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  • Ceux qui abusent

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    Celui qui succombe à une overdose d'inassouvissement / Celle qui viole un secret mineur de moins de seize ans / Ceux qui s'agitent pendant l'emploi / Celui qui force la main du second couteau manchot / Celle qui te force à la regarder en face des trous / Ceux qui s'ennuient trop pour ne pas boire un peu / Celui qui est tellement lucide qu'il se sent des ailes dans le champ de lucioles / Celle qui prend son pied où je pense/ Ceux qui ont pris tout le Valium de Maman pendant que Papa se roulait un joint / Celui qui abuse si complètement des adverbes que forcément ça lui retombe fatalement dessus genre too much / Celle qui affirme que qui abuse de la Suze aboiera sans sa muse / Ceux qui en font toujours trop quelque part au point qu'ils font chier partout / Celui qui abuse du papier à lettres griffé Vatican-sur-Mer / Celle qui a tant pesé sur le champignon qu'elle a pris l'arbre à came en tête / Ceux qui sont super-chauds dans le brise-glace / Celui qui marche sur les mains pour faire du pied à la femme-tronc / Celle qui balance une pierre dans ton Chardin / Ceux qui cumulent les mandalas / Celui qui se sucre dans les mines de sel / Celle qui se rend à selle au galop / Ceux qui vous font marcher en se disant impotents / Celui qui fait tant de câlins à son carlin Carlo que sa Carla se rembrunit / Ceux qui abusent de la bouteille à l'encre / Celui qui a mis tant d'eau dans son vin qu'il a bu la tasse / Celle qui milite contre l'abus des grands maux / Ceux qui ont tant abusé des jeux de mots qu'on les a menacés d'oxymort, etc.

  • Entre bohème et bonnets de nuit

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    Daniel Vuataz documente l'aventure légendaire de la Gazette littéraire de Franck Jotterand. Avec vues sur l'avenir...

    La Gazette littéraire, supplément culturel hebdomadaire de la quotidienne Gazette de Lausanne, fait aujourd'hui figure de mythe. Le nom de Franck Jotterand, qui en fut l'animateur principal et la dirigea contre vents extérieurs et marées intérieures pendant une vingtaine d'années (de 1949 à 1972), lui est non moins légendairement associé, avec une aura de prestige sans pareille dans la Suisse cultivée de la deuxième moitié du XXe siècle, et bien au-delà de nos frontières. Tout ce qui comptait à l'époque d'écrivains et d'intellectuels, de peintres et de musiciens, de cinéastes et de gens de théâtre, fut relié peu ou prou à cet exceptionnel creuset de culture, largement ouvert aux productions les plus novatrices de l'époque.

    Jotterand1.jpgHumaniste gauchisant, Franck Jotterand détonait avec le conservatisme libéral de la Gazette de Lausanne , dans laquelle il publia un premier article intitulé Littérature et révolution. Un mois après la mort de l'immense Ramuz, en juin 1947, il lançait une polémique sous le titre de Lausanne, ville fermée, relayée par le grand helléniste communiste André Bonnard. Dans un climat idéologique marqué par le guerre froide, le jeune Jotterand incarnait, avec un Charles-Henri Favrod, futur grand reporter et fondateur du Musée de la photo, ou un Freddy Buache, qu'on retrouverait plus tard à la tête de la Cinémathèque suisse, une nouvelle génération romande en rupture de conformité. La fondation de la revue Rencontre, en 1950, cristallisa le virage à gauche de cette nouvelle intelligentsia, l'attrait de Paris, l'aura d'un Sartre, le besoin de se frotter au monde loin de la poussiéreuse culture romande plombée par la guerre et toujours tenue sous la double coupe calviniste du Pasteur et du Professeur, fondèrent ce mouvement d'émancipation.

    En même temps cependant, suivant la même dynamique d'aller-retour qui avait marqué la formidable aventure des Cahiers vaudois, dès 1914, sous l'impulsion de Ramuz et des frères Cingria, cette percée hors de nos frontières allait de pair avec le vif désir de faire bouger les choses en nos murs. Correspondants à Paris de la Gazette de Lausanne, Franck Jotterand et son compère Jean-Pierre Moulin entretinrent ainsi un pont à double sens entre le pays romand et la capitale française.

    Dès sa nouvelle formule de 1949, Les premiers numéros de la Gazette littéraire allèchèrent le public avec les rubriques Rive gauche, rive droite ou Le théâtre à Paris, avant qu'une Enquête sur les lettres romandes ne pose la question sempiternelle de la relation des écrivains romands avec ce que les sociologues pompiers appelleront "l'instance de consécration". Parallèlement, la rubrique emblématique des Moments littéraires s'ouvrait autant à la littérature française ou européenne qu'aux lettres romandes.

    Comme son titre ne l'indique pas, la Gazette littéraire ne se bornait pas à la littérature, mais embrassait les plus vastes horizons de la culture suisse, européenne et mondiale en train de se faire, traitant autant du renouveau des arts plastiques que de cinéma, de théâtre et de musique, de sciences humaines ou de questions de société. L'on y trouvera des chroniques de Denis de Rougemont, qui allait fonder à Genève le Centre européen de la culture, et les noms d'écrivains tels que Jean Cocteau, Francis Ponge ou Raymond Queneau voisineront dans une livraison spéciale dont le seul titre, Paris année 2000, signale la visée.

