Celui qui a vu l’étoile s’arrêter au-dessus de la maison de briques de Blackburn / Celle qu’un simple nécessaire de toilette mauve a pu faire rêver dès sa treizième année / Ceux pour qui traverser la Manche signifiait : rêver de châteaux en Espagne / Celui qui se console de son statut de magasinier à Bathgate en se disant que les pièces de rechange sortant de son usine iront à des Jaguar et autre Rover / Celle qui voit en la dactylographie une manière de danse à dix doigts / Ceux qui estiment qu’il n’y a pas de sot métier mais que ça aide d’être capitaine d’industrie / Celui qui invite sa petite dernière de dix enfants à renoncer momentanément à l’acquisition d’un pianola / Celle que son bégaiement handicape à la trompette / Ceux que leur bec-de-lièvre ont fait prendre en grippe les paparazzi / Celui qui en tant que catholique pratiquant s’est efforcé d’éloigner ses enfants de la Tentation représentée par les premiers 45tours des Beatles en les dirigeant vers Cliff Richard le converti du rock’n’roll / Celle qui a toujours pensé que la beauté était surtout un truc intérieur comme l’a d’ailleurs dit Miss Donegal au soir de sa Victoire de Belfast / Ceux qui se sont fait une oreille sûre en écoutant la pluie tomber sur les containers remplis de déchets carnés / Celui qui a entendu l’Appel et s’est aussitôt choisi un nouveau chapeau style évangéliste du Tennessee / Celle qui flaire l’odeur du péché à quinze mètres ce qui l’empêche de jouir de son propre parfum à la vanille / Ceux qui se demandent ce que peut valoir aujourd’hui l’Action God / Celui qui rappelle à son fils Lester que chanter Sugar Sugar Baby du matin au soir ne suffit pas forcément à retenir une jeune fille bien dotée / Celle qui fait les troncs pour se payer de quoi se faire belle pour Le Seigneur / Ceux qui ont appris à chanter quand ils étaient au fond du trou et en ont perdu le goût maintenant que tout roule / Celui qui prie les trois Personnes divines pour que Susie sa cousine terrasse ses quatre cents concurrents de sa voix pure d’ange sublimant son surpoids avec l’innocence des vraies divas / Celle qui croit que son oncle anglophone la menace quand il lui dit God bless you / Ceux qui sont venus de loin pour entendre Susan Boyle chanter I dreamed a dream (j’ai rêvé un rêve) et qui sont donc revenus le soir d’encore plus loin, etc.
(Cette liste a été établie au fil de la lecture de Susie la simple, une biographie de Susan Boyle, établie par Alonso Llorente et agrémentée d’une sémillante postface d’Alexandre Frierich, aux éditions Art&fiction de Lausanne)
Commentaires
Merci, cher JlK, pour cette magnifique liste...
Oserai-je préciser que la postface, pour sémillante qu'elle soit, n'en est pas moins signée Alexandre FrieDErich.
Cordialement, Susie
well, sorry Susie, et merci Alex de corriger...