui part de Saint-Jean de Compostelle pour établir le record du pèlerinage à reculons / Celle qui exige que son amant Fred le Dur finisse par les préliminaires / Ceux qui se disent réacs tendance Ben Laden / Celui qui accuse sa psy de faire une fixation sur son refus de se libérer sexuellement avec elle ou sa sœur Aglaé / Celle qui recommande la cure de chou-fleur à son beau-fils spécialiste en nanotechnologie / Ceux que rien n’arrête sauf le progrès / Celui qui fait désormais son stretching par clone interposé / Celle qui rêve d’en revenir aux crinolines virtuelles / Ceux qui ont intégré les préceptes du dalaï-lama dans leur modélisation du retour au spirituel biologiquement pur / Celui qui installe un logiciel de prière assistée sur son Dell Latitude D 630 dont il lui faudra changer de batterie nom de Dieu / Celle qui chante toujours de se savoir si belle en son miroir il y a 57 ans et des poussières / Ceux qui regrettent un peu la soupe originelle en constatant que l’évolution de la larve humaine n’a pas de quoi susciter des hymnes / Celui qui trouve que naguère est un moins beau mots que jadis / Celle qui ne voit l’Avenir radieux qu’irradié / Ceux qui se réjouissent de se griller un cervelas sur le feu du divin Présent, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui ne font pas le poids

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    « Tu fais pas le poids, p’tit pois…faut t’y faire… »
    (Céline apocryphe)


    Celui qui se tait dans l’Abbaye en ruines / Celle qui prétend que la Toscane n’est plus ce qu’elle fut en sa jeunesse romantique / Ceux qui se retrouvent à San Galgano pour une partie de canasta arrosée de Brunello di Montalcino cadeau de leur pote Mauro / Celui qui coupe les tresses des jeunes filles hélas de plus en plus rares à se natter / Celle qui ramène tout à l’inessentiel / Ceux qui ferraillent avec des épées de papier de soie / Celui qui perd du terrain miné / Celle qui se voit exclue du Club des Libertine pour refus répété de se laisser sodomiser par le Sénégalais du quartier qu’est tellement super à la chose / Ceux qui se tiennent à la rampe du nihilisme ambiant / Celui qui décide de changer de vie sans trop savoir comment donc y faut qu’y se renseigne / Celle qui renonce à dépoussiérer la cervelle de son beau-père podagre et toujours mal luné / Ceux qui se réjouissent d’avoir toute une journée devant eux à ne faire que peindre des oiseaux sur des tasses de porcelaine / Celle qui prend (dit-elle) l’escalator du ciel pour dire qu’elle va causer avec son Dieu à la chapelle des Oiseaux / Ceux qui préparent (disent-ils) un grand coup d’épée dans l’eau / Celui qui ressent physiquement la présence de l’Adversaire en lui / Celle que la lecture de Dr Jekyll et Mr Hyde plonge dans un saisissement à caractère métaphysique surtout dans la confession finale de Jekyll / Ceux qui restent fidèles par manque d’imagination mais pas seulement /Celui qui essaie de résister à la vague d’indiscrétion submergeant la Toile / Celle qui ne supporte plus les grimaces des intelligents ou supposés tels / Ceux qui font étalage médiatique de leur humilité / Celui qui est tellement barjo qu’il estime urgent de lire la démolition de Freud par le sieur Onfray / Celle que son bon sens paysan a toujours protégée de la niaiserie freudienne de sa cousine psy / Ceux qui se sont libérés de leur complexe d’Œdipe en couchant avec leur père-copain avant de pousser leur mère castratrice dans l’escalier ou du haut de la falaise c’est à choix docteur / Celui qui passe pour réactionnaire parce qu’il réagit à la stupidité massifiée des épigones du freudisme et de l’anti-freudisme / Celle qui trouve que Freud est un formidable écrivain sans prêter aucun crédit à sa petite tendance Père de la Nouvelle Eglise / Ceux qui n’en ont rien à scier de tous ces lacancans / Celui qui conserve ses rêves de jeunesse dans un bocal de formol / Celle qui est royaliste par amour de la langue française qu’elle dit mondialement souveraine / Ceux qui se réconcilient avant qu’il ne soit trop tard pour s’engueuler encore un peu / Celui qui découvre sa première érection et s’exclame : putain mais c’est quoi ça ? / Celle qui ne joue jamais de la flûte de son mari Paul qui s’en ouvre à un sexologue de la place plutôt lucide au niveau du partage des responsabilités et ensuite ça roucoule ma poule / Ceux qui observent le manège nocturne des blaireaux, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui jubilent