    À considérer l'expansion remarquable de la Gazette littéraire, drainant de nouveaux clients à la Gazette qui dégage des bénéfices en certaines années fastes, l'on pourrait croire que "tout baigne" entre Franck Jotterand et le Conseil d'administration de l'organe du libéralisme vaudois. Or il n'en est rien. Le talentueux rédacteur ne cesse en effet de défriser les "penseurs" et les caissiers du quotidien, et notamment en mai 1953 où, malgré la mort de Staline et l'ouverture du mythique caveau des Faux-nez, la très droitière Ligue vaudoise devient actionnaire majoritaire du journal. Une crise interne en découle, qui déboute les réactionnaires au soulagement de Pierre Béguin et, par voie de conséquence, de son protégé "bohème". Dix ans durant, cependant, Franck Jotterand ne cessera de se retrouver dans la collimateur du conseil d'administration. On le comprend, car la Gazette littéraire ne s'alignera jamais sur les fondamentaux des libéraux vaudois, ne cessant au contraire de creuser le fossé entre les deux cultures de la vieille garde bourgeoise moralisante et des aventures créatrices tous azimuts.

    Cet antagonisme, précisément documenté sur la base des archives jamais explorées de Franck Jotterand, se révèle pour la première fois dans le livre du jeune Daniel Vuataz, lettreux de 26 ans qui allie la rigueur (pas trop académique, heureusement) du chercheur, et la curiosité sidérante (par rapport à sa génération trop souvent amnésique) d'un aventurier de la chose écrite avide, après Cendrars et Bouvier, et dans l'immédiate filiation de Franck Jotterand, de renouer les fils entre passé et présent, réflexion synthétique et projection dans l'avenir.

    Daniel Vuataz est lui-même écrivain à "papatte", il s'est déjà signalé par diverses publications personnelles et par un formidable numéro spécial de la revue Le Persil entièrement consacré à Charles-Albert Cingria. Aguerri par une fratrie de six solides frères et soeur, il est capable autant que Jotterand de parler du même ton câlin et malin à des universitaires à nuques raides et autres gendelettres, marins baltes ou bergères de montagne. Bref il pouvait comprendre l'aventure de Franck Jotterand, défendre la longue marche "pieds dans la boue et tête dans les étoiles" de ce polygraphe vaudois pas comme les autres, qui usa de mille ruses pour défendre une culture vivante et non alignée.

    Franck Jotterand n'avait rien de l'idéologue sectaire, mais il refusait la vision angélico-cynique consistant à dire que la culture n'a rien à voir avec la politique. Du "drame de Hongrie" fédérant les indignations romandes et françaises, à une campagne contre la censure étatique du cinéma ou contre l'inénarrable "Petit livre rouge" de la Défense civile, entre cent autres sujets de débat, il a joué un rôle central avec sa Littéraire et jusqu'à participer personnellement à l'élaboration d'une nouvelle politique culturelle en Suisse. Il y avait en lui du visionnaire réaliste - personnage suisse par excellence - en dépit de ses airs de dandy dilettante.
    Jotterand2.jpgSes livres sur le Nouveau théâtre américain et New York, autant que sa merveilleuse comédie musicale de La Fête des vignerons de la Côte, gorillant la fameuse manifestation veveysane, sont d'un homme de culture frotté d'humour et pétri de générosité. Après sa lutte contre ceux qui "freinent à la montée" en notre cher pays, la destinée lui fut cruellement ingrate, avec le terrible accident de voiture du 23 juin 1981, qui le cassa littéralement, jusqu'à sa mort en l'an 2000. L'hommage que lui rend Daniel Vuataz en est d'autant plus méritoire, et non moins précieux pour notre mémoire commune.


    Le retour du Mythe. Bonne nouvelle ou (trop) belle illusion ?

    "La Gazette littéraire est de retour !", lit-on au verso du bandeau rouge qui enserre le livre de Daniel Vuataz, accompagné d'un superbe journal de 16 pages illustrées, crânement intitulé La (nouvelle) Gazette littéraire, Numéro 1, février 2013.
    De quoi réjouir les mânes de Franck Jotterand ? Sûrement pour ce qui touche à l'hommage. Formellement en effet, l'objet relance le modèle de la Gazette littéraire en alternant longs textes de réflexion et chroniques, photos et gravures, mélanges littéraires et autres proses poétiques. La chose a plutôt belle allure, tranchant sur le zapping superficiel sévissant de plus en plus dans les pages culturelles de la presse écrite. En éditorial, repris de la conclusion de son ouvrage, Daniel Vuataz oriente cette "petite résurrection" et la dédie à "tous ceux qui croient encore à l'utilité et à la place d'un journalisme culturel de qualité", avant de rappeler que, déjà, au mitan des années 1950, Franck Jotterand avait appelé de ses voeux un "organe de presse indépendant capable de rendre compte au mieux des activités et de la richesse de la scène culturelle suisse romande".

