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De parrains à poulains

Bastien01.jpgKis02.jpgConseils à un jeune écrivain de Danilo Kis
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Retouches de JLK, 66 ans, dit Le Parrain (il Padrino)
Ce qu'en pense Max Lobe, 26 ans, poulain de JLK. Ce qu'en pense Bastien Fournier, jeune écrivain romand de 32 ans piqué au jeu. Cet échange s'inscrit dans la persective de l'opération Parrains et poulains réunissant, au prochain Salon du Livre, cinq écrivains romands sexagénaires et cinq jeunes auteurs, à l'instigation d'Isabelle Falconnier.


DK. - Cultive le doute à l’égard des idéologies régnantes et des princes.


JLK. - Tâchons de parler ensemble un de ces soirs, Maxou, de ce qu'est réellement une idéologie...

ML. - Il me semble qu'un écrivain se distingue d'un idéologue par sa façon de faire des constats. Ces constats sont nourris de doutes, qui ne vont jamais dans le sens de la langue de bois...

BF.- Celui qui ne se méfie pas des princes, mais aussi des systèmes en place, des puissants, de tout ce qui est donné comme évident (critiques littéraires, éditeurs, directeurs de théâtre, libraires, jurés de prix, subventionnaires, vieux auteurs assis sur leurs anciens lauriers et placés dans les commissions, décideurs petits ou grands de toute sorte) n’a pas encore assez frotté son poil aux interlocuteurs auxquels a affaire celui qui se mêle d’écrire. Le doute résulte en l’occurrence de l’expérience. Je crains que le statut de prince dans ce domaine. n’ait pas grand-chose à voir avec celui d’idéologue.

DK. - Tiens-toi à l’écart des princes.


JLK. - Toi qui m'a sommé de m'acheter une cravate pour approcher le gouverneur du Katanga, en septembre dernier à Lubumbashi, comment pourrais-je t'en vouloir d'en avoir appris un peu plus, ce jour-là, en observant de près Moïse Katumbi ?

ML. - Non, je crois que si on veut faire évoluer les choses, il faut compter aussi sur les "princes". Quitte à les critiquer, même avec virulence, mais il faut garder le contact avec cette composante de la réalité.

BF. – Pourquoi ? Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes, et peuvent se tromper comme les autres hommes. On le sait depuis Corneille. Pourquoi devrait-on plus que les autres les tenir à l’écart ?

DK. - Veille à ne pas souiller ton langage du parler des idéologies.

JLK. - Si ta langue est vivante elle devrait être assez forte aussi pour intégrer toutes les formes de langage, ne serait-ce que par l'ironie. Même de la novlangue des SMS et de Tweets on peut faire son miel sur Facebook et ailleurs.

ML. - Tout dépend de ce qu'on fait du langage de l'idéologie. Celui-ci peut-être une partie de la vie. On peut jouer même avec le langage de la propagande, pour en montrer l'effet sur les gens. Quand on parle de "camarades", au Cameroun, ça sonne autrement qu'en Union soviétique...

BF. – Qu’est-ce que le parler des idéologies ?

DK.- Sois persuadé que tu es plus fort que les généraux, mais ne te mesure pas à eux.

JLK. - Sourions, mon ami, des gendelettres qui se croient "plus fort" tout en craignant de se mesurer à Goliath alors que David l'a fait sans plume...
ML. - Tout dépend du contexte. Cela paraît comique de se croire plus fort que des généraux, mais on peut y tendre à sa façon...

BF. – Qu’ont à faire les auteurs et généraux ? Ils ne travaillent pas sur le même plan. Relisez la préface de Tacite, il l’explique très bien.

DK. - Ne crois pas que tu es plus faible que les généraux mais ne te mesure pas à eux.


JLK. - Sourions, mon ami, à ceux qui se disent plus faibles que les divisions de Staline - c'est encore une forme de vanité.

BF. – Je me demande la raison de vouloir comme auteur se comparer en force aux généraux. Les généraux ne font pas d’art. Tous les auteurs ne font pas la guerre.

DK. - Ne crois pas aux projets utopiques, sauf à ceux que tu conçois toi-même.

