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Nulle part ailleurs

pensées en chemin,notes de voyage

 Chemin faisant (7)

Tous les départs. – Le sentiment ne m’est apparu qu’avec le temps que le point de départ se situe partout et que c’est tous les jours, comme à l’instant au promontoire de ce jardin dominant le Tage, qui me rappelle mes premiers départs d’un balcon en forêt à l’adolescence, dans l’état chantant des appels de Cendrars, vers une vie plus libre et pour écrire là-bas mieux que dans mon quartier de nains de jardin, par exemple à Sienne ou à Cortone, à Venise ou à Rome, et je partais mais n’en ramenais rien que les lumières infuses de Sienne, au déclin du jour orangé sur le Campo, des immatérielles collines de Cortone ou des crépuscules de Rome aux jardins de la villa Borghese.

pensées en chemin,notes de voyageDans le bleu. – Or, c’est cela justement qui nous est donné par le ciel de Lisbonne, c’est ce bleu, tout ce grand bleu que parcourt le vent à grandes enjambées, nous échevelant dans ce geste déjà familier de ses grande mains salées par la mer ou les monts, c’est ce bleu dans lequel on se dit qu’en effet on nage un peu, comme étourdi, secoué, mais c’est parti, cette fois c’est vraiment parti, le bleu s’est mis à parler, les azulejos à danser là-bas sur les murs et dans les patios, et me revoici sur ce balcon en forêt, quelques vies auparavant, au milieu de cette clairière où s’est formé le sentiment que c’était là que ça se passait et que partir n’aurait de sens que pour vérifier que tout se passe ici, à l’instant même et nulle part ailleurs…

pensées en chemin,notes de voyageLe geste de Léon. – Le geste du Léon de Manet de former sa bulle et d’en suspendre l’éclat résume à mes yeux ce chef-d’œuvre réalisé du moment pur de l’art, plus fragile et plus inutile on ne saurait imaginer, c’est l’instant absolu qui retient son souffle et pour l’éternité figurée que représentent les objets, car ce n’est qu’un objet mais qui nous fait signe, et voici que nous nous en arrachons avec son secret, Léon nous a dit son bonheur enfantin de former cette bulle, toute la grâce d’une enfance bientôt passée, toute la gravité de se sentir sans âge.

Edouard Manet. Les bulles de savon, 1867. Fondation Callouste Gulbenkian, Lisbonne.

Commentaires

  • Le bleu du ciel lisboète... Et le blanc ? le blanc de la pierre-mosaïques des trottoirs qui, par les jours de soleil, monte vers vous et vous blesse les yeux. C'est le souvenir physique le plus "sensible" que j'ai retenu de Lisbonne (ville de grand bonheur, en effet : où l'on retrouve ce qu'on a perdu ailleurs en Europe, une sensibilité douce. Idem à Porto).
    À la fondation Gulbenkian, je me souviens d'un Gainsborough, un portrait de femme dans les teintes brunes : une pure merveille.
    Vos papiers, en fait, me donnent envie d'y retourner et de relire Pessoa.

  • J'ouvre à nouveau "Le Maître des couleurs"... Ah, ces nouvelles...
    A la fin de "Fils du vent" vous citez Katherine Mansfield et ces mots, relus ce matin, teintent cette bulle de savon -si belle- d'une douce et terrible mélancolie :
    "Un grand vapeur, d'où coule une longue boucle de fumée, va vers le large, ses sabords sont allumés, il a des lumières partout.
    Le vent ne l'arrête pas, il coupe les vagues et se dirige vers l'ouverture béante entre les rocs pointus qui mène à... C'est la lumière qui lui donne cette beauté si terrible et ce mystère."

  • J'ouvre à nouveau "Le Maître des couleurs"... Ah, ces nouvelles...
    A la fin de "Fils du vent" vous citez Katherine Mansfield et ces mots, relus ce matin, teintent cette bulle de savon -si belle- d'une douce et terrible mélancolie :
    "Un grand vapeur, d'où coule une longue boucle de fumée, va vers le large, ses sabords sont allumés, il a des lumières partout.
    Le vent ne l'arrête pas, il coupe les vagues et se dirige vers l'ouverture béante entre les rocs pointus qui mène à... C'est la lumière qui lui donne cette beauté si terrible et ce mystère."

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