    On sait que la Gazette littéraire selon Jotterand périt de sa trop grande dépendance d'un quotidien idéologiquement en désaccord avec ses choix, et financièrement en difficulté, comme l'illustre Vuataz dans son livre. Ce que le jeune émule ne dit pas assez, le nez sur son modèle et sous le coup de certain enthousiasme réducteur, c'est que la fin de la Littéraire, certes déplorée en 1971 par 91 signataires parfois prestigieux, ne marquait pas pour autant la fin du journalisme culturel de qualité en Suisse romande, loin de là. La fin de la Gazette littéraire de Jotterand a marqué, aussi, le terme d'un certain journalisme très élitiste non dénué de snobisme. L'empreinte de celui-ci a déteint sur tout un petit monde de bourgeois plus ou moins lettrés et d'universitaires plus ou moins confinés, qui aujourd'hui encore ne jurent que par les restes du Samedi littéraire du quotidien Le Temps, lointain avatar affadi de la Littéraire. Ce que Daniel Vuataz ne souligne pas assez, c'est que, dès le début des années 1970, les rubriques littéraires et culturelles de nombreux autres quotidiens romands (de La Suisse à La Tribune de Lausanne, devenue Le Matin, de La Liberté à L'Impartial, de La Tribune de Genève à La Feuille d'Avis de Lausanne, devenue 24 Heures, entre autres) ont multiplié la défense et l'illustration de la culture romande de façon souvent bien plus dynamique et diversifiée que dans la Gazette littéraire. Plus que dans le Samedi littéraire ultérieurement commun à la Gazette de Lausanne et au Journal de Genève, L'Hebdo de Jacques Pilet a joué un rôle majeur dans une conception de la culture héritée de Franck Jotterand, et de même les pages culturelles des hebdos consuméristes Coopération et Construire ont-elles connu des années fastes avant la dégringolade récente dans le tout-conso.
    Ce tout-conso, et l'abrutissement généralisé lié à la "pipolisation" des rubriques culturelles, nous l'observons évidemment partout, qui reflète l'évolution de toute une société. Celle-ci vit actuellement une profonde mutation, qui voit se déplacer les foyers de réflexion et de création du papier aux supports immatériels de l'Internet. Vingt ans durant, une équipe de passionnés de littérature a publié, en Suisse romande, un journal littéraire s'inscrivant dans le droit fil du travail de Jotterand, à l'enseigne du Passe-Muraille. Tout à fait indépendant, avec un pic de plus de 1000 abonnés au mitan de son aventure, ce journal largement subventionné sur la base d'une crédibilité acquise après des années, accueillant des écrivains du monde entier et multipliant les dossiers (sur les quatre littératures helvétiques, notamment) a vécu concrètement le déclin d'une société lettrée qui constituait la clientèle même de la Littéraire. Une telle publication est-elle encore viable aujourd'hui, même assortie d'un site internet et d'un blog ? Avec quels moyens ? Quelle équipe de collaborateurs compétents ? Quelle chance de survie dans l'encombrement médiatique actuel ?

    Ces questions se posent très précisément devant le premier numéro de la Gazette littéraire ressuscitée, généreusement publiée par Jean-Michel Ayer, directeur des éditions de L'Hèbe, et conçue selon le "patron" de la Littéraire.
    Or qu'y découvrons-nous ? Un journal décalé par rapport à la réalité littéraire et culturelle actuelle. Au premier rang: des universitaires qui se félicitent de leurs propres menées. Plus précisément: un long papier de Daniel Rothenbühler célébrant "le changement profond des liens littéraires entre Suisse romande et Suisse alémanique", alors que le fossé réel entre nos cultures nationales n'a cessé de se creuser. Une chronique de Daniel Maggetti ironisant sur la percée des Romands à Paris, sous le titre "Quelle bonne année!", sans dépasser le "sociologisme" le plus anodin. Mieux ancré dans la réalité: un Moment littéraire d'Eric Bulliard posant de vraies questions. Deux pleines pages consacrées à la menace du livre électronique, cumulant lieux communs et prédictions déjà obsolètes. Des correspondances de Rome (bien convenue), Pékin (plus surprenante) ou Berlin (carrément insignifiante), alternant avec des reprises de la Littéraire de Jotterand. Tout n'étant pas dénué d'intérêt, mais quelle "valeur ajoutée" par rapport à quelle presse culturelle déclarée moribonde ? Et quoi de vraiment neuf ? Le piapia narcissique de Roland Jaccard ?
    Enfin bon: positivons pour conclure, en attendant que la "petite résurrection" s'incarne. Il y faudra plus de sens affirmé, une équipe compétente et généreuse, des abonnés motivés, des curiosités et des passions relancées "toutes frontières ouvertes". On peut rêver !



    Daniel Vuataz. "Toutes frontières ouvertes". Franck Jotterand et la Gazette littéraire. Deux décennies d'engagement culturel en Suisse romande (1949-1972. Editions de L'Hèbe, 247p.

    Cet article est à paraître en double page dans la prochaine livraison du journal La Cité, en kiosque dès le 12 avril.


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  • Ceux qui déclinent

    recensement

    Celui qui se coule dans la foule / Celle qui ne se parfume plus que pour elle-même / Ceux qui restent à la fenêtre pour surveiller le voisinage alors qu’on leur a coupé le téléphone / Celui qui ne lâchera jamais prise en dépit de ses fausses dents / Celle qui accuse des pertes d’équilibre au bas du Chemin du Calvaire / Ceux qui ne distinguent plus les couleurs et en concluent qu’il n’y en a plus / Celui qui cherche la gomme sans se rappeler ce qu’il voulait effacer / Celle qui classe ses souvenirs sensuels sans trop savoir qui lui faisait quoi à quelle époque et comment / Ceux qui pianotent en faisant semblant d’écouter l’aumônier de l’Asile des aveugles où ils font juste office de caresseurs attitrés / Celui qui prend congé de son corps au dam de son âme / Celle qui ramène un Chinois chez elle pour voir enfin comment c’est fait / Ceux qui ont perdu le goût du goût / Celui qui s’oublie de plus en plus tout en restant propre sur lui / Celle qui se perd chaque jour un peu plus de plus en plus loin de la maison d’elle ne sait plus qui mais elle a un bracelet électronique comme les délinquants en liberté conditionnelle alors on la retrouve n’est-ce pas / Ceux qui retombent sur leurs pieds mais à côté de leurs pompes, etc.

