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Des vérités par la voie du songe

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Le Temps accordé (Lectures du monde, 2019-2022)
 
Ce samedi 12 mars. – Dans mon rêve de cette fin de nuit (ciel bas et froid sur le Haut Lac silencieux), j’ai tout de suite été transi par la voix jupitérienne du poète catho Claudel à courtes pattes et faciès de bœuf blanc - avatar onirique affreux du Bouche d’or des odes sublimes & Co -, qui raillait et stigmatisait la philosophe juive Simone Weil surprise à manifester sa compassion christique pour les enfants uniates et les mères de Marioupol et environs, comme elle avait pleuré en d’autres temps pour les petites Asiates de Corée en invoquant le Seigneur des Douleurs, et le poète en chemise de pénitent blanc de vitupérer : pas le Seigneur, pas Notre Seigneur, folle !
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Or me réveillant je me suis demandé, une fois de plus, comment et où, dans quelle laboratoire occulte, se concevaient de tels messages, puis je me suis rappelé que le grand Claudel avait bel et bien raillé la compassion « mondiale » de Simone Weil, la taxant de sainte folie, et le souvenir des invectives «théologiques» liées à la guerre en ex-Yougoslavie, sorties de la bouche de mes amis inspirés par ce qu’ils appelaient la « douce orthodoxie », le souvenir des bandes armées bénies par les popes de l’époque, le goût de vomi ravalé de toute cette haine «de droit divin» m’ont paru expliquer ce retour nocturne des refoulés diurnes - et ce matin je relis mes pages des années 1993 et suivantes, dans mes carnets de L’Ambassade du papillon, où j’ai noté tous les jours les «progrès» de ladite haine et la régression qui en a découlé.
Ainsi suis-je retombé sur les pages évoquant le sinistre congrès du P.E.N. club de 1993, à Dubrovnik, sous le glorieux soleil de Dalmatie, quand les écrivains croates se mobilisaient pour exclure les écrivains serbes de cette noble institution visant à défendre partout la liberté d’écrire et de parler, décidés à renouveler le scénario antérieur de l’exclusion des écrivains allemands du P.E.N à l’époque du nazisme, me disant à présent qu’il faudra s’attendre désormais à de mêmes amalgames et de mêmes attaques visant les écrivains russes en particulier et la littérature russe en général.
Défendrai-je pour autant l’agression russe actuelle ? Tout au contraire, j’y verrai la négation de l’âme russe qui n’est autre, à mes yeux, que l’âme humaine, au même titre que l’âme coréenne - ou l’âme sénégalaise, dirai-je enfin avec un œil sur le deuxième livre de Mohamed Mbougar Sarr, Silence du chœur, à l’instant sur ma table de travail comme un signe du Veilleur…

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