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    Celui qui se tire des balles à la seule idée de manquer une des merveilles de la nature et de la peinture à l’huile ou à l’eau que lui offre son bref séjour terrestre d’addict à la nicotine / Celle que la beauté du monde irradie même quand elle n’a pas fait son make up / Ceux qui ne se cachent pas pour admirer ce qui mérite de l’être / Celui que son enthousiasme rend parfois un peu con mais c’est moins grave que de faire la gueule ou de n’aimer rien / Celle dont la seule façon de langer Baby est une louange / Ceux que l’obsession sexuelle entêtante qui les taraude empêche de voir la beauté des corps quels qu’ils soient même moches et sûrement invalides selon les normes de l’industrie à fantasmes tournant à plein régime / Celui qui s’inquiète de tous les modes de dégradation de la personne humaine / Celle qui vit selon la morale à papa et ne s’en trouve pas plus mal en dépit des lazzis et des horions qu’elle subirait dans les boîtes échangistes dont elle ignore à vrai dire l’existence / Ceux qui ont identifié en Cézanne ou en Mozart des espèces de saints / Celui qui fait sienne l’idée selon laquelle Bach serait le cinquième évangéliste / Celle qui se détourne de tout ce qui lui gâche la vue en salissant ce qu’elle appelle la prunelle de ses yeux / Ceux qui apprennent l’art aussi difficile de ne pas se contenter de peu que de se contenter de pas beaucoup / Celui qui épingle les imbéciles au moyen d’aiguilles imaginaires qui ne leur font pas de mal mais qui lui font du bien / Celle qui éprouve un frisson de sauvage magie à lire Lolita dans sa version américaine / Ceux qui plient sous le poids du monde mais ne rompent point / Celui qui estime que l’inattention est un péché / Celle qui étudie minutieusement les cercles hachurés représentant les interactions du bien et du mal dans les métamorphoses de Jekyll en Hyde / Ceux qui portent le masque de celui qui les rêve / Celui qui rêve qu’il est un coruscant scarabée de chocolat retourné sur le dos dans la vitrine de cette pâtisserie jouxtant le Montreux Palace que Vladimir Nabokov fréquentait / Celle qui passe la poussière avec ses gants blancs de mariée proche de fêter ses noces d’or / Ceux qui savent tout de la peinture de Cézanne sauf ce qui les fait l’aimer / Celui qui ramène le goût de certains pour les arts à une surévaluation des illusions psycho-rétiniennes / Celle qui n’a pas assez d’huile pour sa lampe mais n’en éclaire pas moins son entourage par sa seule présence / Ceux qui se réjouissent de ce qu’il y ait trop de tout au lieu qu’il n’y ait pas assez de rien / Celui que la seule vision d’un chevreuil ce matin a suffi à mettre en joie en attendant que se repointent les chèvres bottées / Celle qui nourrit les pigeons au pied de la statue du politicien qui les a tirés toute sa vie / Ceux qui promènent leur corps dans le verger aux tentations et le laissent un peu trotter avant de le ramener au paddock de l’Entreprise, etc.
    Image : Philip Seelen.

  • Ceux qui tendent au Contrôle

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    Celui qui agit toujours sur pesée d’intérêt / Celle qui sait ce qu’elle fait même quand elle ne fait rien / Ceux qui invoquent la menace du Système avant le moindre signe perceptible de quoi que ce soit / Celui qui ne juge que les fautes tenues pour telles par le Consensus / Celle qui assimile toute réflexion éthique à une prise de tête / Ceux qui invoquent la logique comme une instance animiste / Celui qui a toujours laissé ses femmes gérer sa fortune dont l’effondrement ne le chagrine que pour elles / Celle qui a confié sa carte de crédit à son amie scientologue et en constate les effets matériels à motifs il est vrai spirituels / Ceux qui ont renoncé au culte de Maman pour embrasser celui de Mammon / Celui qui sent qu’on attend qu’il consente à dire le mot / Celle qui se dit la Tour de contrôle de son Hollandais volant  / Ceux qu’une même soif de vertu rassemble dans le Bunker des Justes / Celui qui affirme que Vincent (Van Gogh) a manqué d’un bon psy et d’une amie sûre / Celle qui pense qu’elle aurait pu guérir Francis (Bacon) de son éthylisme chronique et de sa déviation sexuelle prononcée / Ceux qui estiment qu’il y a un Génie par génération mais pas toujours en France / Celui qui pratique la composition séquentielle avec des bouts de fer et des bouts de papier carbone dont il mixe les frottements au moyen d’un ordi super sophistiqué en tout cas c’est nouveau / Celle qui pense que Rembrandt n’aurait rien fait de bien sans sa mère et sa fidèle épouse qui étaient quand même aux fourneaux on l’oublie / Ceux qui achètent des rames de papier et commandent des roses pour écrire comme Garcia Marquez / Celui qui contrôle les finances de l’Entreprise tout en aimant rappeler sa rencontre avec Jean Cocteau mais ce n’est pas ce que vous croyez non non non / Celle qui s’est mise à la peinture sur porcelaine qui lui reviendra moins cher que son antidépresseur / Ceux qui considèrent l’écriture comme un chouette hobby / Celui qui présente les premier poèmes lettristes de son fils Justin (quatre ans) à un ami éditeur introduit dans les médias / Celle qui se dit que si Marc Levy ramasse des millions pourquoi pas elle ? / Ceux qui fondent le collectif Nouvelle Pléiade destiné à restaurer l’Amour courtois dans les banlieues sensibles / Celui qui fait l’acquisition d’un Stradivarius et se rend bientôt compte que le jouer va lui demander de prendre des cours et trouver du temps qu’il n’a pas donc la seule solution sera le safe vu la recrudescence des vols dans les beaux quartiers / Celle qui se décide enfin à écrire au Vatican pour leur dire de faire retraite loin des tentations / Ceux qui savent qu’ils sont des Rimbaud en puissance mais préfèrent se lancer dans de solides études qui leur permettront de faire du commerce dans la région d’Aden et du Harrar où c'est reparti depuis quelque temps, etc.