  • De parrains à poulains

    Bastien01.jpgKis02.jpgConseils à un jeune écrivain de Danilo Kis
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    Retouches de JLK, 66 ans, dit Le Parrain (il Padrino)
    Ce qu'en pense Max Lobe, 26 ans, poulain de JLK. Ce qu'en pense Bastien Fournier, jeune écrivain romand de 32 ans piqué au jeu. Cet échange s'inscrit dans la persective de l'opération Parrains et poulains réunissant, au prochain Salon du Livre, cinq écrivains romands sexagénaires et cinq jeunes auteurs, à l'instigation d'Isabelle Falconnier.


    DK. - Cultive le doute à l’égard des idéologies régnantes et des princes.


    JLK. - Tâchons de parler ensemble un de ces soirs, Maxou, de ce qu'est réellement une idéologie...

    ML. - Il me semble qu'un écrivain se distingue d'un idéologue par sa façon de faire des constats. Ces constats sont nourris de doutes, qui ne vont jamais dans le sens de la langue de bois...

    BF.- Celui qui ne se méfie pas des princes, mais aussi des systèmes en place, des puissants, de tout ce qui est donné comme évident (critiques littéraires, éditeurs, directeurs de théâtre, libraires, jurés de prix, subventionnaires, vieux auteurs assis sur leurs anciens lauriers et placés dans les commissions, décideurs petits ou grands de toute sorte) n’a pas encore assez frotté son poil aux interlocuteurs auxquels a affaire celui qui se mêle d’écrire. Le doute résulte en l’occurrence de l’expérience. Je crains que le statut de prince dans ce domaine. n’ait pas grand-chose à voir avec celui d’idéologue.

    DK. - Tiens-toi à l’écart des princes.


    JLK. - Toi qui m'a sommé de m'acheter une cravate pour approcher le gouverneur du Katanga, en septembre dernier à Lubumbashi, comment pourrais-je t'en vouloir d'en avoir appris un peu plus, ce jour-là, en observant de près Moïse Katumbi ?

    ML. - Non, je crois que si on veut faire évoluer les choses, il faut compter aussi sur les "princes". Quitte à les critiquer, même avec virulence, mais il faut garder le contact avec cette composante de la réalité.

    BF. – Pourquoi ? Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes, et peuvent se tromper comme les autres hommes. On le sait depuis Corneille. Pourquoi devrait-on plus que les autres les tenir à l’écart ?

    DK. - Veille à ne pas souiller ton langage du parler des idéologies.

    JLK. - Si ta langue est vivante elle devrait être assez forte aussi pour intégrer toutes les formes de langage, ne serait-ce que par l'ironie. Même de la novlangue des SMS et de Tweets on peut faire son miel sur Facebook et ailleurs.

    ML. - Tout dépend de ce qu'on fait du langage de l'idéologie. Celui-ci peut-être une partie de la vie. On peut jouer même avec le langage de la propagande, pour en montrer l'effet sur les gens. Quand on parle de "camarades", au Cameroun, ça sonne autrement qu'en Union soviétique...

    BF. – Qu’est-ce que le parler des idéologies ?

    DK.- Sois persuadé que tu es plus fort que les généraux, mais ne te mesure pas à eux.

    JLK. - Sourions, mon ami, des gendelettres qui se croient "plus fort" tout en craignant de se mesurer à Goliath alors que David l'a fait sans plume...
    ML. - Tout dépend du contexte. Cela paraît comique de se croire plus fort que des généraux, mais on peut y tendre à sa façon...

    BF. – Qu’ont à faire les auteurs et généraux ? Ils ne travaillent pas sur le même plan. Relisez la préface de Tacite, il l’explique très bien.

    DK. - Ne crois pas que tu es plus faible que les généraux mais ne te mesure pas à eux.


    JLK. - Sourions, mon ami, à ceux qui se disent plus faibles que les divisions de Staline - c'est encore une forme de vanité.

    BF. – Je me demande la raison de vouloir comme auteur se comparer en force aux généraux. Les généraux ne font pas d’art. Tous les auteurs ne font pas la guerre.

    DK. - Ne crois pas aux projets utopiques, sauf à ceux que tu conçois toi-même.

    JLK. - À toi qui sais qu'écrire est une utopie en mouvement et le projet de chaque jour, je filerai tantôt la variation claire-obscure de Michel Foucault sur le corps considéré comme une utopie habitable...

    ML. - L'utopie est le rêve que chacun de nous poursuis, et je crois forcément à celle qui m'anime. Quant aux projets collectifs, tout dépend là encore du contexte et de l'époque.

    BF. – Laisse-moi croire à ce que bon me semble.

    DK. - Montre-toi aussi fier envers les princes qu’envers la populace.

    JLK. - Nous pourrions aussi parler de cette notion de fierté, un de ces soirs, et de ce qui autorise un écrivain à qualifier les gens de "populace".

    ML. - Non je ne suis pas d'accord avec DK: je pense qu'il faut faire preuve d'humilité. Pour nous autres Camerounais, la fierté a toujours un parfum de bluff !

    BF. – Je ne suis pas fier envers la populace. Du reste il me semble qu’il faut être le même avec tout le monde si l’on ne veut pas se faire girouette. Hors sujet.

    DK. - Aie la conscience tranquille quant aux privilèges que te confère ton métier d’écrivain.


