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Du chien

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Diatribe de Ludwig Hohl contre les chiens supposés nuire à l'esprit; avec un bémol final...

Le plus clair de son temps, à quoi le passe-t-il ? Soit à faire ses besoins, soit à quêter l'odeur d'urine, aboiements à l'appui.

Le gros avantage de Vienne sur la Hollande, et même sur d'autres régions plus agréables: on n'y porte nulle estime à ces créatures sans nom, qui sont tenues au port de la muselière. C'est un début. Moi je rêve d'un Etat futur où les chiens seraient éradiqués. (Comme on fait aujourd'hui pour les sangliers, qui en comparaison ne sont que de braves bêtes innocentes. - Pour tout chien supprimé: une récompense; pour tout chien dissimulé, une amende).

Existe-t-il un seul homme d'esprit qui estime les chiens ?

Ils prétendent en avoir besoin pour garder la maison.- Pourquoi pas des ours, des serpents, des tigres ! Ceux-ci ne tuent que les corps; les chiens, eux, tuent l'esprit.

Et puis, qu'ont-ils donc à garder tellement ! Les voleurs ne sont pas aussi dangereux que les chiens, et de loin. Qu'on s'arrange pour posséder un bien qui ne peut être volé ! L'homme a le devoir d'être riche: la richesse, c'est la productivité, c'est le pouvoir de donner; si l'on est riche en argent, eh bien qu'on le donne.

Les sons émis par les chiens: simplement les sons !Existe-t-il un seul être pensant dont les pensées n'aient pas été tuées par cela ? - Sur mon âme ! Quand cela survient la nuit, quand l'aboiement déchire l'obscurité; quand dans la rue calme, surgi par derrière, un cabot renifle... - n'est-ce pas alors qu'il faudrait tenir, à portée de la main, un revolver chargé ?

Mais regarde donc les mouvements de cette créature accompagnant son "maître": as-tu des yeux ?

Regarde-les, regarde ces pieds plats, ces jambes hautes, ces longs poils et ces poils ras ! Regarde le manège de leur queue, leur démarche louvoyante et oblique ! Leur museau lubrique, leur langue pendante, leurs yeux doucereux et coulants, ou qui leur sortent de la tête comme des belladones; et leur pelage, paradis des puces ! Est-il rien de plus stupide qu'une patte de chien ? Regarde ces petits roquets blancs, ou ces chiens de berger, avec leur faciès de maître d'école ! Et qu'est-ce qui unit toutes ces créatures ? La recherche nasale, incessante et frénétique, de l'urine.

On peut faire une petite exception pour quelques exemplaires de certaines grandes races (à vrai dire je distingue mal des "races" parmi la racaille). Sans rien avoir qui les rapproche de l'homme ou des animaux supérieurs, ces quelques exemplaires évoqueraient plutôt le crapaud; c'est ça: leur comportement s'apparente vaguement à celui du crapaud.
En comparaison du chien, même la punaise est admirable. La punaise et ses entreprises fantastiques: telle un tank, elle accomplit avec peine un voyage infini, semé d'embûches et de complications.Parvenue au bout, elle oeuvre, toute à sa passion, sur le corps d'un homme dont les dimensions, comparées aux siennes, défient notre imagination: une montagne, mais une montagne qui remue, et qui pourrait se renverser sur elle.

Les chiens ! Pour ces créatures qu'on a coutume d'appeler Flora, Fauna, Victoria, je propose les noms suivants: Oeil-de-pute, Sac-à-puces, Innommable !. (*)

(*) On risque de ne pas comprendre qu'il s'agit de poser des principes, et non de haïr quelques pauvres créatures. Au fond, j'exhale surtout ma rage contre certaines caractéristiques humaines. Un certain type humain. S'il est nécessaire, cependant, de faire des exceptions, je citerai en tout premier lieu le petit chien décrit par Konrad Bänninger dans L'Esprit du devenir; et celui du Divan de Goethe, qui, avant d'être admis au paradis, a "si fidèlement accompagné les Sept Dormants" dans leur sommeil.
(...) Je pourrais citer encore d'autres cas. Je m'en tiens à celui-ci: je venais de poser ma plume et je sortais dans la rue. Là, juste au coin, un petit chien inconnu m'attendait; son regard était si plein de reproche que je compris tout de suite: "Il a lu mon texte". Il n'aboyait pas. Son reproche, si calme, confinait à la tristesse. Je lui donne ici l'assurance qu'il n'était pas concerné par ma diatribe.


Ludwig Hohl, Notes ou de la réconciliation non-prématurée. Traduit de l'allemand par Etienne Barilier. L'Age d'Homme, 1989, 535p,


Image: le fox Snoopy, ange gardien de La Désirade.

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