    Image :Philip Seelen

  • Ceux qui font ce qui se fait

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    Celui qui nage dans le couloir marqué Tortue / Celle qui offre un slip de bain genre léopard à son neveu Léonard / Ceux qui s’excusent de lâcher un vent dans l’ascenseur bondé alors que le matin les eaux de toilette font couverture / Celui qui fait à la Suzanne de l’Auguste ce qu’il faut pour qu’elle lui donne dans neuf mois un futur repreneur de l’Affaire donc en espérant un mâle et le bon numéro / Celle qui fait sous elle tellement elle en bave à l’examen d’économie politique / Ceux qui font un secret de ce qu’ils font dans le paddock après avoir aveuglé la jument Polonia / Celui qui apprend son catéchisme par cœur que la monitrice de l’école du dimanche lui fait réciter à toute pompe en ne cessant même de lui dire abrège abrège / Celle qui prétend voir la mère de Dieu quand elle ferme les yeux et convient finalement que c’est à Jésus qu’elle fait de l’œil / Ceux que l’idée de pisser ailleurs que dans un pissoir n’effleurerait pas même en Turquie du Sud et qui prennent donc leurs dispositions avec les Agences Ad Hoc / Celui qui est né notaire et s’est découvert aigrefin vers la vingtième année et réalise donc sa vocation avec une effrontée réussite / Celle qui fait des rêves strictement freudiens avec baise incestueuse et conclusion à l’asile des aveugles pour son fils à cheville fragile / Ceux qui marchent sur les eaux à l’imitation de Notre Seigneur en s’aidant de palettes spéciales appareillées à Taiwan / Celui qui met son chapeau et se signe à chaque fois que son épouse Simone-Agathe le lui indique d’un geste impatient / Celle qui exige un mariage dans la norme cantonale et que son mari le premier soir mais au final la prenne par derrière comme le lui ont recommandé ses amies du Tupperware Club / Ceux qui rêvent d’une success story genre Onfray en plus popu pour leur fils bègue dont les talents de philosophe de télé se sont révélés à l’émission de Cauet / Celui qui remarque qu’avec un roi la reine n'aurait pas besoin d’être chanteuse de charme en plus / Celle qui n’envie Carla Bruni que pour le King Size de l’avion présidentiel dans lequel ont fait ça au-dessus des nuages et des vicissitudes / Ceux qu’on invite parce qu’ils font bien dans le décor et plus si affinités au niveau du carnet d’adresses, etc.
    Image: Philip Seelen.