    JLK. - À toi qui viens d'un pays où la "promotion canapé" et le "piston" font partie des procédures d'avancement, je n'ai pas de conseil à donner, mais cette notion du "privilège" social mérite discussion.
    ML. - Oui, je suis de plus en plus conscient qu'être écrivain est un privilège, puisque ce métier me permet de m'exprimer, parfois au nom des autres. C'est donc aussi une responsabilité. Mais il faut rester serein par rapport au brillant social de ce "privilège".

    BF. – Je demande à voir quels sont ces privilèges.

    DK.- Ne confonds pas la malédiction de ton choix avec l’oppression de classe.

    JLK. - Là, je trouverais intéressant, Maxou, que nous parlions des écrivains africains politiquement engagés genre Mongo Beti et de ce que nous trouvons encore chez eux de bien éclairant en dépit de leur vocabulaire daté et de leurs préjugés de militants - je te vois sourire d'ici en retombant sur les lignes assassines du Rebelle de Mongo Beti contre Ahmadou Kouroma.

    ML. - Je ne comprends pas très bien la remarque. Pour moi, un choix n'est pas une malédiction mais une décision qui nous engage. Pour l'oppression de classe: connais pas.
    BF. – Je ne comprends pas : l’écrivain est-il privilégié, ou maudit ?

    DK. - Ne sois pas obsédé par l’urgence historique et ne crois pas en la métaphore des trains de l’histoire.

    JLK. - Nous parlions l'autre soir des croisements et autres collisions des trains historiques de l'Europe et de l'Afrique, et nous savons aujourd'hui qu'il est d'autres urgences historiques que les lendemains qui chantent, mais reparlons donc, un autre soir, de ce que signifie une métaphore et son bon usage...

    ML. - Je crois au contraire qu'il y a une urgence historique dans le sens du changement, mais il ne faut pas être trop naïf. Je crois au sens de l'histoire et la métaphore du train ne me dérange pas.

    BF. – Pas d’opinion.

    DK. - Ne saute donc pas dans les « trains de l’histoire », c’est une métaphore stupide.

    JLK. - Le "train" est aujourd'hui le "trend" et nous n'en sommes pas plus dupes toi que moi, mais on peut faire du "trend" une miniature et jouer avec, non ?

    ML. - Tout ce que j'écris se réfère, à mon petit niveau, à l'histoire qui est encore bien récente pour moi. Mais oui: j'aurais tendance à sauter dans le train!

    BF. – Pourquoi ignorer ce que nous avons sous nos yeux ?

    DK. - Garde sans cesse à l’esprit cette maxime : «Qui atteint le but manque tout le reste ».

    ML. -Mais c'est quoi "tout le reste" ? Si on vise un but, on le préfère évidemment à tout ce qui est à côté. Reste à savoir quelle priorité on se donne.

    BF. – Sauf si le but est l’art, l’œuvre, la beauté.


    DK. - N’écris pas de reportages sur des pays où tu as séjourné en touriste ; n’écris pas de reportages du tout, tu n’es pas journaliste.


    JLK. - C'est un préjugé littéraire d'époque que de décrier, après Mallarmé, l'universel reportage. Balzac est-il écrivain ou journaliste quand il écrit Illusions perdues, géniale peinture de l'expansion industrielle du journalisme ? Les notes respectives que nous avons prises à Lubumbashi sont-elles d'écrivains ou de journalistes ? Le mieux serait de relire les entretiens de Jacques Audiberti avec Georges Charbonnier où l'écrivain-poète-journaliste-dramaturge distingue nettement les degrés divers d'implication de ce qu'il appelle l'écriveur, l'écrivan et l'écrivain.

    ML. - Je ne suis pas tout à fait d'accord avec DK: il y a reportage et reportage. Je pourrais très bien me documenter sur une réalité que j'ignore par un reportage, en vue de l'écriture d'un roman. Mais le travail de l'écrivain se distingue en effet de celui du reporter.

    BF. – Les journalistes ont droit à la parole artistique comme les autres, touristes ou non.

    DK. - Ne te fie pas aux statistiques, aux chiffres, aux déclarations publiques : la réalité est ce qui ne se voit pas à l’œil nu.

    JLK. - Méfions-nous des frilosités esthètes des gendelettres qui ont peur des chiffres et des discours auxquels ils prêtent évidemment trop d'importance.

    ML.- Là, je suis plutôt d'accord avec DK. Si je parle d'un personnage au chômage dans une fiction, je ne vais pas encombrer le livre de statistiques ou de documents bruts.

    BF. – La réalité se voit aussi à l’œil nu. Ce qui ne se voit pas à l’œil nu est du domaine de l’interprétation, de l’opinion, du changeant. Une déclaration publique est un acte politique et en tant que tel un objet pertinent pour l’observateur de son temps.

    DK. - Ne visite pas les usines, les kolkhozes, les chantiers : le progrès est ce qui ne se voit pas à l’œil nu.

    JLK. - Pour ma part, mais je n'ai pas besoin d'insister avec un loustic de ton genre, j'irais plutôt fourrer mon nez partout et sans chercher le progrès nulle part puisqu'il va de soi quand on travaille.

    ML.- Là encore, je suis d'accord. Un romancier n'a pas besoin de faire de la prison pour parler du milieu carcéral. Il s'agit plutôt de feeling, par rapport à une situation humaine, et beaucoup d'écrivains parlent de situations qu'ils n'ont pas forcément vécues.

