(Le Temps accordé, lectures du monde 2022)
À l’Hôpital Parfait, ce vendredi 4 novembre, avant le départ. – La nuit dernière m’a paru très longue, ou plus exactement très lente, dans tout ce blanc cerné de silence, coupé par trois séquences d’éveil un peu désorienté et transpirant, après un film vu sur ARTE - l’une des rares chaînes avec la BBC à échapper à la médiocrité – évoquant, sous le titre de Pride, la solidarité inattendue mais intense, manifestée, à l’époque de Margaret Thatcher, par la naissante communauté LGBT et les mineurs gallois, avec des personnages forts en gueule et en couleurs.
Par son approche des milieux populaires et marginaux, sa verve et son fonds de tendresse, les nuances de ses observations et son ancrage historico-social rendu sans complaisance mais non sans engagement généreux, j’ai d’abord cru à un film de Stephen Frears ou de Ken Loach, et le nom du réalisateur (Matthew Warchus) m’a échappé au générique final, mais la chose a sauvé ma fin de soirée sans livres et à zapper sur soixante chaînes en retombant à tout coup sur les développements hystériques de l’incident survenu à l’Assemblée nationale française où tel député RN a eu l’imbécilité d’interrompre le discours d’un de ses collègues noir en hurlant, à propos des bateaux chargés de migrants, qu’ « ils rentrent en Afrique », du moins est-ce ce qu’il prétend qu'il aurait voulu dire alors que le député pris à partie s’est estimé concerné personnellement (il a entendu « qu’il rentre en Afrique »), etc.
Quoi qu’il en soit, et même si le racisme me semble à moi aussi une peste indéfendable, l’emballement médiatique de toute la soirée, sur les chaînes de la parlote à plateaux, m’a paru refléter la montée aux extrêmes de la France binaire avec ses démagogues de tous bords, et je me suis félicité une fois de plus de ne plus perdre mon temps à chercher mes informations à cette lucarne juste bonne à les déformer ou à les rendre informes…
Je ne sais si c’est l’effet d’une sénilité précoce (alors même qu’une médecin trentenaire m’a dit cet après-midi que vu mon jeune âge elle me recommandait de mieux prendre soin de ma santé...), mais je deviens de plus en plus émotif, pleurant réellement (de vraies larmes) comme l’autre soir sur le sort des quelque 150 jeunes Coréens écrasés par eux-mêmes dans un mouvement de panique de masse pour le motif le plus absurde (la célébration d’Halloween), ou vibrant d’émotion au moindre sourire ou mot gentil de soignants qui ne font en somme que leur job, mais c’est comme ça, je suis comme ça: j’ai l’air dehors d’un vieil hibou hirsute et j’ai toujours dedans le cœur d’un enfant de 7 ou 17 ans…