  • Ceux qui apprennent par coeur


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    Celui qui s’est formé le goût en apprenant Baudelaire par cœur dans la clairière de la forêt jouxtant sa maison natale / Celle qui s’abreuve toujours à La Fontaine / Ceux que j’endormais en leur récitant Booz endormi à treize ans et des poussières / Celui qui s’est rebellé contre ses profs à longs cheveux qui prétendaient que mémoriser de la poésie ne se faisait plus / Celle qui ne cesse de marmonner dans la rue des bribes d’un délire et l’on entend ainsi « l’hiver nous irons dans un petit wagon rose » / Ceux qui ne retiennent rien et sont donc vides / Celui que le goût premier pour Verlaine a lassé et que celui de Rimbaud fait toujours flamber / Celle qui se cachait de ses camarades de l’école de commerce pour se dire de nouveaux vers du vieux Jammes / Ceux qui slament dans le tram / Celui qui savait des stances entières de Saint-John Perse à quinze ans et qui les mit en veilleuse pour lire Lénine dont il a tout oublié alors que lui revient ce vers obscur : « Les spasmes de l’éclair sont pour le ravissement des princes en Tauride »… / Celle qui juge de la poésie à sa capacité d’être mémorisée et balance donc les neuf dixièmes de ce qui se fait actuellement au tréfonds de ses oubliettes / Ceux qui contresignent cette note de Marcelin Pleynet dans sa belle et bonne Chronique vénitienne (Gallimard, mars 2010, p.41) : « Le par cœur est un talisman qui incite au voyage » / Celui qui n’a jamais su par cœur que le numéro de son compte en banque, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui reprennent la mer

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    Celui qui aurait pu rencontrer Arthur Rimbaud ce matin-là dans la foule de Marseille s’il avait su à quoi il ressemblait / Celle qui ne pensait pas que le marchand d’armes Rimbaud fût si blond / Ceux qui prétendent avoir vu le nommé Rimbaud et le marin polonais Josef Korszeniowski parler commerce au pied du trois-mâts Mont-Blanc à bord duquel le second venait de débarquer des Caraïbes / Celui qui sait par cœur Illuminations sauf les pages que sa mère en a arrachées pour allumer le feu de sa cuisinière à bois de marque Le Rêve / Celle qui a assez d’imagination pour tenir son bureau fermé à clé / Ceux qui n’ont aucune expérience des femmes joviales et s’en ressentent en cuisine / Celui dont l’honnêteté a le poids et l’épaisseur d’un bloc de parpaing / Celle qui a longtemps cru que son époux Alphonse était trop bouché pour s’aviser de sa double vie jusqu’au jour où elle découvrit dans son journal intime quelle romance il vivait de son côté avec divers cochers / Ceux qui ne se froissent plus de rien en apparence tout en notant chaque fait méritant vengeance / Celui qui parle toujours de beau temps pour mieux savourer la remémoration des grains qu’il a essuyés en mer de Chine / Celle qui a enseigné le clavecin à la sœur de l’assassin à la serpe / Ceux qui ont une expérience professionnelle du sale temps en montagne et qui ont pourtant toujours les chocottes dès que se manifeste le feu Saint-Elme / Celui qui ne se rappelle plus rien de ce qu’il a appris à l’école navale sur les ouragans circulaires ni sur les femmes instables à la même époque / Celle qui tresse la natte du Chinois tandis que le ciel se charge de nues mauves et moites / Ceux qui constatent avec stoïcisme que la tornade se dirige droit sur leur carré de tomates juste mûres / Celui qui peint des ouragans mais dans la manière minimaliste conforme au marché international / Celle qui estime qu’on se fait à tout même aux tremblements de mer / Ceux qui lèvent le poing vers le ciel non sans se douter qu’il n’en a rien à battre / Celui qui estime que la chaleur de four de ce soir ferait jurer un saint sauf qu’un saint n’est pas censé avoir envie de baiser / Celle qui surveille son langage par discipline héritée de son bisaïeul majordome à London / Ceux qui ont de la peine à l’idée que les prisonniers de la soute se noieront sans même pouvoir se jeter à la mer même infestée de requins / Celui qui guette la formation d’un typhon dans la physionomie du Chef de Bureau / Celle dont la façon de parler par litotes exaspère ses collègues dactylographes majoritairement volubiles / Ceux qu’on imagine libres parce qu’il ne s’attachent à personne alors qu’ils cherchent partout un partenaire digne d’eux en matière de tyrannie mentale réciproque et plus si affinités / Celui qui a toujours eu quelque scrupule esthétique à chier dans la mer / Celle qui pressent que cette fois nul n’échappera au tsunami en dépit des rapports excellents que certains membre du groupe entretiennent avec celui qu’ils appellent Le Tout Puissant sans prendre tout à fait au sérieux cette appellation / Ceux qui estiment que les dernières dévastations des îles Samoa ont sûrement un motif à caractère moral s’agissant d’indigènes à l’excessive sensualité, etc.
    Image : Balthasar van den Bos.