JLK. - À toi qui sais qu'écrire est une utopie en mouvement et le projet de chaque jour, je filerai tantôt la variation claire-obscure de Michel Foucault sur le corps considéré comme une utopie habitable...

ML. - L'utopie est le rêve que chacun de nous poursuis, et je crois forcément à celle qui m'anime. Quant aux projets collectifs, tout dépend là encore du contexte et de l'époque.

BF. – Laisse-moi croire à ce que bon me semble.

DK. - Montre-toi aussi fier envers les princes qu’envers la populace.

JLK. - Nous pourrions aussi parler de cette notion de fierté, un de ces soirs, et de ce qui autorise un écrivain à qualifier les gens de "populace".

ML. - Non je ne suis pas d'accord avec DK: je pense qu'il faut faire preuve d'humilité. Pour nous autres Camerounais, la fierté a toujours un parfum de bluff !

BF. – Je ne suis pas fier envers la populace. Du reste il me semble qu’il faut être le même avec tout le monde si l’on ne veut pas se faire girouette. Hors sujet.

DK. - Aie la conscience tranquille quant aux privilèges que te confère ton métier d’écrivain.


JLK. - À toi qui viens d'un pays où la "promotion canapé" et le "piston" font partie des procédures d'avancement, je n'ai pas de conseil à donner, mais cette notion du "privilège" social mérite discussion.
ML. - Oui, je suis de plus en plus conscient qu'être écrivain est un privilège, puisque ce métier me permet de m'exprimer, parfois au nom des autres. C'est donc aussi une responsabilité. Mais il faut rester serein par rapport au brillant social de ce "privilège".

BF. – Je demande à voir quels sont ces privilèges.

DK.- Ne confonds pas la malédiction de ton choix avec l’oppression de classe.

JLK. - Là, je trouverais intéressant, Maxou, que nous parlions des écrivains africains politiquement engagés genre Mongo Beti et de ce que nous trouvons encore chez eux de bien éclairant en dépit de leur vocabulaire daté et de leurs préjugés de militants - je te vois sourire d'ici en retombant sur les lignes assassines du Rebelle de Mongo Beti contre Ahmadou Kouroma.

ML. - Je ne comprends pas très bien la remarque. Pour moi, un choix n'est pas une malédiction mais une décision qui nous engage. Pour l'oppression de classe: connais pas.
BF. – Je ne comprends pas : l’écrivain est-il privilégié, ou maudit ?

DK. - Ne sois pas obsédé par l’urgence historique et ne crois pas en la métaphore des trains de l’histoire.

JLK. - Nous parlions l'autre soir des croisements et autres collisions des trains historiques de l'Europe et de l'Afrique, et nous savons aujourd'hui qu'il est d'autres urgences historiques que les lendemains qui chantent, mais reparlons donc, un autre soir, de ce que signifie une métaphore et son bon usage...

ML. - Je crois au contraire qu'il y a une urgence historique dans le sens du changement, mais il ne faut pas être trop naïf. Je crois au sens de l'histoire et la métaphore du train ne me dérange pas.

BF. – Pas d’opinion.

DK. - Ne saute donc pas dans les « trains de l’histoire », c’est une métaphore stupide.

JLK. - Le "train" est aujourd'hui le "trend" et nous n'en sommes pas plus dupes toi que moi, mais on peut faire du "trend" une miniature et jouer avec, non ?

ML. - Tout ce que j'écris se réfère, à mon petit niveau, à l'histoire qui est encore bien récente pour moi. Mais oui: j'aurais tendance à sauter dans le train!

BF. – Pourquoi ignorer ce que nous avons sous nos yeux ?

DK. - Garde sans cesse à l’esprit cette maxime : «Qui atteint le but manque tout le reste ».

ML. -Mais c'est quoi "tout le reste" ? Si on vise un but, on le préfère évidemment à tout ce qui est à côté. Reste à savoir quelle priorité on se donne.

BF. – Sauf si le but est l’art, l’œuvre, la beauté.


DK. - N’écris pas de reportages sur des pays où tu as séjourné en touriste ; n’écris pas de reportages du tout, tu n’es pas journaliste.


