La 66e édition du Festival international du film s'ouvre mercredi 7 août, pour refléter les nouvelles réalisation du cinéma mondial, jusqu'au 17 août. Un nouveau directeur artistique, Carlo Chatrian, prend la succession des précédents compères Maire et Père, aux côtés du Président Marco Solari. La rétrospective sera consacrée à George Cukor, et Werner Herzog y recevra un Léopard d'honneur. La présence suisse y est réaffirmée avec, notamment, trois nouveaux films très attendus de réalisateurs romands: Yves Yersin, en compétition et, sur la Piazza Grande, Lionel Baier et Jean-Stéphane Bron. Pour le glamour: Nathalie Baye et Victoria Abril seront de la fête.
Dix-huit des vingt films en compétition internationale à Locarno seront des premières mondiales. Les producteurs de Feuchtgebiete (Zones humides) ont choisi le festival du film tessinois pour montrer au public l'adaptation cinématographique du roman de Charlotte Roche. Avec la Suissesse Carla Juri dans le rôle principal, l'adaptation du best-seller allemand est bien placée dans la course au Léopard d'or.
Resserrer les liens du festival tessinois avec son voisin du sud fait partie des objectifs fixés par le nouveau directeur, lui-même italien. Ainsi, pour la première fois depuis de nombreuses années un film italien sera à découvrir en première mondiale sur la Piazza Grande: La variabile umana de Bruno Oliviero.
Le cinéma américain est en revanche moins représenté que lors de précédentes éditions. Au moins deux productions américaines seront tout de même projetées à Locarno: Wrong Cops de Quentin Dupieux et We're de Millers, avec Jennifer Aniston.
Trois films suisses sont par ailleurs en compétition internationale pour le léopard d'or: Mary, Queen of Scots de Thomas Imbach. Tableau Noir d'Yves Yersin et Sangue de Pippo Delbono.
Le jury international sera dirigé par le réalisateur philippin Lav Diaz. Le festival débutera le 7 août prochain par la projection du film islandais Two Guns. La Piazza Grande dispose de l'un des plus grands écrans à ciel ouvert du monde et peut accueillir jusqu'à 8000 spectateurs.
George Cukor en rétrospective
Après Ernst Lubitsch (2010), Vicente Minelli (2011) et Otto Preminger (2012), la Rétrospective 2013, organisée en collaboration avec la Cinémathèque suisse, le Musée national du Cinéma de Turin et la Film Society of Lincoln Center de New York, sera dédiée au réalisateur américain George Cukor (1899-1983).
Le maître de la comédie hollywoodienne, lauréat d’un Oscar pour My Fair Lady (1964), a signé une cinquantaine de films et dirigé quelques-unes des plus grandes actrices du cinéma classique,telles Greta Garbo (Le roman de Marguerite Gautier, 1936), Judy Garland (Une étoile est née, 1954), Marilyn Monroe (Le Milliardaire, 1960), Sophia Loren (La diablesse en collant rose, 1960), Jane Fonda (Les liaisons coupables, 1962 ; L’oiseau bleu, 1976) et Katharine Hepburn (Holiday, 1938 ; Indiscrétions, 1940 ; Madame porte la culotte, 1949).
Le Festival proposera l’œuvre du réalisateur dans son intégralité et les films seront présentés dans les meilleures copies disponibles tout au long des onze jours de la manifestation. Les projections seront accompagnées de débats sur le cinéma de George Cukor, animés par des réalisateurs, des acteurs et des critiques invités à Locarno. Le public du Festival pourra aussi assister à une table ronde sur l’œuvre du réalisateur animée par Roberto Turigliatto, qui a été chargé de la Rétrospective.
Carlo Chatrian, directeur artistique du Festival del film Locarno, déclare : « Depuis quelques années, le Festival poursuit un parcours de relecture du cinéma classique américain, en montrant comment un univers pourtant bien connu peut encore nous apprendre beaucoup de choses sur notre présent. Après les rétrospectives consacrées aux réalisateurs européens ayant débarqué en Amérique ou aux cinéastes ayant regardé l’Europe depuis l’Amérique, il m’a semblé opportun de conclure ce voyage au cœur du septième art avec un des exemples les plus purs de la maestria “hollywoodienne”. George Cukor n’est seulement un grand directeur d’actrices, ni l’architecte incomparable de nombreuses comédies ; c’est le cinéaste qui a le mieux interprété l’essence d’un cinéma qui, s’arrêtant à la surface des choses, réussit à faire surgir la profondeur de l’être et qui, en tout divertissant le spectateur, en exalte l’intelligence » .
Léopard d'honneur à Werner Herzog
Le même Carlo Chatrian se dit «heureux de pouvoir accueillir à Locarno un réalisateur qui incarne autant l’esprit du Festival : au cours de sa longue carrière, Herzog a su passer de la fiction au documentaire, de productions à petits budgets à des films avec de grandes stars sans rien perdre de son identité. Si un prix n’est pas qu’une reconnaissance mais aussi un signal pour le futur, je pense que Werner Herzog est la personne la plus adaptée à tracer la route que le Festival veut emprunter. Une route qui pense le cinéma comme un acte qui implique et bouleverse les personnes qui le font et qui le voient. Un acte qui demande une ferme volonté tout autant qu’une prise de position précise. Celles-là même qui ont poussé Herzog à quitter son village des montagnes de Bavière pour parcourir les routes du monde et traduire en images et en son les expériences vécues, partagées, imaginées.»