    (Notes prises en marge de la lecture de Typhon de Jozef Korzeniowski, alias Joseph Conrad)

  • Ceux qui arpentent les parapets

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    Celui qui devine les vraies frontières / Celle qui sent en elle un vieux fonds de Rom indo-européenne / Ceux qui savent les filiations musicales reliant les pays des marches européennes opposées qui n’ont plus en commun que l’enseigne du McDo / Celui qui déjoue les leurres de l’Union Européenne en créant des réseaux parallèles / Celle qui raconte son Portugal terrien à un spécialiste californien des Lusiades respectueux des anciennes mœurs catholiques / Ceux qui se rencontrent à un cours de russe donné à Estoril par le fils d’une amie berlinoise du romancier Vladimir Nabokov / Celui qui va pour perdre les trois kilos de trop que lui reproche sa conquête lisboète avec laquelle il parle avec passion de métempsycose / Ceux qui savent par cœur les vers de T.S. Eliot disant à peu près : « Tu as commis la fornication / mais c’était dans un autre pays / et d’ailleurs la fille est morte ». / Celui qui lit Hésiode dans le train de Cascais / Celle qui écrit une lettre à Andrzej Stasiuk à propos de son livre sur l’Allemagne qu’elle vient de finir au bord du Tage / Ceux qui vivent depuis des années à Oeiras sans se douter que le 99,9 % des habitants de la ville souabe de Schelklingen ignorent absolument l’existence de cette ville du sud du Portugal / Celle qui bosse à l’hôpital de Cascais à cause d’un infirmier slovène qui lui a tapé dans l’œil à Malmö / Ceux qui ont vu le Maltais se risquer tout au bord de la falaise de Cabo da Roca et provoquer une réaction hystérique de sa compagne arguant que c’est lui qui avait les billets de retour et les cartes de crédit et qu’on ne joue pas avec les nerfs d’une Danoise / Celle qui déclare qu’après avoir fait le Portugal en une semaine elle va faire les Baléares en évitant Ibiza qu’on dit un foyer de maladies sexuellement transmissibles par les Espagnols pourtant si attirants / Ceux que l’Atlantique fait rêver au Brésil et qui vont donc prendre un café serré en attendant de rentrer à la maison où ils boivent surtout du café au lait au lit , etc.

    Photo: LK. Dernier soir aux docks d'Alcantara, sous le Pont du 25 avril.

  • Ceux qui hantent les eaux profondes

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    Celui qui a l’air d’une mitaine géante aux nonchalantes nageoires et aux yeux blasés par la si lente évolution des choses en ce bas monde / Celle que son mimétisme distingue à peine du fond vaseux de la soupe originelle / Ceux qui se déplacent en bancs serrés d’inspecteurs des lieux à profils d’apparatchiks sévères / Celui dont chaque mouvement dit qu’il est requin dans l’âme et ne peut en changer / Celle qui apprécie l’ambiance franchement conviviale qui règne en ces zones d’ordinaires massacres et dont on ne sait à quels principes pacificateurs elle obéit – peut-être quelque taoïsme évangélique des eaux / Ceux qui ont l’air d’attendre Godeau / Celui qui fonce droit devant lui comme un maquereau sur un mauvais coup / Celle qui a la grâce ailée d’un papillon des hauts fonds / Ceux qui se déplacent en scintillantes escadrilles et réalisent des figures à la fois ondulatoires et corpusculaires / Celui qui a cette lippe dubitative qui fait dire à Marcel Proust que tel de ses personnages a le profil d’un mérou / Celle qui évoque une inerte dentelle florale et bouge soudain comme un gracile dragon / Ceux qui malgré leur aspect de vieux garçons sont nés femelles et ont viré de bord afin d’aller et de procréer comme c’est recommandé dans la Bible / Celui qui se rend visiblement à un rendez-vous galant avec un brin de corail à la boutonnière / Celle qui brille de tous ses feux bleus / Ceux qui ont la plasticité des montres molles du peintre surréaliste espagnol aux moustaches de poisson-chat et aux branchies attrape-dollars / Celui qui semble maugréer sans cesser de tourner en rond comme un retraité mal luné / Celle qui scintille comme une mantille / Ceux qui évoluent comme dans leur propre rêve / Celui qui sent venir l’heure de la tortore / Celle qui se foutrait à l’eau de désespoir si elle savait ce qui l’attend si on l’en sortait / Ceux qui se laissent porter par de bonnes ondes / Celui qui a l’air d’une pierre ponce et n’en pense pas moins à sa façon postmoderne tendance Sloterdijk Ecumes II / Celle qui joue a loutre espiègle à facéties selon les termes de son contrat d’engagement de pitre nourri-logé / Ceux qui se savent un palier de l’évolution et en louent le Seigneur vu ce qui se passe en surface à ce que disent les journaux / Celui qui se dit que ce doit être bien chiant d’être enfermé derrière ces parois de verre à ne faire tout le temps que photographier à longueur de temps / Celle qui alu une fois Le silence de la mer mais sa réincarnation punitive en murène / Ceux qui se rappellent que le Nazaréen Ieoshuah Ben Iosef a multiplié des poissons pour en faire de la friture, etc.
    Image :Lucienne K.