JLK. - C'est un préjugé littéraire d'époque que de décrier, après Mallarmé, l'universel reportage. Balzac est-il écrivain ou journaliste quand il écrit Illusions perdues, géniale peinture de l'expansion industrielle du journalisme ? Les notes respectives que nous avons prises à Lubumbashi sont-elles d'écrivains ou de journalistes ? Le mieux serait de relire les entretiens de Jacques Audiberti avec Georges Charbonnier où l'écrivain-poète-journaliste-dramaturge distingue nettement les degrés divers d'implication de ce qu'il appelle l'écriveur, l'écrivan et l'écrivain.

ML. - Je ne suis pas tout à fait d'accord avec DK: il y a reportage et reportage. Je pourrais très bien me documenter sur une réalité que j'ignore par un reportage, en vue de l'écriture d'un roman. Mais le travail de l'écrivain se distingue en effet de celui du reporter.

BF. – Les journalistes ont droit à la parole artistique comme les autres, touristes ou non.

DK. - Ne te fie pas aux statistiques, aux chiffres, aux déclarations publiques : la réalité est ce qui ne se voit pas à l’œil nu.

JLK. - Méfions-nous des frilosités esthètes des gendelettres qui ont peur des chiffres et des discours auxquels ils prêtent évidemment trop d'importance.

ML.- Là, je suis plutôt d'accord avec DK. Si je parle d'un personnage au chômage dans une fiction, je ne vais pas encombrer le livre de statistiques ou de documents bruts.

BF. – La réalité se voit aussi à l’œil nu. Ce qui ne se voit pas à l’œil nu est du domaine de l’interprétation, de l’opinion, du changeant. Une déclaration publique est un acte politique et en tant que tel un objet pertinent pour l’observateur de son temps.

DK. - Ne visite pas les usines, les kolkhozes, les chantiers : le progrès est ce qui ne se voit pas à l’œil nu.

JLK. - Pour ma part, mais je n'ai pas besoin d'insister avec un loustic de ton genre, j'irais plutôt fourrer mon nez partout et sans chercher le progrès nulle part puisqu'il va de soi quand on travaille.

ML.- Là encore, je suis d'accord. Un romancier n'a pas besoin de faire de la prison pour parler du milieu carcéral. Il s'agit plutôt de feeling, par rapport à une situation humaine, et beaucoup d'écrivains parlent de situations qu'ils n'ont pas forcément vécues.

BF. – Le progrès, c’est surtout, pour récuser le langage des idéologies, un concept qui commence à dater.

DK. - Ne t’occupe pas d’économie, de sociologie, de psychanalyse. Ne te pique pas de philosophie orientale, zen-bouddhisme. etc : tu as mieux à faire.

JLK.- Je ne sais absolument pas ce que tu aurais "de mieux à faire", étant établi que j'ai perdu mon temps à m'occuper l'esprit et le corps de toute sorte de sujets (de l'étude des fourmis à la gnose ou de la poésie t'ang à la webcamologie pathologique) qui m'ont tous apporté quelque chose y compris moult rejets et moult égarements momentanés.

ML. - Il me semble au contraire qu'n a besoin d'un peut tout pour écrire. On peut ne pas lire Freud mai pourquoi pas ? Et pourquoi ne pas s'intéresser à l'économie puisque ça fait partie du monde qui nous entoure ?

BF. – Rien de ce qui humain ne m’est étranger. Térence.

DK. - Sois conscient du fait que l’imagination est sœur du mensonge, et par là-même dangereuse.

JLK.- Méfie-toi des maximes littéraires équivoques style "l'imagination est soeur du mensonge" qui ne rendent compte ni de la réalité de l'imagination ni de celle du mensonge.

ML. - Si l'imagination consiste à affabuler gratuitement, et par exemple à écrire que Paul Byia est un zoophile, d'accord. Mais je ne vois pas en quoi l'imagination, qui véhicule tout notre arrière-monde mental et sentimental, social ou culturel, serait dangereuse.

BF. – L’imagination est la dignité de l’homme. Relever son danger, c’est maintenir les hommes à l’état de bêtes.