    BF. – Le progrès, c’est surtout, pour récuser le langage des idéologies, un concept qui commence à dater.

    DK. - Ne t’occupe pas d’économie, de sociologie, de psychanalyse. Ne te pique pas de philosophie orientale, zen-bouddhisme. etc : tu as mieux à faire.

    JLK.- Je ne sais absolument pas ce que tu aurais "de mieux à faire", étant établi que j'ai perdu mon temps à m'occuper l'esprit et le corps de toute sorte de sujets (de l'étude des fourmis à la gnose ou de la poésie t'ang à la webcamologie pathologique) qui m'ont tous apporté quelque chose y compris moult rejets et moult égarements momentanés.

    ML. - Il me semble au contraire qu'n a besoin d'un peut tout pour écrire. On peut ne pas lire Freud mai pourquoi pas ? Et pourquoi ne pas s'intéresser à l'économie puisque ça fait partie du monde qui nous entoure ?

    BF. – Rien de ce qui humain ne m’est étranger. Térence.

    DK. - Sois conscient du fait que l’imagination est sœur du mensonge, et par là-même dangereuse.

    JLK.- Méfie-toi des maximes littéraires équivoques style "l'imagination est soeur du mensonge" qui ne rendent compte ni de la réalité de l'imagination ni de celle du mensonge.

    ML. - Si l'imagination consiste à affabuler gratuitement, et par exemple à écrire que Paul Byia est un zoophile, d'accord. Mais je ne vois pas en quoi l'imagination, qui véhicule tout notre arrière-monde mental et sentimental, social ou culturel, serait dangereuse.

    BF. – L’imagination est la dignité de l’homme. Relever son danger, c’est maintenir les hommes à l’état de bêtes.

    DK. - Ne t’associe avec personne : l’écrivain est seul.

    JLK. - Georges Haldas me dit, lors de notre premier entretien (j'avais ton âge), qu'il y a "un diable sous le paletot de tout écrivain", donc attention aux associations sans recul ironique. Quant à la solitude, elle est parfois terrifiante (celle de Dostoïevski entouré de sa bruyante et ruineuse parenté) quoique pondérée par une présence douce (ce dragon d'Anna Grigorievna), mais n'en faisons pas un drame puisqu'on choisit d'écrire.

    ML. - Non, c'est tout faux: l'écrivain n'est pas seul, il a besoin des autres. Seul peut-être au moment d'écrire, et seul é signer son livre. Mais l'écrivain a besoin de rapports humains constants comme n'importe quel artiste, ou alors il vit dans une tour d'ivoire coupée du monde et risque la stérilité.

    BF. – Il y a des écrivains qui sont seuls et d’autres qui ne le sont pas. Il y en a de grands et des petits. De quel droit dire ce qu’est ou n’est pas un écrivain ?

    DK. - Ne crois pas ceux qui disent que ce monde est le pire de tous.

    JLK. - À la fin de sa vie, ma mère préférait les films d'animaux aux nouvelles, et la cruelle Patricia Highsmith me dit qu'elle n'osait pas regarder la télé à cause du sang. Quant aux généralités sur "le pire" et "le meilleur", ce sont aussi des ingrédients utiles dans le pot-au-feu de l'écrivain.

    ML. - On croit que ce monde est le pire de tous parce que celui du voisin nous semble meilleur. Mais je peux constater ensuite que le sort des autres est bien pire que les mien et changer complètement d'optique.

    BF. – De quels autres mondes parlons-nous ?

    DK.- Ne crois pas les prophètes, car tu es prophète.

    JLK. - Le côté sentencieux de Danilo Kis est assez typique de la société littéraire de l'Europe de l'Est se frottant à la culture française. Mais on pourrait aussi trouver cette emphase chez les adeptes nudistes de certains écrivains-prophètes anglo-américains. Cela dit que me répondrais-tu si je te disais comme ça: "Ne crois pas les griots, car tu es griot".

    ML. -Je ne crois pas aux prophètes et ne me prendrai jamais pour l'un d'eux. En revanche, je crois aux bons anges qui nous protègent et nous assistent. Toutes les bonnes pensées et les bonnes paroles, les bons gestes des gens qui nous veulent du bien valent tous les prophètes et autre prêcheurs...

    BF.- Les prophètes finissent mal. Leurs ailes de géants les empêchent de marcher. A titre personnel je ne souhaite pas l’être, et je blâme ceux qui s’en piquent.

    DK.- Ne sois pas prophète, car le doute est ton arme.

    JLK. - Danilo Kis ne doit pas bien connaître les prophètes, qui sont fondamentalement des bêtes de doute...

    ML: - Ben voilà: le doute m'empêche d'être prophète, c'est ça que je crois.

    BF. – Le prophète Jonas doute : d’où le séjour comme Geppetto dans le ventre de la baleine.

    DK. - Aie la conscience tranquille : les princes n’ont rien à voir avec toi, car tu es prince.

    JLK. - Words, words, words, me répète volontiers notre amie la princesse bantoue à qui on ne la fait pas en matière de flatterie et, moins encore, de confusion des grades.

    ML. - Non, vraiment, ce mot de "prince" ne me convient pas, et surtout pas pour moi. D'ailleurs j'ai horreur de l'élitisme.

    BF. – Ces formulations paradoxales sont peut-être d’une profondeur insondable, mais elles deviennent vite fatigantes.

    DK. - Aie la conscience tranquille : les mineurs n’ont rien à voir avec toi, car tu es mineur.