     

     

  • Ceux qui se rappellent deux trois petites choses

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    Pour L.

    Celui qui de sa panoplie de chef de gare de 5 ans préférait la palette qui lui permettait de donner le signal du départ au train dit La Flèche rouge / Celle qui a découvert les lettres enluminées de l’Alphabet dans un livre de sa grand-mère reçu à un Noël de l’autre siècle / Ceux qui ont gardé le plumier fleurant l’encre de leur première année d’école / Celui qui les fins d’après-midi de pluie allait ramasser des escargots dans la haie de l’Asile des aveugles / Celle qui ne prêtait pas le bébé mouilleur de sa poupée Agathe aux longs cils mobiles / Ceux qui allaient glaner dans les champs de blés moissonnés du haut du quartier actuellement barré par trois tours de vingt étages / Celui qui se rongeait les ongles et dont sa tante dure conseilla à ses parents de lui tremper le bout des doigts dans une substance orange et poisseuse qu’ils ne lui appliquèrent qu’une fois tant elle puait / Celle qui se fit savonner la langue à sept ans pour un mot réellement ordurier qu’elle avait emprunté à l’oncle Victor ce rustre / Ceux qui remontaient la rivière aux écrevisses en craignant un peu les attaques-éclair des voyous de la Maison de redressement / Celui qui montrait sa boutique aux écoliers traversant le matin le parc Mon-Repos / Celle qui échangeait volontiers les vignettes de footballeurs que son frère lui cédait contre des portraits d’actrices (Doris Day, Ava Gardner) et d’acteurs (Tony Curtis, Errol Flynn) qui enrichissaient sa collection fleurant l’odeur de cannelle d’un chewing gum de marque oubliée / Ceux qui avaient de la poudre de limonade dans leur musette qui les rendait assez populaires aux courses d’école / Celui qui convoitait des patins de hockey style canadien au lieu de ses minables lames à visser lui attirant lazzis et horions / Celle qui possédait la seule télévision du quartier et permettait aux enfants de voir Lassie Chien fidèle moyennant la somme de quatre sous pour l’Oeuvre des missions / Ceux qui se levaient avant l’aube pour aller voir le montage du cirque Knie avant l’arrivée des animaux / Celui qui aimait les randos improvisées dans l’arrière-pays dont on revenait parfois à point d’heures / Celle qui lisait James Oliver Curwood sous les couvertures sans risque d’empêcher sa soeur encore analphabète de dormir / Celui auquel sa mère reprochait de prêter trop d’attention aux publicités de la Gaine Scandale / Celle qui avait déjà pas mal de bois devant la maison à douze ans seulement / Ceux qui avaient des pères avocats ou médecins auxquels l’instituteur Duflon montrait plus d’intérêt qu’à la piétailles des fils de magasiniers ou même de prolétaires le plus souvent socialistes et portés à boire / Celui qui osa enfin demander le modèle réduit du Forrestal pour l’anniversaire de ses neuf ans en l’année dite des réfugiés hongrois / Celle que l’impératrice Sissi faisait rêver à dix ans et qui n’a pas tellement évolué depuis lors de ce point de vue malgré sa présence au groupe Femmes du séminaire pédagogique / Ceux qui aimaient le goût des tiges de rhubarbe / Celui qui fut impressionné à l’apparition de la première courtilière que son père déterra et coupa en deux de son fossoir en la traitant de fléau du potager / Celle qui écossait les pois en compagnie de sa mère adoptive et d’une autre orpheline du quartier / Ceux qui gardaient les Italiens du quartier à l’œil et déconseillaient à leurs enfants de s’attarder chez eux / Celui qui s’est fait traiter de fille manquée pour avoir tricoté une écharpe de laine écrue / Celle qui a brodé au point de croix une Joconde dont tu pourras chercher longtemps le sourire énigmatique / Celle qui aimait présenter le bidon de lait familial au laitier dont les bras nus et roses avaient quelque chose d’un peu troublant / Ceux qui chantonnaient les catholiques c’est des bourriques à la sortie des futurs communiants de la salle de paroisse papiste / Celui qui se tenait à bonne distance de sa danseuse au redoutable tango / Celle qui aura porté le premier soutien-gorge à bonnet de la classe de Mademoiselle Python / Ceux qui n’ont aucune espèce de nostalgie au ressouvenir de leur enfance aussi platement ordinaire que délicieuse par le détail, etc.
    Image: Philippe Seelen