DK. - Ne t’associe avec personne : l’écrivain est seul.

JLK. - Georges Haldas me dit, lors de notre premier entretien (j'avais ton âge), qu'il y a "un diable sous le paletot de tout écrivain", donc attention aux associations sans recul ironique. Quant à la solitude, elle est parfois terrifiante (celle de Dostoïevski entouré de sa bruyante et ruineuse parenté) quoique pondérée par une présence douce (ce dragon d'Anna Grigorievna), mais n'en faisons pas un drame puisqu'on choisit d'écrire.

ML. - Non, c'est tout faux: l'écrivain n'est pas seul, il a besoin des autres. Seul peut-être au moment d'écrire, et seul é signer son livre. Mais l'écrivain a besoin de rapports humains constants comme n'importe quel artiste, ou alors il vit dans une tour d'ivoire coupée du monde et risque la stérilité.

BF. – Il y a des écrivains qui sont seuls et d’autres qui ne le sont pas. Il y en a de grands et des petits. De quel droit dire ce qu’est ou n’est pas un écrivain ?

DK. - Ne crois pas ceux qui disent que ce monde est le pire de tous.

JLK. - À la fin de sa vie, ma mère préférait les films d'animaux aux nouvelles, et la cruelle Patricia Highsmith me dit qu'elle n'osait pas regarder la télé à cause du sang. Quant aux généralités sur "le pire" et "le meilleur", ce sont aussi des ingrédients utiles dans le pot-au-feu de l'écrivain.

ML. - On croit que ce monde est le pire de tous parce que celui du voisin nous semble meilleur. Mais je peux constater ensuite que le sort des autres est bien pire que les mien et changer complètement d'optique.

BF. – De quels autres mondes parlons-nous ?

DK.- Ne crois pas les prophètes, car tu es prophète.

JLK. - Le côté sentencieux de Danilo Kis est assez typique de la société littéraire de l'Europe de l'Est se frottant à la culture française. Mais on pourrait aussi trouver cette emphase chez les adeptes nudistes de certains écrivains-prophètes anglo-américains. Cela dit que me répondrais-tu si je te disais comme ça: "Ne crois pas les griots, car tu es griot".

ML. -Je ne crois pas aux prophètes et ne me prendrai jamais pour l'un d'eux. En revanche, je crois aux bons anges qui nous protègent et nous assistent. Toutes les bonnes pensées et les bonnes paroles, les bons gestes des gens qui nous veulent du bien valent tous les prophètes et autre prêcheurs...

BF.- Les prophètes finissent mal. Leurs ailes de géants les empêchent de marcher. A titre personnel je ne souhaite pas l’être, et je blâme ceux qui s’en piquent.

DK.- Ne sois pas prophète, car le doute est ton arme.

JLK. - Danilo Kis ne doit pas bien connaître les prophètes, qui sont fondamentalement des bêtes de doute...

ML: - Ben voilà: le doute m'empêche d'être prophète, c'est ça que je crois.

BF. – Le prophète Jonas doute : d’où le séjour comme Geppetto dans le ventre de la baleine.

DK. - Aie la conscience tranquille : les princes n’ont rien à voir avec toi, car tu es prince.

JLK. - Words, words, words, me répète volontiers notre amie la princesse bantoue à qui on ne la fait pas en matière de flatterie et, moins encore, de confusion des grades.

ML. - Non, vraiment, ce mot de "prince" ne me convient pas, et surtout pas pour moi. D'ailleurs j'ai horreur de l'élitisme.

BF. – Ces formulations paradoxales sont peut-être d’une profondeur insondable, mais elles deviennent vite fatigantes.

DK. - Aie la conscience tranquille : les mineurs n’ont rien à voir avec toi, car tu es mineur.

JLK. - Dans notre discussion prochaine sur les métaphores, n'oublions pas ces figures du kitsch littéraire: que l'écrivain est un mineur, un veilleur, un allumeur de réverbères, que sais-je encore que n'ont pas écrit Saint-Ex ou l'inénarrable Paulo Coelho.

