(En souvenir de mon grand frère)
J’ai pris par l’ancien raccourci
qui du ciel au lac
serpente entre les vignes,
et mon sac ne pesait rien ;
à treize ans ce n’est pas toi
qui ne fait pas le poids:
tout insigne que tu paraisses,
tu porterais ton frère
dans la sente aux vipères…
Tu te rappelles tout ça
comme l’été revient:
vous étiez si légers là-bas,
le museau taché de raisin,
les bras ouverts comme des ailes,
cette autre année où deux garçons
vous étiez si sereins,
comme des dieux en caleçons
sur les rochers soleilleux…
La vie sépare même les frères,
et tu le vois ce soir :
tu vois tout ça comme en miroir :
l’eau tout en bas et dans ses moires
les reflets de vos corps
en étoiles qui flottent
immobiles et sans voiles
dans la lumière idiote -
tant d’étés avant le dernier plongeon
de ton frère indocile
croyant se la jouer saumon…