  • Ceux que la mémoire perd

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    Celui qui te demande trois fois qui tu es avant de te raconter des détails inédits de ta plus tendre enfance / Celle qui se dit perdue dans un champ d’interrogations d’ordre herméneutique sans se rappeler ce que diable cela peut signifier / Ceux qui ne savent plus mettre de noms sur certains visages et s’en trouvent affligés à l’idée de blesser la personne ainsi détruite / Celui qui est parti ce matin de chez lui où il se retrouve pourtant à l’instant avec deux oignons dont il se rappelle juste que les peler risquerait de le faire pleurer / Celle qui est troublée par le bel abbé qui l’enjoint de confesser ses péchés d’hier et même d’avant-hier / Ceux qui ont probablement vécu plusieurs vies dont pourraient témoigner diverses épouses assermentées mais lesquelles encore ? / Celui qui constate que la moitiés des partitions qu’il savait par cœur se sont effacées de sa mémoire avec son numéro de plaques et le nom de l’orchestre dont il était le Chef / Celle qui croise une tortue dans l’escalier dont la seule vue au bord d’une marche la précipite dans la mélancolie / Ceux qui s’introduisent par inadvertance dans le Labyrinthe des appartements aux portes ouvertes où des miroirs les attendent / Celui qui se voit passer dans la rue sans oser se héler crainte d’être importun / Celle qui n’oubliera jamais aucune de ses robes de mariage alors que ses conjoints successifs se fondent dans la même effigie de Clark Gable l’invitant à monter dans la Chevy blanche qui les emportera elle ne sait plus où / Ceux qui longent plusieurs avenues parallèles genre Montevideo mais à des époques différentes / Celui qui demande au violoniste Morel (ou Sorel, ou Borel ?) de lui rejouer certaine sonate émouvante de ce Verneuil (ou Merteuil ?) qu’il interprétait avec grâce avant la Grande Guerre / Celle qui cherche au cimetière la tombe de l’amant inconnu / Ceux qui te regardent fixement par le Judas sans savoir si tu es vraiment celui que l’œilleton trahit / Celui qui commence chaque matin un nouveau roman dont l’incipit se passe de suite / Celle qui a noté toutes ses coordonnées sur des billets disposés dans la doublure de son chapeau sans préciser où elle oublierait ledit chapeau et comment la reconnaître sans chapeau / Ceux qui ont oublié la magique formule qui permet de se rappeler les formules magiques, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Ceux qui rampent

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    Celui qui cherchera toujours à voir les qualités inhérentes aux défauts des cadres supérieurs de l’Entreprise / Celle qui préfère une DG fascisante à pas de DG du tout / Ceux qui constatent que le néo-cynisme lubrifie les rouages de l’Entreprise avec plus de fluide efficace que l’éthique de gauche ou même de centre droite / Celui qui s’est fait marginaliser pour son refus de participer aux sorties échangistes des cadres du marketing / Celle qui estime qu’un geste équivoque d’un employé doit être signalé aux RH sans l’ombre d’une hésitation surtout s’il s’agit d’un ressortissant de cultures genre Brésil / Ceux qui se surveillent mutuellement avec un zèle croissant en période de prétendue crise / Celui qui se couche avant que les circonstances ne l’y obligent / Celle qui a trouvé dans la political correctness un cadre existentiel qui lui permet de faire coïncider son idéal d’ancienne cheftaine scoute surnommée Loutre vigilante et les reliefs de son engagement de représentante syndicale acquise aux nouveaux codes d’une écologie libérale socialement consciente / Ceux qui s’abaissent pour mieux écraser un jour / Celui que la proximité d’un Conseiller a toujours mis dans un état second et fait dire à tout coup le contraire de ce qu’il ressentait au point de le faire passer pour un type fiable/ Celle qui est arrivée au sommet de l’Etat à la force du piolet / Ceux qui inspectent les mains de leurs ouvrières avec des airs empruntés à la haute hiérarchie militaire / Celui qui souffre à chaque licenciement d’avoir un collègue de moins à critiquer / Celle qui essaie de comprendre la logique de la progression des limaces en terrain découvert sans y parvenir / Ceux qui en ont eu assez d’entendre que les derniers seraient les premiers dans l’autre monde et qui en ont conclu qu’il valait mieux s’inscrire au parti dominant et suivre un plan de carrière sans états d’âme enfin on se comprend / Celui qui détourne la tête quand il sent qu’on va lui demander publiquement son avis sur Borel dont il préfère parler à la déléguée des RH en aparté quitte même à excuser ce sacré looser pour mieux l’enfoncer / Celle qui appelle serviabilité ce que ses collègues intellectuelles appellent servilité mais là faudrait s’entendre / Ceux qui ont toujours opiné du chef sans rien perdre des réactions du sous-chef, etc.
    Image : Philipe Seelen