Outre la présentation d’une sélection d’œuvres représentatives de sa filmographie et la cérémonie de remise de prix sur la Piazza Grande, Werner Herzog participera à une conversation ouverte au public du Festival, modérée par Grazia Paganelli, auteur d’une monographie sur le réalisateur.
Werner Herzog, une des figures les plus importantes du cinéma allemand et international connaît le succès dès son premier long métrage, Signes de vie (Lebenszeichen, Ours d’argent du Meilleur premier long métrage à Berlin en 1968). Avec Aguirre, la colère de Dieu (Aguirre, der Zorn Gottes, 1972), il commence à travailler avec son ami/ennemi Klaus Kinski, protagoniste, entre autres, de Fitzcarraldo (1982, Prix de la mise en scène au Festival de Cannes) et Nosferatu, fantôme de la nuit (Nosferatu: Phantom der Nacht, 1979). Herzog s’impose aussi dans le cinéma documentaire, en consacrant à Klaus Kinski le portrait Ennemis intimes (Mein liebster Feind – Klaus Kinski, 1999), et en tournant des œuvres à succès comme Grizzly Man (2005) ou Rencontres au bout du monde (Encounters at the End of the World, 2007), nommé aux Oscars.
Les dix films présentés à l’occasion du Pardo d’onore Swisscom à Werner Herzog sont : Les nains aussi ont commencé petits (Auch Zwerge haben klein angefangen, 1970), Aguirre, la colère de Dieu (Aguirre, der Zorn Gottes, 1972), L’énigme de Kaspar Hauser (Jeder für sich und Gott gegen alle, 1974), Nosferatu, fantôme de la nuit (Nosferatu: Phantom der Nacht, 1979), Fitzcarraldo (1982), Le pays où rêvent les fourmis vertes (Wo die grünen Ameisen träumen, 1984), The White Diamond (2004), Grizzly Man (2005), The Wild Blue Yonder (2005), Dans l’oeil d’un tueur (My Son, My Son, What Have Ye Done, 2009).
Le Léopard d’honneur a déjà été remis à de grands maîtres tels Bernardo Bertolucci, Ken Loach, Paul Verhoeven, Jean-Luc Godard, Abbas Kiarostami, Alain Tanner et Abel Ferrara.
Cinéma Suisse
Huit longs métrages et deux courts métrages suisses fêtent leur première mondiale au festival de Locarno. Avec la comédie Les grandes ondes de Lionel Baier et le documentaire de Jean-Stéphane Bron sur Christoph Blocher, deux films grand public sont au programme sur la Piazza Grande.
Avec trois films, le cinéma suisse est fortement représenté dans la compétition principale du 66e Festival del film Locarno, sa présence dans la compétition secondaire des «Cinéastes du présent» étant un peu moins importante.
Pour la compétition principale, le festival a sélectionné le nouveau long métrage de fiction Mary, Queen Of Scots de Thomas Imbach et le documentaire Tableau noir d’Yves Yersin sur l’école des Vieux-Prés, ainsi que la coproduction helvético-italienne Sangue, un film d’inspiration autobiographique de l’auteur et réalisateur italien Pippo Delbono.
L’harmonie, du Franco-Suisse Blaise Harrison est le seul film suisse à concourir dans la compétition «Cinéastes du présent». Mais ce ne sont pas moins de quatre films helvétiques qui sont programmés hors compétition dans cette section, dont les nouveaux films de Lorenz Merz, Cherry Pie, et de Benny Jaberg, The Green Serpent.
Les nouveaux films de deux cinéastes suisses romands, dont la première est attendue avec impatience, sont également projetés sur la Piazza Grande : Les grandes ondes (à l’ouest) de Lionel Baier et L’expérience Blocher de Jean-Stéphane Bron, un documentaire sur le politicien de l’UDC Christoph Blocher.
Documentaires suisses dans d’autres sections
Le documentaire Watermarks de Luc Schaedler, qui raconte les changements subis de nos jours par la population chinoise en raison du développement économique et social fulgurant, fête sa première mondiale dans le cadre de la Semaine de la critique. Dans la série Histoire(s) du Cinéma sont en outre projetés les deux documentaires restaurés d’Alexander J. Seiler, Ludwig Hohl et Palaver, Palaver.
Points forts de l’année
La section Appellations Suisse, qui se trouve depuis dix ans sous la responsabilité de SWISS FILMS, présente des films ayant eu beaucoup de succès aux festivals internationaux ou ayant marqué l’année cinématographique. Parmi les temps forts de cette sélection figurent le documentaire Karma Shadub de Ramòn Giger et Jan Gassmann récompensé du Grand prix à Nyon, le documentaire d’animation La nuit de l’ours de Frédéric et Samuel Guillaume, le documentaire Harry Dean Stanton: Partly Fiction de Sophie Huber, qui a parcouru une carrière festivalière internationale impressionnante, ainsi que le docu-fiction très apprécié par le public Verliebte Feinde de Werner Schweizer sur le célèbre couple politique Iris et Peter von Roten.
Enfin, une projection spéciale est consacrée à la cinéaste Jacqueline Veuve, décédée cette année peu après l’attribution du Quartz d’honneur. Le festival rend hommage à la grande dame du docu helvétique en projetant les films Les frères Bapst et La petite dame du Capitole.