Un roman qui se la joue polar paramystique genre Sailor et Lula de SF: Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute.
Cela commence par un braquage dans une vieille poste de la région parisienne et la ligne de fuite de la narration suit la cavale d’un couple « speedé », porteur d’un neurovirus dangereux qui a cela de particulier de rendre plus «performant». Lui, fils de gauchiste rejetant son paternel, informaticien de formation et se rêvant flic-mercenaire, s’est retrouvé braqueur avec Karen, journaliste lausannoise (!) issue d'une famille de Tchèques victimes du nazisme-et-du-communisme et fan du saxophoniste déjanté Albert Ayler, massacré en 1970 à New York. La motivation finale de ce couple d’enfer semble de se retirer sur une île lointaine. Un cliché de plus. Et même fastidieux si l’on compte les paragraphes consacrés aux ruses des protagonsites pour échapper à leurs poursuivants et planquer leur butin. Quelques épisodes violents relanceront l’intérêt du lecteur friand d’arts martiaux divers, mais c’est sur un autre plan qu’on retrouve (un peu) Dantec, même s’il n’a plus l’air d’y croire tellement lui-même.
Le « plan » en question recoupe, on s’en doute, les composantes spatio-temporelles de la réalité, les interférences entre matière et musique, science et mystique. Au passage, on aura appris que le neurovirus, dit de Schiron-Aldiss, déclenche «une appréhension nouvelle des phénomènes quantiques, probabilistes et relativistes». Sic. Et dans la foulée, Dantec nous rappelle les travaux de l’anthropologue Jeremy Narby sur le serpent cosmique, grâce auxquels nous savons désormais comment le chaman qui est en nous peut connecter son ADN personnel à la grande hélice cosmique...
Quant à l’angéologie version Dantec, elle joue ici sur quelques motifs narratifs resucés, avec la mission révélée à Karen, via les «états augmentés» du neurovirus, de sortir Albert Ayler de ses limbes pour le réintégrer dans sa «forme infinie». En quelque sorte : le salut par le saxo et l’intercession féminine. Albert lui-même, avec son instrument, est chargé de sauver l’équipage de la station Mir en train de se crasher. Mais rien ne se fera sans le couple «élu». Trop sérieux s'abstenir... Or, comme il s'agit de faire un peu sérieux quand même, il est précisé que le braqueur camé qui nous a embarqués a lu quelques livres édifiants durant sa période d’isolement médico-sécuritaire: un peu de Jung-Freud-Reich, mais aussi de l’ethnologie aborigène, la Bible et le Pères de l’Eglise en multipack.
Ainsi cette bédé pour ados «augmentés» débouche-t-elle finalement sur cette révélation: La Révélation, justement, autrement dit l’Apocalypse, vers laquelle on se dirige à pas chaloupés dans les «blue suede shoes» d’Elvis sur lesquels il est recommandé de ne pas marcher, sinon gare à la tatane - destination finale : Armageddon…
Maurice G. Dantec. Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute. Albin Michel, 210p. En librairie le 8 janvier 2009.
Cet article a paru dans l'édition de 24Heures du 30 décembre 2008.
Commentaires
Vous non plus vous n'êtes pas convaincu.
Je viens de lire cette critique qui n'est pas positive. C'est dommage.
http://culturofil.net/2009/01/17/comme-le-fantome-d%E2%80%99un-jazzman-dans-la-station-mir-en-deroute-de-maurice-g-dantec/