ML. - Je ne vois pas pourquoi je n'aurais pas la conscience tranquille, même par rapport à un mineur, et peut-être qu'un écrivain est un mineur à sa façon, mais je ne me vois pas descendre à la mine en réalité et la comparaison a quelque chose de trop "littéraire" pour moi...

BF. – Les auteurs ne sont pas des mineurs, et ne s’exposent à aucun coup de grisou, à aucune silicose. Il y a tout de même des conditions plus difficiles que les autres.

DK.- Sache que ce que tu n’as pas dit dans les journaux n’est pas perdu pour toujours : c’est de la tourbe.

JLK. - Cette crainte implicite de ce qui serait "perdu" pour n'avoir pas paru dans un journal est un autre signe de l'incroyable vanité littéraire, qui prend ici un relief particulier au vu du bavardage généralisé des médias.

ML. - Bah, si tu ne l'as pas dit cette fois tu le diras une autre fois. Rien ne se perd...

BF. – Ce qui est dit dans les journaux sert souvent comme la tourbe dans la cheminée.

DK. - N’écris pas sur commande.

JLK. - Si la commande du tiers recoupe la tienne, n'hésite pas à écrire même si c'est mal payé ou pas du tout.

ML. - Cela dépend évidemment de la commande. Si je reste libre d'écrire ce qui me chante: pas de problème. Cela peut même être stimulant parfois. Donc pas de règle.

BF. – J’écris sur commande si je veux. Je ne sais pas ce que c’est qu’un écrivain, mais il me semble qu’il s’efforce avant tout d’être libre.

DK. - Ne parie pas sur l’instant, car tu le regretterais.

JLK. - Parie au contraire sur chaque instant, car chaque instant participe de l'éternité, surtout vers la fin.

ML. - Parier sur l'instant: en tout cas pas.

BF. – L’écrivain ne parie pas. Il crée.

DK. - Ne parie pas non plus sur l’éternité, car tu le regretterais.

JLK. - Parie également sur l'éternité, car c'est sous l'horizon de la mort qu'on écrit de bons livres, dont l'éternité est la plus féconde illusion.

ML. - L'éternité, c'est quoi ? Qu'est-ce que j'en sais, moi.

BF. – Même remarque.

DK. - Sois mécontent de ton destin, car seuls les imbéciles sont contents.


JLK. - Affirmer que "seuls les imbéciles sont contents" est une imbécillité comme nous en proférons tous à tout moment, mais il est vrai que l'insatisfaction est bonne conseillère, sans qu'on en fasse un procès du destin -un jeune écrivain n'a de destin que devant lui.

ML. - Je ne suis pas mécontent de mon destin, mais le fait d'être mécontent peut être un ferment créateur, bien plus que l'autosatisfaction.

BF. – L’insatisfaction provoque la souffrance. Le mécontentement engendre la frustration. Pourquoi haïr les écrivains au point de les priver de la perspective du bonheur ? Leur crime est-il si grave ?

DK. - Ne sois pas mécontent de ton destin, car tu es un élu.

JLK. - C'est ça mon poney: tu es un élu. Il y a aussi des peuples élus. Et des sentences réversibles aussi creuses dans un sens que dans l'autre.

ML. - En effet, je me sens élu "quelque part".

BF. – Par qui ?

DK. - Ne cherche pas de justifications morales à ceux qui ont trahi.

JLK. - Cette question de la trahison est délicate, parfois insondable. Dis-moi qui te dit que tu as trahi et je te dirai pourquoi il le dit. Ce n'est pas justifier du tout la trahison. C'est s'interroger sur la complexité humaine, à quoi s'attache la littérature. Iago en est un modèle, mais il en est mille autres aux motifs que la morale pourrait justifier parfois au dam des prétendus "fidèles".

ML. - Oui, c'est une question complexe. Est-ce que le fait de trahir un régime tyrannique est une trahison ? Et le fait de ne pas être fidèle à un ami qui défend des idées indéfendables ou se comporte comme un salaud ? Il peut donc y avoir des justifications morales au fait de ne pas être fidèle à quelqu'un qui trahit un idéal...

BF. – Rien n’est tout noir ou tout blanc...


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