  • Ceux qui ne se laissent pas avoir


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    Celui qui travaille réellement / Celle qui sent la nuance entre ce qui compte et ce qui ne compte pas au regard de son éternité personnelle / Ceux qui restent conséquents / Celui qui prend la vie plus au sérieux depuis la mort accidentelle de son meilleur ami de jeunesse / Celle qui recommence à peindre des anémones sur fond blanc genre Morandi en plus sobre / Celui qui est devenu son propre scribe auquel il dicte d’un air apparemment détaché mais méfiez-vous des êtres doubles / Celle qui reste consciente des grands espaces amérindiens en dépit de l’exiguïté de son balcon sur cour / Ceux qui laissent parloter leurs invités en regardant ailleurs / Celui que son bon sens bassement paysan a préservé du nihilisme du parti philosophique dominant / Celle qui se dit la rose contradictoire de son poète / Ceux dont le silence pèse mais qui s’efforcent de sourire aux imbéciles accablants qui les entourent en aggravant d’autant leur cas jugé plus ou moins irrécupérable du point de vue socio-économique / Celui que son indépendance narquoise fait de plus en plus détester / Celle qui entoure son postier retraité de mille prévenances tout en réservant le meilleur de ses soins à la rocaille qui a établi sa réputation dans le quartier et les magazines spécialisés / Ceux qui ont cru faire le deuil de leur jeunesse en renonçant au marxisme léninisme - mais voyons camarade / Celui qui s’en est longtemps tenu aux Classiques français du XVIIe avant d’en revenir aux Grecs et à Tintin / Celle qui a toujours fait la part chez son jeune écrivain de la Bête et du bêta / Ceux qui répondent de plus en plus poliment aux raseurs qu’ils envoient promener / Celui qui s’est fait une réputation de mauvais coucheur pour pouvoir dormir debout / Celle qui n’attend plus rien que l’homme de sa vie au bout du quai / Ceux qui ne savent plus où ils ont égaré leur plan de carrière mais on s’en bat l’œil n’est-ce pas / Celui qui espère aller sur Mars avant sa retraite ce qui lui permettrait de caler le prix du voyage sur sa dernière note de frais / Celle qui ne veut plus des onguents à la gelée royale de ce Monsieur Pillard à perruque flottante qui la regarde comme si c’est lui qui l’avait aidée au temps ou tout allait de travers / Ceux qui s’attendent au pire et se contentent par conséquent du meilleur, etc.
    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui jouent au SCRABBLE

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    Celui qui laisse gagner son père afin de lui éviter les lazzis de ses camarades de chambrée à l’EMS Le point du Jour / Celle qui a demandé à ses fils de mettre son jeu dans le cercueil avant de cramer celui-ci / Ceux qui s’y sont mis après avoir convenu qu’ils étaient trop vieux pour le strip poker / Celui qui surprend sa mère à jouer seule en se traitant de tricheuse / Celle qui cuisine ses neveux sur leur vie amoureuse en profitant aussi de leur inculture / Ceux qui estiment qu’avec ce jeu-là pratiqué à grand échelle il y aurait moins de guerres / Celui qui travaille à la transcription du SCRABBLE en chinois mandarin / Celle qui préfère le Loto à cause (dit-elle) qu’on peut gagner un lapin / Ceux qui jouent par-dessus l’Atlantique en réseau vidéo multilingue / Celui qui estime que le Monopoly est plus formateur au niveau de la gestion de fortune / Celle qui s’est fait faire un étui de pécari pour ses voyages avec le Club du quartier des Oiseaux / Ceux qui estiment que ce jeu-là signale un supplément d’ambition culturelle appréciable chez un candidat beau-fils / Celui qui se demande où son fils cadet va chercher tous ses mots alors qu’il est si taiseux à l’ordinaire / Celle qui a toujours peur de voir son cousin Victor aligner un mot osé qui la ferait rosir / Ceux qui arrivent à faire jusqu’à des vingt parties par jour tellement ils s’ennuient dans leur mouroir qui ne donne même pas sur le lac / Celui qui ne ferait pas une partie sans cravate / Celle qui pouffe toujours quand ses partenaires se plantent / Ceux qui se gaussent de ces prétendus Docteurs en lettres incapables de leur en remontrer même en leur laissant le temps / Celui qui a exigé le remboursement de son matériel quand Monsieur Carrard (Docteur en linguistique) l’a jeté dans le feu de cheminée tant il était vexé de perdre contre un employé des Postes / Celle qui considère finalement que le jeu lui a permis de sauver son troisième et dernier mariage / Ceux qui sont tellement accros qu’ils ont cessé de sniffer, etc.

    Image: Philip Seelen