    JLK. - Dans notre discussion prochaine sur les métaphores, n'oublions pas ces figures du kitsch littéraire: que l'écrivain est un mineur, un veilleur, un allumeur de réverbères, que sais-je encore que n'ont pas écrit Saint-Ex ou l'inénarrable Paulo Coelho.

    ML. - Je ne vois pas pourquoi je n'aurais pas la conscience tranquille, même par rapport à un mineur, et peut-être qu'un écrivain est un mineur à sa façon, mais je ne me vois pas descendre à la mine en réalité et la comparaison a quelque chose de trop "littéraire" pour moi...

    BF. – Les auteurs ne sont pas des mineurs, et ne s’exposent à aucun coup de grisou, à aucune silicose. Il y a tout de même des conditions plus difficiles que les autres.

    DK.- Sache que ce que tu n’as pas dit dans les journaux n’est pas perdu pour toujours : c’est de la tourbe.

    JLK. - Cette crainte implicite de ce qui serait "perdu" pour n'avoir pas paru dans un journal est un autre signe de l'incroyable vanité littéraire, qui prend ici un relief particulier au vu du bavardage généralisé des médias.

    ML. - Bah, si tu ne l'as pas dit cette fois tu le diras une autre fois. Rien ne se perd...

    BF. – Ce qui est dit dans les journaux sert souvent comme la tourbe dans la cheminée.

    DK. - N’écris pas sur commande.

    JLK. - Si la commande du tiers recoupe la tienne, n'hésite pas à écrire même si c'est mal payé ou pas du tout.

    ML. - Cela dépend évidemment de la commande. Si je reste libre d'écrire ce qui me chante: pas de problème. Cela peut même être stimulant parfois. Donc pas de règle.

    BF. – J’écris sur commande si je veux. Je ne sais pas ce que c’est qu’un écrivain, mais il me semble qu’il s’efforce avant tout d’être libre.

    DK. - Ne parie pas sur l’instant, car tu le regretterais.

    JLK. - Parie au contraire sur chaque instant, car chaque instant participe de l'éternité, surtout vers la fin.

    ML. - Parier sur l'instant: en tout cas pas.

    BF. – L’écrivain ne parie pas. Il crée.

    DK. - Ne parie pas non plus sur l’éternité, car tu le regretterais.

    JLK. - Parie également sur l'éternité, car c'est sous l'horizon de la mort qu'on écrit de bons livres, dont l'éternité est la plus féconde illusion.

    ML. - L'éternité, c'est quoi ? Qu'est-ce que j'en sais, moi.

    BF. – Même remarque.

    DK. - Sois mécontent de ton destin, car seuls les imbéciles sont contents.


    JLK. - Affirmer que "seuls les imbéciles sont contents" est une imbécillité comme nous en proférons tous à tout moment, mais il est vrai que l'insatisfaction est bonne conseillère, sans qu'on en fasse un procès du destin -un jeune écrivain n'a de destin que devant lui.

    ML. - Je ne suis pas mécontent de mon destin, mais le fait d'être mécontent peut être un ferment créateur, bien plus que l'autosatisfaction.

    BF. – L’insatisfaction provoque la souffrance. Le mécontentement engendre la frustration. Pourquoi haïr les écrivains au point de les priver de la perspective du bonheur ? Leur crime est-il si grave ?

    DK. - Ne sois pas mécontent de ton destin, car tu es un élu.

    JLK. - C'est ça mon poney: tu es un élu. Il y a aussi des peuples élus. Et des sentences réversibles aussi creuses dans un sens que dans l'autre.

    ML. - En effet, je me sens élu "quelque part".

    BF. – Par qui ?

    DK. - Ne cherche pas de justifications morales à ceux qui ont trahi.

    JLK. - Cette question de la trahison est délicate, parfois insondable. Dis-moi qui te dit que tu as trahi et je te dirai pourquoi il le dit. Ce n'est pas justifier du tout la trahison. C'est s'interroger sur la complexité humaine, à quoi s'attache la littérature. Iago en est un modèle, mais il en est mille autres aux motifs que la morale pourrait justifier parfois au dam des prétendus "fidèles".

    ML. - Oui, c'est une question complexe. Est-ce que le fait de trahir un régime tyrannique est une trahison ? Et le fait de ne pas être fidèle à un ami qui défend des idées indéfendables ou se comporte comme un salaud ? Il peut donc y avoir des justifications morales au fait de ne pas être fidèle à quelqu'un qui trahit un idéal...

    BF. – Rien n’est tout noir ou tout blanc...


  • Ceux qui n'ont pas d'états d'âme

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    Celui qui ouvre un compte au paradis fiscal afin que son exception confirme la règle que la Suisse n'existe pas / Celle qui estime qu'un ministre des comptes n'a pas à en rendre / Ceux qui déroulent le Tapie rouge pour montrer au peuple qu'ils gagnent en son nom / Celle qui milite au plus haut niveau pour l'égalité sociale des mariages riches / Ceux qui estiment que les gladiateurs aussi risquaient leur peau en conséquence de quoi la sensiblerie n'est pas de mise avec les participants aux jeux télévisés et d'autant moins que ça fait pisser le dinar et marcher l'économie / Celui qui propose un comité des tiques pour fédérer les parasites au pouvoir /Celle qui estime qu'il y a corruption et corruption d'ailleurs y a qu'à voir à l'étranger / Ceux qui pensent que sous Brjenev l'inégalité était moins répandue dans la classe dirigeante du prolétariat libéré / Celui qui lance un nouveau parti libertin tendance bio / Celle qui qualifie sa banque suisse de ballon d'oxygène / Ceux qui proposent l'introduction à la télé d'Etat des jeux de téléréalité à balles réelles pour couper court à l'hypocrisie obsolète de type humaniste / Celui qui pense que le Christ se fût montré moins irresponsable s'il avait eu à gérer le FMI / Celle qui lance son Manifeste du parti néo-communiste par le slogan: "Millardaires de tous les pays unissez-vous!" / Ceux qui rappellent à l'émission Tous Gagnants que les riches aussi en bavent et sans services sociaux pour les dorloter / Celui qui fait chambre de commerce à part / Celle qui étudie scientifiquement la faisabilité d'une domination masculine enfin restaurée dans l'optique d'une Sélection à développement durable / Ceux qui prétendent que les femmes homos sont toutes des pédées, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Pics de blogs

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    À propos d'un afflux subit de visiteurs sur le blog de JLK. Conjectures diverses. De l'effet Iacub et autres épiphénomènes.

    (Dialogue schizo)


    Moi l'autre: - Et t'en penses quoi, toi ?

    Moi l'un: - J'en pense quoi de quoi ?

    Moi l'autre: - De ce pic subit des visiteurs sur notre blog. Tout soudain, le 11 mars dernier: 1595 visites en un jour, et 2968 pages consultées. Un pic à plus de 1000 dès le 9 mars, et ensuite 6 jours d'affilée à plus de 1200, avec plus de 2000 pages consultées chaque jour. Ensuite, retour à la fréquentation régulière de 600 à 800 visiteurs quotidiens. Total du mois: 24 912 visites.

    Moi l'un: - Visiteurs uniques ?

    Moi l'autre: - Non: 10 692 visiteurs uniques. Mais quand même !

    Moi l'un: - Ouais c'est pas mal, dis donc ! Surtout pour un blog sans piapia ! Et comment t'expliques ça ? Qu'est-ce qui s'est passé ces jours-là ? T'as regardé ce qu'on a mis en ligne ?

    Moi l'autre: - J'ai regardé, mais à part un long papier sur Sollers et un coup de gueule titré Chiennerie d'époque, à propos de Marcela Iacub et consorts, je n'ai rien relevé de différent de nos denrées quotidiennes. D'ailleurs Sollers a paru quelques jours avant le pic fameux, et la chiennerie un peu après.

    Moi l'un: - Alors c'est peut-être autre chose ? D'ailleurs Sollers ne fait plus tellement recette nulle part, et ce qu'on a dit de DSK n'avait rien de fracassant. Mais bon: peut-être qu'il suffit de ces noms, genre SOLLERS, DSK, NABE, IACUB, pour alerter la meute ? C'est possible,mais pour te dire ce que j'en pense: je m'en contrefous.

    Moi l'autre: - Moi aussi, tu le sais bien, mais c'est quand même intéressant à observer. Et aussi que, pour la fidélité des gens à ce blog, la barre des 500 -700 visiteurs quotidiens ne fléchisse plus depuis au moins cinq ans.

    Moi l'un: - Alors que le nombre des commentaires se restreint de plus en plus. Tu trouves pas ça bizarre ?

    Moi l'autre: - C'est peut-être ta gueule de sanglier et ta façon de claquer les Agressifs Anonymes ?

    Moi l'un: - Sûrement, mais j'assume. Tu m'as assez reproché de ne pas être assez cool, et pourtant je persiste à croire que dialoguer avec des zombies sans visages ou des frustrés teigneux est une perte d'énergie et de temps. Après tout, nous passons des plombes à lire, à écrire, à voir des films, à rencontrer plein de gens, à voyager et à en écrire et ce serait pour se faire chier dans les bottes par des planqués, non mais !

    Moi l'autre: - N'empêche: on a eu du plaisir à retrouver régulièrement de bonnes gens comme Michèle Pambrun, l'ami Redonnet des bords de la taïga, ou notre cher Bona à Sheffield, ou son pote Alcovère à Montpellier, mais ils ne font plus que passer à ce qu'il semble. Il n'y a plus que le formidable Cochonfucius, alias Jean-Baptiste Berthelin, à jouer au ping-pong avec nous...

    Moi l'un: - Ah oui, celui-là, faudrait aussi parler de ses choses à lui: son blog et son labyrinthe d'érudit! Et là c'est vrai qu'on manque de temps pour aller grappiller chez les autres et leur envoyer des salamalecs en retour !

    Moi l'autre: - Et si la meute venait de Facebook ?

    Moi l'un: - Comment ça ?

    Moi l'autre: - Si c'étaient nos 3000 amis de Facebook qui s'étaient donné le mot pour aller feuilleter nos pages de blog ?

    Moi l'un: - Ah tiens: je n'avais pas pensé à ça. Mais je ne crois pas. Sur les 3000 amis que tu dis, c'est déjà beau que 30 d'entre eux fassent attention à nos menus écrits...

    Moi l'autre: - Tu as peut-être raison. Donc le Mystère demeure. Et n'est-ce pas bien ?

    Moi l'un: - C'est tout à fait très bien.

    Moi l'autre: - "Pour vivre heureux, vivons cachés", dit le sage.

    Moi l'un: - Le sage a raison. Tenir un blog de plus en plus fréquenté est la meilleur façon de se cacher...

    Moi l'autre: - Le sage a deux fois raison: savoir que nous avons plus de 3000 amis sur Facebook nous garantit d'en avoir au moins entre 3 et 33 avec lesquels nul besoin de se cacher pour être heureux...